• Peter Lindbergh (1944-2019) photographe allemand, né Peter Brodbeck à Leszno en Pologne. Il passe son enfance à Duisburg en Rhénanie-du-Nord. Après une éducation élémentaire, il quitte l'école très tôt à l’âge de 15 ans et travaille en tant que décorateur de vitrines pour les grands magasins Karstadt et Horten.

  • En 1962, il part en Suisse pendant huit mois, puis se rend à Arles en auto-stop, sur les traces de son idole, Vincent Van Gogh qu’il admire et poursuit son périple durant deux ans, jusqu’en Espagne et au Maroc. De retour en Allemagne, il étudie la peinture, en suivant les cours du soir aux Beaux-Arts à l’école d’arts de « Krefeld ».

  • En 1969, encore étudiant, il expose pour la première fois ses peintures, à la galerie « Denise René / Hans Mayer ».

  • En 1971, il se tourne définitivement vers la photographie et devient pendant deux ans l’assistant du photographe Hans Lux, à Düsseldorf. Ensuite, il travaille cinq ans en indépendant, se consacrant exclusivement au domaine de la publicité.

  • En 1973, grâce au soutien de Willi Fleckaus, il réalise sa première et importante publication avec 14 pages de photographies au sein du magazine allemand « Stern », dès lors, il connait la notoriété.

  • En 1978, il s’installe à Paris et débute une carrière internationale, collaborant au départ pour les magazines « Marie Claire », et la version italienne du « Vogue », puis enchaine avec celles du britannique, de la française, de l'allemande et de l'américaine.

  • En 1985, il expose pour la première fois, lors d'une exposition collective au « Victoria et Albert Museum » de Londres.

  • En 1988, Anna Wintour aux commandes de l’édition américaine du Vogue, le recrute, lui demandant de réaliser la couverture du numéro de novembre 1988, il signe alors l'une de ses premières plus belles photographies, une image immédiatement saluée comme une révolution graphique dans le monde de la presse de mode, celle en plein conflit israélo palestinien de la jeune mannequin israélienne Michaela Bercu, reconnu, il collabore au sein de nombreuses revues, le « The New Yorker », le « Vanity Fair », le « Rolling Stone » et « Allure ».

  • En 1990, il réitère l’exploit cette fois ci pour la couverture du Vogue britannique en réalisant un cliché iconique, réunissant les mannequins qui sont peu connus à l'époque, Linda Evangelista, Naomi Campbell, Tatjana Patitz, Cindy Crawford et Christy Turlington qui sont à l'origine des supermodels qui se développe tout au long de la décennie des années 1990. La même année sotie de son film, « Models », qu'il réalise dans lequel jouent les cinq mannequins qu'il a photographié.

  • En 1994, première rétrospective de son travail, organisée à Tokyo, au « Bunkamura Museum ».

  • Désormais il s'implique totalement dans le domaine de la mode, en réalisant de nombreuses campagnes pour les grandes marques de haute couture, Giorgio Armani, Prada, Donna Karan, Calvin Klein et parallèlement dresse des portraits de personnalités, dans les milieux musicaux, cinématographiques, sous son objectif, John Travolta, Catherine Deneuve, Mick Jagger, Charlotte Rampling, James Coburn, Asia Argento, Dennis Hopper, Tina Turner, Madonna, Sharon Stone, Charlotte Gainsbourg, John Malkovich, Mylène Farmer entre autres.

  • Ami proche de Wim Wenders, il se tourne vers la réalisation de documentaires et de films expérimentaux.

  • En 1995, il est nommé meilleur photographe par « l’International Fashion Awards » et devient membre honoraire du très exclusif Club allemand des directeurs artistiques. La même année il reçoit à Berlin, la plus importante distinction européenne dans le domaine du design, le prix de la « Fondation Raymond Loewy ». La même année il est sélectionné pour l’édition du calendrier Pirelli 1996, qu'il effectue à El Mirage en Californie, avec Nastassja Kinski, Tatjana Patitz, Eva Herzigovà, puis celui de 2002 à Hollywood.

  • En 1997, inauguration de son exposition, intitulée « Peter Lindbergh, Images of Women » au Hamburger Bahnhof Museum de Berlin.

  • En 1999, son court métrage, «Inner Voices » remporte le prix du meilleur documentaire au festival International du Film de Toronto.

  • En 2001, il est nommé « Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres » à Paris et sort son moyen métrage, « Pina Bausch Der Fensterputze ».

  • En 2007, son long métrage, « Everywhere at Once », coréalisé avec Holly Fisher, est présenté hors compétition au Festival de Cannes.

  • En 2011, il expose pour la première fois à Beijing, exposition intitulée « The Unknown », et imaginée par Jérome Sans, co-directeur du Palais de Tokyo, une exploration des liens entre le cinéma et la photographie.

  • En 2014, l'American Foundation for Aids Research (Amfar), lui decerne le prix du Courage lors de son gala du 5 février pour son engagement et ses dons conséquents en faveur de la recherche contre le sida. Au cours de la soirée, il offre l'un de ses clichés iconiques, et met aux enchères une série de ses portraits au profit de la fondation.

  • Ses photographies de nos jours, font l’objet de très nombreuses expositions dans le monde, la dimension artistique de son travail lui ouvre les portes des prestigieux musées d’art, de Paris à Tokyo, de Berlin à Milan, de Rome à Moscou, de New York à Pékin.


Peter Lindbergh, est considéré comme l’un des très grands noms de la photographie de mode contemporaine, il signe tout au long de sa carrière des photographies cultes, en débutant sa carrière à Paris à la même époque que Paolo Roversi, au sein des mêmes magazines. Son approche se développe en suivant des lignes très différentes, avec une photographie fortement contrastée en noir et blanc, reflétant ce qu'il appelle « coté lourdement expressionniste allemand », son style sériel spectaculaire provient de son intérêt pour le cinéma, un travail dont il intègre des références des réalisateurs, de Fritz Lang à Jim Jarmush, et dans le même temps rend hommage à des photographe de Jacques-Henri Lartigue à Erwin Blumenfeld.

Sa célèbre photographie de Kate Moss en salopette pour le « Harper’s Bazaar » new-yorkais lance sa carrière, de celle qui est devenue depuis l’icône de plusieurs générations et le style de mannequins androgynes des années 90. Il est l’un des rares à l’immortaliser ainsi dans toute sa beauté, l’un des rares à savoir montrer la soudaine fragilité d'un mannequin à l’aube d’une carrière d’exception, en la présentant en plan serré, l’air fatigué, avec des cernes, nullement apprêtée mais terriblement belle.

Son style est profondément marqué par les images contrastées de son enfance passée dans la région de la Ruhr, celles des paysages industriels, des endroits sombres, des usines désaffectées et aux structures métalliques. Influencé par le photographe August Sander et par le réalisateur Fritz Lang du « Metropolis » , l’Allemagne et son cinéma expressionniste se retrouvent dans ses clichés, instants d’émotion à jamais immortalisés. Avec un traitement de la lumière et du contraste, il se distingue par ses images en noir et blanc et un langage pictural marqué de la scène artistique berlinoise des années 1920, privilégie les séries intemporelles racontant une histoire et se préoccupe d’ambiance plus que de plasticité visuelle.

Il a une vision dans laquelle il suggère, il tresse avec une créativité hors du commun des photographies totalement nouvelles par leur conception. Ses images de mode défient les lois de la gravité de ce monde, elles semblent redéfinir un nouveau monde qui n’existe pas. Une lumière spéciale et une composition ne suffisent pas, il veut sentir l’âme des sujets qu’il photographie, donner l’impression d’être proche d’eux. Il insiste pour que ses modèles soient naturels, peu maquillés et coiffés de manière simple, afin de pouvoir apporter devant l’objectif tout leur mystère personnel. Son travail a un aspect de science fiction, est une utopie totale, transformant ces déesses en êtres humains sans jamais les priver de leur aura.

Son intérêt pour le cinéma est également perceptible dans sa manière de créer un fil narratif entre plusieurs images, de glisser parfois dans le cadre des objets évoquant le tournage d’un film. Il goûte peu à la retouche, refusant ainsi de gommer les singularités faisant une personnalité pour laisser la place à une image brute et forte, il aime travailler avec des femmes à l’identité forte, les laissant s’exprimer librement face à son objectif.

« Si on retouche trop, on gomme toute la vie. Ce n’est plus de la photographie, c’est de la chirurgie esthétique. » Peter Lindbergh

Il photographie les femmes telles qu’elles sont avec leurs défauts, il est un photographe de mode qui ne photographie pas la mode. Ses photographies ne véhiculent pas l’image d’un vêtement ou d’une femme ultra-sophistiquée et artificielle, c’est la femme avant tout qu'il sublime, celle qui est bien ancrée dans son époque, avec sa sensibilité et son univers. Ce ne sont pas des prises de modes classiques, mais des témoignages, une idée de la féminité de l’air du temps.

« La création est la naissance de quelque chose. Une chose ne peut venir de rien. Quand on crée une peinture, un poème, une photographie, la créativité vient d’une idée, d’un sentiment, d’une émotion, ou d’une combinaison d’idées, de sentiments et d’émotions qui renaissent, en quelque sorte, à travers nos expériences et nos ambitions. » Peter Lindbergh

En total visionnaire, il appréhende de son œil expert les plus belles femmes du monde dès la fin des années 80, Naomi Campbell, Stéphanie Seymour, Linda Evangelista , Cindy Crawford et surtout Kate Moss. Pour lui elles sont des diamants bruts, et sait capturer leur essence en toute bienveillance, bien avant qu’elles ne deviennent les égéries des plus grands couturiers. Il les présente sans fard ni sophistication, vêtues de simples chemises blanches sur les plages de Santa Monica.

Ses photographies bouleversent le milieu de la mode, changeant définitivement le regard d’une industrie ne se définissant qu’à travers une perfection de façade. Les mannequins sont immergés dans un décor banal, au milieu de rues passantes comme des instantanés de vie, des moments d’émotions rares gravés sur pellicule. Son travail fonctionne comme celui d’un véritable historien, montrant l’évolution de la femme dans la mode, de pulpeuse à la rayonnante femme, celle qui devient de plus en plus androgyne et famélique au fil des années.

« J’aime bien me reconnaître dans les photos que je fais. C’était ça le plus important pour moi, être toujours capable de retrouver mon identité dans mes images. » Peter Lindbergh

Kristen Owen, Nancy, 1988

Mathilde, Tour Eiffel, Paris, Rolling Stone, 1989


Pour le centenaire de la tour, Peter Lindbergh, fait référence à deux photographes, il rend hommage dans un premier temps au cliché d'Erwin Blumenfeld en 1939 du mannequin Lisa Fonssagrives agrippée à la tour comme une fée venant d’ailleurs, déployant sa large robe et de celui effectué par Marc Riboud en 1953, du peintre acrobate semblant voler dans les airs, en équilibre instable sur l’un des pylônes de la tour.


Dans son image, Mathilde contemple la ville de Paris, tel un ange arrivé sur terre qui vient juste de retirer ses ailes pour voyager plus commodément et ne pas attirer l’attention parmi les êtres humains, sans les problèmes liés à la gravité. Le cliché repose sur le contraste de la massive structure métallique suggérer par le pilier et le corps mince du mannequin, quasi androgyne dans sa légèreté, il oppose puissance et légèreté, évoquant instabilité et un envol sur le point de se produire.

Brooklyn, New York, 1991

Kristen McMenamy, New York, 1993

Amber Valletta, New York, 1993

Harper's Bazaar

Kristen McMenamy, El Mirage

Calendrier Pirelli, 1996

Monica Bellucci, Paris, 1999