L’Arménie se convertit au christianisme vers la fin du IIème siècle et dès lors la nouvelle religion va profondément marquer l’art et l’esprit du peuple arménien.
Typologie architecturale
Églises trinefs
Il s'agit d'églises, nommées basiliques, possédant trois nefs, dont la nef centrale est un peu plus large. Elles sont plus vastes, mais moins importantes en nombre que les mononefs. On distingue principalement trois formes de : une cruciforme, l'autre en T, la dernière rectangulaire. Les murs latéraux sont parfois creusés de niches, et les voûtes sont simples, mais elles peuvent être éventuellement agrémentées de doubleaux. La longueur n'est pas très importante : elle va de 5 à 25 mètres à peu près. Les absides des églises sont généralement semi-circulaires, mais pas toujours : on en rencontre des saillantes, des rondes, etc. Le nombre d'annexes varie d'un bâtiment à l'autre. La forme des toits est souvent « en bâtière unique » et, extérieurement, les églises sont en général d'apparence rectangulaire (la basilique d'Ereruk).
Les édifices à plan central
Après la grande floraison du Vième siècle, une renaissance se produit au IXème siècle avec l’installation de la dynastie des Bagratides et celle-ci parvient à son apogée au siècle suivant , en particulier avec Achod III (952-957) qui installe sa capitale à Ani. Ce brillant royaume aura une vie brève. Il disparaît avec la prise d’Ani par le Turc seldjoukide Alp Arslan. La grande période de création fut celle d’Achod, quoique l’Arménie connaîtra encore des heures fastes au XIIIème siècle.
Les Arméniens n’ont guère fourni de sculpteurs (à l’exception des reliefs de Khatchkars); en revanche, ils ont été de remarquables architectes.
L’architecture arménienne est essentiellement religieuse et s’exprime surtout dans les églises. Celles ci présentent des ressemblances avec l’architecture byzantine, mais se rapprochent beaucoup par ses caractères propres des églises romanes de l’Occident qu’elles précèdent d’ailleurs de un à deux siècles, au point qu’on a pu affirmer que l’architecture romane aurait des origines en Arménie.
Les églises arméniennes offrent des plans variés, depuis le plan basilical ou cruciforme, jusqu’au plan radial ou étoilé.
Du IVème et Vème siècle semble dater le premier chef d’œuvre de l’art arménien, la basilique d’Ereruk près d’Ani.
La basilique d’Eghvard date du VIème siècle.
Parmi les grands ensemble de l’époque d’Ani on peut encore citer le monastère d’Aghpad fondé au Xème siècle avec ses chapelles, sa fontaine monumentale, ses bâtiments conventuels et surtout l’église Sainte Croix, de plan complexe ; le monastère de Hovhanavank, commencé au Xème siècle mais dont la construction dure deux siècles.
Zvartnots est un site d’Arménie qui fut la résidence du catholicos, pour qui l’on construisit au VIIème siècle un palais dont subsistent d’importants vestiges.
Ce site fut fouillé au début du siècle et, et outre le palais, on y mit au jour les ruines de l’église Saint Grégoire, construite par le catholicos Nersès III (641- 661).
C’est un monument cruciforme circulaire à l’intérieur et polyèdrique à l’extérieur, couvert par une coupole intérieure enfermée comme toutes les coupoles arméniennes dans un toit conique à pans. L’ensemble du monument était constitué par trois étages circulaires à colonnades et ouverts par des séries de baies à arcs. Cet édifice a influencé l’architecture d’un certains nombre de monuments arméniens.
Des chapiteaux finement ciselés ont également été retrouvés au cours des fouilles.
Le dôme central, supporté par des piliers, définit un espace carré, cœur de l’église, autour duquel prennent places les processions. Le dôme est ainsi un marqueur important de l’architecture religieuse arménienne, d’autant qu’il permet à l’église, par ses ouvertures, d’être inondée d’une lumière « divine ».
Le monastère de Khor Virap, avec son architecture fortifiée
Enfin, l’Arménie étant soumise à des séismes important et à des températures extrêmes, les édifices sont construits en conséquence, à l’aide de matériaux tels que le granit, le basalte et le tuf (roches volcaniques), ainsi que le marbre et l’argile, travaillés en pierre de taille à joint vif.
Impressionnants par l’équilibre et l’harmonie des volumes, et d’une grande stabilité, ces trésors de la mémoire arménienne ont su traverser les intempéries et le temps.
Un édifice dit « libre » est un monument se résumant à son plan central, c'est-à-dire une pièce principale très souvent en forme de croix.
Une église dite « semi-libre » est une construction encadrée généralement par deux salles ou annexes.
Enfin, un édifice dit « à croix inscrite » est un monument qui est entouré par quatre pièces sur tous ses côtés. Il forme très logiquement une croix inscrite dans un bâtiment et prend l'apparence d'un rectangle ou d'un carré. Très vite apparaît un élément architectural qui peut être considéré comme le pilier des constructions arméniennes : la coupole.
Les tambours de ces édifices sont souvent octogonaux. Les monuments apparaissent en « croix libre » d'un point de vue extérieur, la forme des bras varie, et l'on distingue par conséquent trois types architecturaux bien précis :
L'édifice en plan de tétraconque : ses quatre bras, sans exception, prennent la forme de conques.
L'édifice en plan de monoconque : trois de ses bras ont un fond plat et sont en voûte, le dernier étant une conque (voir photo).
Enfin, un édifice est en plan de triconque lorsque trois des quatre bras de l'édifice sont en conques.
Ces trois types d'édifice tirent leurs origines des temps païens. Outre les petits édifices à coupole, il existe des églises plus vastes, comme la cathédrale d'Etchmiadzin.
Au VIIème siècle se manifeste le besoin de construire des édifices plus vastes qui appartiennent à de nouveaux types novateurs. On adapte les tétraconques et on innove dans ce domaine.
Parmi les tétraconques figurent les carrés tétraconques, dont deux types se dégagent : les simples, et ceux dits « à ciborium ». Les carrés tétraconques simples, comme l'église Sourp Hovhannès de Mastara (vers le milieu du VIIe siècle), sont généralement semi-libres.
À l'approche de l'an mil, on constate que les types d'architecture se régionalisent, et chaque royaume ou principat développe de son côté des genres distincts. Le temps de l'unité architecturale est révolu. Cette époque est qualifiée de « première renaissance ».
On favorise l'émergence des mononefs triabsidiales. Les édifices monoconques sont encore très utilisés, contrairement aux autres formes (triconque, tétraconque) qui perdent de leur importance. Le plan central libre est délaissé au profit du plan central à croix inscrite ; par ailleurs il n'y a presque plus de basilique. Les croix inscrites à appuis engagés peuvent prendre soit l'aspect de salles à coupole archaïsantes, dans lesquelles se développe le bras est, soit une apparence de croix inscrite cloisonnée, dont la partie orientale est assimilée par l'abside. Dans celles-ci, le bras ouest est parfois séparé des pièces d'angle.
Les tambours se modifient : ils peuvent être ronds ou de forme octogonale. Les monuments adoptent d'autre part des coiffes coniques ou pyramidales, leur donnant ainsi une silhouette caractéristique.
On observe également un développement des édifices monacaux et par conséquent de complexes monastiques : une forme architecturale promise à un bel avenir fait son apparition, le gavit ou sa variante plus tardive, le jamatoun, des types de narthex propres à l'architecture arménienne. Les premiers gavits possèdent des voûtes en berceau, puis, à partir du XIe siècle, ils changent d'apparence et prennent l'aspect d'une grande salle en plan central à piliers, au nombre de quatre. Ils sont souvent couronnés d'un « erdik » (une sorte de lanternon), comme en témoigne celui de Haghpat.
Après l'époque paléochrétienne, et du fait des invasions, l'architecture arménienne a pu s'inspirer d'autres styles architecturaux. Il y a une influence byzantine, mais peu importante, aux alentours du VIIe et du Xe siècle. On peut relever quelques aspects arabes. Les architectures arménienne et géorgienne sont par ailleurs liées. La domination géorgienne a également pu apporter un renouveau artistique. Toutes ces influences extérieures contribuent à l'originalité très singulière de l'art arménien.
Quant à l'influence qu'aurait exercée l'architecture arménienne sur l'occident (art roman ), les hypothèses abondent : selon Strzygowsky, l'architecture occidentale aurait pris une de ses sources chez les Arméniens. En effet, certaines caractéristiques des monuments occidentaux se retrouvent sur des édifices arméniens antérieurs. Par ailleurs, Eudes de Metz, également appelé Odo, fut un architecte de Charlemagne d'origine arménienne. Il a construit la fameuse chapelle d'Aix sur le prototype d'une église d'Etchmiadzin, qui est l'une des plus anciennes du style carolingien et un modèle pour d'autres édifices de ce style. Outre la chapelle d'Aix, d'autres églises sont directement concernées : ces cas, assez rares, concernent des monuments comme l'église de Germigny-des-Prés près d'Orléans ou l'église de L'Hôpital-Saint-Blaise au Pays basque (saint Blaise — Sourp Vlas — est aussi un saint arménien).
D’après M. Strzygowski, c’est dans l’Orient hellénistique, du IIe siècle avant Jésus-Christ au VIe siècle après Jésus-Christ, que se sont élaborés toutes les formes, tous les motifs, tous les styles qui ont constitué l’art du moyen âge tant en Orient qu’en Occident : l’art byzantin, l’art arabe, l’art roman ne seraient que trois branches sorties d’un même tronc. Toujours est-il que dès le IXe siècle, on trouvait en Asie Mineure des églises voûtées en berceau avec des arcs en fer à cheval et des coupoles sur trompes. Or aucun de ces éléments n’est hellénique ou romain.
L’évangéliaire de Godescalc composé pour Charlemagne a de nombreux rapports avec l’évangéliaire arménien d’Etschmiadzin. Enfin un témoignage curieux de Grégoire de Tours nous montre le motif de la Crucifixion, originaire de Syrie, s’introduisant à Narbonne, c’est-à-dire dans une ville qui comptait une importante colonie de Syriens.
Comment l’art hellénistique a-t-il pu produire des œuvres aussi différentes qu’une église romane et une église byzantine ? Comment expliquer en un mot que l’esprit d’imitation des hommes du moyen âge ait pu se concilier avec leur goût de particularisme et d’autonomie ? En réalité, le tempérament propre à chaque peuple, les conditions spéciales à chaque pays (nature des matériaux de construction, nécessités climatiques, etc.) restèrent des facteurs importants. L’art cosmopolite de l’Orient ne fut pas compris par tous de même, et de la diversité d’interprétation, résultèrent les écoles ds différentes régions.