Helen Levitt (1913-2009) photographe américaine, née dans le quartier Brooklyn à New York, dans lequel elle passe son enfance, fille d’immigrants, d'un père commerçant et d'une mère comptable. Elle abandonne très tôt ses études, travaille chez un photographe commercial dans le Bronx, se familiarisant avec la chambre noire, avant de portraiturer sa mère et ses amis, tout en suivant des cours à la « Photo League ».

    • En avril 1935, elle découvre les photographies d’Henri Cartier-Bresson, de Walker Evans et de Manuel Alvarez Bravo, accrochées à la galerie Julien Levy, sur Madison Avenue, au pied de Central Park. Dès lors elle se lance en autodidacte dans la photographie, en s’abstenant de toute incursion dans le photojournalisme, et rencontre la même année, Henri Cartier-Bresson et Walker Evans.

    • En 1936 elle commence à effectuer des photographies dans les quartiers populaires de New York, en s’intéressant notamment aux dessins d’enfants, des graffitis fait à la craie, intriguée par leurs caractères éphémères qui représentent à ses yeux une certaine culture, de ces gamins des rues New-yorkaises.

    • Elle achète son premier Leica, ses photographies rencontrent le succès lorsqu'elles sont publiées en 1987 dans « In The Street: chalk drawings and messages, New York City 1938–1948 », son ouvrage est désigné comme l'un des 100 meilleurs livres photographiques.

    • En 1937 avec ses instantanés de rue, elle acquiert une réputation qui lui ouvre les portes de la toute première exposition photographique au MoMA, ainsi que les pages d’un numéro du magazine « Fortune ».

    • De 1938 à 1939 elle est l’assistante et étudie avec Walker Evans.

    • En 1941, elle séjourne au Mexique, comme assistante de Luis Buñuel, sur la demande d’un travail de commande pour le Museum of Modern Art. Ses clichés dévoilent des ouvriers aux couleurs de cendre, pétrifiés par leur labeur, ce voyage mexicain est sa seule escapade hors de Manhattan.

    • De retour à New York, elle trouve un emploi de photographe documentaire pour la presse.

    • La reconnaissance ne tarde pas. « Personne ne la surpassait », déclare John Szarkowski, le conservateur chargé de la photographie au Museum of Modern Art, il lui accorde sa première exposition individuelle, « Photographs of children by Helen Levitt » en 1943 dont Edward Steichen en est le commissaire.

    • Au début des années 50’, elle est brièvement réalisatrice, en travaillant avec l’écrivain James Agee et la peintre Janice Loeb avec lesquels, elle tourne en 1952 « In the Street » un court-métrage de quatorze minutes, une version live de ses images immobiles.

    • En 1955, elle est présente au sein de la célèbre exposition au MoMA, « The Family of Man » organisée Edward Steichen.

    • En 1959 et 1960, elle reçoit deux bourses de la fondation Guggenheim afin de réaliser des clichés en couleur des rues de New York, mais une partie de son travail, lui est dérobé lors d’un cambriolage à son domicile. Les photos restantes, et d'autres prises dans les années suivantes, sont publiées par la suite en 2005 dans « Slide Show, The Color Photographs of Helen Levitt ».

    • En 1965, elle publie son premier ouvrage « A Way of Seeing ».

    • En 1976, elle devient « Photography Fellow » du National Endowment for the Arts. Elle reste une photographe active pendant près de 70 ans en vivant toujours près de New York où elle mène une vie discrète.


Le talent d’Helen Levitt est reconnu très tôt par les grandes institutions américaines, photographe rebelle dotée d’un esprit libre, frondeur et merveilleux, elle est réputée pour son travail noir et blanc.

Par timidité, précise-t-elle, et manque d’attrait pour la technique, elle invente son propre monde, arpentant sans a priori les quartiers populaires de New York, vite rénovés en confettis poétiquement mystérieux. Photographe du seuil, toujours en retrait, elle n’importune pas ses modèles, dans ses photographies pas de message social, pas d’état des lieux, mais une empathie certaine et visible.

Elle impose avec force sa vision d’un New York d’en bas, loin des miradors de la réussite avec un unique credo, celui de la beauté qui est dans la réalité elle-même. Elle est avant tout une photographe du surgissement vital, dans un mode qui n’est pas sans faire penser à celui de Robert Frank, elle ne cesse, sa vie durant, de s’émerveiller devant l’énergie créatrice de l’espace urbain.

En 1959, elle s’initie à la couleur mais tout semble changé, les trottoirs se vident de leurs locataires, effondrés devant la télévision, qu’importe elle continue à traquer les dessous candides de sa ville natale, des poules devant un parterre de chaises sous plastique, des croqueurs de pastèques, des ladies en bigoudis, le surpeuplement des cabines téléphoniques, une banquise d’enfants en goguette, ses sujets fétiches, prêts à en découdre avec les passants, ses images couleur deviennent célèbres, comme une petite fille mystérieusement accroupie dans un caniveau devant une voiture d’un vert presque fluorescent. La couleur des vêtements colonise tout l'espace jusqu'aux façades qui semblent s'associer à la dissipation générale.

Elle est de celle qui développent le genre de « photographie de rue américaine » qui devient et reste sa marque de fabrique.

Ce qui l’intéresse, ce n’est pas de témoigner de l’Amérique sous Roosevelt, c’est de ravir, à Spanish Harlem ou dans le Lower East Side, les passages secrets de la rue. Les enfants frondeurs, la bizarrerie du trafic des piétons face aux voitures, la solitude des gens réfugiés à leurs fenêtres et la chorégraphie de la vie à l’emporte-pièce, entre comédie à l’italienne et documentaire à la Rossellini.

Dans son objectif, les enfants sont largement présents, pris sur le vif, leurs jeux, leurs graffitis saisis comme pour mieux exprimer la poésie de la rue, son énergie et son brassage. Helen Levitt ne pratique pas le photojournalisme, elle observe sans interférer, sans volonté didactique, sans message à délivrer. Photographe de l’humain et de l’intime.

Elle capte la poésie des rues new-yorkaises en se glissant subrepticement dans l’univers des enfants. Comme une petite souris, elle sait se rendre minuscule pour pénétrer sans effraction dans l'univers de ces gosses. Dans ses images elle décrit la rue comme le territoire de l'enfance, un espace à dimension d'imaginaire, avec la main en visière d’un gamin qui est celle d'un marin cherchant quelque chose à perte de vue. Elle nous dirige hors cadre comme si ses photographies ne sont déjà plus qu'une évocation nostalgique de cette enfance et de sa folle liberté qu'elle attrape.

Pendant soixante ans, Helen Levitt réalise une œuvre sans équivalent sur la symbiose de la rue et des enfants new-yorkais avant qu'ils ne soient rivés à la télévision.

Ses compatriotes l’admirent, tel-que que Walker Evans, qu’elle accompagne dans le métro quand il effectue ses photos incognito, ainsi que l’écrivain James Agee et la peintre Janice Loeb.

« Comme j’ai du mal à m’exprimer avec les mots, je le fais avec des images. » Helen Levitt

Four Boys, New York, 1940

New York City, 1940

New York City, 1959

Girl with Green Car, New York, 1980