Cindy Sherman (1954) photographe américaine, née à Glen Ridge dans l'état du New Jersey, tout juste après sa naissance ses parents s'installent à Huntington sur Long Island ou elle grandit en compagnie de ses cinq frères et sœurs. Elle suit des études artistiques au « State University College » de Buffalo, elle s'intéresse dans un premier temps à la peinture.

      • En 1974, grâce à ses condisciples de l'université, parmi lesquels le peintre Robert Longo, elle crée avec lui et cinq autres jeunes artistes, le « Hallwalls Contemporary Art Center », large espace d'exposition indépendant.

      • Les œuvres de Gilbert et George, John Baldessari, Duane Michals, William Wegman et Eleanor Antin, la familiarisent avec la photographie, elle découvre sa voie au travers de documents qui enregistrent les productions de la performance et de l'art conceptuel, et décide de se tourner définitivement vers la photographie.

      • En 1975, elle réalise ses premiers autoportraits, « Untitled A-E 1975 », cinq images dont le motif du clown fait son apparition.

      • En 1976, elle obtient son diplôme et s'installe à Manhattan en 1977 où elle effectue sa première grande série photographique, intitulée « Untitled Film Stills ».

      • En 1979 elle réalise sa première exposition personnelle à Hallwalls.

      • A partir de 1980, elle enchaine les séries, qu'elle organise en cycles et nomme chacune d'entre elles, en 1980 « Rear Screen Projection », en 1981 « Centerfolds », en 1982 « Pink Robe » et « Color Tests », en 1983 « Fashion », en 1985 « Fairy Tales » , en 1986 « Disaster » , en 1988 « History Portraits », en 1991 « Civil War », en 1992 « Sex Pictures », et en 1994 « Masks ».

      • Dans les années 1990, le Museum of Modern Art de New York, lui achète 69 photographies de sa série « Untitled Film Stills », donnant lieu à une grande exposition.

      • En 1999 , elle reçoit le prix « Hasselblad » pour l'ensemble de son œuvre.

      • En 2000, elle réalise une nouvelle série intitulée, « Hollywood », puis en 2003 celle de « Clowns ».

      • En 2011, la marque de cosmétique M·A·C, Make-up Art Cosmetics, utilise certaines de ses images à des fins publicitaires.

      • En 2012, elle est récompensée du « Haftmann », prix artistique Suisse.

      • En 2015, elle interprète le rôle de Maria Callas dans le film « Prima Donna » de Francesco Vezzoli.

      • En 2016, elle devient Lauréate du « Praemium Imperiale » distinction décernée par la famille impériale du Japon

Elle considère que ses photographies sont à comprendre comme de l'art conceptuel, son travail se présente sous forme de séries, ou elle mène une réflexion sur le medium photographique, en rapport avec la peinture, sur la place de la femme et sur sa représentation dans la société contemporaine.

« Bien que je n'aie jamais considéré mon œuvre comme féministe ou comme une déclaration politique, il est certain que tout ce qui s'y trouve a été dessiné à partir de mes observations en tant que femme dans cette culture. » Cindy Sherman

Ses influences sont nombreuses, elle se réfère à des imageries très différentes, de l'image picturale et cinématographique à celles de la publicité, des magazines, et érotique.

Son travail critique la société contemporaine qui se caractérise, selon elle, par la mise en scène et, tout particulièrement, l'image et le rôle assignés à la femme américaine moyenne des années 1960-1970. Ses autoportraits, où elle se met en scène dans des costumes et des attitudes variées, sont autant de questionnements sur l'identité et ses modes de représentations.

Elle refuse la notion de types sociaux qui sont ancrés dans la société, ses photographies refusent toute identité, en les nommant Untitled, elle n'associe aucune individualité à la représentation.

Pour la photographe, le thème de la disparition et de l'anonymat, s'organise autour de quatre grands axes, l'autoportrait, la déclinaison, la transformation et l'hyperbole. Dans son travail, elle déconstruit les stéréotypes de la représentation par le biais de la mise en scène, grande prêtresse de l'autoportrait, elle appartient à une génération nourrie d'images. A l'aide d’accessoires aussi divers que des perruques, des prothèses, du maquillage et autres déguisement, elle incarne des personnages puisés dans l'univers du cinéma.

« J'ai l'impression d’être anonyme, ce n'est jamais moi que je vois dans les images, je disparais complètement. » Cindy Sherman

Sa démarche est de travailler seule, en assumant la totalité des rôles, elle est tout à la fois, photographe, modèle, coiffeuse, maquilleuse, costumière et styliste, ainsi elle transforme à volonté l'aspect et l'environnement, créant une multitude de compositions et de personnages étranges, comme ceux du clown, de la vedette de cinéma, d’autres tirés de l’histoire, de l’art ou encore de contes de fées. À travers ses travestissements, son œuvre cherche à déranger, à amuser et à choquer.

Ses images mentent, mais à travers elles, Cindy fait apparaître de manière ciblée, caricaturale ou avec une perversion exacerbé, ce qui existe et nous conditionne, projections stéréotypées de la sexualité, de la beauté, du pouvoir et de la violence qui servent d'outils d'éviction du réel sous forme de stratégies médiatiques et d'impostures aux seules fins d'imposer leur réalité revendiquée.

En 1977, la venue à New York de Cindy Sherman et de Robert Longo coïncide avec le début de sa première grande série « Untitled Film Still ». Dans les 70 clichés qui la compose, tous réalisés en noir et blanc, elle photographie ses proches et elle-même. Cette série reprend les motifs du cinéma hollywoodien des années 1950, dans laquelle elle construit des mini-scènes, un sentiment de déjà-vu happe le spectateur qui est projeté dans ses propres fantasmes.

1980 « Rear Screen Projections » elle se photographie devant des diapositives projetées, une série qui marque l'apparition de la couleur et cite l'univers de la télévision contemporaine.

1981 « Centerfolds / Horizontals » résultent de la commande d'un portfolio par la revue « Artforum ». A travers cette série, le cadrage est horizontal et serré sur des figures allongées, destinées à être reproduites en double page, images inspirées des revues de charme. L'apparence vulnérable et la position des femmes représentées provoquent une telle controverse au sein du magazine que les photographies ne sont pas publiées.

1982 « Pink Robes » et « Color Tests » , elle photographie ses modèles assis, avec un regard frontal effectuant une pause entre deux prises de vues et portant en majorité un peignoir chenille rose usé, loin de tout vocabulaire appartenant à une imagerie glamour ou sexy, les Untitled #102-#116 sont des personnages d'une normalité voulue, éclairés de manière théâtrale, que la photographe traite comme autant de tests pour l'emploi de la couleur.

1983 « Fashion », série qui dure plus de 10 ans, jusqu'en 1994, répondant à quatre commandes, la première pour une propriétaire de magasins, images publiées dans la revue « Interview », la seconde pour la boutique « Dorothée bis » destinée au magazine « Vogue », la troisième pour la revue « Harper's Bazaar », et la dernière pour la maison de couture japonaise « Comme des garçons ». La mode est le domaine même d'une transaction avec l'image de soi au travers des codes de l'apparence, Cindy Sherman s'empare de ces règles à sa manière, produisant des images dérangeantes et parfois morbides, à l'encontre des usages dominants de la presse spécialisée.

1985 « Fairy Tales » série réalisé suite à une commande de la revue « Vanity Fair » qui marque l'introduction des prothèses apparentes, renvoyant à la fois au monde des jouets et au domaine médical, elle explore l'univers des contes de fées, les terreurs et les menaces qui en sont le ressort.

1986 « Disasters », série ou l'abject côtoie le baroque, le pourrissement organique s'associe à la difformité, elle introduit dans son œuvre le registre du grotesque, qui repose sur une association entre le rire et l'épouvante, en mettant l'accent sur les difformités monstrueuses créées du caprice de la nature ou de la fantaisie extravagante d'artiste.

1988 « History Portraits / Old Masters », Sherman reprend la pose au centre du cadre pour incarner les modèles imaginaires de l'histoire de la peinture figurative, sur un mode délibérément artificiel et caricatural, pour une nouvelle commande destinée aux porcelaines qu'elle décore de médaillons, qu'elle figure par exemple en Mme de Pompadour qui lui donne l'idée du portrait historique. La série comporte 35 clichés, dont trois liées à des tableaux spécifiques, le # 205 « La Fornarina » de Raphaël, le # 216 « La Vierge de Melun » de Jean Fouquet et le # 224 « Bacchus malade de Caravage » . D'autres sont des évocations qui renvoient à l'histoire de la représentation à laquelle elle se réfère, les œuvres de Goya, de Bosch ou d'Arcimboldo, les collages d'Hannah Höch, les travaux des surréalistes, et ceux de Ralph Eugene Meatyard.

1991 « Civil War », elle réduit le corps à des éléments de cadavres jonchant le sol, en cours de putréfaction, elle utilise des prothèses et des masques, pour la représentation des visages, avec cette série, elle inaugure les manipulations photographiques, comme la double exposition, chère aux surréalistes.

1992 « Sex Pictures », elle aborde franchement le registre de la pornographie, avec des trucages et artifices encore plus flagrants que les autres séries, elle utilise des prothèses médicales et des poupées de sex-shop, assemblées de manière provocante et absurde. Cette série répond aux débats sur la définition de l'obscénité en art et la censure, réactivés aux États-Unis par certaines œuvres de Jeff Koons avec sa femme, la Cicciolina.

1994 « Masks », elle laisse la place à ces visages réifiés et figés, maltraité, mutilé et sanglant comme dans un cauchemar, le masque ne renvoie pas à un visage caché, il devient un objet autonome et vivant, le pendant monstrueux de l'automate du Marchand de sable des contes d'Hoffmann, à partir duquel Freud élabore la notion « d'inquiétante étrangeté ».

1999 « Broken Dolls » la présence humaine disparait au profit de poupées, amputées et installées dans des poses obscènes, série qui renvoie à une part obscure et pulsionnelle de l'enfance que la société civilise, en la refoulant ou en la maîtrisant selon des codes définis par chaque culture et chaque époque.

2000 « Hollywood / Hampton Types » pour la photographe, dans cette série, les personnages doivent être des comédiens ratés ou tombés dans l'oubli, des secrétaires, des ménagères ou encore des jardiniers de la vie réelle qui posent pour des portraits afin de postuler à un emploi, essayant de se vendre au mieux. Sherman renoue avec les costumes et les accessoires, parodie le jeu des identités sociales, avec ses stéréotypes et ses règles sans pitié.

2003 « Clowns » elle incorpore l'usage de la technique numérique qui lui permet d'obtenir des fonds très colorés et des montages de plusieurs personnages, elle résume et condense dans une seule image. Le choix du clown, par Cindy Sherman, est un véritable manifeste, son choix n'est pas seulement l'élection d'un motif pictural ou poétique, mais une façon détournée et parodique de poser la question de l'art.

« Je voulais que l'histoire vienne du visage. » Cindy Sherman

Untitled Film Still #21, 1978

En 1978, dans le décor de New York, Cindy Sherman met en scène une jeune femme prise en contre plongée, qui fronce légèrement les sourcils, elle rêve de devenir une star sous les feux des projecteurs, elle est le double de la secrétaire cleptomane, incarnée par Tippi Hedren, actrice fétiche d'Alfred Hitchcock, dans « Pas de printemps pour Marnie », cette image n'a pour austère et froide légende « Untitled Film Still # 21 » avec cette femme qui reste anonyme, à cette photographie correspond un numéro précédé d'un dièse, sans aucune histoire. Photographie ou photogramme ? Réalité ou cinéma ?