Holbein Père et Fils

Hans Holbein l'Ancien

Hans Holbein l'Ancien est un peintre allemand des XVᵉ et XVIᵉ siècles, né vers 1460 à Augsbourg, en Bavière, et mort en 1524 à Issenheim en Alsace. Lui et son frère Sigmund Holbein ont réalisé des œuvres religieuses dans un style gothique tardif

Hans Holbein l'Ancien diffère des peintres allemands du XVe siècle en ce que sa vie comme son œuvre, malgré d'importantes lacunes, sont relativement bien connues. Né à Augsbourg, il appartient à un milieu d'artisans dont il mène la modeste existence. Après un séjour à Ulm où il exécute, en collaboration avec le sculpteur Michel Erhart, un retable destiné au monastère de Weingarten (1493 ; volets dans la cathédrale d'Augsbourg), il revient en 1494 dans sa ville natale où il réside jusqu'en 1515. Il est bientôt assailli de commandes de retables, de fresques, de projets de vitraux, surtout pour les églises d'Augsbourg, mais également pour celle des dominicains de Francfort (retable du maître-autel, 1500-1501 ; plusieurs fragments au Städelsches Institut de la ville), pour celle des cisterciens de Kaisheim (retable du maître-autel, 1502-1504 ; volets à l'ancienne Pinacothèque de Munich). Son départ d'Augsbourg a été attribué sans raisons à la gêne dans laquelle il serait tombé par suite de l'évolution du goût de la clientèle. Que les antonins d'Issenheim, pour lesquels Grünewald venait d'achever son célèbre retable, aient alors fait appel à lui prouve qu'il jouissait encore d'une grande réputation. De 1517 à 1519, il travaille à Lucerne, avec son fils Hans, à la décoration de la maison Hertenstein (détruite en 1825). De 1519 date sa dernière œuvre connue, La Fontaine de vie (Museo nacional de arte antiga, Lisbonne). L'obscurité plane sur ses dernières années.

On ne sait pas avec certitude où il reçut sa première formation ; à Ulm, selon l'hypothèse traditionnelle, ou peut-être à Augsbourg, dont la peinture est mal connue jusqu'à la fin du XVe siècle. Il a subi l'influence de Martin Schongauer et plus encore celle de la peinture flamande, manifeste dans son chef-d'œuvre, La Passion grise (volets d'un retable peint entre 1495 et 1500 ; Donaueschingen, coll. des princes de Fürstenberg). Supposer un voyage aux Pays-Bas n'est pas indispensable : le style des maîtres flamands s'était imposé, au cours de la seconde moitié du siècle, dans toute l'Europe centrale. Celui d'Holbein l'Ancien en dérive, avec certaines déviations caractéristiques de la fin de cette période en Allemagne : maigreur accusée des formes, gesticulation conventionnelle et maniérée de pantins, à laquelle s'ajoute dans son œuvre une langueur, apparente déjà chez certains Flamands, et qui va chez lui jusqu'à la fadeur, surtout dans le visage de ses Christ, d'une beauté inexpressive et monotone, et complètement détachés de l'action.

Les compositions d'Holbein l'Ancien manquent en effet d'unité dramatique. Les morceaux en valent pour eux-mêmes, en particulier les visages des acolytes et spectateurs de la Passion, le sujet qu'il a le plus fréquemment traité. Ce sont souvent des portraits d'une grande intensité. Pour les peindre, Holbein l'Ancien se servait d'études à la mine d'argent, têtes de religieux ou d'hommes du peuple dont un nombre considérable subsistent. Elles ne semblent pas avoir été exécutées directement en vue d'un tableau donné, mais avoir répondu à un intérêt constant et général de l'artiste pour la figure humaine, d'autant plus remarquable que, comme peintre, il reçut apparemment peu de commandes de portraits. Ces dessins, peut-être le meilleur de son œuvre, révèlent d'admirables dons de portraitiste dont héritera son fils Hans.

Pas plus que d'unité dramatique, ses compositions ne possèdent d'unité spatiale. Toutes les recherches sur la perspective et sur la situation des corps dans l'espace, comme toute utilisation des relations spatiales à des fins expressives, lui sont étrangères ; en cela, il reste fermé aux tendances nouvelles de la peinture allemande à son époque et ne s'est jamais départi de son attitude : si l'on observe dans ses œuvres tardives quelques architectures à l'italienne, son style est demeuré, pour l'essentiel, immuable au cours des années.

L'originalité de sa peinture, sa nouveauté et sa grande qualité tiennent à l'emploi de la couleur. Il renonce très vite aux tons locaux prisonniers de la forme et disposés en oppositions décoratives ; il aime les accords subtils, recherche les tons rompus

Hans l'Ancien fut le pionnier et le principal artisan de la métamorphose de l'art allemand depuis le gothique vers le style Renaissance.

Le peintre illustra également quelques livres, le plus célèbre d'entre eux ayant été l'Éloge de la Folie d'Érasme. Ses deux fils, Hans Holbein le Jeune et Ambrosius Holbein, reçurent leurs premières leçons de peinture directement de leur père

Hans Holbein le Jeune

Hans Holbein le Jeune est un peintre et graveur allemand, né à Augsbourg vers 1497 et mort à Londres entre le 8 octobre et le 29 novembre 1543 . Il est l'un des peintres les plus importants de la Renaissance. Une de ses œuvres les plus connues est Les Ambassadeurs, qu'il a peinte en 1533.

La date de naissance exacte d'Holbein n'est pas connue. Il naît en 1497 ou 1498 à Augsbourg, ville bavaroise en relation avec l'Italie et économiquement très active. La voie était toute tracée pour ce fils d'un peintre connu. Son père, Hans Holbein l'Ancien (v. 1465-1524) est apprécié pour ses retables et ses portraits qui se situent dans la filiation des artistes flamands du 15e siècle (Van Eyck, Van der Weyden). Son oncle Sigmund Holbein (v. 1470-1540) est également peintre. Holbein l'ancien a deux fils qui deviendront tous deux peintres : Ambrosius (v. 1494-1519) qui n'eut pas le temps de s'affirmer, et Hans, dit le Jeune, qui deviendra un grand portraitiste. La formation des deux frères commence dans l'atelier paternel à Augsbourg. En 1515, ils quittent tous deux Augsbourg pour Bâle où ils entrent dans l'atelier de Hans Herbst (1470-1552), le peintre le plus réputé de la ville. Holbein le Jeune se fera remarquer par Erasme dès 1516. Celui-ci vit à Bâle et a pu apprécier le talent de dessinateur du jeune homme. Il lui demande d'illustrer son livre Éloge de la folie.

Hans Holbein a certainement voyagé en Italie fin 1517 et début 1518 et y a étudié les œuvres de Léonard de Vinci dont il s'inspirera dans certains tableaux. Son frère Ambrosius, plus âgé, ouvre un atelier à Bâle vers 1517 puisqu'il devient membre de la guilde des peintres de la ville au cours de cette même année. Hans travaille avec lui. A la mort d'Ambrosisus en 1519, il reprend l'atelier de son frère. En 1520, il épouse la veuve d'un tanneur, Elsbeth Bizenstock, ce qui lui permet de devenir citoyen de Bâle en tant qu'époux d'une citoyenne de la ville.

Au cours de la décennie passée à Bâle de 1516 à 1526 l'activité d'Holbein le Jeune est diversifiée : portraits de notables locaux, décoration de maisons, retables pour les églises. Son talent de portraitiste apparaît déjà avec éclat par exemple dans le portrait d'Érasme de 1523.

En 1524, Holbein fait un séjour en France, probablement pour rechercher des mécènes plus prestigieux. Brillant dessinateur, il y apprendra la technique des crayons de couleur auprès de Jean Clouet et des disciples de Léonard de Vinci qui est mort en 1519 au château du Clos Lucé à Amboise.

Bâle est secouée par les troubles de la Réforme. Cette insécurité politique nuit à l'activité économique et les commandes aux artistes se font plus rares. Par ailleurs, Bâle ne constitue pas pour un artiste ambitieux un champ d'activité suffisant. Holbein se propose donc de gagner l'Angleterre où il restera pendant dix-huit mois. Érasme lui fournit une lettre de recommandation auprès de Thomas More (1477-1535). Celui-ci l'accueille dans sa maison de Chelsea et l'introduit auprès des humanistes anglais et de la cour. Il reçoit d'importantes commandes de portraits de l'aristocratie anglaise.

Holbein est de retour à Bâle en 1528. Il y poursuit principalement la réalisation de portraits. La situation économique de la ville s'est dégradée du fait des querelles religieuses et les commandes de retables ont disparu. Les controverses idéologiques et religieuses, aussi dépourvues d'intérêt soient-elles, impriment leur marque à la société toute entière et impose aux individus de prendre parti contre leur volonté. Holbein se verra ainsi reprocher de ne pas avoir communié selon le rite réformé. Proche des humanistes, il devait se sentir bien loin des petitesses des clans opposés. Il reçoit malgré tout la commande de la décoration des volets de l'orgue de la cathédrale de Bâle et de fresques pour la salle du grand conseil de la ville.

La situation instable à Bâle conduit Holbein à retourner en Angleterre au printemps 1532. Toujours muni de lettres de recommandation d'Érasme, il doit affronter une situation nouvelle. Thomas More n'a plus la faveur du versatile Henry VIII. Fort heureusement, il existe à Londres une communauté de marchands allemands de la Ligue hanséatique. Cette ligue est une association des villes marchandes d'Europe du nord qui a obtenu des privilèges commerciaux de divers souverains. Elle est économiquement très puissante. Les commerçants allemands de Londres commandent de nombreux portraits à Holbein qui recevra également de l'ambassadeur français Jean de Dinteville la commande de l'un de ses tableaux les plus célèbres : Les Ambassadeurs (1533).

Ce tableau propulse Holbein dans le milieu politico-diplomatique et lui permet, en 1536, d'obtenir le titre de Peintre du roi. Il réalise de nombreux portraits du roi Henri VIII et de sa famille, mais également des travaux de décoration, des miniatures et des études de bijoux.

En 1538-1539, il doit peindre les portraits de Christine de Danemark et d'Anne de Clèves et rejoint à nouveau le continent. Henri VIII cherche en effet à se remarier et il convient de lui fournir des portraits des prétendantes éventuelles. Christine de Danemark échappera à ce triste sort mais Anne de Clèves (1515-1557) deviendra la quatrième épouse du roi, qui en eut six.

Holbein le Jeune finira sa vie à Londres malgré des propositions de retour de la ville de Bâle. Peintre d'un roi puissant, sa renommée est immense car il est le plus grand portraitiste de la première moitié du 16e siècle. Il meurt à 45 ans, le 29 novembre 1543, au cours d'une épidémie de peste qui ravage Londres.


La gloire d'Holbein le Jeune fut considérable de son vivant et après sa mort. Son effacement relatif aujourd'hui, si l'on excepte l'engouement pour Les Ambassadeurs et ses pseudo-mystères, tient sans doute, paradoxalement, à ses qualités. Il est un dessinateur exceptionnel et un peintre qui maîtrise sa technique jusqu'à rendre plus vrais que nature ses portraits tout en les parant de la beauté qu'en attendaient ses contemporains. La peinture choisira, à partir du 19e siècle, des voies radicalement différentes. Mais les 16e et 17e siècles placent Holbein au sommet de la hiérarchie des artistes de tous les temps, aux côtés de Raphaël et de Michel-Ange. Avec l'emphase qui caractérise la prose de l'époque, et qui fait tout son charme aujourd'hui, Karel van Mander s'exprime ainsi à propos d'Holbein :

« Il n'entre pas dans mes vues de disserter sur le point de savoir si, par grâce divine, quelques individus ont, de naissance, le sentiment de l'art, ou s'il est des régions fortunées où la limpidité de l'air a pour effet d'aiguiser l'entendement, de provoquer au travail et de donner le moyen de triompher des difficultés les plus ardues des sciences et des arts ; je laisse à chacun là-dessus son sentiment. Une chose est certaine, c'est qu'on a vu des illustrations de notre art naître en ces contrées où elles ne trouvaient point de devancières, comme pour mieux prouver que le génie et le savoir ne sont les privilèges d'aucune race, ni d'aucun pays. Le célèbre Hans Holbein, par exemple, qui a porté un si grand nom, et qui a fait retentir le monde de sa gloire, est né, pour autant que je sache, à Bâle, au sein des solitudes rocheuses de la Suisse, en l'an 1498. »

Van Mander se trompe sur le lieu de naissance, qui est Augsbourg. Il ne se trompe pas sur le « génie et le savoir » de l'artiste qui est l'un des plus grands portraitistes. Son savoir, sa maîtrise technique sont au service de son art et cherchent à reproduire sur le tableau la réalité dans ses moindres détails : vêtements et accessoires rendus avec une précision extrême, physionomie des modèles laissant percer le tempérament. Holbein dispose d'une vision du réel qui sait capter ce qui est essentiel pour reproduire ce réel avec précision tout en le magnifiant. Il ne faut pas chercher ailleurs son succès exceptionnel à la cour d'Angleterre : il ravissait ses commanditaires par la qualité de son travail.

Il connaît bien la peinture flamande et son réalisme minutieux. Mais il a voyagé en Italie et vu les œuvres de Vinci et de ses disciples en France. Il parvient à produire une synthèse du réalisme flamand et le l'idéal de beauté italien qui en fait l'un des peintres majeurs de la Renaissance.