NAVARRE et ARAGON

Conditions historiques de l'art roman en Navarre et Aragon

Du fait de la reconquête, l'art roman s'est développé aux XIè et XIIè siècles, avec prolongement au XIIIè, sur un territoire qui s'est élargi du nord au sud sans dépasser beaucoup le cours de l'Èbre dans sa partie jalonnée par San Adrian, Tudela et Saragosse.

Au début du VIIIè siècle déferle la marée musulmane, qui monte jusqu'à Pampelune, mais plus à l'est se trouve vite stabilisée au sud du cours supérieur du rio Aragon.

Entre le monde arabe et les Pyrénées subsiste une zone chrétienne, tout à la fois refuge et base de départ pour une future reconquête.

L'art roman qui va s'y former suivra la « reconquista » vers le sud.

Les rapports entre chrétiens et musulmans ne sont pas toujours belliqueux et les premiers se laissent séduire par la splendeur de la civilisation musulmane, qui reste visible en Navarre et Aragon par maint vestige conservé : vestiges de la mosquée dans la collégiale de Tudela, vestiges musulmans de Saragosse dont le palais de la Aljaferia.

Au fur et à mesure que le christianisme reconquiert le sud de la région, les mosquées sont transformées en églises (les témoignages des textes sont nombreux sur ce point) quand elles ne sont pas détruites par les vainqueurs.

Les textes indiquent aussi l'existence en Navarre et Aragon de foyers mozarabes libres de pratiquer, sous l'occupation musulmane, leur religion.

Une des églises de Huesca, San Pedro, reçut le nom de « el Viejo », sans doute parce qu'elle servait au culte avant la reconquête de 1096. Les rois d'Aragon, victorieux, font donation à telle abbaye ou à tel diocèse d'églises qui préexistaient assurément à leur victoire.

Mais nous ne savons rien de l'art mozarabe dans la région : il a été effacé par la poussée de l'art roman.

Reconquête et réorganisation chrétienne de la Navarre ne se font pas sans appui extérieur.

Le diocèse de Pampelune relèvera de la métropole d'Auch jusqu'à la libération de Tarragone en 1220.

La région aragonaise est plus lente à s'organiser.

La politique royale s'appuie, là aussi, sur les monastères, San Juan de la Pena, qui reçoit la sépulture de la nouvelle dynastie, et sur l'évêché installé à Jaca, sous l'autorité des archevêques d'Auch.

Le pays alentour se couvre de petites églises d'allure mozarabe ou apparentées au premier art roman de Catalogne.

L'essor monumental se développe vers le sud, suivant le flux de la reconquête et suivant aussi une politique très concertée de repeuplement. La cathédrale de Roda est reconstruite et consacrée en 1067; de nouveaux quartiers se construisent à Jaca dans la seconde moitié du XIè siècle; l'essor de San Juan de la Pena s'accentue avec son panthéon des rois et son panthéon des nobles formé de tombes creusées à même la falaise, et avec sa nouvelle église consacrée en 1094; San Pedro de Siresa sort de l'ombre avec les progrès de la monarchie aragonaise, de même que Santa Cruz de la Seros.

Le pèlerinage de Compostelle et des relations de plus en plus étroites avec la France du Sud jouent en faveur de la Navarre.

En 1084, le siège de Pampelune est occupé par un Français, Pierre d'Andouque, ou Pedro de Roda, ancien moine de Conques; c'est lui qui reconstruit la cathédrale, qui sera consacrée en 1127.

Au XIIè siècle, l'activité architecturale continuera à suivre pas à pas la reconquête et la rechristianisation.

La poussée vers Huesca et Saragosse est précédée de la construction de couvents-forteresses, dont Loarre avec ses deux chapelles romanes.

Huesca tombe en 1096 et, tout aussitôt, la grande mosquée, consacrée, devient cathédrale à la place de celle de Jaca.

Ce qui s'est passé à Huesca se renouvelle avec la prise de Saragosse en 1118; la mosquée devient la cathédrale San Salvador et c'est un Gascon qui occupe le nouveau siège épiscopal.

De nombreuses églises s'élèvent dans la ville reconquise.

Telles furent les conditions historiques qui ont conditionné le développement de l'art roman en Aragon et Navarre.