Berenice Abbott (1898-1991) photographe américaine, née à Springfield. A 19 ans elle fuit une enfance malheureuse dans une famille décomposée en rejoignant l'université de l'Ohio et rapidement les Beaux Arts de la ville de New York. Elle y rencontre Man Ray, la baronne Elsa von Freytag-Loringhoven et Marcel Duchamp. Après quelques essais en sculpture et en peinture, elle se lance dans l'aventure du voyage en embarquant pour Paris en mars 1921. Dans un premier temps, elle travaille dans l'atelier d'Antoine Bourdelle, puis dans celui de Constantin Brancusi, mais elle reste sans revenu et sans vocation. Man Ray lui propose de devenir son assistante, il lui apprend les techniques du tirage en laboratoire pour lesquelles elle se montre douée puis celle de la prise de vue. Abbott s'immerge au cœur de la scène artistique d’avant-garde, et notamment surréaliste. 


« Le photographe est l’être contemporain par excellence, à travers son regard, le maintenant devient du passé. » Berenice Abbott

Esprit aventureux, éprise de liberté et parfaitement en phase avec son époque, Berenice Abbott développe une œuvre de photographe sous le signe de deux noms, Man Ray et Eugène Atget, elle photographie intensément le New York des années trente et notamment la construction du Rockefeller Center. Le sens instinctif de la ville et le coté archéologique urbaine côtoie dans ses images les prémices de l’architecture du futur, son regard est direct, pur et dur.

« Nous ne pouvons-nous contentez de regarder les choses en surface, nous devons allez plus en profondeur. » Berenice Abbott

En suivant les traces d'Atget qui voulait par la photographie posséder le vieux Paris, la photographe en fait de même sur sa ville de New York, en dressant un spectaculaire portrait d’une ville qui déjà fascine le monde entier. De 1929 à 1939, elle est séduite par l'énergie et la vitalité de la métropole américaine, décide d'y rester, en y consacrant dix années de sa vie à arpenter sans relâche, à ausculter New York en réalisant son premier grand projet photographique, un travail documentaire de premier ordre, le « Changing New York » avec plus de 10 000 photographies réalisées, dressant un colossale inventaire de New York.

« La photographie peut ne jamais grandir si elle imite un autre milieu, elle doit marcher seule, elle doit être elle-même. » Berenice Abbott

Elle achète une chambre photographique la plus légère et la plus maniable que l'on peut trouver aux États-Unis à cette époque, une « Century Universal » effectuant ainsi un nombre considérable de photographies, une grande partie de ses clichés atteindront par la suite, le statut d’œuvre d’art. La photographe ne se contente pas de photographier un immeuble, un lieu, une rue, elle analyse avec soin chaque élément qu’elle veut intégrer dans chacune de ses images, prépare son travail, elle attend les meilleures conditions pour réaliser ses photographies, cela pouvant lui demander des semaines de préparation, d’attente de conditions climatiques favorables, de pourboires qu'elle donne aux gardiens des immeubles convoités.

« Je voulais combiner science et photographie de façon sensible, mais sans émotion. » Bérénice Abbott

La photographie de Bérénice par excellence, documente son époque, piège le spectateur dans une obscurité sans fond, une invitation à plonger en noir et blanc dans l’Amérique telle qu’elle est, vivante.

« Le photographe doit s'appliquer à mettre en avant la meilleure expression possible du modèle sans pour autant sacrifier l'identité. » Berenice Abbott 

L'œuvre de Berenice Abbott illustre une conception de l'essence de la photographie qui repose sur ce rapport au temps. Le rôle de la photographie est d'enregistrer cet instant qui disparaît que Roland Barthes appelle le « ça a été ». La photographie dans son rapport au temps fonctionne toujours au passé, comme représentation d'un temps devenu passé. Pourtant les images ses images, comme celles de Lewis Hine et d'Eugène Atget ne sont pas seulement nostalgiques, le passé, en arrière, fixé sur photographie, est à sa place. La photographie telle que la conçoit Berenice Abbott doit marcher d'elle-même, débutante elle déclare « les photos viennent bien ». En 1951, elle continue à déranger les photographes intellectualistes en déclarant « It has to walk alone ». Selon Abott, la photographie ne doit pas chercher à imiter la peinture par des compositions ou des manipulations savantes, elle doit continuer à chercher son essence dans ce rapport à l'instant.

« Le rythme de la ville n'est ni celui de l'éternité ni celui du temps qui passe mais de l'instant qui disparaît. C'est ce qui confère à son enregistrement une valeur documentaire autant qu'artistique. »  Berenice Abbot

« La photographie aide les gens à voir. » Berenice Abbot