B - Le Classicisme et le Baroque

3 - Le Baroque

À la suite du Siège d'Anvers (1585), les Provinces du Sud des Pays-Bas — les Flandres — restent sous domination espagnole et sont séparées de la république néerlandaise indépendante. Bien que beaucoup d'artistes fuient les guerres de religion et déménagent des Pays-Bas méridionaux vers les Provinces-Unies, les peintures flamandes baroques se multiplient, en particulier grâce à l'École d'Anvers, et au xviie siècle sous Rubens, Antoine van Dyck et Jacob Jordaens.

L’art baroque prend naissance à la fin du 16e siècle dans un contexte de conflits religieux. L’apparition du protestantisme à partir du 15e siècle, mais surtout au 16e siècle, avait porté atteinte au monopole spirituel de l’Eglise catholique sur l’ensemble de l’Occident. A cette Réforme protestante succédera une Contre-Réforme catholique visant à faire reculer l’influence protestante. La stratégie de la Contre-Réforme avait été définie lors du concile de Trente (1545-1563), assemblée d’évêques catholiques disposant du pouvoir de faire évoluer les règles régissant cette église et cette croyance. Le concile avait particulièrement insisté sur le rôle de propagande religieuse de la peinture et de la sculpture. Les artistes doivent produire des œuvres représentant les différents épisodes bibliques et capables de susciter un renouveau de ferveur religieuse.

Qu’il s’agisse d’architecture ou de peinture, l’art baroque est dans un premier temps déterminé par les commandes passées par l’Eglise catholique. Les ordres religieux font construire ou embellir les églises et couvents. Les riches prélats décorent leurs demeures. Les monarques catholiques et l’aristocratie vont ensuite prendre le relais.

Quelles sont les caractéristiques de cette peinture qui naît de la propagande religieuse ? Il s’agit de marquer les esprits, en particulier les esprits simples. Une lourde ornementation en architecture, des couleurs luxuriantes, des jeux d’ombres et de lumières, une accentuation du mouvement, l’expression intense des sentiments en peinture permettront d’accomplir la mission régénératrice. Au demeurant, l’incitation religieuse initiale n’empêchera pas les artistes d’exprimer leur subjectivité. Par rapport au maniérisme, qui le précède, le baroque est un réalisme qui n’hésite pas à choquer par des scènes violentes (Artemisia Gentileschi, Judith décapitant Holopherne, 1611-12) ou à mettre en évidence les détails de l’anatomie (la musculature du Christ, par exemple : Rubens, L’élévation de la Croix, 1610).

Gérard De Lairesse

Il y a près de trois cent cinquante ans, l'année 1640, Gérard de LaIresse naissait à Liège.

Ce peintre ne peignit pas quand il fut devenu aveugle, mais il continua avec héroïsme à servir la peinture et cela seul suffirait pour remettre en lumière un artiste qui fut un-des plus célèbres de son temps et qui est aujourd'hui un des plus méconnus

Il était, dit-on, "sensible et facile à se laisser prendre". Une histoire romanesque marque l'origine de sa carrière amoureuse : deux soeurs, venues de Maestricht à Liège pour y chercher fortune, vivaient en face de sa chambre, sur le même palier. Il s'éprit naturellement de la plus belle et, ardent et étourdi comme il l'était, s'empressa de lui faire une promesse écrite de mariage. Sa famille, trouvent ce mariage indigne, lui dépêcha pour le séduire une cousine qui le séduisit si bien que la prétendue fiancée se fâcha. Elle vint avec sa soeur trouver le peintre, se répandit en reproches, et à. la fin lui présenta la promesse écrite de mariage. Lairesse, se dérobant, répondit que ses Intentions étaient changées. Alors la soeur, qui avait caché sous sa robe un couteau et une épée, tourna autour de lui et par derrière, avec son couteau, essaya de lui couper la gorge. Se voyant en sang, Lairesse prit une petite épée de salon qu'il portait toujours avec lui et attaqua la jeune fille. Celle-ci tira alors l'épée qu'elle avait sous sa Jupe mais en reculant reçut deux coups de l'épée de son adversaire. Cette aventure hors du commun devait mener Lairesse à Amsterdam.

Vers l'année 1690, alors qu'il atteignait à peine sa cinquantième année, la chose la plus épouvantable pour un peintre : Il perdit totalement la vue. Quelle fut la cause de sa cécité ? Quelques esprits sévères voulurent attribuer à ses dissipations le malheur qui le frappa, comme si la Vengeance divine était venue le surprendre au milieu de ses triomphes. Mais on oubliait qu'en même temps il passait des heures entières à graver à l'eau-forte, éclairé par une faible chandelle. Lui-même voyait là la cause de sa cécité. Lairesse mourut à Amsterdam le 26 juillet 1711, vingt ans après avoir perdu la vue, dans la gêne, le besoin et même la pauvreté. Il avait gagné beaucoup d'argent, mais, insouciant comme la cigale, Il n'avait rien mis de côté.

Les médecins pourtant retiendront de lui une oeuvre qui les touche de plus près : les cent six planches d'anatomie qu'il dessina pour l'anatomiste hollandais Gérard Bidloo et qui sont aujourd'hui une des plus grandes richesses de la Bibliothèque de la Faculté de Médecine de Paris. La plupart des musées d'Europe possèdent des toiles de Lairesse, presque toutes consacrées à l'histoire de l'Antiquité. On y admirait fort son sens de la perspective et de l'architecture, la façon dont Il savait rendre le drapé des costumes, la manière artistique dont il traitait les nombreux vases d'or et d'argent qu'il a prodigués un peu partout. Cette attention scrupuleuse envers l'histoire, les costumes, la richesse des ornements ont fait dire de lui qu'il était le Poussin Hollandais sans en avoir cependant la même correction de dessin et le même génie.