William Eugene Smith (1918-1978) photographe américain né à Wichita dans l’état du Kansas. Il tombe très vite dans le révélateur de la photographie, initié dès son plus jeune âge par sa mère qui pratique la photographie en amatrice, il en fait sa passion avec la musique. Au cours de ses études secondaires, il réalise ses premières photographies, des avions, univers qui le fascine, qu’il côtoie chaque jour à Wichita, endroit ou sont basées les usines des compagnies Cessna et Boeing.

Connu sous le diminutif de « Gene Smith », ses photos sont immédiatement reconnaissables, il réalise méticuleusement lui-même ses tirages, joue sur des violents contrastes, où prédominent des noirs profonds. Il met en scène comme au cinéma, avec un soin démentiel, des repérages, des esquisses, des clichés pris et repris des dizaines de fois pour trouver le bon angle, recherchant un dramatisme théâtral.

Sa rigueur et son exigence en ont font un modèle pour des générations de photographes, attachés à la valeur du témoignage, William Eugene Smith est, au sens littéral du terme, celui que l’on appelle un « concerned photographer », un photographe engagé, qui utilise son appareil photographique comme une arme pour défendre ses idées. Sa volonté d’implication personnelle dans les sujets de ses reportages révolutionne cette nouvelle forme de photojournalisme, nommé « essai photographique ».

« A chaque fois que j’ai appuyé sur le déclencheur, c’était un cri de condamnation, lancé avec l’espoir que mes images puissent survivre à travers les années, avec l’espoir qu’elles puissent résonner dans l’esprit des hommes. » William Eugene Smith

Moine-soldat, éveilleur de conscience au risque de passer pour un illuminé à moitié fou, Smith est le photographe du dépassement, assoiffé d’absolu. Il photographie aussi bien les combats que leurs conséquences, il développe dans son travail le thème de la responsabilité sociale du reporter qui reste présent durant toute sa vie. 

« À quoi sert d’utiliser une grande profondeur de champ, s’il n’y a pas une profondeur suffisante de sentiment ? » William Eugene Smith

Smith est un compositeur d’images, au point d’en faire des poèmes visuels à plusieurs niveaux où il intègre des juxtapositions de deux plans, presque cubiste, qui donne un impact pictural. Sa technique n’est qu’une échelle vers le ciel, et non le but, il ne veut pas faire de petits morceaux d’art, mais des morceaux de vie.

La prise de vue n’est pour lui qu’une étape déjà élaborée, mais vient ensuite un long travail maniaque sur les négatifs, il passe des journées entières dans sa chambre noire, en modifiant les valeurs de lumière, le rôle des ombres, afin d’aboutir à un dramatisme puissant, donnant à ses clichés une gravité et une émotion.

Il préfère les images très contrastées, avec des noirs profonds qui refoulent les détails au second plan, ses tons charbonneux ne correspondent pas aux attentes des éditeurs.

Il est le maître absolu des clairs-obscurs et du cadrage serré et parfait. Il peut travailler plusieurs jours sur un seul tirage, obsédé par la perfection. Il retravaille même ses négatifs et fait poser ses sujets, la vérité du réel ne l’intéresse nullement, c’est la vérité profonde qu’il cherche, n’hésitant pas à la recréer en la retouchant.

De 1946 à 1954, Life, lui passe de nombreuses reportages en commande, celui d’un village espagnol, village perdu d’Estrémadure, écrasé par le soleil et la noirceur du franquisme en 1950, d’une infirmière et sage-femme noire en 1951, du tournage des feux de la rampe de Charlie Chaplin en 1952, celui sur Albert Schweitzer à Lambaréné en 1954, ou encore un simple médecin de campagne de la région de Denver en 1948.

« La photo n’est qu’une petite voix, au mieux, mais parfois une photographie ou un groupe d’entre elles peuvent attirer nos sens vers une prise de conscience. Cela dépend beaucoup de celui qui regarde, dans certains cas, les photos peuvent même convoquer une émotion assez forte pour être un catalyseur à de la pensée. Certains ou peut-être beaucoup, parmi nous, ont la tête uniquement à la raison. Le reste d’entre nous a, peut-être, un plus grand sentiment de compréhension et de compassion pour ceux dont les vies sont étrangères à la nôtre. La photographie est une petite voix, je crois en elle, si elle est bien conçue, elle fonctionne. « William Eugene Smith

« Je n’ai jamais réalisé une photo bonne ou mauvaise, sans devoir la payer par une tourmente émotionnelle. » William Eugene Smith