Harry Callahan (1912-1999) photographe américain, né Harry Morey Callahan à Détroit dans l’état du Michigan. Il étudie les mathématiques pendant une année à l’université de Lansing et en 1934 la chimie au « Michigan State College ».
En 1936, après l’obtention de son diplôme, il rencontre et épouse Eleanor Knapp, afin de subvenir aux besoins de sa famille, il travaille aux usines « Chrysler Motor Company ».
En 1938, fasciné par la beauté des instruments photographiques, il achète son premier appareil photo, commence à photographier pour s’amuser et adhère au photo-club de Detroit, le « Chrysler Camera Club », connu sous le nom de la « Détroit Photo Guild ». Il fait la connaissance des deux photographes de Détroit Todd Webb et d’Arthur Siegel.
En 1941, autodidacte, Callahan découvre lors d’une conférence le travail d’Ansel Adams, il est de suite fasciné, puis en 1942 il fait connaissance d’Alfred Stieglitz, ces deux rencontres bouleversent sa manière de photographier, c'est à ce moment qu'il troque son agrandisseur pour un appareil photo 8 × 10. D’abord pratiquée comme un loisir, la photographie devient pour Callahan une véritable addiction, un moyen pour apprendre à se connaître et découvrir le monde, il s’intéresse aux sujets qui lui sont proches, sa femme, la nature et sa ville.
En 1943, il réalise des photographies minimalistes d’herbes dans la neige et débute ses expérimentations en couleurs.
En 1945, il abandonne son emploi fixe et s’installe à New York ou il rencontre Paul Strand, Helen Levitt, Lisette Model et Berenice Abbott qui lui fait découvrir l’œuvre de Eugène Atget. Après avoir en vain postulé pour une bourse du Museum of Modern Art, il retourne à Détroit.
En 1946 sur invitation du photographe Laszlo Moholy-Nagy, il l’obtient un poste d'enseignant à l'Institute of Design de Chicago ou trois ans plus tard il accède à la tête de son département et sur sa demande, il persuade le photographe Aaron Siskind de le rejoindre à ses cotés au sein de la faculté.
Sa découverte de Chicago, lui fait découvrir l’architecture dite « vernaculaire », prit de passion pour ses constructions, il prend conscience de la vision onirique que lui offre les façades des immeubles, comprend toute l’importance essentielle des espaces ouverts ou clos, les rapports entre l’intérieur et l’extérieur des bâtiments et dès 1948, il réalise de nombreux clichés en noir et blanc et côtoie l’architecte Ludwig Mies van der Rohe.
En 1948, il se lie d’amitié avec Edward Steichen, qui retient six de ses clichés pour l’exposition « In and Out of Focus ». En 1958, il séjourne pendant un an, dans le sud de la France, en Provence.
En 1961, il est maitre de conférences de photographie à la « Rhode Island School of Design » de Providence, dont il en devient titulaire en 1964 et y reste jusqu’en 1977.
En 1963, il voyage en Amérique Latine, en Europe, en Afrique du Nord et en Asie. En 1964, édition de son premier ouvrage photographique, « Photographs H.C ».
En 1977, il se retire définitivement de l’enseignement et prend sa retraite, se consacrant entièrement à la photographie couleur, la même année il est invité aux « Rencontres d’Arles ». En 1983, il déménage à Atlanta dans l’état de Géorgie ou il y reste jusqu'à sa mort. En 1996 il reçoit la distinction de la « National Medal of Art ».
Il laisse derrière lui 100 000 négatifs et plus de 10 000 tirages, conservés par le « Center for Creative Photography » de l’Université d’Arizona, centre dont le but est de rassembler les archives, les travaux individuels de photographes américains du 20ème siècle, destinés à la compréhension de la photographie et de son histoire.
Callahan, autodidacte invente un nouvel art photographique, il passe avec la même belle élégance des façades d’immeubles, aux visages aimés, ou aux abstractions pures, déduites du réel, créateur solitaire, faisant surgir une poésie visuelle avec presque rien, une plage vide, des brins d’herbe, des rues vides, des murs muets. Il ne dévie jamais de sa route, épousant élégamment le sens inné des choses, pour les organiser en tant qu’artiste. Photographier devient un rituel, une prière dite chaque jour pour qu’apparaisse le bon angle, la bonne lumière qui jaillie du ciel.
« La photographie est une aventure, tout comme la vie est une aventure. Si une personne veut s’exprimer photographiquement, elle doit absolument comprendre sa propre relation à la vie. » Harry Callahan
Durant toute sa carrière, il photographie autrement, à rechercher la pureté d’une expression, il se concentre sur les mêmes sujets, avec patience et méthodologie, il va jusqu’au bout de ses idées pour obtenir les photographies désirées. Il s’essaye à plusieurs techniques comme les multi expositions ou les collages.
Sa méthode est de se balader toute la journée pour photographier sans trêve, tout entier voué à sa passion, comme une sorte de moine soldat de la photographie. Après avoir remplit sa sacoche d’une multitude de clichés, il travaille toute la nuit à faire des essais de tirage à partir des meilleurs négatifs, pour savoir s’il doit revenir sur ce qu’il a photographié. Il développe et tire lui même ses images en noir et blanc, ne conservant que très peu de clichés. Pour les photographies en couleur, surtout des diapositives, des cibachromes, durant les derniers 25 ans de sa vie, il les envoie au traitement, en donnant que parcimonieusement son aval pour les imprimer.
« Vous ouvrez l’obturateur et vous laissez le monde y pénétrer. » Harry Callahan
A partir de 1954, après avoir réaliser de nombreux clichés de façades d’immeubles, il s’intéresse de plus en plus aux fenêtres, aux vitres deviennent le cœur de sa vision de l'architecture vernaculaire, il fixe des petites structures en bois, sans beauté particulière, des devantures de magasins comme abandonnés, enserrés dans le tissu de la ville, happés par le développement urbain. Entre un style géométrique, proche du Bauhaus, une fascination pour les bâtiments, et l’espace qui circule autour, les vitres sont le miroir de la vie, ses photographies sont à la fois un regard vers le passé et vers l’avenir, une tendresse posée sur le monde avec un lien profond.
À chaque fois, il met l'accent sur les lignes et les formes ainsi que les contrastes et les luminosités. Il utilise les techniques d’expositions multiples, doubles ou triples, use du flou, aussi bien qu’avec appareils grands formats que des boîtiers compacts. Son travail est une réponse très personnelle de sa vie. C’est ce qu’il enseigne par la suite à ses élèves, les encourage à faire de même en « photographiant leur vie ».
« Je ne peux pas dire ce qui fait une image. Je ne peux pas le dire. Cela reste mystérieux. » Harry Callahan
Il a de la photographie une conception sensible, subtile, et visionnaire, celle de développer un expressionnisme abstrait, ou il fait surgir des choses naturellement. Depuis ses premières expériences en multipliant les expositions à divers moments, il peint les paysages urbains en sculptant la lumière, jusqu’à ses travaux en couleurs plus tardifs, Callahan cherche à explorer tout le potentiel de la photographie.
« La photographie est pour moi un ensemble de valeurs que je suis en train de découvrir et de mettre en place comme étant ma vie. » Harry Callahan
La ville, les façades, les passants, perdus dans leurs pensées, à Detroit, Chicago, Providence ou New York, il sait transfigurer le quotidien en audaces photographiques, sa vision charge les lieux communs d’une éloquence formelle et d’un sens intemporel.
Depuis les années 40 jusqu’à la fin des années 90, il photographie ses sujets obsessionnels, sa femme Eleanor, les gens pris à la dérobée dans les rues, et les bâtiments.
Ses sujets de prédilection sont son épouse, Eleanor, sa fille, Barbara, et les scènes qu'il croise au détour des rues de sa ville natale de Détroit. De 1947 à 1960, sa femme est essentielle dans son œuvre, qu’elle soit seule ou avec leur fille, il la photographie partout, en noir et blanc ou en couleur, chez eux, dans les rues, au milieu d’un paysage, nue ou habillée, éloignée ou en gros plan. Malgré ça, il n'est pas sentimental, romantique ou émotionnel. Il illustre beaucoup la place centrale qu'occupe Eleanor dans sa vie en faisant d'elle son sujet principal pendant près de 15 ans, mais les images ne représentent pas ce qu'elle est, ce qu'elle a fait ou ce qu'elle pense. Son art est une longue réflexion sur les possibilités de la photographie dans une utilisation ludique, mais pas naïve.
« J’avais envie de revenir sans cesse aux mêmes idées, sachant qu’elles seraient différentes tout en étant les mêmes. » Harry Callahan
Ce qu’il recherche sont les interstices entre les ombres que chacun porte en lui, que se soit un humain ou de la pierre. Ce qui le fascine, c’est le vide qui se crée entre l’intérieur des sujets, les ombres et les espaces qui se creusent, en permanence il revient aux mêmes endroits, afin de réaliser de nouveaux clichés sur les mêmes sujets pour pénétrer toujours plus leur mystère.
« Je pense que chaque artiste ou presque tente sans cesse de parvenir au bord du néant, là où il est impossible d’aller plus loin. » Harry Callahan
« J’ai dû prendre 40 000 clichés, parmi lesquels 800 photos que j’aime. » Harry Callahan
Chicago, 1960