Arthur Weegee (1899-1968) photographe américain, né Usher Fellig à Złoczów, issu d'une famille juive austro-hongroise. En 1910, la famille au complet, sa mère et ses trois frères, rejoignent leur père rabbin Bernard Fellig, qui a immigré aux États-Unis peu après sa naissance. À son arrivée à Ellis Island, son nom est changé en Arthur, ils s'installent et vivent dans quartier juif new-yorkais du Lower East Side.

Celui que l'on surnomme « Weegee the Famous » est le premier et l'unique photographe à avoir le privilège d’être branché sur la radio de la police, un dispositif lui permet d’arriver en même temps que les policiers, parfois même avant, sur les lieux de crimes, d’accidents, d’incendies ou de suicides.

Ses flashs crépitant rendent compte immédiatement des scènes où les traces laissées ne sont pas encore nettoyées et que le travail des policiers n'a qu'à peine débuté, le sang s’écoule sur la chaussée, les armes du crime jonchent le sol, la fumée envahit l’atmosphère des rues, les volants sont dans les mains des accidentés, les chaussures encore sous les roues, des chocs émotionnels qu'il imprime avec rapidité.

Pour 5 dollars l’épreuve, il passe ses nuits dans sa voiture, une Chevrolet Chevy Coupe, minutieusement étudié, son coffre abritant un laboratoire avec de nombreux appareils photographiques préchargés en plaques, ainsi qu’un stock d’ampoules de flash et une machine à écrire pour signer ses photos. Il dort n’importe où pour être réactif aux évènements en étant habillé de vêtements amples comportant des poches à fermeture éclair afin d' avoir l’essentiel avec lui et d’éviter d’égarer ses équipements. Dans un premier temps, il commence ses sorties nocturnes vers minuit en se rendant au commissariat de Manhattan. Il attend que les nouvelles tombent sur les transcripteurs de la police, puis se rend sur les lieux des évènements à photographier, condamné par cette méthode à arriver toujours trop tard, il équipe dans sa voiture une radio portative à ondes courtes et une carte de presse afin de mettre à profit ses relations avec les policiers et gagner en autonomie. Il considère sa voiture et tout ce qui compose son matériel professionnel comme ses « ailes ».

Il utilise le plus souvent d'un Speed Graphic 4x5 avec une ouverture à f/16, à 1/200e de seconde et une focale à 10 pouces, de 25 centimètres et utilise aussi un Rolleicord.

Il est considéré comme le créateur du style tabloïd, en inventant une nouvelle façon d'associer les textes aux clichés, marquant l'imaginaire de nombreux reporter et réalisateurs du 20eme siècle.

Sa démarche est pour lui une manière de travailler avec une grande liberté, il termine sa nuit en développant ses plaques, puis se rend aux différentes rédactions des journaux avant six heures du matin, afin que ses tirages soient dans les premières éditions, ses images sont publiés dans de nombreux magazines de l'époque, le « Herald Tribune », « The Daily Mirror », « New York Daily News », « Life », « Vogue » et « Sun ».

Il ne croit qu’en l’instantané et à l’enregistrement des scènes dramatiques de la vie quotidienne, il participe de la naissance d’un photojournalisme qui se donne pour objectif d’être au plus près de la réalité. Alors que d'autres photographes sont subventionnés par des programmes nationaux visant à recenser visuellement les conditions de vie des Américains, il privilégie une autonomie qui lui laisse le choix de choisir ses propres sujets photographiques, recevant un fort écho médiatique auprès des rédactions de la presse. Près de cinq mille reportages, régulièrement publiés dans la presse quotidienne à sensation, ont en commun un style direct, des images fortes et brutales révélant un autre visage de l'Amérique, celui des bas-fonds, de la détresse urbaine, et de la violence derrière le mythe américain.

« Pour prendre des photos d'actualité, il est certain qu'il ne faut pas être une oie blanche. » Arthur Weegee

Il photographie aussi bien les victimes, les coupables, les policiers, les témoins et passants, recréant ainsi une fresque autour de scènes quotidiennes émaillant le caractère lissé du rêve américain, la lecture de son œuvre n’est pas à contre-courant des travaux photographiques de l’époque, mais il sait aussi se prendre d’affection pour les déshérités et les clochards s’aménageant des refuges de misère et vivant dans des taudis, il aime à dire qu’il n’a aucune inhibition, pas plus que son appareil.

Ses images évoquent celles des nouveaux photographes de la police scientifique, elles sont réalisées à la fois pour constater et servir de pièces à conviction. Ses représentions de violence et de mort sont à l'époque une véritable révolution dans le domaine photographique.

« La nouvelle photographie vous apprend à penser vite. » Arthur Weegee