Bernd et Hilla Becher (1931-2007) / (1934-2015), couple de photographes allemands, Bernd né à Siegen et Hilla Wobeser née à Potsdam.

  • Dans sa jeunesse, Hilla s'exerce à photographier les châteaux et jardins de Sans-Souci, ancien palais d'été du roi de Prusse Frédéric II. Elle suit une formation de photographe à Potsdam, et quitte en 1954, la RDA pour s’installer à Düsseldorf, ou elle étudie la peinture à la Staatliche Kunstakademie, au sein de laquelle après ses études, elle nommée responsable du laboratoire photographique.

  • Quant à Bernd à partir de 1956, il étudie la peinture, la typographie et la lithographie aux Beaux-Arts de Stuttgart, d'ou il sort diplômé, il commence à peindre des paysages de sa région natale, en se servant de la photographie en tant que modèle pour ses dessins et effectue son tout premier cliché, en 1957, lors de la démolition d'une mine.

  • En 1957 Bernd et Hilla se rencontrent à la Kunstakademie de Düsseldorf. Dès 1959, ils entreprennent ensemble de documenter méthodiquement l'architecture des bâtiments industriels du 19eme et 20eme siècles en Europe.

  • En 1961, ils se marient, et se font appeler les “Becher”, le couple continue leur collaboration avec une démarche qui consiste à établir un inventaire rigoureux, typologique et systématique du bâti industriel, ils photographient les usines, les mines, les haut-fourneaux, tous menacés d'obsolescence et proche de l'abandon. Ils procèdent sous une forme scientifique dans le sens où tous leurs clichés sont classés et archivés selon la localisation géographique, Allemagne, Belgique, États-Unis ou par les fonctionnalités, châteaux d'eau, silos, gazomètres, et hauts-fourneaux.

  • En 1963, ils réalisent leur première exposition dans une librairie à Siegen.

  • En 1974, ils voyagent aux Etats-Unis et au Canada afin d’élargir leur inventaire.

  • En 1976, Bernd Becher occupe une place de professeur à l'académie des beaux-arts, la Kunstakademie de Düsseldorf, au sein de laquelle il ouvre la première classe de photographie artistique, avec des élèves qui vont acquérir par la suite à leur tour la notoriété, Andreas Gursky, Thomas Ruff, Thomas Struth, Candida Höfer, Elger Esser.

  • En 1990, le travail de leur vie commune, est couronné par le Lion d'or de la sculpture à la Biennale de Venise. En 2004, ils remportent l'Hasselblad Award. En 2005 grande rétrospective au Centre Pompidou à Paris.


La photographie s’impose à Bernd Becher par nécessité plus que par choix artistique, sa fascination et le respect qu’il porte aux hauts fourneaux de la Ruhr, lui dicte une méthode d’enregistrement, méthode pour laquelle il se consacre dès les années 60’ et toute sa vie.

Rapidement assisté de Hilla Wobeser, qui devient sa femme et collaboratrice. Ensemble, ils parcourent le monde de manière systématique avec une curiosité sans cesse renouvelée pour les structures industrielles.

La passion de Bernd pour l’architecture industrielle est dans un premier temps affective, provenant d’une filiation d’ouvriers, travaillant en usine. Mais il a l’intuition qu’il doit approcher ces objets énormes et complexes avec une certaine distance avec le mouvement photographique de la nouvelle objectivité, celle de la photographie allemande des années 30 qui met en avant le rejet du pictorialisme, développant un art pour ses vertus descriptives autant que formelles.

Depuis la fin des années cinquante, Bernd et Hilla Becher mènent un projet descriptif et systématique de recensement de bâtiments industriels, par la photographie, châteaux d'eau, tours de refroidissement, gazomètres, puits de mine, silos, hauts-fourneaux, constituant un large corpus.

Les Becher afin d'atteindre le plus possible cette objectivité, privilégient des vues d’ensemble, la mi-hauteur, l'appareil est placée de manière à éviter la contre plongée aussi bien que la plongée, l’objet photographié est alors dans un rapport d’égal à égal, aucun dominant, ni de dominé. Le temps est toujours gris, absence de lumière trop franche qui permet un meilleur modelé des volumes, et une lecture optimale de l’image. Ils bannissent du cliché toute source de distraction, individus, nuages ou fumées, ils privilégient une lumière diffuse, sans effets d'ombre trop marqués.

« Les objets qui nous interressent ont en commun d'avoir été ainsi conçus sans considération de proportion et de structures ornementales. Leur esthetique se caractérise en ceci qu'ils ont été crées sans intention esthétique. A mes yeux l'intéret du sujet réside dans le fait que des immeubles, à fonction généralement identique, se présentent avec une grande diversité de formes, nous essayons de classer et de rendre comparbles ces formes au moyen de la photographie.» Bernd Becher

Le travail singulier et obsessionnel de ce couple allemand, travaillant ensemble pendant près de cinquante ans, marque profondément la scène contemporaine, avec une approche frontale, renouant avec les pratiques chères à la photographie scientifique du 20eme siècle. Ils s'inscrivent dans la pure tradition allemande de la photographie, tel que August Sander avec ses portraits des hommes du 20eme siècle. Leur oeuvre se rapproche aussi de celles des artistes minimalistes et conceptuels américains comme Carl André et Sol Lewitt, une oeuvre perçue comme un répertoire de formes pures, libérées de leur contexte et fonction.

Depuis le début au fil des ans, chaque vue est photographiée avec un protocole strict et identique, prise de vue à la chambre photographique de grand format, une chambre Linhof avec des négatifs 13 x 18 cm, équipé d'un téléobjectif afin éviter toutes déformations, ils utilisent un trépied saillant pour effectuer des long temps de pose de trente secondes qui assurent netteté et profondeur de champs.

Aux prises de vues enregistrées de face s'ajoutent une restitution plane des horizons, des ciels uniformes et l'absence de toute présence humaine, la structure photographiée au centre de l'image, ils l'isolent autant que possible de son environnement, tout en privilégiant un point de vue surélevé, afin d'éviter toute distorsion.Pour donner à leurs photos un caractère documentaire objectif, elles sont toutes effectuer d'une façon identique, avec une lumière neutre et un ciel couvert et chaque photographie d'une même série est composée de la même manière, angle de vue et cadrage similaires.

Leurs photographies toujours réalisées en noir et blanc, sont le témoignage précieux d'une architecture industrielle menacée par la ruine, de véritables « sculptures anonymes », titre qu'il donnent à leur premier ouvrage.

Les architectures industrielles dont la forme est à l'origine déterminée par leur fonction, apparaissent détachées de leur contexte, leur donnant une allure sculpturale.

Le systématisme se poursuit lors de l'exposition ou les images sont présentées sous forme d'un grille orthogonale, selon un cadrage et un éclairage identique, tirages présentés sous Marie-louise blanche avec un cadre en plastique blanc.

Indépendant à tout mouvement artistique, ensemble il stimule un renouveau de la photographie documentaire, le travail du couple se nourrit par un imaginaire scientifique fondé sur le classement des images par localisation et fonction.

« La question, est-ce vraiment une oeuvre d'art ?, ne se pose pas pour nous. » Bernd Becher

Haut Fourneau, Völklingen, Sarre, 1989

Un face à face orchestré par le couple en 1989, du haut fourneau du complexe sidérurgique allemand situé à Völklingen dans la région de la Sarre. L'activité de cette usine sidérurgique débute en 1873, et devient rapidement le centre d'un complexe industriel unique en Europe, assurant toutes les étapes de la production de fonte et d'acier. Au pic de production durant l'après-guerre l'usine emploie jusqu'à 17000 ouvriers. Fermé en 1986, huit ans plus tard en 1994, il est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO, en étant le premier monument industriel de ce type à y figurer.