Ruth Orkin (1921-1985) photographe américaine, née à Boston. Elle est la seule enfant de Marie Ruby, une actrice du cinéma muet, et Samuel Orkin, un fabriquant de jouets de bateaux appelé Orkin Craft. Elle grandit dans le quartier d’Hollywood, déjà centre névralgique de la production cinématographique, accompagnant souvent sa mère sur les plateaux de tournage.
En 1931, âgées de dix ans, elle reçoit son premier appareil photographique, un Univex pour la modique somme de 39 cents, avec lequel, elle s'amuse à photographier ses camarades d'école et ses professeurs, puis quatre ans plus tard, elle fait l’acquisition cette fois ci d'un Kodak Baby Brownie pour un dollar.
« Ma mère a remarqué que, petite fille, je disais toujours regarde ceci, regarde cela, je crois que, en faisant des photos, je voulais également dire, regardez ceci, regardez cela. » Ruth Orkin
En 1939, à l'âge de 17, elle entreprend un long périple à bicyclette à travers les États-Unis, de Los Angeles à New York pour assister à l'exposition universelle, le « 1939 World's Fair » (Golden Gate International Exposition), elle revient de ce voyage avec des centaines de photographies qu'elle assemble dans un album, intitulé « Bicycle Trip », ressemblant aux carnets réalisés par sa mère, lors de ses tournages, ce parcours du territoire américain est le premier document de Ruth sous forme de story-board.
En 1941, elle devient la première femme coursière de la mythique société de production cinématographique, les studios de la Metro-Goldwyn-Mayer. Durant cette période, elle réalise une chronique de ses allées et venues sur le terrain en photographiant une de ses collègues dans ses activités journalières. Puis elle rejoint brièvement le corps des auxiliaires féminines de l'armée.
En 1943, elle s'installe à New York, où elle travaille comme photographe de boite de nuit et portraitiste de bébé le jour, ce qui lui permet d'acheter son premier appareil photo 35mm, un Kodak Retina. Elle débute ses premières collaboration au sein des grands magazines de l'époque, le Life, Look et This Week.
En 1945, elle reçoit sa première commande du New York Times pour couvrir la tournée du chef d'orchestre et pianiste, Leonard Bernstein, lors du festival de musique de jazz et classique, qui se déroule tout les été à Tanglewood dans le Massachusetts. Sur place elle photographie les répétitions et rencontre d'autres musiciens, le violoniste Isaac Stern, le compositeur Aaron Copland, et le chef d'orchestre Serge Koussevitzky.
En 1951, la revue Life, l'envoi pendant deux semaines pour un reportage en Israël sur l'orchestre philharmonique d'Israël, sur place elle découvre la vie en Kibboutz, et lors de son retour, décide de prolonger son séjour pour six mois, afin de parcourir l'Europe, elle se rend à Rome, Florence, Venise, Lucerne, Paris et Londres. A Florence elle rencontre une compatriote américaine, une étudiante en art, Nina Allen Graig, connue par la suite sous le nom de Jinx Allen, elle devient la protagoniste de l'une de ses plus célèbres séries, « American Girl in Italy », initialement intitulée « Don't Be Afraid To Travel Alone », (N'aie pas peur de voyager seule). Un série que Ruth Orkin réalise à la manière d'un roman-photo, consacré à cette époque aux femmes voyageant seules dans l'Europe de l'après guerre.
En 1952, de retour à New York, elle épouse le photographe et cinéaste, Morris Engel, qui dès 1936 a intégré la Photo League et durant la Seconde Guerre mondial est reporter de guerre au sein de la Navy. Ensemble ils produisent leur premier long métrage, « Little Fugitive », coécrit et coréalisé avec Ray Ashley, nommé pour l'Oscar du meilleur scénario en 1953 et récompensé la même année par le « Lion d'Argent » à la Mostra de Venise, film qui inspire par la suite le réalisateur français de la nouvelle vague, François Truffaut pour « Les Quatre Cents Coups ».
En 1955, elle réalise son second long métrage, « Lovers ans Lollipops », parallèlement l'une de ses séries photographiques, « The Card Players » est sélectionnée par Edward Steichen pour l'exposition « The Family of Man » au Museum of Modern Art de New York.
En 1959, elle donne naissance à son premier enfant Andy, est élue par ses pairs, parmi les dix meilleures femmes photographes aux cotés de Dorothea Lange et Margaret Bourke-White.
En 1961, elle met au monde son deuxième enfant, Mary. En 1965 quelques-unes de ses photos sont intégrées à l'exposition « Photography in the Fine Arts » au Metropolitan Museum of Art de New York.
En 1974, la première rétrospective de son travail est organisée à la « Nikon House » de New York.
De 1976 à 1977, elle enseigne à la School of Visual Arts à New York et présente une exposition personnelle à la « Witkin Gallery ».
En 1978, depuis son appartement de Central Park West, au 15eme étage, elle observe le changement des saisons de sa fenêtre et photographie tout ce qui s'y passe, les marathons, les défilés, les concerts, les manifestations, et la beauté des saisons. Une longue série qui aboutie à l'édition de deux ouvrages, intitulés « Through My Window » (Un monde à travers ma fenêtre) et « More Pictures From My Window » (Plus de photos depuis ma fenêtre).
En 1980, elle donne des cours à l'International Center for Photography de New York. En 1981 elle publie sa monographie intitulée « A Photo Journal », accompagnée d'expositions et de tournées de conférences.
En 1984, elle reçoit le certificat du mérite décerné par la Municipal Art Society de New York.
En 1985, après un long combat contre le cancer, elle s'éteint dans son appartement, entourée de ses photographies et des arbres de Central Park.
Sa fille Mary Engel fonde la « Ruth Orkin Photo Archive » qui œuvre à sa mémoire et à la visibilité de son travail.
Ce qui passionne Ruth depuis son plus jeune age est le cinéma, c'est l'image en mouvement, face à la difficulté à l'époque de s'établir en tant que femme cinéaste, elle se tourne vers la photographie, en inventant un langage visuel très particulier, à l'intersection de la photographie et du cinéma, du road-movie au roman-photo, en passant par de nombreux reportages et séries, toute son œuvre est empreinte de théâtralité, de rythme, de mouvement et de narration.
Elle a une capacité à mettre en scène la réalité tout en créant un univers esthétiquement particulier et inédit pour l’époque. Elle est l’une des premières photographes à documenter l’émancipation des femmes. Ce qui frappe, c'est son talent à choisir le bon angle, le plus étrange, une qualité palpable dans ses photographies et d’autre part, elle ajoute une force visible, celle de raconter des histoires. A travers ses photographies, elle écrit avec un sens de la formule, en étant une conteuse par l’image.
« Être photographe vous fait voir les choses différemment ou peut-être que vous devenez photographe parce que vous voyez les choses différemment. » Ruth Orkin
Elle possède un don particulier pour photographier les gens, elle est à l’aise dans le travail rapproché, une zone de danger pour bien des photographes qui préfèrent la sécurité de la distance et le détachement, sa finalité est de développer une photographie qui fixe les moments intimes et révélateurs qui semblent aller au-delà de l’image publique.
Tout au long de sa carrière, les enfants sont présents, avec la même raison que sa compatriote Helen Levitt, les adultes sont toujours assis ou debout, alors que les enfants prennent mille positions. Elle côtoie les enfants de son quartier qui deviennent pour elle, des acteurs de petites saynètes, elle filme avec son appareil à la main et de la répétition nait non seulement la différence, mais aussi de petits écarts qui génèrent du temps, d'une image à l'autre, enclenchant le mécanisme de la continuité, un espace ou ses photographies deviennent flux.
Dans sa série, « Don't Be Afraid To Travel Alone », elle aborde le sujet en réutilisant un genre qui fait fureur en Italie à la fin des années 1940, le roman-photo, ses photographies réalisées à Florence s'assimilent au cinéma muet, elle n'hésite pas à inventer une séquence à la fois théâtrale et littéraire, avec comme trame centrale qu’interprète la protagoniste, Jinx, actrice de circonstance.
« Il faut se montrer aussi alerte et rapide que l’était Ruth , elle tenait son appareil en main nuit et jour. Elle passait son temps à réfléchir et dardait partout son regard, prendre des photos, c’était toute sa vie. » Nina Allen Craig
Au début des années 1970, la couleur prend une importance considérable dans son œuvre photographique, devenant l’une des toutes premières à ouvrir la voie de la couleur.
« Ruth Orkin nous fait cadeau d'une vision insouciante de notre passé et de notre présent, avec humour, justesse, sensibilité, intuition et sympathie pour les gens de tous les âges et de toutes les origines, elle reste une éternelle ingénue. » Cornell Capa
« Être photographe c’est donner aux gens ce que je veux qu'ils regardent.» Ruth Orkin
Site Officiel : Orkin Photo
Three Boys on suitcase, Penn Station, New York City, 1947
Girl on Suitcase, Penn Station, New York City, 1947
Friends, New York City, 1947
Photographers and little Girl, Penn Station, New York, 1947
Comic Book Readers, New York City, 1948
Boy Passing Reservoir, Central Park, New York, c.1950
Stopping Traffic, Paris, 1951
Jinx Allen, Paying the Waiter, Paris, 1951
Couple in MG, Florence, Italy, 1951
Jinx Allen Through the Beads, Florence 1951
American Girl in Italy, 1951 - Jinx Allen
Jinx Allen staring at the statue, Florence, Italy, 1951
Jinx Allen sitting with the locals, Florence, Italy, 1951
Jinx Allen with shopkeeper, Florence, Italy, 1951
Jinx Allen asking directions, Florence, Italy, 1951
Ruth Orkin and Jinx Allen at the Hotel, Florence, Italy, 1951
Tirza on Sinks, Tel-Aviv, 1951
Man in rain, New York, 1952
White Stoops, New York, 1952
Mist over the sheep meadown, New York City, 1971
New York at night, 1975