René Zuber (1902-1979) photographe et un écrivain français, né à Boussières, fils de papetier. Il suit dans un premier temps des études pour devenir ingénieur.

  • En 1924, aussitôt son diplôme obtenu d’ingénieur des Arts et Manufactures, il part poursuivre ses études à l’Académie nationale des arts graphiques et du livre de Leipzig où il a comme professeur le peintre et photographe Laszlo Moholy-Nagy. De retour à Paris, il fait la connaissance de Louis-Victor Emmanuel Sougez et travaille avec lui au journal « L'Illustration ». Il se taille une place de photographe novateur dans la France de l’entre-deux-guerres. Artiste majeur des années 20, il fait partie des photographes qui renouvellent le langage du médium en y imposant une esthétique de la machine, des scènes de rue thème cher à cette période et symbole même de la révolution moderne.

  • En 1931, bien avant que n'émergent, en France, les premières agences photo coopératives et les collectifs de photographes, il crée à Paris, le « Studio Zuber » qui porte son nom, un espace, un lieu de rencontres, celui du laboratoire qu'il occupe dans les locaux de l’agence publicitaire « Damour ». Quatre de ses amis photographes, Pierre Boucher, Denise Bellon, Emeric Feher et Pierre Verger se retrouvent ensemble au sein de son studio, dont il en est le chef de file et le mentor, ensemble, ils forment un groupe animé par des aspirations professionnelles et des affinités personnelles très fortes, un collectif de photographes, partageant une vision de la photographie, sans renier chacun leur sensibilité, ni leur indépendance. Une subtile alchimie lie ses membres, aux parcours tous différents, Pierre Boucher, diplômé des Arts appliqués explore les liens entre graphisme et photographie, Émeric Feher, électricien-éclairagiste puis tireur dans l’atelier « Deberny-Peignot », réalise ses premiers clichés en 1931 et devient salarié à temps complet dès 1933 du studio de René Zuber, Denise Bellon et Pierre Verger apprennent la photographie aux côtés de Pierre Boucher, et tous fréquentent régulièrement la « bande à Prévert ».

  • La réunion de ces photographes, ensemble produisent des clichés ou flotte un doux parfum de liberté et d'insouciance de l'entre-deux-guerres. Le « Studio Zuber » est tout à la fois un des plus éclatants témoignages du renouveau photographique de l'époque ainsi qu'une aventure humaine des plus émouvante. Débordant d’énergie créatrice, le Studio se consacre essentiellement à la photographie publicitaire et au reportage. La publicité assure aux photographes une base économique essentielle et leur permet d’imposer leur esthétique et de développer leurs recherches formelles. Leurs images tout au long des années 1930, sont abondamment reproduites dans l’ensemble de la presse illustrée, en assurant aux photographes de nouveaux débouchés. La revue Arts et métiers graphiques salue à maintes reprises la qualité novatrice de leurs travaux exécutés pour des firmes prestigieuses, telles que « Hotchkiss », « Peugeot » ou « la Maison de Blanc ». Client majeur, les laboratoires pharmaceutiques du docteur Debat passent commande non seulement de photographies à la gloire de leurs produits, mais aussi pour des reportages destinés à illustrer leur luxueuse revue « Art et médecine », en quelques années, plus de 300 clichés des membres du groupe y paraissent.

  • La nécessité d’assurer une meilleure diffusion de leur production, sans renier leur autonomie, conduit les membres du « Studio Zuber » à créer en 1934 avec Maria Eisner, l'agence « Alliance Photo », la première agence coopérative de photographes. La liberté d’action ainsi acquise leur permet de parcourir le monde et de développer leurs propres recherches. Dès 1936, l'agence édite le célèbre reportage de Robert Capa sur les républicains espagnols, et sert par la suite de modèle pour la future agence Magnum photos.

  • En 1934, René Zuber fonde avec le réalisateur, Roger Leenhardt, les « Films du Compas » et réalise son premier documentaire, « En Crète sans les dieux », tout en poursuivant ses reportages photographiques en marge des tournages. Au-delà d’une pratique photographique commune, le groupe tisse de réels liens d’amitié, amateurs de sports et de camping, ces jeunes photographes partagent ensemble, leurs loisirs et sont tour à tour modèles et auteurs, leurs regards se croisent et transforment leur propre vie en un terrain d’expérimentations photographiques. Les images alors réalisées ne restent pas dans la sphère privée, elles sont immédiatement reproduites, notamment dans les magazines, comme « Vu », « Voilà », « Regards » ou « Paris Maga­zine ». Pierre Boucher va jusqu’à utiliser ses photographies prises de son ami l’athlète Robert Pontabry, un modèle idéal, des photos nues et dont le corps est mis à l'honneur pour les inclure dans des compositions publicitaires. Cette démarche collective est un des traits les plus étonnants du « Studio Zuber ».

  • En 1939, l'arrivée de la seconde guerre sonne la fin du « Studio Zuber », qui est dissout et tombe dans l'oubli. C’est bien plus tard, « Aux Rencontres de la photographie » d'Arles, à l'abbaye de Montmajour, qu’une exposition revient sur ce groupe photographique qui a marqué durant plus de huit ans la photographie française en la libérant.

  • En 1943, René Zuber fait la connaissance de Georges Gurdjieff, célèbre figure de l’ésotérisme, il fait partie des groupes « Gurdjieff » et publie un ouvrage sur son expérience de cet enseignement. Il s’exprime également derrière la caméra, en réalisant une série de films sur les fameux « mouvements des groupes Gurdjieff ».

  • En 1946, il fonde les « Éditions du Compas », publiant « La Mort et les Statues », préfacé par Jean Cocteau et rassemblant des photographies de Pierre Jahan et poursuit activement son travail de documentariste jusqu'à sa mort.

Paris sous la Neige, circa 1930

FFI, Barricade Le Fortin , Rue de la Huchette, Paris, 22 août 1944

Après la disparition de son Studio, René Zuber reprend son appareil photo, il effectue cette image durant la libération de Paris pour immortaliser, à sa manière l’événement, il photographie les barricades, comme celle de la rue de la Huchette, nommée la barricade le Fortin sur laquelle plusieurs habitants habillés en civil prêtent main forte aux FFI, ce jour là il fait chaud et les combats devancent l’arrivée des troupes alliées, les parisiens prennent leur destin en main et construisent plus de 600 barricades dans la capitale, c’est tout le Paris populaire qui se soulève et qui l’emporte au lourd prix de plus de 1 500 morts.

Ce cliché, quelques mois plus tard, en novembre 1944 est utilisé pour l’affiche de l’exposition « La libération de Paris » au Musée Carnavalet, l’image est transformée, les personnages sont supprimés pour laisser place uniquement à l’homme seul, tenant un revolver, derrière la barricade sont ajoutés de nombreux sacs de sable ainsi que les tours de Notre-Dame sous un ciel nuageux.