William Eggleston (1939) photographe américain, né à Memphis, dans une famille bourgeoise et fortunée, d'un père ingénieur, producteur de coton et d'une mère, fille d’un juge reconnu. Il passe son enfance et grandit à Sumner, petite bourgade de l’état du Mississippi. Tout jeune il se passionne pour le piano, le dessin et l’électronique, mais rapidement il se dirige vers le l’univers des médias visuels, en prenant plaisir à acheter des cartes postales et à découper les images des magazines.

  • En 1954, à l’âge de quinze ans, il est envoyé en internat scolaire à la « Webb School ». Sans réellement aimer les études, il étudie en dilettante sans jamais obtenir de diplôme, en suivant des cours pendant un an à l'université « Vanderbilt » de Nashville, puis un semestre au « Delta State College » et cinq ans à l’université du Mississippi. Il s’intéresse surtout à tout ce qui est artistique et porte un grand intérêt pour la photographie, il rejoint les cours d’art à Ole Miss, se passionnant pour l’expressionnisme abstrait avec le peintre Tom Young.

  • En 1957 il s’achète son premier appareil photographique, un « Canon rangefinder » et en 1958 son tout premier Leica. En 1959 il découvre l'ouvrage « Images à la sauvette » d'Henri Cartier-Bresson ainsi que les travaux de Walker Evans et Robert Frank, qui de suite lui transmettent la passion photographique, il effectue ses premiers clichés en noir et blanc, en s'inspirant de leur travail.

  • En 1965, il expérimente la couleur, il débute en photographiant son environnement intime, la plantation familiale, la campagne du Tennessee, sa maison et les rues de Memphis, se plongeant dans une exploration sans fin de l’univers quotidien des gens qui, comme lui, vivent dans le Sud des États-Unis.

  • En 1967, il commence à utiliser des transparents de couleur et se rend à New York ou il fait la connaissance des photographes, Garry Winogrand, Lee Friedlander et Diane Arbus. Il présente son travail à John Szarkowski conservateur de la section photographique au « Museum of Modern Art ».

  • De 1973 à 1974, il enseigne à Harvard, durant cette période il découvre la technique d'impression du « dye-transfer » et dès 1974 il utilise cette technique, en composant son premier portfolio, intitulé « 14 pictures ».

  • En 1976, avec le musée d'art moderne de New York, il organise sa première exposition personnelle de photographies en couleurs, accompagnées de sa monographie, avec la sortie de son ouvrage « Guide de William Eggleston », l' exposition est considérée comme un tournant dans l'histoire de la photographie, marquant l’acceptation et la reconnaissance de la couleur en tant que forme artistique à part entière par le musée. Il devient après Ernst Haas en 1962, le deuxième artiste photographe à exposer en couleur. Cette même année, il obtient une bourse du Guggenheim, est chargé de donner des cours en études visuelles et environnementales au Centre Carpenter de l'université de Harvard, tout en continuant son projet de « Los Alamos ». Il débute une collaboration avec l’agence de presse Viva, et fait la connaissance d'Andy Warhol, avec qui il établit un lien durable, devenant familier du cercle de l’artiste, une relation qui contribue à rendre son appareil photo démocratique. Il expérimente alors la vidéo, en réalisant un film qu'il intitule « Stranded in Canton », et reçoit une nouvelle bourse, celle de la « National Endowment for Arts du photographe ».

  • En 1978 il est récompensé par le prix de la « National Endowment for the Arts ».

  • En 1979, Le producteur de cinéma, Caldecott Chubb publie trois volumes de ses photographies originales en quinze exemplaires, « Morals of Vision », « Wedgwood Blue » et « Flowers ».

  • En 1980 il parcoure au Kenya au coté de Chubb et effectue un travail nommé « The Streets Are Clean on Jupiter. », la même année, il est chargé de réaliser le « Louisiana Project » en photographiant la totalité de l'Etat de Louisiane.

  • En 1982 il est invité à photographier l'ensemble du film de John Huston « Annie ». En 1983 il se rend à Berlin, Salzbourg et Graz aboutissant à une série photographique « Kiss me Kracow » et effectue un reportage de la maison d'Elvis Presley à Graceland.

  • En 1986 le musicien et réalisateur, David Byrne lui demande de documenter le making-of de son film « True Stories ». le « Brooks Museum of Art » de Memphis lui passe commande pour un reportage photographique en Egypte.

  • En 1988 il débute une série de photographies couleurs sur l'Angleterre qu'il intitule « English Rose », en 1989, il incarne au cinéma le rôle du père du musicien Jerry Lee Lewis dans le long métrage, « Great Balls of Fire ».

  • De 1992 à 1999, il voyage en Chine, se rend à Pékin, travaille pour plusieurs commandes pour Delta Pine and Land, pour Coca-Cola photographiant les usines du groupe et reçoit de l'Université de Memphis la « Distinguished Achievement Award ».

  • En 2000 la Fondation Cartier lui passe commande pour la réalisation d'une série photographique sur le désert américain et la « Paramount Pictures » pour un reportage sur les studios hollywoodiens.

  • De 2001 à 2003, il parcoure la planète de long en large, du Japon à la Russie, de la Toscane italienne à Arles ou il rencontre Henri Cartier-Bresson. Entres deux voyages, de retour chez lui, il arpente sa terre natale des Etats Unis, de Pasadena en Californie à Côte du New Jersey, du Queens, du New York aux chutes du Niagara. Il acceptera la médaille d'or de la photographie du « National Arts Club » de New York.

  • En 2003, il obtient la médaille d'or de la photographie du « National Arts Club » de New York, puis en 2004, le prix du « Getty Images Lifetime Achievement Award » à l'International Center of Photography. Lors d’un nouveau voyage à Hawaii il s’équipe d'un nouvel appareil panoramique Hasselblad.

  • En 2009, La Fondation Cartier à Paris, lui organise une exposition, regroupant ses photographies et ses dessins expressionnistes abstraits.


William Eggleston contribue à faire entrer la photographie couleur dans le monde de l'art, bien qu'il débute en noir et blanc, c'est avec la couleur qu'il s' épanouie et trouve son style.

Son intérêt pour le banal le rapproche de Walker Evans, mais sa vision du monde et son style l'en écarte sensiblement, il photographie tout, sans distinction ni hiérarchie, son approche très libre du sujet n’a rien à voir avec les vues frontales et sans effets du style documentaire. Contrairement à Evans, il surprend et déstabilise par des points de vues inattendus, avec des cadrages et des compositions hors des canons esthétiques, avec une présence insistante de la couleur. Cet un apport décisif qu’il procure à la couleur, la développant avec ses contemporains, comme les photographes Harry Callahan et Joel Meyerowitz, c’est de donner par l’usage de la couleur un autre sens à la photographie dans son ensemble.

« Je suis soucieux d’organiser ce qui se trouve dans le cadre, dans le moindre détail. » William Eggleston

Son travail prend pour thème des sujets ordinaires, ses photographies peuvent inclure, de vieux pneus, des distributeurs de Dr Pepper, des climatiseurs abandonnés, des caddies de supermarché, des bouteilles de Coca-Cola vides et sales, des affiches déchirées, des poteaux et des fils électriques, des barrières, des panneaux de sens interdits, des panneaux de déviations, des panneaux d’interdiction de stationner, des horodateurs et des palmiers amassés sur le même bord d'un trottoir.

« Je devais me rendre à l’évidence que ce que j’avais à faire, c’était de me confronter à des territoires inconnus. Ce qu’il y avait de nouveau à l’époque, c’étaient les centres commerciaux, et c’est ce que j’ai pris en photo. » William Eggleston

Il voit à travers son objectif la complexité et la beauté du monde ordinaire, ses photographies sont extraordinaires, irrésistibles, estimables, belles et implacables, elles sont réalisées avec les caractéristiques de la vie dans un monde actuel, elles montrent la texture du présent, comme la coupe transversale d’un arbre et se focalisent sur le monde ordinaire. Ses sujets sont en apparence, les habitants et les alentours ordinaires de la banlieue de Memphis et du Mississippi, ses amis, sa famille, des barbecues, des arrière-cours, un tricycle et le désordre ordinaire, une banalité trompeuse qui exprime un sentiment de danger menaçant ou il se cache derrière.

« Rien n’est plus ou moins important. Je voulais réaliser une photographie qui puisse exister par elle-même, en dépit du sujet de cette photographie. » William Eggleston

Il s’inspire de l’art populaire pour inventer des amorces de fiction ordinaire, un plafonnier sur fond rouge, une Cadillac orangée, un chapelet de guirlandes lumineuses enroulé sur un poteau bleu, une femme à la longue chevelure rousse accoudée à un comptoir de bistrot ou encore l’arrière d’un voiture prise au ras du sol sont les témoignages étranges de ses images. Un seul regard lui suffit pour déceler le mystère et l’extravagance dans une scène du quotidien, sa photographie transforme le réel en fiction narrative. Il observe un homme qui dort, le plafond de sa chambre, vecteur de son imaginaire, prélève de manière compulsive les à-cotés, les petits riens qui racontent une façon de vivre.

« Les objets dans les photos sont naturellement pleins de présence de l'homme. » William Eggleston

Eggleston est un adepte du dye-transfer, technique inventé par Kodak en 1946, utilisée dans les milieux de la publicité jusqu'en 1993. Afin de réaliser un tirage Dye-Transfer à partir d'une diapositive en couleurs, trois négatifs de sélection sont nécessaires. Pour cela, on copie la diapositive sur un film noir et blanc panchromatique en intercalant respectivement un filtre bleu, vert puis rouge. Trois matrices sont ainsi créées au format du tirage final et présentent un relief de gélatine proportionnel à la densité de l'image. Elles sont alors imprégnées d'une solution colorante cyan, magenta ou jaune. En les appliquant successivement contre un support de papier gélatiné et mordancé, elles transmettent leur matière colorante. La photographie en couleurs est ainsi reproduite par transfert. Les écarts colorés trouvés dans la nature, ciels bleus intenses, soleils couchant, reflets dans l’eau, ombres découpant les objets et la culture environnante marques routières, enseignes lumineuses, peintures publicitaires érodées, carrosseries de voitures sont mixées pour obtenir des images dans lesquelles la couleur domine l’image, et déplace le sujet à l’arrière plan.

« Cela annonçait de l'image la moins chère au nec plus ultra. Le nec plus ultra était un dye-transfer. Je suis monté directement voir ça sur place, et je n'ai vu que des travaux publicitaires, comme des images de paquets de cigarette ou de bouteilles de parfum, mais la saturation des couleurs et la qualité de l'encre étaient incroyables. Je ne pouvais pas attendre de voir à quoi ressembleraient mes images imprimées avec cette technique. Toutes les photos que j'ai imprimées par la suite à l'aide de ce procédé étaient magnifiques, et chacune semblait encore plus belle que la précédent. » William Eggleston

Ce procédé du dye-transfer se retrouve dans certaines des plus frappantes et des plus célèbres œuvres d'Eggleston, comme sa célèbre photographie de 1973 intitulée « The Red Ceiling », le plafond rouge.

En associant à des cadrages parfois bancals proches de la photographie amateur, les codes couleur du monde de la publicité, en magnifiant ce qui n'a aucune valeur. Il fait preuve d'une surprenante ironie, un pied de nez au classicisme, ouvre une brèche dans l'univers de la photographie contemporaine et devient une référence pour de nombreux photographe tel que Martin Parr, aucune hiérarchie dans ses choix, ce qu'il prône, c'est une photographie démocratique, des points de vue inédits, pose son œil critique sur des lieux familiers, dénonce leur fragile futilité.

« J'aime photographier démocratiquement. » William Eggleston

Dans une grande majorité de ses photographie, on ne connait jamais vraiment le lieu ou il les a prise, laissant plané un certain mystère, afin peut être de donner l’envie au spectateur de retrouver ce lieu, il est attiré par les couleurs qui sont pour lui des moments privilégiés ou il peut leur donner une puissance. Il se passionne pour les images à la sauvette, qui sont l’idée directrice de son travail, il persiste au fil des ans dans cette approche de scènes qui suscitent habituellement l’indifférence, mais pour Eggleston une poubelle colorée sur la voie publique en raconte beaucoup plus.

Ne donnant aucun titre à ses images, il les regroupe dans des séries, qu’il nomme portfolio, photos qui s’incorporent dans des séries «Lost and Found », « Los Alamos » « Chromes » ou encore en référence à Walker Evans, « The Democratic Forest », des endroits ou il ne cesse de revenir, les enrichissant au fil des ans.

« Je suis en guerre avec l’évidence. » William Eggleston

Site Officiel : William Eggleston

Untitled, Cadillac Sign, c.1970

Untitled, New Generation, c.1970

Untitled, Bar Lounge, c.1970

Untitled, Coca Cola Sign, c.1970

Untitled, Cars & Parking, c.1970

Untitled, Los Alamos, c.1970

Untitled, Los Alamos, c.1970

Louisiane, Los Alamos, c.1970

Untitled, Los Alamos, c.1970

Memphis, Tennessee, 1971

Dans un quartier de Memphis, siégeant à coté d'un poteau de fer entouré d'une chaine métallique cadenassée, une jeune femme vêtue d'un robe bleue nuit, attend assisse sur un muret de béton peint en jaune, des journaux sur les genoux, ses lèvres rehaussée de rouge, ses yeux soulignés de noir, sa chevelure gonflée d'un brushing. Sujet qu'affectionne particulièrement le photographe, elle fixe du regard le photographe qui l'a interrompu, comme surprise. Ni la légende, ni la date n'expliquent ce que fait cette femme au bord de la route, pour Eggleston c'est ce qui l’intéresse, un moment ou il se plonger dans la banalité, celui des arbres et des maisons résidentielles à l’arrière-plan qu'il transfigure par les couleurs saturées du décor, du premier au second plan.

The Red Ceilling, 1973

Image révolutionnaire et intentionnel, qu'il réalise chez un ami, qui a peint chaque pièce d’une couleur différente, la composition et l’exploitation des possibilités données par la couleur, sont l'équation qu'il tente toujours de résoudre avec simplicité, il lui suffit d'ajouter à la formule, la lumière et les couleurs, c'est avant tout ce qu'il recherche, une approche totalement radicale et nouvelle qu'il impose dans le monde photographique. De par sa pratique photographique et du Dye Transfert, il casse tous les codes, sans jamais s’en soucier, non-conformiste, amoureux du banal, et de l’utilisation démocratique de l’appareil, pour lui, le lieu compte moins que sa créativité.

« The Red Ceilling est si magistral qu'en fait je n'en ai jamais vu de reproduction qui m'ait satisfait. Quand on regarde le colorant, c'est comme du sang qui mouille sur les murs, d'habitude, un petit rouge est suffisant, mais travailler en rouge sur une surface entière était un défi. » William Eggleston

Untitled, Peterbilt, 1975

Untitled, Green car, 1976

Untitled, Yellow car, 1976