Nobuyoshi Araki (1940) photographe japonais, né à Tokyo. Son père petit artisan, pratique la photographie en amateur. En 1963 il est diplômé du département d'ingénierie de l'université de Chiba, avec une spécialisation en photo et mise en scène de cinéma. Il devient caméraman et s'exerce à la prise d'images. Il débute sa carrière photographique au sein de l'agence de publicité Dentsū ou il rencontre sa future épouse. En 1964, il reçoit le prix Taiyō pour « Satchin », série de photographies d'enfants.

    • En 1971, il épouse Aoki Yōko et réalise un journal intime qu’il publie à ses frais, le « Voyage sentimental » relatant, à mi-chemin entre réalité et fiction, son mariage ainsi que sa nuit de noces, sans aucune pudeur. En 1972, il quitte l’agence Dentsū, s'installe en photographe indépendant et se lance dans plusieurs projets. C’est à partir de ce moment, qu'il réalise une performance, le « Super-Photo concert », des photos tirées de sa série sont photocopiées et envoyées par la poste à des destinataires choisis, parallèlement une seconde série photographique voit le jour, qui se démarquent par les déformations qu’il apporte à ses clichés, les tirages des épreuves sont effectués à très haute température, puis refroidi et accroché à l'extérieur, donnant un résultat de transformation par la lumière ainsi que les intempéries, ses photos comme l’entend le photographe sont le produit du temps présent, il indique la date sur chacune d’elle, signifiant ainsi que le cliché est un moment du présent, entre le passé et l'avenir.

    • En 1974, il fonde avec Fukase Masahisa, Tōmatsu Shōmei, Hosoe Eikō et Moriyama Daidō l’école de photographie « Workshop ». En 1977, il s'installe à Komae dans la banlieue ouest de la capitale et en 1982 déménage à nouveau pour Gōtokuji. Enfant, marqué par Tokyo sous les bombardements à l’âge de 5 ans, il publie une série de photos cette fois ci sur Tokyo. En 1978 il effectue une série de photographies en noir et blanc de sa femme au quotidien, qui devient incontestablement sa muse, l’ouvrage s’intitule « Waga ai, Yoko » (Yoko, mon amour).

    • En 1979, il se rend pour la première fois à New York à l’occasion d’une exposition. En 1981, il réalise « Shashin shosetsu », une sorte de roman-photo en noir et blanc, sentimental et érotique et continue en 1984 avec deux autres ouvrages, « Shojo sekai » (Un monde de filles) et « Tokyo wa aki » (Automne à Tokyo).

    • A partir de 1985, il décide d'exposer régulièrement à l'étranger. Entre 1988 et 1993, son travail fait l'objet de scandale, la représentation des organes génitaux et des poils pubiens dans ses photographies, sont considérées comme « obscène » au sens de la loi japonaise. Les différentes polémiques qui suivent, contribuent à une application plus tolérante de la loi dans le cas de productions artistiques et du porno soft. A la fin des années 80, il utilise la photocopie couleur comme moyen de reproduction et de présentation pour ses images.

    • En 1990, son épouse Yōko décède d'un cancer de l'utérus. Ce drame personnel l'affecte terriblement, son travail prend une tournure de noirceur sensible pendant plusieurs années.

    • En 2004, il publie un ouvrage « Love Hotel » où il explique sa façon de travailler, exposant les situations qui le pousse à photographier des femmes nues. En 2008 il est diagnostiqué d’un cancer de la prostate, subit une intervention chirurgicale qui supprime la tumeur avec succès. La même année il reçoit la « Décoration pour la Science et l'Art » en Autriche.

    • Aujourd’hui, reconnu parmi les plus grands photographes, ses œuvres sont présentent parmi de nombreuses collections de musées, comme le « Tate Modern » de Londres et le « Museum of Modern Art » de San Francisco.


Ayant publié plus de 400 livres, Araki est considéré comme l'un des photographes les plus prolifiques au Japon et dans le monde entier. Il est aussi une figure du monde des médias et de la culture japonaise, en publiant de nombreux essais et interviews. Ses travaux lui apportent une grande notoriété auprès du public, ses photos sont la plupart du temps accompagnées de textes sur le mode d'un journal intime, ses œuvres s'inscrivent dans l'art des avant-gardes de sa génération.

Ses thèmes de prédilection sont avant tout Tokyo, le corps des femmes, l’intime et le banal et sa méthode de production, l’errance, le quotidien et le déclenchement facile et sans aucun tabou. Araki considère que la photographie est liée au sexe et à la mort, deux pulsions qui sont pour lui inséparables, la nudité est dans le portrait et non dans le corps. Après la mort de sa femme en 1990 qui fut sa muse, son œuvre est ponctuée par de nombreuses photos de prostituées, de jeunes étudiantes nues, de scènes ouvertement sexuelles. Il photographie en parallèle des fleurs, métaphore du sexe féminin.

Ainsi, depuis plus de 30 ans, il observe et enregistre un pays en constante mutation, à travers une démarche autobiographique. Les photocopies, de grands formats, tapissent les murs des salles d'exposition. C'est à travers cette approche autobiographique qu'il contemple la culture nippone et ses profonds bouleversements. Ses clichés, issus du quotidien, mettent en scène des nus ligotés, des fleurs ou des rues.

La femme occupe une position centrale dans l’univers photographique d’Araki, plus qu’une muse, elle est une sorte de guide spirituel, d’être puissant et mystérieux qui l’entraine dans une quête de l’essence féminine, à la fois charnelle et abstraite. Il dénude ses modèles, les attache, les transforme en objets de désir capable pourtant de garder une indépendance aussi mystérieuse que fuyante. Balançant entre franchise moderne et poésie antique, ses clichés font renaitre la sexualité japonaise, un part essentiel de son regard sur le monde. Qu’il saisisse la puissance iconique d’un corps d’une femme ou d’une fleur, qu’il voit l’image d’un visage dans les rues de Tokyo ou qu’il capture l’intensité d’un ciel en noir et blanc, chaque fois c’est un double de lui qu'il produit.

« Mes photos c'est mon journal, un point c'est tout. Et toute photo n'est rien d'autre que la représentation d'un jour unique. Et ce jour unique contient à la fois le passé et la projection de l'avenir. » Nobuyoshi Araki

Il ne se limite pas à l'argentique, mais pourtant cela reste prépondérant dans ses prises de vue, il utilise dans le même temps, Pentax 6x7 et Leica. Le noir et blanc ainsi que la photographie couleur au 24X36 ou au Polaroïd, le mode automatique, le flash, lui permettant un travail rapide, un développement industriel, un débrayage de sa production photographique, qui s’emballe et lui octroie la possibilité de restituer sa vie en tranches fines et régulières.

Il n’est pas le seul photographe à travailler sur ces bases, des photographes comme Robert Frank ont déjà ouvert la voie. Mais Araki apporte au genre sa spécificité, le désir est un moteur puissant dans sa production, la sexualité est traitée sur le même mode que le reste des comportements sociaux. Ses photographies restent un sujet de fascination, à la différence de celles de Robert Mapplethorpe, elles sont exclusivement hétérosexuelles. La femme y est apprêtée et offerte. La qualité photographique fait hommage à leur beauté en même temps qu’elle les transforme en objet étrange, les corps transformés par leurs poses, suspendent une lecture de l’image. Comme ses photographies de fleurs qui sont parfaitement dans la même lignée, sensuelles, sexuées, oscillant entre métaphore et littéralité du sexe.

L'artiste islandaise Björk, admiratrice de son travail est un de ses modèles. Il lui réalise la couverture de son album « Telegram » de 1997. Plus récemment, il a photographié la chanteuse pop Lady Gaga.

« Lorsque je déclenche l’obturateur, je cumule des points qui, réunis, sont le reflet d’une ligne de vie intérieure. » Nobuyoshi Araki

Site Officiel : Araki

Tokyo Nude, 1989

Une photographie spontanée, mêlée à une sensualité toute pudique, c'est une femme nue au corps laiteux, allongée sur un lit blanc, le photographe debout et près du lit réalise son cliché en légère plongée, cadre et découpe le corps, taillant la fesse et le mollet, coupant la partie haute de la tête. Plus qu'en femme, c'est un instant de repli sur elle-même, un court moment ou son coude et sa jambe repliés protège un songe. Le regard d'Araki est attiré par les plis dessinés sur les draps par le poids du corps, une image dans laquelle les contours du corps se profilant sur ce tissu blanc évoque un nu solarisé par Man Ray ou un de ceux déformé par André Kertész.

Mouth, Erotos, 1993

Eye, Erotos, 1993

Erotos, 1993

Nude, Private Photography, 1996

Kinbaku XVI, In Ruins, 1997

Tokyo Comedy, 1997

Kinbaku XXXI, In Ruins, 1997

Circle Bathtub, Love in Winter, 1998

Femme suspendue, Love in Winter, 1998

Kaori, 2008