Gilles Caron (1939-1970) photographe français né à Neuilly-sur-Seine. En 1946 à la suite de la séparation de ses parents, il est envoyé en pension à Argentière en Haute Savoie ou il y reste sept ans avant de rejoindre Paris et d'étudier le journalisme en 1953. Il fait son service national en 1959 en tant que parachutiste en Algérie mais refuse de combattre après la tentative de putsch de différents généraux français. A son retour, il s'intéresse à la peinture. En 1962 il se marie et donne naissance à deux filles.

    • En 1964, sous l'influence d'André Derain fils du grand peintre fauviste, il débute une formation de photographe de mode en effectuant un stage chez Patrice Molinard, photographe de publicité et de mode. Un an plus tard, il entre à l'Apis « Agence Parisienne d'Informations Sociales », qui lui permet de couvrir plusieurs événements politiques et mondains, au sein de l'agence il rencontre Raymond Depardon. L'un de ses premiers succès est la Une de « France-Soir » sur l'assassin présumé de Ben Barka en février 1966 et travaille pendant six mois pour l’agence de mode « Photographic Service » dirigée par Giancarlo Botti.

    • En 1966 il fonde l'agence Gamma avec Raymond Depardon, Hubert Henrotte, Jean Monteux, et Hugues Vassal. Du 5 au 10 juin 1967 durant la guerre des Six-Jours, il entre à Jérusalem avec l'armée israélienne puis gagne le Canal de Suez avec les forces de commandement dirigées par le général Ariel Sharon. La publication de ses images dans Paris Match fait de l'agence Gamma la première agence mondiale.

    • En avril 1968 il couvre la guerre civile au Biafra, aux côtés de Don McCullin, grand rival et ami, qui travaille pour le « Sunday Times Magazine » de Londres.

    • Le 6 mai 1968, de retour du Biafra, il est présent lors du début des révoltes étudiantes à Paris qui gagnent toute la France et provoquent une grève générale, il couvre au quotidien les manifestations étudiantes à Paris et suit le président Charles de Gaulle en visite officielle en Roumanie le même mois.

    • C'est durant ce moment historique de 1968, qu'il effectue l'une de ses photographies les plus célèbres, place de la Sorbonne, une rangée de CRS casqués s’oppose aux étudiants, une grimace, un clignement d’œil, une photo, en un court instant, il immortalise sur sa pellicule le sourire du jeune Daniel Cohn-Bendit, leader des mouvements étudiants, représentant le sourire d’une génération tout entière, l'image d’une jeunesse heureuse, désinvolte et contestataire, joueuse plus que violente. La photo du sourire de Cohn-Bendit, son expression d’étudiant hardi lancée au visage de l’autorité, devient immédiatement un symbole, un emblème de cette période. Le cliché devient un incontournable témoignage traversant le temps et qui reste aujourd’hui une des photos iconiques du 20eme siècle, marquant à la fois la photographie et l’histoire.

    • Les photos de Caron font partie intégrante de mai 68, son appareil est partout, pendant les premiers jets de pavés, la nuit sous les barricades, sous les coups de matraques, devant les voitures incendiées, dans les cortèges pacifiques.

    • En juillet il effectue un deuxième voyage au Biafra, en compagnie de Raymond Depardon et en septembre se rend à Mexico à la suite des manifestations estudiantines violemment réprimées à la veille des Jeux Olympiques.

    • En août 1969 Caron couvre les manifestations catholiques à Londonderry et Belfast en Irlande du Nord, « The Troubles ». Quelques jours plus tard, il suit l’anniversaire de l’écrasement du Printemps de Prague en Tchécoslovaquie par les chars soviétiques. Dans son numéro du 30 août Paris Match publie simultanément les deux reportages.

    • En janvier et février 1970 il fait partie d’une expédition dans le Tibesti tchadien organisée par Robert Pledge, avec Raymond Depardon et Michel Honorin, pour couvrir la rébellion des Toubous contre le pouvoir central de Fort Lamy (N’djamena) soutenu par le gouvernement français. Tombés dans une embuscade, les quatre journalistes sont retenus un mois prisonniers par les forces gouvernementales.

    • Au mois d’avril, il se rend au Cambodge au lendemain de la déposition du prince Norodom Sihanouk par le Général Lon Nol. Le 5 avril, premier d’une vingtaine de journalistes et de coopérants de toutes nationalités, il disparaît à 30 ans, avec deux autres français, le reporter Guy Hannoteaux et le coopérant Michel Visot, sur la route n°1 qui relie le Cambodge au Vietnam dans une zone contrôlée par les khmers rouges de Pol Pot.

    • En décembre 2007, son épouse, Marianne Caron créée la Fondation Gilles Caron.

Gilles Caron durant sa courte carrière, couvre la plupart des événements dramatiques de son temps, révoltes, famines et guerres. Entre deux voyages, il reste proche du milieu du spectacle, et en particulier du cinéma, photographiant acteurs, scènes de tournage ou vedettes du show-business. En quelques années, il marque de son empreinte le monde de la photographie. Jeune journaliste passionné et audacieux, il initie un genre nouveau, celui du photo-reportage. Outre la guerre, il immortalise l'esprit des années soixante, à travers des clichés représentant les personnalités de l'époque, de Zizi Jeanmaire à Brigitte Bardot, de Jacques Brel à François Truffaut, de Georges Pompidou au Général De Gaulle.

Son travail emblématique sur les événements de mai 1968, et notamment sa photographie de Daniel Cohn-Bendit défiant gentiment un CRS du regard, reste inscrit dans les mémoires. Gilles Caron réussit, en l'espace de quelques années seulement, à s'imposer comme l'un des plus grands photographes, à travers des clichés avant tout informatifs, pleins de sensibilité et de perspicacité, laissant en à peine quatre ans une œuvre extraordinairement riche et variée, un témoignage historique, politique et artistique.

« Il aimait la vie et la vivait à cent à l’heure, comme s’il savait qu’il avait peu de temps devant lui. Il était l’un des meilleurs photographes de reportage de l’époque, rapide, toujours au premier rang. Il savait ce qu’il photographiait. » Raymond Depardon

Site officiel : Fondation Gilles Caron

Louis Armstrong, Palais des Sports, Paris, 1965

Daniel Cohn-Bendit, Sorbonne, Paris, mai 1968

Soldat Ibo, Biafra, aout 1968