Paul Strand (1890-1976) photographe américain, né à New York de parents originaires de la Bohème qu'ils ont quitté comme de nombreux juifs, son père, Jacob Stransky change son nom en Strand peu de temps avant la naissance de Paul, qui grandit émerveillé par la verticalité des villes.

Toute sa vie et sa carrière témoignent de la profondeur de ses convictions en tant qu’artiste et en tant qu’homme, qui l’amène à s’exiler en France pour fuir le maccarthysme. Photographe de la réalité immédiate, son œuvre continue d’irradier par sa perfection formelle, ses recherches, sa façon de rendre vivants et vibrants les détails, de magnifier la terre et la vie, maître incontesté, c’est grâce à lui que Walker Evans est devenu photographe en découvrant le portrait de la femme aveugle, « Blind » de 1916.

« Dites ce que vous avez à dire et faites que cela tienne dans un espace rectangulaire. » Paul Strand

Strand avec Edward Weston font basculer la photographie dans l’ère moderne, en faisant tomber dans les oubliettes le mouvement pictorialiste. Il laisse tout au long de sa légende, d'innombrables clichés, sa signature est l’intensité qui en émane. Il est un partisan absolu de la « Straight photography », une photographie pure et directe, sans apprêt, rude, non idéalisée.

« L’objectivité est la pure essence de la photographie, c’est sa plus grande contribution et en même temps sa limite. » Paul Strand

Il croit à l'utilisation de la photographie comme un outil de réforme sociale, toute sa vie, il est un homme de gauche, très proche du parti communiste, imposant sa révolution de la perception de l’objet et du champ de l'image. Le mouvement dans la ville, les abstractions et les portraits de rue sont ses thèmes de prédilection. Il est autant attiré par la restitution fantasmée de la nature immense, que par les portraits des hommes simples, aussi vastes pour lui que les paysages. La vie des choses simples est sa recherche, son aboutissement. Dans ses portraits les plus dépouillés, les plus rudes, il ne peut s’empêcher de faire de l’art, et de réintroduire de l’esthétisme. 

« Trois routes importantes s’ouvraient à moi. Elles m’aidèrent à trouver mon chemin. Mon travail se développa en réponse à mon désir de comprendre l’évolution nouvelle de la peinture, mon désir de pouvoir exprimer certains des sentiments suscités en moi par New York, ville où je vivais, un dernier désir, aussi important que les deux précédents qui était que je voulais voir si je pouvais photographier les gens dans la rue sans qu’ils se rendent compte de la présence de l’appareil photo. »  Paul Strand

Sa méthode de travail, c'est la lumière qui sculpte, qui ordonne, qui structure, avec une rigueur implacable, il impose une netteté des pans, une profusion des détails, une construction travaillée.

« Le problème de la photographie est de voir à la fois les limites et les qualités potentielles de son art, car une expression vivante dépend au moins autant de l’honnêteté que de l’intensité de la vision. Il s’agit de respecter l’objet et de l’exprimer par le moyen d’une gamme presque infinie de tonalités. La réussite est là, obtenue sans trucages ni manipulations par l’emploi de la photographie directe. » Paul Strand

Il traite la condition humaine prise dans le contexte urbain moderne, et jamais il ne déroge à son exigence. Que ce soit dans ses portraits les plus directs, ou dans la patiente mise en valeur des objets les plus quotidiens, il est tension, vision directe. Rien n’est banal, pas plus une pierre qu’un visage. Tous les deux recèlent une part profonde d’invisible et d’intériorité. Il inscrit ses modèles dans une construction rigoureuse, architecturale, géométrique à ses débuts, mais c'est avant tout, les gens qui le fascine, il fait les portraits de ces gens tels qu'il les voit, dans les parcs de New York et ailleurs, assis simplement, sans être conscients d'être photographiés.

« Faire des petites photographies pour des grands sujets. » Paul Strand

Il s’interdisait tout trucage, toute retouche, toute manipulation, imprime ses photographies sur un papier au platine qu’il importe directement d’Angleterre, au prix très élevé, un papier qui lui offre, une échelle de valeurs la plus étendue qui soit, du noir le plus profond au blanc pur, il l’améliore encore plus par des expérimentations pour enrichir et approfondir la richesse des tons obtenus, ajoutant au papier déjà préparé une nouvelle couche d’émulsion au platine qu’il fabrique lui-même, après l’impression, il ajoute un virage à l’or pour intensifier la richesse des noirs, chacun de ses tirages sont très onéreux et demande au développement un temps excessif.

« Il photographie comme Cézanne fait des pommes, ou Weston des poivrons. » Jean Dieuzaide

Il délaisse la peinture, quitte quelque temps la photographie, afin de se consacrer au cinéma, « New York la Magnifique » est son premier grand projet cinématographique, avec comme thème, la vie quotidienne de la ville et de ses habitants. D’autres films muets suivent, « La Vague » en 1934 sur des pêcheurs mexicains, le documentaire « The Plow that Broke the Plains » (La charrue qui détruit les plaines) en 1935, et certains sur le sport, l’art lyrique. 

« Votre photographie est un enregistrement de votre vie, pour n’importe qui regarde vraiment. » Paul Strand