Saintonge Charente et Charente maritime

Les églises romanes charentaises portent les couleurs de leur terre : tendre calcaire, dur granit, petits moellons gris, toits de tuiles, de lauzes, d’écailles de pierre.

Vers la fin du XIe siècle, toutes les conditions sont réunies pour créer les édifices romans les plus aboutis. L’église est puissante et riche, la prospérité économique et démographique est au rendez-vous, les pèlerins affluent en masse.

Entre temps, les outils, les artisans et les techniques se sont perfectionnés. Les constructions se multiplient.

L’église est alors agencée pour augmenter la capacité d’accueil, faciliter la circulation du public pendant les cérémonies et s’adapter aux impératifs liturgiques, notamment avec la vénération de multiples saints.

La nef se pare de collatéraux (Cellefrouin, Lichères...), véritables couloirs de circulation des fidèles, prolongés par le déambulatoire. Celui-ci dessert les absidioles qui fleurissent au fond du chœur. Chacun peut ainsi avoir accès aux saintes reliques, qu’elles protègent, et aux différents offices qui s’y déroulent.

Enfin, dès le début du XIIe apparaît un élément majeur de l’art roman charentais : la façade écran.

Elle est le résultat de la grande réforme de l’Eglise entreprise par le pape Grégoire VII au milieu du XIe siècle.

Prenant le contre-pied de Saint-Bernard, qui prônait le plus grand dépouillement, les dignitaires religieux sont convaincus que la décoration, sous forme de sculptures peintes, est un précieux outil de conversion.

Mettre en garde contre les dangers de la vie terrestre, des vices, des tentations et glorifier la miséricorde de Dieu et la vie de l’au-delà, telle est la mission très codifiée du décor. Cette doctrine se répand plus vite et plus fortement dans le Sud.

En Charente, la cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême illustre cette démarche par sa superbe et monumentale façade-écran.

Une véritable mise en scène panoramique qui interpelle le croyant avant son entrée dans l’édifice.

Pour faire face aux incendies, la nef s’élève plus haut. Elle s’achève alors par une série de vastes coupoles en pierre, symboles de la voûte céleste. La cathédrale d’Angoulême est le plus bel exemple de ce système de couvrement appelé « file de coupoles » (dont avait été dotée, au préalable, la cathédrale Saint-Étienne de Périgueux). Ce modèle fait ensuite école en Charente.

Il est encore visible dans les églises de Fléac, Bourg-Charente, Châtres, Gensac-la-Pallue.

Cette nouvelle technique de couvrement apporte une lumière plus dense dans les édifices, par des baies percées aux sommets des murs. Elle va aussi engendrer une multiplication des colonnes, dont les chapiteaux servent rapidement de supports de décoration.

Pour la population illettrée, l’église est un lieu essentiel d’échange culturel et spirituel.

A l’extérieur et à l’intérieur des églises, partout les images sont projetées vers le croyant et balisent son cheminement spirituel. L’objectif est d’élever les âmes, de frapper les imaginations et de délivrer un message permanent. Ces images se répondent et ne sont jamais le fruit du hasard : leur emplacement correspond toujours à un programme défini avant la construction. Il faut alors imaginer le lieu, riche de toutes ses polychromies, tel un grand livre d’enluminures.

Dehors, les ornements mettent en valeur les éléments de structure : portails, fenêtres, contreforts. Les modillons rythment les corniches.

Les premières tentatives des ateliers de maçons se portent sur le décor végétal, naturaliste et des formes géométriques.

La représentation des saints et des scènes de la vie courante seront abordées plus tardivement quand les techniques seront mieux maîtrisées.

Les fresques, bas-reliefs, chapiteaux et sculptures sont autant de supports didactiques pour montrer le bien et le mal, le paradis et l’enfer, la vie du Christ et l’histoire des saints. Tout le cortège de la faune médiévale défile, bêtes fantastiques (griffons, basilics, dragons...) côtoient le religieux et les scènes de la vie courante.

Ici, merveilleux, imaginaire et réalités du temps sont intimement mêlés. Ils reflètent les interrogations, les peurs, les espoirs des croyants.

Restent encore les modillons où le religieux semble laisser place aux fantasmes et à la vie quotidienne.