Harry Gruyaert (1941) photographe belge né à Anvers.

  • De 1959 à 1962, il étudie la photographie et le cinéma à Bruxelles. Il débute en tant qu'indépendant dans les milieux de la mode, et de la publicité exerçant son activé à Paris, tout en travaillant comme directeur de la photographie à la télévision flamande.

  • En 1969, il effectue le premier de ses voyages, se rend au Maroc, une plongée au cœur des paysages, des lumières et des couleurs qui le fascine de suite, marquant pour toujours son style.

  • En 1972, il couvre les Jeux Olympiques de Munich, la même année il photographie sur un écran de télévision, les dernières missions des vols d'Apollo 16 et 17 sur un écran de télévision, en manipulant les couleurs, une série publiée sous le titre de « TV Shots » et exposée à la Galerie Delpire et à la « Phillips de Pury and Co » de New York.

  • En 1976 il obtient le prix Kodak pour certaines images qu'il a effectué sept ans plutôt au Maroc, il enchaine d'autres voyages, en Inde puis en Égypte en 1987.

  • En 1981 il intègre l'agence Magnum Photos en tant que membre à part entière.

  • En 2000, il publie un ouvrage intitulé, « Made in Belgium », suivi d'un second en 2003, « Rivages » consacré sur les bords de mer du monde entier.

Harry Gruyaert développe une œuvre exceptionnelle entièrement dédiée à la lumière et à la couleur. Son travail prend la suite des pionniers américains de la photographie couleur que sont Saul Leiter, Joël Meyerowitz, William Eggleston et Stephen Shore, en étant l'un des rares pionniers européens photographes coloristes, à donner à la couleur une dimension purement créative.

« Je suis quelqu’un de très nerveux qui s’épanouit dans la tension. Par définition, la réalité est sans cesse en mouvement et je guette le moment où va se passer ce quelque chose faisant que l’image advienne. » Harry Gruyaert

A partir des années 1970, il photographie d'abord en noir et blanc, mais les couleurs s'imposent à lui, deviennent évidentes, ce plaisir de la couleur, il le trouve au départ dans sa ville natale d’Anvers, et déclare qu’en Belgique qu’il a mis du temps à découvrir la couleur, cette lumière ou le vert et le bleu pâle dominent et qui font désormais partie de son nuancier, la couleur devient pour lui une façon de percevoir le monde, elle est un moyen d’expression, dans son pays, il éprouve le besoin d'y travailler en permanence, y revenant après chaque voyage, dans ces régions du nord, dans lesquelles il poursuit la lumière, les ciels chargés, une guirlande d'ampoules jaunes et oranges, des atmosphères nostalgiques, comme l'intérieur des thermes de la ville d’Ostende qui sont illuminés par un soleil d'un jaune rasant. Puis toujours à la recherche de nouvelles couleurs, il se rend au Maroc, en Inde, en Égypte, au Vietnam et au Yémen enregistrant les subtiles vibrations chromatiques des lumières d’Orient et d’Occident tout en s'intéressant à l'atmosphère des grandes métropoles.

« La couleur est plus physique que le noir et blanc, plus intellectuel et abstrait. Devant une photo en noir et blanc on a davantage envie de comprendre ce qui se passe entre les personnages. Avec la couleur on doit être immédiatement affecté par les différents tons qui expriment une situation . » Harry Gruyaert

Son intérêt pour le pouvoir hypnotique de la télévision remonte aux années 1960 et le pousse à analyser les problématiques de la couleur et de la construction de l'image. Ayant gouté dans un premier temps au tirage Cibachrome, par la suite il l'abandonne et se tourne vers l'impression numérique qui lui permet de mieux révéler la subtilité des nuances et d'approfondir sa démarche en donnant à la couleur les moyens d'affirmer son autonomie, mieux adapté à révéler la richesse des tons trouvés dans ses films, l’impression numérique ouvre de nouvelles possibilités dans son travail, à savoir donner de la couleur comme moyen d'affirmer son existence réelle.

Il ne limite pas son regard à une partie du monde, il le porte sur le monde entier, il est attiré par les bords, ces espaces segmentés qui sépare les ciels chargés, privilégié la lumière sur les sujets. Il souligne l’acte poétique qui la sous-tend, la fulgurance de l’instant et du hasard, ses constructions picturales sont structurées, et la lumière inonde l’espace.

« Je n’aime pas rester cantonné à quelque chose de précis. » Harry Gruyaert

C’est alors que l’on remarque ce que l’on ne voit pas, le noir de ses photos, un jeux improbable entre ombres profondes et lumières saturées, un noir venant cisailler sa photo. Il conserve une tripartition de l’image, un sens de lecture en diagonale, une importance rigoureuse des lignes qu’il fait muer en couleurs, d’une façon esthétisante. Au sein de ses images, il établit un dialogue, entre ce qui et ce qui n’est pas, le recherché et le deviné, entre le noir et la couleur. Ce sont ces deux derniers qui véritablement structurent ses images, la couleur n’est pas une simple forme, elle est pour lui bâtisseuse de l’espace photographique. Ces grands aplats noirs sont le moyen de désigner le réel, de le trancher, de sculpter à la manière de Henri Matisse et ses ciseaux dans ses grandes feuilles bleues, rouges, vertes. L’ombre, le noir, c’est un peu les ciseaux du peintre dans l’œil de Harry Gruyaert. Dans ses photographies, il est capable d'obtenir autant le rendu d'une toile hyperréalisme que celle d'une toile impressionniste.

« La réalité ressemble à un collage de Picasso dont les éléments n’étaient pas faits pour être mis ensemble, mais qui, soudain juxtaposés, signifient et disent quelque chose d’original et de très fort, insaisissable avant. » Harry Gruyaert

N’importe quel lieu est toujours diffèrent des autres, car il résume tout, ces éléments qui se fondent entre eux, sont des points extrêmes, ou les couleurs sont graphiques, lieux dans lesquels, il marche, s'arrête, réfléchit et photographie. Les personnages très souvent, dans son travail sont réduits au rang de silhouettes, de dos et sans visage.

« Je suis intéressé par la banalité du quotidien, les objets autant que les humains. » Harry Gruyaert

Il se revendique photographe et rien de plus, il laisse au public, s’il le désire, le loisir de le qualifier d’artiste, de génie de la couleur, il ne revendique pas non plus de recettes esthétiques, ou de procédés incroyables, mais seulement un travail personnel purement instinctif et intuitif, guidé par le hasard dont la cohérence d’abord lui échappe et parfois ne se révèle que bien des années plus tard.

Dans son univers graphique, le temps s’arrête, l’ennui des halls d’aéroport répliquant aux cafés et salons dépeuplés de Malmö, de Moscou, de Las Vegas ou d'Ostende. Ses ciels sont immenses, tout vides ou pleins de nuages qui roulent et menacent. Il s'intéresse peu à la figure humaine, même si l'humain est souvent présent dans ses images, il l’est de dos comme une femme dans la rue dont le vert du manteau rappelle celui des tiges de bouquets jetés sur une poubelle. La figure peut être découpée par l'ombre, comme le client accoudé d'un zinc parisien.

« Une photographie existe lorsqu’elle prend corps par le tirage. » Harry Gruyaert

Night Club, Bruxelles, 1981

Province du Brabant, Belgique, 1981

Trans-Europe Express, Belgique, 1981

Venice Beach, Los Angeles, 1982

The Golden Nugget, Gambling Hall, Las Vegas, 1982

Policemen on their beat, Las Vegas, 1982

Casinos signs in the city of Las Vegas, 1982

The Golden Nugget at Night, Las Vegas, 1982

Casino Mint, signs of the city of Las Vegas, 1982

Marrakech, Maroc, 1986

Marrakech, Maroc, 1986

Ouarzazate, Maroc, 1986

Le Caire, Égypte, 1987

Ostende, Belgique, 1988

Café Basque, Anvers, 1988

Coffee on the beach, Ostende, 1988

Boom, Belgique, 1988

Launderette, Anvers, 1988

Essaouira, Maroc, 1988

JFK Airport, New York, 1988

Plage de Fort-Mahon, Picardie, France, 1991


Dans le nord de la France, sur la plage de Fort-Mahon, il marque un arrêt et porte l’espace d’un instant une attention toute particulière à ce rivage ou le temps est suspendu, en traquant les lumières et les tons qui viennent éclairer la grisaille d’une fin de journée, pour lui c’est un lieu diffèrent de tous les autres, car il les résume tous, ciel, eau, ultime terre, d’abord la mer, ensuite les nuages et les vagues qui mêlent les éléments et se fondent en eux. C’est une plage, une limite, un point extrême, et d’une limpide simplicité dans le résumé de ses éléments graphiques. On y marche, on s’y arrête, on y réfléchit, on y court, on s’y baigne, et on y photographie.


Une image dans laquelle il se retrouve face à l’écran de la mer se projetant et se cherchant. Avec au loin un horizon, un ciel bleu strié par le blanc des nuages, le sable balayé par le vent et les silhouettes comme des formes toutes petites face à l’immensité de la nature.

The Red Light District, Anvers, 1992

Hama, Syrie, 1995

Estremadura, Espagne, 1998

Fene, Galicia, Espagne, 1998

Calcutta, Inde, 2001