Edward Ruscha (1937) photographe américain né dans le Nebraska, d’un père travaillant au sein d’une compagnie d’assurance et d’un mère qui l’encourage très tôt vers le milieu artistique. Il grandit à Oklahoma City, tout le long de son adolescence, il développe un intérêt pour le dessin, forme son regard au contact des médias, s'intéresse à la bande dessinée et au graphisme.

    • En 1956 il déménage pour Los Angeles ou il étudie au « Chouinard Art Institute », avec le professeur Robert Irwin, artiste minimaliste, il suit des cours d'illustration, de graphisme, de photographie, d'histoire de l'art et découvre la peinture qui devient son médium.

    • « J'ai commencé à prendre des photos quand j'étais à l'école, mais sans intention sérieuse. J'aimais l'idée de pouvoir capturer ce qui est ici et maintenant, comme une réalité immédiate susceptible d'être ensuite évaluée et intégrée à une peinture. » Ed Ruscha

    • En 1960 il obtient son diplôme et travaille pour l’'imprimeur « Carson-Roberts Advertising Agency », qui lui donne de suite l’idée d’utiliser le livre comme un médium dans le domaine des beaux arts.

    • En 1961 à New York, grâce à Leo Castelli, il découvre une œuvre de Roy Lichtenstein et rencontre le pop art. La même année il parcoure avec sa mère et son frère, la France en 2CV puis continue son périple dans dix-sept pays européens, produisant plus de 450 instantanés.

    • « Je ne m'attardais pas beaucoup sur ces prises de vues. Je voyais quelque chose qui, sur le moment, me semblait avoir de la vitalité, et je le photographiais, même si les vitrines de magasins apparaissent comme des citations des photographies d'Eugène Atget » Ed Ruscha.

    • Au début des années 1960, il, revendique une photographie basée à la fois sur la banalité et la technique en publiant une série d’ouvrages inspirés de la vie américaine, des instantanés de stations-services, d'immeubles, et de palmiers californiens, se libérant de l'influence de l'expressionnisme abstrait en matière de peinture, il chercher à développer un œuvre proche de Robert Rauschenberg, Jasper Johns et Marcel Duchamp.

    • En 1962, son travail est présent lors de l’exposition « New Painting of Common Objects » au Norton Simon Museum à Pasadena, historiquement considérée comme l'une des premières expositions Pop Art aux États-Unis, ou il est aux côté d’artistes tels que Roy Lichtenstein, Andy Warhol entre autres.

Lors du passage à Los Angeles de l'exposition « The Family of Man » organisée par Edward Steichen, Ruscha découvre dans le domaine de la photographie, les travaux d'Eugène Atget, Robert Frank et son livre « Les Américains », et surtout Walker Evans, œuvres à travers lesquelles il trouve ses influences.

D’autre part, l’œuvre de Marcel Duchamp, exposée en 1963 à Los Angeles, lui indique très tôt la voie d'une distance critique aux héritages de l'art, et sans doute quelques stratégies d'évitement de l'expressivité personnelle en vogue à cette époque, parmi lesquelles la photographie qui permet des compositions « ready-made ». En 1957, Ruscha découvre au travers d'une reproduction en noir et blanc « Target with Four Faces » de Jasper Johns de 1955, une cible peinte surmontée de quatre moulages de visages. Il est alors frappé par la symétrie de la composition et la manière distanciée de poser la peinture.

Si la peinture reste le principal mode d'expression de Ruscha, la photographie est toujours pour lui une part intégrante du dispositif de son travail.

« J'ai toujours eu le plus profond attachement pour tout ce qui ne pouvait pas être expliqué. Les explications ont en elles quelque chose qui annule le pouvoir de ce que l'on fait » Ed Ruscha

En 1956, Ruscha s'achète un appareil reflex Yashica A à double objectif ou il isole des objets sur un fond relativement neutre. Dans ses premiers collages, en 1959, il inclut ses photographies ou joue avec la répétition des tirages. Il réalise sa première série de photographies qui donne lieu à la publication de son ouvrage en 1963, intitulé « Twentysix Gasoline Stations », refusé par la « Library of Congress ». L'artiste conserve ces 26 images d'architecture fonctionnelle dans son volume d'aspect très sobre et de petit format. Ce livre ainsi que les autres qu’il produit par la suite, vont marquer l'histoire de l'art s’inscrivant à la fois dans le pop art et l'art conceptuel.

« J'aime le mot gasoline et j'aime le caractère spécifique de twentysix. J'ai travaillé sur tout cela avant de prendre les photographies. Ce n'est pas que je voulais faire passer un message important concernant l'essence, le nombre 26 ou quoi que ce soit de ce genre, je voulais juste qu'il y ait une cohérence. Surtout, les photographies que j'utilise ne sont en aucun sens artistique. Je pense que la photographie est arrivée à son terme en tant qu'art, elle n'a plus d'usage que publicitaire, pour répondre à des objectifs techniques ou d'information, mes photos sont des données techniques comme dans la photographie industrielle. Pour moi, ce sont rien de plus que des clichés instantanés. » Ed Ruscha

En 1961, Ruscha réalise une série de clichés en noir et blanc plus prémédités dans leur facture, intitulée « Produits », où des objets de consommation flottent sur des fonds indéfinis. Les images décrivent avec une précision clinique de simples marchandises au milieu du cadre, dont la clarté et la lisibilité produisent un impact graphique inattendu. Il pratique à cette époque le collage et y intègre des photographies, qui deviennent ainsi de simples objets parmi d'autres.

Il privilégie la banalité d'un quotidien exotique à ses yeux d'Américain. Sa démarche reste très intuitive et la photographie très tôt pour lui l'outil idéal pour sélectionner ses sujets. Il aborde une multitudes de thèmes, des stations d'essence aux gâteaux d'anniversaire, en passant par les cartes de visite, les parkings vus d'avion, les piscines, les bonnes occasions dans l'immobilier, ou il met l'accent mis sur la banalité de ces natures mortes ou paysages. Son goût pour l'absurde ne déroge pas à l'humour surréaliste, Ruscha est attentif à son époque, lié aux frustrations et aux délabrements de la ville.

« Voir les choses photographiquement a influencé ma manière de penser et de voir. » Edward Ruscha

Phillips 66, Flagstaff, Arizona, 1962

Twentysix Gasoline Stations