1. Malcom Fraser et la belle-fille de Rose Hervé

Saviez-vous que… la belle-fille de Rose Hervé était l’une des amantes de Malcom Fraser, seigneur de Mount Murray

 

Geneviève Hamon (1750-1824) est née à Saint-Roch-des-Aulnaies le 15 juillet 1750 du mariage de Jean Hamon (1716-1760), un breton arrivé au pays vers 1739 et d’Angélique Pelletier (1721-1756).  Elle aura une enfance bousculée par les événements malheureux.  Elle n’a que cinq ans quand sa mère meurt et six quand Rose Hervé (1730-1816), la seconde femme de son père, fait son entrée dans la maison.  Il est même possible que Rose ait été la gouvernante engagée pour voir aux enfants à la mort de leur mère, car Jean Hamon est un ami du colonisateur Sébastien Hervé (1795-1759), le père de Rose.  À neuf ans Geneviève vit les raids anglais dans son village alors que son père est parti combattre.  Ce dernier décédera des blessures subies lors de la guerre de la conquête.  Peu de temps pas la suite, Geneviève est placée comme bonne à l’Isle-aux-Coudres dans une famille apparentée à sa belle-mère.

En 1775, à vingt-quatre ans, elle épouse à l’Isle Charles Amable Antoine Marier, cousin de Rose Hervé, sa belle-mère.  Les deux époux partagent un vécu similaire.  Tous deux ont le même âge et ont perdu leur père cette même année 1759.  Le couple aura trois enfants à l’Isle-aux-Coudres.  Vers 1780, la famille part s’établir à Murray BayGeneviève aura quatre autres enfants, le dernier en 1789.  Peu de temps après cette dernière naissance, son mari meurt dans des circonstances qui nous sont inconnues, sans doute noyé.  Geneviève qui a trente-neuf ans se retrouve avec au moins cinq orphelins.  Qu’est-il arrivé à ces enfants.  A-t-elle placé les plus vieux en âge de travailler chez de la famille comme on l’avait fait pour elle? Chose certaine, à son décès, elle ne couchera aucun d’entre eux sur son testament.

La petite histoire de Geneviève Hamon


Pendant ce temps, Malcom Fraser (1733-1815), le seigneur écossais de Mount Murray, âgé de cinquante-six ans, vit entre Québec et son manoir de Mount Murray.  À Québec, il entretient Marie Allaire (1739-1822), sa première concubine rencontrée en 1765, avec qui il a eu trois enfants et poursuit cette relation.  Dans son manoir de Mount Murray, il vit avec la jeune Marie Marguerite Ducros (1763-1837), sa concubine de l’endroit qui est probablement enceinte.  Cette double relation de concubinage ne l’empêchera pas d’avoir une réputation d’homme volage qui se soit rendu jusqu’à nos jours.  En plus de ses concubines reconnues, il est réputé avoir eu des relations avec quelques Canadiennes de l’endroit.  Geneviève sera l’une de celles-là. 

De cette liaison naîtra un fils, Ignace Lazare, «illégitime, né de père et mère inconnu» selon l’inscription au registre lors de son baptême à «St-Etienne de la Mal-Baye».  Le parrain et la marraine de l’enfant illégitime sont des parents de Geneviève.  Le parrain est son beau-frère.  Ignace Lessard (1762-1822).  Marie Louise Savard (1764-1836), la marraine, est une petite cousine mariée à Joseph Villeneuve dit Amiot (1753-1799), un voisin de Geneviève à l’Isle-aux-Coudres.  Selon la tradition orale et quelques solides preuves documentaires, Geneviève aurait accouché de son fils Ignace au manoir du seigneur Nairne de Murray Bay le 14 juillet 1794.  A-t-elle vécu ses derniers mois de grossesses au manoir?

Le seigneur Nairne prendra sous son aile cette naissance illégitime, fruit de la relation de Malcom Fraser avec Geneviève.  John Nairne voyait ainsi un moyen de sauver l’honneur de son grand ami Malcom Fraser qui n’en avait probablement que faire, mais qui ne voulait tout de même pas provoquer la colère de sa concubine de l’endroit, Marie Ducros dite la terreur.  À cette enfant, le seigneur donnera le patronyme de Murray, nom de sa seigneurie.  Ainsi Ignace l’illégitime devenait Ignace Murray.

Ce ne sera pas la dernière situation où le seigneur Nairne aura recours à un tel stratagème auquel sans doute lui seul croyait.  Il récidivera lors de la naissance d’un enfant illégitime de l’une de ses filles trois ans plus tard.  On donnera à ce dernier le nom de Pierre Murray.  Les trois Murray de la vallée de Saint-Étienne, car une troisième naissance viendra, ne sont pas écossais; ils sont le résultat de liaisons illégitimes des Fraser et des Nairne avec des gens du pays. 

On ne connaît évidemment pas les circonstances entourant la rencontre de Fraser et de Geneviève.  On ne sait pas non plus combien de temps dura cette relation.  Veuve ayant de nombreux enfants à sa charge, elle travaillait peut-être dans l’un des manoirs des seigneurs.

Quoi qu’il en soit, trente mois plus tard, Geneviève épouse Joseph Gravel (1747-1823), un veuf qui n’en est pas à ses premières armes dans le domaine conjugal.  Son union avec Geneviève est sa quatrième.  Cette fois-ci par contre, ce sera Geneviève qui lui survivra.  Cela ne l’empêchera pas d’accoucher de deux autres enfants avant sa cinquantaine.

Après que son veuf se soit éteint en janvier 1823, on trouve Geneviève chez elle «morte depuis plusieurs jours» en janvier 1824.  Elle est inhumée dans le cimetière Saint-Étienne de la Malbaie le 26 janvier.  Si le seigneur Nairne croyait avoir sauvé les apparences, il est peu probable que Geneviève partageait sa retenue.  Elle n’emportera pas son secret dans l’au-delà, si secret il y avait.  Lors de la rédaction de son testament peu avant sa mort, elle reconnaît Ignace Murray comme «son cher et bien aimé fils» et le fait héritier de tous ses biens.

On sait qu’Ignace avait habité toute sa vie avec sa mère Geneviève Hamon jusqu’à son mariage à Modeste Brassard (1796-1879) en 1821.  Pendant la période précédant ce mariage, Ignace travailla indirectement pour son demi-frère d’une certaine façon.  En effet en mai 1818, William Fraser (1794-1830) avait permis à Louis Boulianne (1766-1836) de sous-louer pour cinq ans les droits de pêche qu’ils lui avaient accordés à Port-au-Saumon.  William Fraser est le fils de Malcom et de Marie Ducros dit Laterreur (1763-1837), sa deuxième maîtresse officielle, celle de Mount Murray.  C’est Peter Leggatt (1790-post.1861) qui obtient le contrat en sous-location.  À l’époque, résident de Québec, Leggatt embauche le même mois, pour deux ans, Ignace Murray afin de voir à cette pêche.

Ignace Murray, avec ses moyens, sera l’un des actionnaires principaux de la Société des Vingt-et-un qui verra le jour en 1837. 

L’histoire de Geneviève permet de comprendre le lien qui unira Ignace Murray aux frères François (1800-1871) et Denis Hervé (1802-1887), ses coassociés dans cette entreprise des Vingt-et-un.  Geneviève Hamond, la mère d’Ignace, était non seulement la belle-fille de Rose Hervé, la sœur de Dominique Hervé (1736-1812), leur grand-père, mais elle était également devenue la cousine de leur père David Louis Dominique Hervé (1764-1837) par son premier mariage et cela après avoir été pendant nombre d’années la bonne de sa tante.

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