Lippi

Filippo Lippi

Lippi (1406-1469) a observé Masaccio lorsqu'il travaillait sur les fresques de la chapelle Brancacci à Florence. Il l'imitera d'abord puis trouvera sa voie avec une peinture lumineuse et d'une grande délicatesse. Il fut le maître de Sandro Botticelli.

Fra Filippo Lippi, dit Fra Filippo del Carmine, né en 1406 à Florence et mort le 9 octobre 1469 à Spolète, est un peintre florentin de la Première Renaissance. Il est, avec Fra Angelico et Domenico Veneziano, le principal peintre actif à Florence appartenant à la génération qui a suivi les traces de Masaccio. 

La vie de Filippo Lippi, ou Fra Filippo Lippi, est celle d'un homme entré dans les ordres malgré lui. Sa vocation profonde était la peinture. Aussi le considère-t-on à son époque comme un moine « scandaleux » qui ne respecte pas ses vœux et particulièrement celui de chasteté. Lippi est orphelin et recueilli très jeune par les moines du couvent des Carmes de Florence. Bien entendu, les ecclésiastiques le destinent à la prêtrise et il prononce ses vœux dès l'âge de quinze ans. Vers l'âge de 25 ans (environ 1431), il quitte le couvent pour se rendre à Padoue puis revient à Florence en 1437. Il ne réintègre pas le couvent des Carmes et mène une existence lui permettant d'utiliser ses dons exceptionnels pour la peinture. Cette vie séculière lui permet aussi de fréquenter des femmes, ce qui, immanquablement, fera scandale au 15e siècle. 

Lippi entre au service des Médicis en 1438 et c'est la protection de Cosme de Médicis (1389-1464) qui le sauvera par la suite. Il est emprisonné en 1452 pour avoir encaissé une rémunération sans effectuer le travail, mais obtient malgré tout le poste de chapelain du couvent Sainte-Marguerite de la ville de Prato (Toscane). Il y rencontre une jeune religieuse de 20 ans, Lucrezia Buti, fille d'un marchand de soierie. Lucrezia sert de modèle à Lippi pour des fresques et il en devient éperdument amoureux.

Lors de la procession de Sacra Cintole de 1452 (la Sainte Ceinture, relique de la Vierge conservée au Duomo de Prato), il enlève la belle religieuse après avoir découvert qu'elle était enceinte. Le scandale éclate et Lippi est accusé par la justice florentine d'avoir corrompu une jeune et innocente nonne. Le mécène de Filippo Lippi, Cosme de Médicis, intervient alors auprès du pape Pie II (1405-1464) qui accorde la grâce de Lippi et relève de leurs vœux les deux protagonistes. En 1458, Filippo Lippi, âgé de 52 ans, épouse la jeune Lucrezia. Celle-ci servira de modèle à Lippi à plusieurs reprises. Deux enfants naîtront de cette union, Filippino (1457-1504), qui devint peintre, et Alessandra (née en 1465).

A propos de l'affaire Lippi, qui fit grand bruit, Giorgio Vasari rapporte une phrase de Cosme de Médicis : « Si un artiste a véritablement du talent et quelque vice, même laid et que la morale réprouve, son talent cachera ce dernier... ». Saluons la largeur d'esprit de Cosme l'Ancien, sans oublier cependant que l'attirance d'un homme, fut-il religieux, pour les femmes, n'est jamais un vice en soi. Il faut regarder à travers le prisme de la religion pour adopter une image aussi déformée de la réalité humaine. Mais Cosme savait repérer le talent : le prodigieux Sandro Botticelli (1444/45-1510) entra comme élève dans l'atelier de Lippi en 1465 et le fils de Filippo Lippi, le jeune Filippino, devint lui-même l'élève de Botticelli.

Filippo Lippi fut à Florence l'élève de Lorenzo Monaco (1370-1424), peintre rattaché au gothique tardif, mais il est surtout un contemporain de Masaccio (1401-1428) et il subira fortement son influence. Il a pu voir Masaccio à l'œuvre lorsqu'il peignait les fresques de la chapelle Brancacci à Florence de 1426 à 1428. De Masaccio, il retient le réalisme robuste comme dans La Vierge de Trivulzio (1432) et l'effet de perspective, très recherché dans La Vierge de Tarquinia (1437). Puis, sous l'influence de Fra Angelico (1400-1455), il trouve sa propre voie et évolue vers une peinture beaucoup plus délicate et lumineuse. Son œuvre comporte des fresques et des retables qui ont marqué l'histoire de l'art, mais aussi de sublimes madones, dont la plus célèbre est La Vierge à l'enfant et deux anges (1465). Il fut le maître de Botticelli à qui il transmit la subtile polychromie de ses tableaux et la suprême élégance de ses silhouettes. 

Florence Galerie des Offices

Vierge à l'enfant et deux anges 

C'est le plus célèbre tableau de Lippi et le plus populaire. Cette œuvre magistrale influencera Botticelli et bien d'autres peintres et elle annonce Léonard de Vinci. Le paysage à l'arrière-plan est un tableau dans le tableau qui permet un effet de profondeur. La lumière délicate, le voile transparent de la Vierge et les deux anges portant l'Enfant Jésus animent l'image sans la priver de sa douce quiétude. 

Florence Palais Pitti

Vierge à l'Enfant et épisodes de la vie de Sainte Anne

Sur fond architectural très stylisé, la Vierge du premier plan annonce celles que Lippi peindra vers la fin de sa vie. Sainte Anne est la mère de la Vierge. Au fond à droite, sainte Anne est allongée dans un lit et on lui présente son enfant. A droite, sur les escaliers, la rencontre de Joachim, le père de la Vierge, et d'Anne. Remarquer aussi le tondo (format rond du tableau), assez rare à l'époque, mais qui sera utilisé au 16e siècle par les maniéristes. 

Munich Alte Pinakothek 

Vierge à l'enfant 

Ce tableau est assez proche de la Vierge à l'enfant et deux anges de la Galerie des Offices, à Florence, mais Lippi simplifie la composition en enlevant le cadre du paysage à l'arrière-plan et les deux anges. Il insiste sur la relation de tendresse mère-enfant. 

Berlin Gemaldegalerie 

L'Adoration dans la forêt 

Ce tableau est une illustration du dogme chrétien de la Sainte Trinité (un dieu unique en trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit). Il a été conçu pour la chapelle du palais des Médicis. Dans un cadre forestier, la Vierge prie devant l'Enfant Jésus allongé sur le sol. 

Washington National Gal