Willy Ronis (1910-2009) né à Paris, photographe français, fils d’une mère pianiste juive lituanienne et d’un père émigré juif d’Odessa en Ukraine, ayant fuit leur pays, ils se rencontrent à Paris dans une amicale d’exilés russes. Après un emploi de retoucheur en photographie dans un studio réputé, son père ouvre son propre studio sous le pseudonyme de « Roness ». Au départ Willy Ronis souhaite devenir compositeur de musique.

Willy Ronis s'est consacré aux images prises sur le vif et en noir et blanc. Jeune homme, il commence à photographier sa ville et son quartier, il immortalise le 20eme arrondissement.

« Ce qui m’a sauvé, c’est que je ne suis pas entré en photographie par vocation. Je suis tombé dedans par accident. Je ne le regrette pas puisque ce mariage de raison est devenu mariage d’amour. Mais cela m’a préservé de certains chocs psychologiques, qui m’auraient immanquablement déstabilisés si j’avais dû constater qu’une vocation profonde n’était pas suivie d’effets ou de résultats probants » Willy Ronis

Si on devait définir Ronis en trois mots, c'est Paris, la rue et humaniste. Paris d’une part car il est un grand amoureux de sa ville natale. Il y a passé l’essentiel de sa vie et a principalement photographié ses rues, ses passants, ses habitants. La rue d’autre part car contrairement à son père qui ne photographiait qu’en studio, Willy Ronis trouve justement ce lieu trop rébarbatif et préfère largement la spontanéité, la diversité et les différents paysages que lui offre la rue. Enfin humaniste car ce qui lui importe c’est la vie quotidienne, les gamins, les scènes de rue, les gens, les passants, les voisins, les bistrots du bord de Seine. Des scènes ordinaires, saisies sur le vif qui laissent transparaître une réelle poésie et une grande humanité.

Ses photographies sont des tranches de vie ordinaire. Ronis a toujours intimement lié son expérience personnelle à son œuvre en témoignant une poétique de l’universel. Il a réussi à saisir au vol les moments du quotidien, à traquer une vérité intime, à les faire exister dans leur plus haute simplicité. Il faut être un immense artiste pour laisser ainsi parler la vie, sans la trahir, sans l'exagérer, sans faire joli. Avoir été juste là, toujours à la bonne place, avec le geste prompt, c'est sans doute le secret et son art.

Il a toujours intimement lié son expérience personnelle à son œuvre, laquelle se développe et se nourrit également au contact des siens, des portraits de Marie-Anne, sa femme dont le célèbre cliché du « Nu provençal », de Vincent son fils, de ses chats, de ses amis Robert Capa et des personnalités rencontrées au cours de sa vie, Jean Paul Sartre, Jacques Prévert, et Brassai témoignent de la même poétique de l’universel que le reste de son œuvre. Il a réussi à saisir au vol les moments du quotidien, à traquer une vérité intime, à les faire exister dans leur plus haute simplicité.

« Mon autoportrait, ce sont mes photographies » Willy Ronis

Willy Ronis traque l’instant, il ne le fabrique pas, il guette le surgissement du quotidien dans son caractère le plus impromptu. Il veut montrer la société telle qu’elle est réellement. Et c’est avec un réalisme poétique qu’il savait enregistrer les instants de vie, entre les rues de Paris et ses quartiers populaires, les badauds, les enfants ou les scènes quotidiennes. 

« Il faut avoir l’œil partout » Willy Ronis

Paris est pour le photographe, un spectacle de la vie ordinaire, qu’il côtoie chaque jour, il y questionne l'âme populaire en images gais ou mélancoliques, des gens ordinaires, des gestes ordinaires dans une situation ordinaire qu'il touche du doigt et de l'œil, élabore en micro-récits d’une beauté palpitante de débris et de trésors poétiques de la ville.

« J'ai fait de la photo buissonnière toute ma vie » Willy Ronis

« Je ne mets pas en scène, je négocie l'aléatoire », expliquait Ronis. Le photographe ne prémédite pas ses images, Il cherche à capter, dans ses promenades le nez en l'air, les petits bonheurs simples, modestes » Willy Ronis

Spécialiste de l'instant et du hasard, Willy Ronis traînait son appareil constamment avec lui, toujours réglé avec des paramètres « moyens » pouvant lui permettre de saisir instantanément le plus de situations possibles, ses photos s’inscrivant dans l’esthétisme du hasard. Il captait toujours un instant qui passe, simplement en humaniste afin de rendre compte lucidement du réel. Ne se laissant jamais enfermer dans une manière établie, il aimait se laisser aller au gré des rencontres, des instants dérobés. « Je suis le contraire du spécialiste, je suis un polygraphe. » dira t-il.

L’instant de grâce dans la phonographie, est ce que Willy Ronis appelait « le moment juste », la difficulté technique rencontrée, la nécessité de composer la photo comme si il faisait un petit tableau de genre, de capter la lumière par petites touches, livrant la conception de son art, ne pas chercher à reproduire le réel mais s'efforcer de le révéler dans sa vérité la plus vive, à la manière des écrivains réalistes du 19eme siècle.

« À la question qu'est-ce qu'une bonne image ?,  je me contente, faute de mieux de répondre que c'est celle qui a su communiquer l'émotion qui l'a faite naître. » Willy Ronis

« J'ai toujours fait mes photos dans l'instant. Sans mise en scène. Un clic, deux, guère plus, car il ne fallait pas gâcher : les rouleaux de pellicule coûtaient cher ! »  Willy Ronis

Ronis et la couleur : Willy Ronis, maître du noir et blanc, dès 1955 utilisera dès son apparition la nouvelle Kodachrome, film diapositive à la chromie si particulière, et si peu sensible à la lumière qu'il aurait dû, logiquement, l'empêcher de faire, des instantanés sur le fil du hasard, il n'en sera rien et a su tirer le meilleur parti.

« Fin 1954, j’avais commencé avec mon Rolleiflex un reportage en noir et blanc sur la semaine de Noël dans les grands magasins, ce qui me conduisit naturellement à entamer peu après des essais avec la Kodachrome, cette merveille qui malheureusement n’affichait alors qu’une sensibilité de 10 ASA » Willy Ronis

Que se soit en noir et blanc ou en couleur, il ne déroge pas à la règle qu’il s’est fixé depuis le début de sa carrière, le thème de la vie cher à Willy Ronis ne change aucunement, d’un Paris populaire et de la vie ordinaire, des lieux magnifiés d’une lumière si particulière saisie devant une boutique, sur un quai ou un boulevard. Pour Ronis, la couleur est une autre manière de voir, ni plus riche ni moins libre, elle est une façon différente de traiter la lumière qui à toujours été sa grande affaire, une autre métrique qui ne transforme pas son langage.

Ronis et le nu : Willy Ronis l’a travaillé dans son atelier secret de méditation, de poésie, de peinture, de sculpture, clandestinement pendant des années et des années sans jamais le déformer, mais le rendant simplement très beau. Il a toujours eu beaucoup d’admiration et de respect pour le corps féminin. Il le connait, le parcourt, l’exalte et le traite avec pudeur et retenue. Avec beaucoup de réalisme et de sensualité, il cueillait un moment d’abandon discret. Les femmes de Ronis sont belles parce qu'il les laisse être. Il les aime pour ce qu'elles sont, il photographie les femmes nues dans un silence qui fait parler. Dans le calme, l'intimité, la tendresse et la sérénité. Ses images de nus, dans leur extraordinaire naturel, deviennent sacrés, les femmes sont des déesses toutes simples de passage dans le vingtième siècle. Ses nus sont des partitions musicales, lui qui voulait être musicien, il l’est avec le cadrage, la lumière, les ombres, les attitudes, les gestes, ses photographies sont mélodieuses. Des scènes humbles, d’une pudeur délicate, sans grivoiserie, imprégnée d’un bonheur simple et doux, illustrant parfaitement l’approche humaine, respectueuse et bienveillante qui caractérise l’œuvre de Willy Ronis.

« Ce n'est pas tellement la lumière qui m'inspire, c'est ce que la lumière éclaire » Willy Ronis

Ronis et le Nu Provençal : En 1949 Ronis réalisera le « Nu Provençal », ce cliché deviendra l'une des plus célèbres de son œuvre, dans lequel sa femme Marie Anne, de dos, se rafraichit à l’aide d’une bassine un jour de grande chaleur, les murs s’effriter et un sol en tomette, dans leur petite maison de campagne à Gordes. Avec un contre-jour, il réalise un exploit, la lumière principale arrivant de face, une partie de la scène est éclairée et l’autre dans l’ombre. La lumière venant de la fenêtre parcoure et s’imprime directement sur le corps. Le visage est à la fois dans le sombre et se trouve éclairé par la lumière du soleil qui se reflète dans le lavabo blanc. Par le choix d’une  légère plongée, Ronis répartit visuellement les éléments du décor autour du sujet, la chaise, le miroir, le volet intérieur, le pot à eau, sont autant d’éléments qui conduisent le regard sur le corps.Sa femme, il la souligne avec des courbes harmonieuses dans un jeu raffiné de noir et de blanc. Le visage ne se dévoile, elle est tournée de l’autre coté de l’objectif, en donnant le ton à la scène, à mi-chemin entre un rêve éveillé et une irrésistible envie charnelle. 

« Avec ma femme, nous avions acheté une ruine à Gordes et nous avions décidé d'y passer nos vacances. Le confort était rustique, il n'y avait pas d'électricité et nous devions aller chercher l'eau à une fontaine. Un matin, alors que j'allais prendre mon petit déjeuner, j'ai vu ma femme en train de faire sa toilette. Je lui ai dit, ne bouge pas, et je suis allé chercher en vitesse mon Rolleiflex qui était sur le buffet.  J'ai gravi deux marches de l'escalier qui montait au grenier. J'ai pris quatre photos. Pas une de plus. Cela m'a pris à peine une minute. L'agence Rapho la diffusée et elle est aussitôt devenue célèbre » Willy Ronis

Le « Nu Provençal » sera retenu par Edward Steichen pour l’exposition « The Family of Man » organisée au MoMA en 1955 et fera par la suite le tour du monde, devenant une icône photographique du 20eme siècle.


« Les photos sont pleines d’histoires. »

« La belle image, c'est une géométrie modulée par le cœur. » Willy Ronis