Francesca Woodman (1958-1981) photographe américaine, née à Denver dans l'état du Colorado, issue d'une famille protestante, de parents artistes, d'un père George Woodman, peintre et photographe et d'une mère d'origine juive, Betty Woodman née Abrahams, céramiste et sculptrice, son frère Charlie est un artiste dans l'art vidéo.
De 1963 à 1971, elle fréquente l'école publique de Boulder et passe avec ses parents qui ont acheté une résidence secondaire, une vieille ferme, la majorité de ses étés en Italie, à Antella, en Toscane.
En 1972, elle se rend à Andover dans l'état du Massachusetts, pour intégrer l'école privé de la « Abbot Academy », où elle découvre la photographie sous la tutelle d’un professeur, Wendy Snyder MacNeill. Elle réalise ses toutes premières images.
En 1973, tout en intégrant la « Phillips Academy », elle poursuit la voie artistique de la photographie en se perfectionnant.
En 1975, elle retourne dans le Colorado, afin de finir ses études à la « Boulder High School », d'où elle sort diplômée en juin. En septembre de la même année, elle entre à la « Rhode Island School of Design » de Providence, l'un des principaux instituts artistiques aux États-Unis, ou elle poursuit intensivement l' étude de la photographie, et très vite obtient une bourse d'étude qui lui permet de passer un an à Rome de 1977 à 1978, elle y réalise de nombreuses séries photographiques qu'elle entreprend d'effectuer dans une usine abandonnée, séries intitulées « On being an angel », et « l’anguille ».
A Rome, elle découvre les œuvres d’André Breton, d'Antonin Artaud et du peintre Max Klinger, et parlant couramment l'italien, elle se lie rapidement d'amitié avec des intellectuels et artistes de la péninsule.
En mars 1978, elle réalise sa première exposition personnelle à Rome à la lLibrairie-Galerie Maldoror , puis retourne terminer ses études à Rhode Island en obtenant son diplôme fin 1978.
En 1979, elle s'installe à New York à East Village, dans un atelier sur la 12e rue, afin de pouvoir effectuer une carrière de photographe, voulant être reconnue, elle multiplie les tentatives de pouvoir exposer. Elle découvre la photographie de mode qu'elle applique dans ses images.
À la fin de l'année 1980, suite à une dépression du fait de l'insuccès de son travail et d'une rupture sentimentale, elle tente de suicider, reçoit un traitement psychiatrique et est hébergée dans un premier temps chez ses parents à Manhattan.
« J’ai finalement réussi, à essayer d’en finir avec moi-même, d’une manière aussi ordonnée et concise que possible. Je préfère mourir jeune en laissant diverses réalisations, un certain travail, mon amitié avec vous, et quelques autres objets intacts, au lieu de l’effacement pêle-mêle de toutes ces choses délicates. » Francesca Woodman
Elle commence à expérimenter d’autres projets, et publie en janvier 1981, son premier ouvrage, « Some Disordered Interior Geometries », comportant uniquement des photographies d'elle en autoportraits morcelés. Quelques jours plus tard le 19 janvier, à l'âge de 22 ans, elle met fin à ses jours, en se défenestrant de son appartement new-yorkais.
En 1986, une première exposition itinérante de son travail, lui est consacrée et parcoure l'Europe, dès 1990.
En 1998, La Fondation Cartier ainsi que les Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles sont les premiers à lui rendre hommage avec une rétrospective.
Malgré la brièveté de sa carrière, son œuvre, compte plus de 800 clichés, elle connait un succès posthume et influence la création photographique contemporaine. Aujourd'hui, ses clichés font partie au sein de nombreuses collections de musées internationaux, la « Tate Modern » de Londres et le « Metropolitan Museum of Art » de New York.
Étrange destin qui la lie à Diane Arbus, deux photographes à la vision singulière qui décident, l'une comme l'autre de mettre fin à leurs jours, qui fait de Francesca une référence incontournable dans le traitement photographique de l'autoportrait. Une œuvre fulgurante, profondément intime et sensible, fondé sur l’exploration perpétuelle du soi et du médium, elle fait de la photographie sa seconde peau en utilisant quasiment son corps, laissant derrière elle une impressionnante production visuelle, plus de 800 clichés, un travail qui ne ressemble à aucun autre et qui rend son art photographique irréel.
Son Leitmotiv est d'explorer sa propre image avec imagination, qui la mène vers des réflexions sur la technique photographique et l’écrit.
« Mes photographies sont tributaires d’un état affectif. » Francesca Woodman
Elle possède un univers particulier, étrange, onirique, subjectif, qu’elle sait transcrire dans ses photographies, comme dans autant de miroirs, images qu'elle conçoit toujours au préalable par des croquis préparatoires, pouvant spontanément suivre ses émotions, elle sait théâtraliser ses conflits intérieurs, ses tourments profonds.
Dans ses photographies, son visage disparaît, elle le cache, le maltraite, l'agite dans des espaces vidés, abandonnés, souvent nu, son corps est dépouillé de tout artifice, à l'abandon, en réponse aux murs délabrés et marqués qui forment la scène dans ses compositions, dans lesquelles son visage, son sexe, son identité s'effacent.
« Vous ne pouvez pas me voir de là où je regarde en moi. » Francesca Woodman
Le corps bouge, vibre, se débat, elle place des miroirs et des accessoires insolites, une fleur, un serpent, une peinture écaillée, un vieux papier peint déchiré, une peau de bête et des taches de lumière qui s'introduisent tous clandestinement dans l'espace. Éléments qui pour elle sont des motifs récurrents dans sa recherche créative, qui la métamorphose en images insolentes, déroutantes et d’une rare intensité, évoquant l’éphémère, la fugacité du temps. Des mises en scène qu'elle met au point à l’intérieur de pièces dépouillées, au milieu d’espaces en décrépitude, de maisons sur le point d’être démolies, dépassant le strict genre de l’autoportrait.
Ses autoportraits en noir et blanc, puis en couleurs expriment l'étrangeté de son intime, les milles fantômes qui hantent ses clichés, disparaissent subrepticement derrières les murs, les portes, les rideaux et parfois hors cadre, des images proche du surréalisme, ou le temps s’arrête, pris dans le filet des très longues expositions. Solitaire, étant le plus souvent son propre modèle, c’est fréquemment un ami qui appuie sur le déclencheur, mettant autant l'espace entre le viseur et elle, qu'entre le spectateur de son image.
« Je me sens comme flottant dans le plasma. J’ai besoin d’un professeur ou d’un amant. J’ai besoin de quelqu’un qui prenne le risque d’être avec moi. » Francesca Woodman
Fascinée depuis toujours par les diazotypes, photographies imprimées sur des calques d’architecte, équipée d'un Yashica 6x6, elle joue avec les formats carrés, utilise les petits formats qui dégagent une poésie empreinte d'un mystère qui rappellent à la fois l'univers artistiques et littéraire symbolistes et la créativité pictorialiste de photographes, tels que Julia Margaret Cameron.
« Quand je me photographie, je suis toujours à portée de main. » Francesca Woodman
On Being an Angel, Providence, Rhode Island, 1977
Self Portrait, Rome, Italie, 1978
Self Portrait with Calla, Rome, Italie, 1978
Untitled, Self Portrait I , New York, 1979
Untitled, Self Portrait II , New York, 1979
Un fragment de corps tendu décrit une ligne droite, défiant la pesanteur, flottant à l'horizontal. Le ventre sur une chaise, qui normalement accueille le fessier et sert à s’asseoir. Dans cette image, c'est tout le contraire, le ventre soutenu par une tension musculaire intense, autorise le maintien d'un alignement parfait. Francesca Woodman est allongée, loin d’être au repos, sa position est artificielle, son visage coupé, ses jambes invisibles, son corps raidi est arraché à sa vitalité. Le format carré confère un caractère intimiste à son image, les couleurs pastels donnent une impression de douceur, le rose de la chair est celle de la large plinthe, et celle du mur, avec le vert renvoie aux vêtements, c'est un corps caméléon, avalé, qui se fond dans l'espace.
Self Portrait , New York, 1980
Self Portrait , New York, 1980
New Hampshire, 1980