Bernard Plossu (1945) photographe français, né à Đà Lạt, au sud du Viêt Nam, d'où il rentre en bateau à moins d'un an. Il fait ses études à Paris, tout en passant ses étés à faire de la randonnée en montagne. Adolescent, il préfère sécher les cours pour se rendre à la Cinémathèque afin d'apprendre le monde de l'image, endroit ou il découvre les classiques et les les longs métrages de la Nouvelle Vague. En 1958 âgé de treize ans, muni d’un Kodak Brownie Flash, il parcoure le Sahara en compagnie de son père.
En 1965, il se rend au Mexique pour rejoindre ses grands-parents immigrés, sur place, il passe son temps sur les routes et troque sa caméra super-8 contre un Kodak Retina. À Mexico, il parvient à se joindre à une expédition ethnographique et photographie la jungle de Chiapas, puis les paysages mexicains, les architectures, les personnes qu’il croise et les routards américains de sa génération. il enchaine de nombreux reportages en couleurs chez les indiens Mayas, en Californie, dans l’Ouest américain, le Nevada et le Middle West.
En 1968, il s'installe à San Francisco et fait la connaissance de l'un des membres fondateur de la Beat Generation, Allen Ginsberg et de la chanteuse, Joan Baez.
En 1970, il réalise un travail consacré à l’Inde, où naît l’idée d'une photographie surbanaliste, qui à l'instar du surréalisme, mais d'une façon moins extrême, révèle une intensité immanente à la banalité.
En 1974, il se lie d’amitié avec le photographe Claude Nori, avec lequel un an plus tard, il participe à l'aventure de « Contrejour », né des nouvelles tendances de l'après 68, à la fois journal trimestriel, maison d'édition et d'une galerie située à Montparnasse qui devient rapidement le lieu de rencontre et de diffusion de la nouvelle photographie. « Contrejour » publie la plupart des premiers livres d'auteurs photographes comme Guy le Querrec, Arnaud Claass, Denis Roche, Pierre et Gilles, Sebastiao Salgado, Jeanloup Sieff, Gilles Peress, Luigi Ghirri ainsi que les humanistes, Robert Doisneau, Edouard Boubat, Willy Ronis et Sabine Weiss.
Il continue inlassablement de voyager, en 1975, il se rend pour la première fois au Niger, sur place, il prend la décision d'abandonner la couleur au profit du noir et blanc, afin de se placer en marge de la photographie commerciale, des prises de vues qu'il effectue avec une focale de 50 mm.
Il vit sur les hauts plateaux du Nouveau Mexique, ou nait son premier fils Shane, qu’il photographie régulièrement.
En 1981, il fonde toujours avec Claude Nori, accompagné de Gilles Mora et Jean-Claude Lemagny, les « Cahiers de la Photographie ».
En 1983, il commence à peindre et à travailler avec l’agence allemande « Fotowest ».
En 1986, il épouse la photographe Françoise Nunez, avec qui il a deux enfants, un second fils en 1986, Joaquim et en 1988, une fille Manuela, qui passent leurs premières années en Andalousie.
En 1987, grâce à l'institut français de Naples, il effectue un séjour photographique dans l'île Stromboli (Îles Éoliennes). L'année suivante, il s'installe dans l'île Lipari en compagnie de son épouse, rejoint par la suite par d'autres photographes. Pendant quinze ans, il consacre sa vie à de longues randonnées solitaires à pied.
En 2012, une exposition consacrée à son voyage au Mexique de 1965, est présentée au musée des beaux-arts et d'archéologie de Besançon, avec plus de 200 clichés, en déclarant que ce voyage lui a permis de trouver son style et de forger sa vision.
Actuellement il vit en France à la Ciotat près de Marseille au milieu des chantiers navals qui sont partis en rouille, mais où la mer est revenue sur la pointe des pieds, avec sa fidèle compagne, Françoise, elle-même photographe de talent, ensemble, ils scrutent le ciel et leurs négatifs.
Il débute très tôt de pratiquer la photographie en étant un voyageur-migrateur comme il se définit, voyageur dans les vastes contrées de la terre, voyageur dans la poésie des mots. Il est devant les portes, réalisant des images, simples, immenses, homme des échappées vers la beauté, vers la connaissance des autres, l'abandon aux choses, aux fleuves de la vie. Il sait marcher sur le plafond de la brume, sur les crêtes des averses, sur le dos des nuages, sans jamais s’attarder, juste le temps de dérober des fragments d’éternité. Il est un pèlerin qui traverse les chemins, ceux qui sont les plus court qui prennent la direction de l'émotion. Il peut autant se reconnaître dans les villes de Paris, de Londres, que dans la Haute-Provence, la belle ville d’Hyères, Marseille dévisagée en bus, la Bretagne entrevue, le Jura sur les traces de Courbet. Son style est de ne pas copier, il s’engage et ne reproduit pas, avec ce don rare qu’il a de la poésie.
« Une bonne photographie, c’est une photo qu’on ne doit pas conditionner à l’avance. » Bernard Plossu
Il traduit une œuvre et refuse de simplement rendre une représentation. Son appareil photo n’est pas un piano accordé, mais un simple appareil ordinaire qui ne triche jamais. Il est l’archétype de l’authenticité, de l’indépendance et de l’intégrité. Ses instantanés relèvent plus des photographies personnelles, des souvenirs de voyage, souvent sans aucune légende, prises au gré de son errance, sans chercher à dénoncer ou à montrer quelque chose. Il est tiraillé entre le fragile et l’éternel, ses images en sont l’exutoire, ce solitaire qui marche, reste en marge des horizons pollués par le commerce, photographier est pour lui, un moyen de jeter un ancrage parmi les hommes.
Il n’est pas l’exclusif photographe du noir et blanc avec lesquels il sait dompter les ombres et les lumières. Dès 1965 au Mexique, il fait de la photographie en couleur, l'utilise moins par la suite, il la poursuit en évitant les tons agressifs et veut que chacun de ses tirages soit unique. Cinq ans plus tard, il l'abandonne pour se consacrer au noir et blanc, et grâce à un maître du tirage couleur, Michel Fresson, il y revient sachant qu’il peut rendre sur le papier, ce qu’il désire.
Dans son travail, la lumière demeure le noir et blanc, il la conçoit comme une caresse qui passe furtivement, il la modèle, embrumée, déjà évanescente et prête à le quitter en sachant d’où elle vient.
« Lumière, en photographie, c’est le noir et blanc, le gris. » Bernard Plossu
Il dépouille le réel jusqu'à ce qu’il devienne une douce aquarelle, les paysages semble fragiles, instables, sur le point de se dissoudre, dernière douane avant l’oubli, son imaginaire le pousse vers le décalage d’un monde qui tend vers l’invisible. Pour restituer ainsi tous ces moments apparemment sans importance, ces petits bruits de la vie, il se veut toujours en éveil, disponible aux éléments simples et évidents qui croisent sa vie. Aux aguets des perceptions, à l’affût de routes, de visages, d’espace, comme un martin-pêcheur il attend l’instant, pas pour l’anecdote ou le sensationnel, mais pour la respiration du monde.
« La photographie, c’est une disponibilité au hasard, et le hasard ne vous arrive pas par miracle, le hasard… on a le hasard presque qu’on mérite, au bout de pas mal de temps d’aller partout, il vous arrive des choses, et c’est pour ça que j’aime bien dire qu’on ne prend pas de photos, mais que les photos vous prennent. » Bernard Plossu
Il est un itinérant, un lecteur de mots et d’images, qui quand le vaste monde sonne à sa porte, il reprend son baluchon, son appareil et s’en va à nouveau tracer les hasards des émotions, dans une longue marche silencieuse, une douce déambulation dans la poésie des instants. Ses images sont patientes, souvenirs un instant enclos d’impressions discrètes, tendresse translucide. Que ce soit en noir et blanc ou en couleurs grâce, ses clichés sont toujours des éclats.
« La photo, c’est du cubisme en mouvement. » Bernard Plossu
Route d’Acapulco, Mexique, 1966
Chiapas, Mexique, 1966
Ouvriers, Mexique, 1966
La noce mexicaine, Mexique, 1966
Café, Montparnasse, Paris, 1978
Paris, 1988