De Vinci

Leonardo da Vinci

L'art et la science se partagent l'esprit de cet homme aux dons hors du commun. Léonard de Vinci (1452-1519) représente pour nous aujourd'hui l'un des rares modèles de l'esprit universel, curieux de tout, doué pour tout, car l'époque permettait encore à un être exceptionnel de se confronter à tous les savoirs.

Léonard de Vinci, né le 14 avril 1452 à Vinci et mort le 2 mai 1519 à Amboise, est un peintre italien polymathe, à la fois artiste, organisateur de spectacles et de fêtes, scientifique, ingénieur, inventeur, anatomiste, sculpteur, architecte, urbaniste, botaniste, musicien, philosophe et écrivain. 

Léonard est né en 1452 à Vinci , bourgade perdue dans les plis et replis que forment les monts Albano. Son père, notaire , fils de notaire, était ser Piero ; sa mère, une jeune paysanne du nom de Catarina. Sa naissance mit fin à l’ idylle : ser Piero la même année sagement se maria, et Catarina suivit son exemple . Léonard fut élevé chez son père et de bonne heure montra les plus rares aptitudes. Ser Piero le fit entrer dans l’ atelier de Verrocchio, en 1470 au plus tard. On conte que, chargé par son maître de peindre la figure d’un ange dans un Baptême du Christ , il réussit si bien que la figure qu’il avait peinte attira tous les regards et se détacha de l’œoeuvre au lieu de s’y confondre. On a pu soutenir que Verocchio lui-même avait subi l’influence de son élève.

Nous ne savons à peu près rien des premières œoeuvres de Léonard. Le carton de la Chute, d’après lequel on devait exécuter en Flandre une tapisserie pour le roi de Portugal , le dragon molto orribile e spaventoso, peint sur la rondache ( bouclier en bois de figuier ), la Tête de Méduse, ne sont connus que par les descriptions de Vasari. Mais ces descriptions suffisent à nous montrer que déjà il cherche ce que toute sa vie il s’efforcera d’atteindre à force de justesse et de précision dans l’imitation , il veut égaler la nature , parler avec autant de relief le langage des lignes, des formes et des couleurs , mais pour exprimer par ce langage sa propre émotion et pour la transmettre aux hommes . Il est à cette heure ce qu’il restera, le réaliste incomparable qui fixe sur les choses l’œil le plus clairvoyant et rencontre l’idéal sans effort, en continuant le réel, en reliant ses créations à celles de la nature. On s’accorde généralement à voir l’une de ses premières œuvres dans la petite Annonciation du Louvre, d’une intimité charmante . L’Annonciation du musée des Offices (Florence ), qui reprend le même motif en l’agrandissant, bien que contestée, ne me parait pas indigne du maître.

Sur un feuillet manuscrit on lit : «… bre 1478 incominciai le due Virgine Marie » ; quelles sont ces deux vierges? Nous l’ignorons. Mais des dessins qui nous restent nous pouvons conclure que déjà Léonard a dû dégager de la légende de la Vierge ces scènes d’une grâce familière où le sentiment religieux ne se distingue plus de la délicatesse et de l’élévation des sentiments naturels.

Longtemps on a affirmé presque unanimement que la Vierge aux Rochers était antérieure au départ pour Milan. On le conteste aujourd’hui sur la foi d’un document qui semble bien se rapporter à ce tableau . On peut dire qu’en tout cas elle a été exécutée au début du séjour à Milan et qu’elle est encore dans la manière florentine. Il faudrait de longues pages pour exposer les discussions et les niaises polémiques qui se sont multipliées autour de ce chef -d’œuvre : on en a reculé la date au delà de toute mesure ; on l’a traité de copie et même de «mauvaise copie », dont l’ original serait la Vierge aux Rochers acquise en 1880 par la National Gallery de Londres . L’authenticité du tableau du Louvre, qui nous vient de la collection de François ler, est indiscutable.

Qu’avant le départ pour Milan Léonard fût en possession de son génie , c’est ce que plus que tout le reste établirait un tableau inachevé, l’Adoration des Mages, au-jourd’hui au musée des Offices, s’il était possible d’en fixer la date avec certitude. Mais la liberté de l’ exécution , la maîtrise dont elle témoigne, la beauté des chevaux qui font penser aux longues études pour la statue de F. Sforza, sont précisément les raisons qui ont amené certains critiques à reculer cette œuvre jusqu ‘aux environs de 1500. L’Adoration des Mages est pleine de mouvement et de vie, nous y trouvons déjà ce réalisme psychologique, cet effort pour créer des vivants, des hommes possibles, des êtres qui ne soient pas seulement les figurants d’une machine décorative , mais dont chacun ait une âme qui se trahisse dans l’acte particulier qu’il accomplit.

Léonard a trente ans quand il part pour Milan et entre au service de Ludovic Sforza, auquel il propose ses services dans une lettre fameuse où il expose avec une audace tranquille l’ incroyable diversité de ses talents. Ambitieux, avide de gloire , le duc s’efforçait de justifier son usurpation en attirant à sa cour les hommes les plus éminents de l’ Italie . La grande œuvre pittoresque du Vinci à Milan est la Cène qu’il peignit dans le réfectoire du couvent dominicain de Sainte-Marie des Grâces . On sait que cette peinture célèbre a subi tous les outrages du temps et de la main des hommes: l’original à demi effacé sollicite notre curiosité plus qu’il ne la satisfait. Les nombreuses copies de disciples , que l’on voit à Milan, au Louvre, à l’Ermitage , à la Royale Académie de Londres , ne peuvent atténuer nos regrets. Bien des commentaires ont été écrit sur ce chef-d’œuvre, où le maître s’est efforcé d’égaler l’art à la vie, de créer des êtres individuels, différents et, au choc du même sentiment qui les frappe à la fois de fondre ces individus, éléments vivants, dans l’unité vivante d’une oeuvre harmonieuse.

Dans sa lettre à Ludovic le More, Léonard lui offrait d’exécuter la statue équestre en l’honneur de François Sforza, le fondateur de la dynastie . Nous ne connaissons plus cette oeuvre que par les dessins (Windsor ) qui nous montrent les recherches, les hésitations de l’artiste sans nous permettre de décider à quel parti il s’ arrêta. Le cheval était-il lancé au galop? Marchait-il d’un pas fier et relevé? Il est probable qu’il y eut deux modèles de cette statue colossale à laquelle Léonard travailla pendant tout son séjour à Milan. En 1493, à l’ occasion du mariage de Maria Bianca Sforza avec l’ empereur Maximilien , la statue fut exposée sur la place du Château , sous un arc de triomphe improvisé. De la Cène il reste au moins une image confuse; nous ne savons de la statue que l’admiration qu’elle inspira aux contemporains . Outre ces grands travaux, Léonard peignit à Milan quelques portraits , le duc, sa femme, ses maîtresses, Cecilia Gallerani, Lucrezia Crivelli, qui n’ est autre peut-être que la Belle Ferronnière du Louvre. Organisateur des fêtes ducales, peintre, sculpteur, Léonard était en outre architecte , ingénieur . Cette vie de travail fut brusquement interrompue par la chute de Ludovic qui le premier avait appelé les Français en Italie et qui, juste retour des choses, fut chassé de ses États par ses anciens alliés . Livrée aux gens de guerre, Milan n’était plus un séjour pour les artistes . Au mois de mars 1500, nous trouvons le Vinci à Venise. En passant à Mantoue il avait fait au charbon le délicieux profil de la duchesse Isabelle d’Este qui est au musée du Louvre. Sœur de la femme de Ludovic le More, Isabelle d’Este est une des femmes les plus distinguées de la Renaissance , son nom est mêlé à l’histoire de tous les hommes célèbres de son temps. Elle fit de vains efforts pour attirer Léonard à Mantoue et même pour obtenir un tableau de sa main.

En 1501, il est à Florence et compose un carton de la Sainte Anne, dont parlent plusieurs contemporains. On ne sait ce qu’est devenu ce carton, qui ne peut être identifié à celui qui est aujourd’hui à la Royale Académie de Londres – composition sans doute antérieure et exécutée à Milan – mais le tableau da Louvre peut nous consoler de la perte du carton qu’il reproduit. En 1503, il avait achevé pour le puissant secrétaire d’État de Louis XII, Robertet, «une madone assise , travaillant au fuseau , tan- dis que le Christ enfant , un pied sur la corbeille de laine, souriant, saisit le fuseau qu’il cherche à enlever à sa mère». À cette même date, il fut chargé, avec Michel-Ange , de décorer la salle du conseil dans le palais de la Seigneurie . Michel -Ange choisit une scène de la guerre contre Pise: des soldats au bain surpris par l’ennemi. Léonard, si longtemps l’hôte de Milan, eut à traiter la Bataille d’Anghiari, gagnée par les Florentins sur les Milanais en 1440. Il se mit à l’œuvre avec ardeur et travailla au carton d’oct. 1503 à févr. 1505. Le carton achevé, il commença dans la salle du conseil la peinture murale ; au mois de mai 1506, il l’abandonnait. Seul l’ épisode de l’étendard que décrit Vasari, et qui occupait au premier plan le centre de la composition était achevé. «Selon certaines indications qu’il trouva dans Pline, dit un contemporain , il prépara une sorte de mastic pour étendre ses couleurs. Après avoir peint sur le mur, il alluma un grand feu pour que la chaleur permit aux couleurs d’être absorbées et dé sécher. Mais il ne réussit que pour la partie inférieure ; il ne put chauffer assez la partie supérieure qui était trop éloignée du feu. » Nous n’avons de reproduction que de l’épisode de l’étendard. La plus ancienne gravure , celle de Lorenzo Zacchia, de Lucques, date de 1558; la plus connue, celle d’Edelinck, fut faite soit d’après le dessin de Rubens qui est au Louvre, soit d’après un dessin flamand plus ancien qui est aux Offices et qui peut-être servit de modèle aux deux artistes. Les cartons de Michel-Ange et de Léonard qui, selon l’expression de Benvenuto Cellini, «furent l’école du monde», tant qu’on les put étudier, ont disparu l’un et l’autre. Les dernières nouvelles que nous ayons de la peinture sont de 1513, elle coula sans doute avec l’enduit qui la portait. La statue de François Sforza, la Cène, la Bataille d’Anghiari, toutes les grandes œuvres de Vinci ne nous sont plus connues que par des croquis, des dessins, des copies et l’enthousiasme qu’elles excitèrent.

Da Vinci – La Joconde En 1505, il avait achevé aussi la Joconde, ce portrait célèbre, auquel il faut toujours revenir pour comprendre cet extraordinaire génie qui ne sacrifie rien, qui mêle le sang-froid et l’émotion, la curiosité et la tendresse, et dont la rêverie même est une richesse d’idées claires. Müntz place vers cette époque le tableau aujourd’hui perdu de la Léda, dont nous savons bien peu de chose, sans qu’il soit possible d’en contester l’existence. Il semble que ce tableau, apporté en France, ait été longtemps conservé au château de Fontainebleau, dont les inventaires le mentionnent jusqu’en 1691. Nous ne le connaissons plus que par un dessin de Raphaël (Windsor), et deux ou trois copies anciennes.

Pendant l’été de 1506, Léonard obtint de la Seigneurie la permission de se rendre à Milan, où l’appelait le gouverneur français, Charles d’Amboise. Un peu plus tard, après quelques résistances du conseil de Florence, envers lequel il n’avait pas tenu ses engagements, il entrait au service de Louis XII. Un long procès avec ses frères, qui lui contestaient sa part de l’héritage d’un oncle paternel, pendant plusieurs années, lui fit perdre un temps précieux et le rappela à plusieurs reprises à Florence. Le procès terminé, il revient à Milan «avec deus madones de grandeur différente qu’il a peintes pour le roi Très Chrétien », mais à cette même date, les affaires des Français se gâtent et ils sont chassés d’Italie.

«Le 24 sept. 1513, écrit Léonard, je partis de Milan pour Rome avec Giovanni, Francesco Melzi, Salaï, Lorenzo et le Fanfoïa ». Un Florentin, Giovanni de Médicis, fils de Laurent le Magnifique, avait été élu pape sous le nom de Léon X. Le plus jeune frère du nouveau pape, Julien de Médicis, aimait Léonard et l’avait attaché à son service. Il semble qu’à cette époque ses travaux scientifiques l’aient beaucoup absorbé. Vasari signale deux tableaux qu’il exécuta pour le dataire du pape, messire Baldasare Turini: l’un représentait la madone avec l’enfant, l’autre « un enfant d’une grâce et d’une beauté merveilleuse ». Parmi les dernières oeuvres du maître, il faut certainement mettre le Saint Jean du Louvre, où il a porté la technique pittoresque à un point qu’elle ne devait point dépasser.

Le 13 sept. 1515, la victoire de Marignan donnait à François Ier le duché de Milan. A peine informé de l’arrivée des Français, le Vinci quitte Rome et va rejoindre le roi à Pavie. En déc. 1515, il revoyait pour la dernière fois Milan, sa seconde patrie, et il se rendait en France, où François Ier, qui l’aimait, lui donnait pour résidence l’hôtel du Cloux, dans le voisinage du château d’Amboise, et lui assurait une pension de 700 écus. C’est là qu’après plusieurs mois de maladie, le 2 mai 1519, il expirait. On sait la légende qui fait mourir le grand artiste dans les bras du roi de France. La vérité est que, le jour de la mort de Léonard, le roi était à Saint-Germain-en-Laye. Des grandes œuvres du Vinci, nous l’avons vu, la plupart ont été détruites ou sont perdues; ses croquis, pleins de verve, ses nombreux dessins, qui valent parfois des oeuvres achevées, quelques tableaux précieux, suffisent à le mettre au nombre des peintres qui peuvent disputer le premier rang. Son rare génie est fait de l’harmonie des dons contraires qui égalent en lui le savant à l’artiste. Ses sentiments sans cesse passent par son esprit et ses idées par son cœur: «Plus on connaît, plus on aime». Le charme rare de ses oeuvres est dans et subtil mélange d’analyse et d’émotion, d’exactitude et de fantaisie, de naturel et de spiritualité, dans ce réalisme psychologique d’un artiste qui pense que l’esprit est partout présent et doit partout apparaître: la Pittura è cosa mentale.

Paris Musée du Louvre

La Belle Ferronnière 

 Plusieurs identifications du modèle ont été proposées : Lucrezia Crivelli, Cecilia Galleriani, qui furent maîtresses de Ludovic Le More, duc de Milan, Béatrice d'Este qui fut son épouse. L'appellation de Belle Ferronnière vient d'une confusion de ce portrait avec un autre, censé représenter la femme de Le Ferron, maîtresse de François Ier et dite la Belle Ferronnière. La confusion a été facilitée par le bijou, appelé ferronnière, que le modèle porte sur le front.  

Portrait d'Isabelle d'Este

Léonard de Vinci quitta Milan en 1499 alors que l'armée française pénétrait en Italie. En route pour Venise, il s'arrêta à Mantoue et réalisa à la demande d'Isabelle d'Este cette esquisse d'un portrait qui ne fut jamais peint. Ce dessin extrêmement célèbre est, malgré un état de conservation médiocre, l'une des plus belles interprétations du demi-portrait en buste dans l'œuvre de Léonard. C'est également le seul exemple de dessin rehaussé de plusieurs pigments colorés de la main du maître. 

Mona Lisa La Joconde

Il s'agirait du portrait de Lisa Gherardini (1479-1542), épouse de Francesco del Giocondo, marchand d'étoffes florentin, dont le nom féminisé lui valut le "surnom" de Gioconda, francisé en "Joconde". La Joconde ne fut sans doute pas livrée à son commanditaire. Il semble que Léonard l'ait emportée en France et que son élève et héritier Salaï l'ait rapportée en Italie. Mais on ignore comment elle parvint dans la collection de François Ier.  Le portrait présente deux caractéristiques novatrices qui auraient été la cause de son refus par le commanditaire Francesco del Giocondo. La Joconde sourit ou ébauche un sourire, ce qui n'est pas convenable pour l'époque. Le paysage d'arrière-plan est indistinct, vaporeux, un peu inquiétant, caractéristique de Léonard, alors que l'on peut s'attendre vers 1500 à un paysage typiquement florentin et donc très familier.  Le clair-obscur (chiaroscuro) existait avant Léonard mais il le fait évoluer vers plus de subtilité. Le Saint-Jean Baptiste est l'exemple même du clair-obscur où le personnage en pleine lumière se détache sur un fond sombre. Caravage (1571-1610) reprendra le procédé un siècle plus tard. Mais Vinci est l'initiateur d'une sorte de clair-obscur atmosphérique dont La Vierge à l'Enfant avec sainte Anne et La Joconde sont les meilleurs exemples. Les personnages se détachent sur un arrière-plan paysager qui devient de plus en plus indistinct vers l'horizon. Lorsqu'il passe des personnages à l'arrière-plan, le peintre réduit très progressivement l'intensité de la couleur pour aboutir aux confins du visible à une quasi-monochromie. Le tableau semble baigner tout entier dans une lumière atténuée, évanescente. L'utilisation conjointe du sfumato et d'un subtil clair-obscur est sans doute à l'origine de l'effet unique que provoque sur l'observateur la peinture de Léonard. 

La Vierge aux rochers

Première version, la seconde, plus tardive, appartenant à la National Gallery. La Vierge Marie est entourée de deux enfants : à gauche Jean-Baptiste enfant et à droite l'enfant Jésus. Elle incite Baptiste à aller vers Jésus ou à lui parler. Le personnage de droite, au doigt pointé, est un ange qui regarde vers le spectateur et lui présente la scène. Il est possible de chercher des interprétations religieuses subtiles au tableau, mais elles n'ont plus aucun intérêt, sauf pour les historiens spécialisés. On a beaucoup commenté la composition pyramidale (les quatre personnages forment une pyramide) et le clair-obscur de l'arrière-plan. 

La Vierge à l'Enfant avec sainte Anne 

L'œuvre réunit dans un paysage sainte Anne, la Vierge Marie et l'Enfant Jésus, soit trois générations, dont deux issues de conception divine. Elle fut sans doute conçue comme un ex-voto rendant grâce à sainte Anne pour la naissance de la fille de Louis XII, mais Léonard travailla trop longtemps à sa réalisation pour la livrer. La composition est exemplaire des recherches de Léonard sur l'agencement des figures et fut une grande source d'inspiration pour les artistes de la génération suivante. 

Saint Jean-Baptiste ... Bacchus

D'abord désigné dans les inventaires royaux comme Saint Jean au désert, puis à la fin du XVIIe siècle, peut-être à la suite d'une restauration, comme Bacchus dans un paysage, le tableau témoigne du même syncrétisme que le Saint Jean-Baptiste en demi-figure. Le doigt levé vers un signe divin et le cerf couché sont des symboles chrétiens ; le thyrse, la couronne de vigne ou de lierre, la grappe de raisin et la peau de panthère sont des attributs bachiques. On suppose l'œuvre élaborée par un des élèves de Léonard à partir d'une composition contenue dans un dessin attribué au maître (Varese, Museo del Sacramonte) et datable vers 1510-1515. Le modèle a certainement été Salaï, disciple et probable amant de Léonard. Si l'on écarte la pesante symbolique religieuse rappelée par le musée du Louvre, il reste la dimension sensuelle du personnage et l'on rejoint ainsi le regard de Léonard pour son modèle. 

Saint Jean-Baptiste

Tenant la Croix, symbole de la Passion du Christ, mais vêtu d'une peau de panthère, attribut de Bacchus, ce Saint Jean Baptiste, d'une beauté païenne, renouvelle par son syncrétisme l'iconographie toscane traditionnelle du saint patron florentin. La perfection de son androgynie idéale, l'éloquence du geste, la puissance du sourire en font le chef-d'œuvre de la fin de la carrière de Léonard, peint sans doute vers 1513-1516, et le point culminant de sa manière sombre et fondue, monochrome et transparente. Là encore, l'aspect androgyne du personnage permet de penser que Salaï fut le modèle. 

Florence Galerie des Offices

Le Baptème du Christ

Saint Jean-Baptiste baptise le Christ dans les eaux du Jourdain. Le tableau a été réalisé par Andrea del Verrocchio, le maître de Léonard, et ses assistants. On attribue l'ange agenouillé le plus à gauche à la main de Vinci. La légende veut que Verrocchio, se sentant surpassé par son élève, n'ait plus jamais touché un pinceau par la suite. 

L'Annonciation

Ce tableau sort également de l'atelier d'Andrea del Verrocchio mais il est unanimement attribué à Vinci. L'archange Gabriel annonce à la Vierge Marie la naissance prochaine du Christ (maternité divine de la Vierge selon le dogme chrétien). La scène se situe dans le jardin d'un palais florentin avec en arrière-plan un paysage présentant déjà les caractéristiques esthétiques que l'on retrouvera dans La Vierge à l'Enfant avec sainte Anne et La Joconde. 

La Vierge est représentée de trois-quarts et fait un geste de la main gauche qui peut être interprété librement : assentiment, surprise, trouble. 

Turin Biblioteca Reale 

Tête de Femme

Le dessin à la pointe d'argent suppose une très grande assurance car il est impossible d'effacer. Celui-ci est magistral et pourrait être un travail préparatoire pour l'ange de La Vierge aux rochers  

Autoportrait

François Ier (1494-1547) est sacré roi de France en 1515 à un moment où l'influence de la Renaissance italienne est au plus haut dans les élites françaises. A son arrivée en France, en septembre 1516, Léonard de Vinci a 64 ans, alors que François 1er est un jeune monarque âgé de 22 ans. Le jeune roi se prend d'affection pour le vieil homme, l'appelle « mon père », l'installe au château du Clos Lucé qui est relié par un souterrain au château d'Amboise, résidence royale. Léonard est nommé premier peintre, premier ingénieur et premier architecte du roi et reçoit une pension annuelle de mille écus. Il travaille à de vastes projets hydrographiques (détournement d'un fleuve, canal Loire-Saône) et architecturaux, mais est également metteur en scène pour les somptueuses fêtes royales. Léonard, malade, ne peut plus peindre mais il dessine encore.

En venant en France, Léonard a emporté trois chefs-d'œuvre : Saint Jean Baptiste, La Vierge à l'Enfant avec sainte Anne et La Joconde, qui sont depuis restés en France et font désormais partie des collections du musée du Louvre. Léonard de Vinci meurt le 2 mai 1519 au Clos Lucé et lègue par testament ses manuscrits et documents divers ainsi que les tableaux encore en sa possession à deux de ses disciples : Francesco Melzi (1491-1570) et Salaï (1480-1524). 

Milan Pinacoteca Ambrosiana

Portrait d'un musicien

Deux noms sont cités concernant le personnage représenté : Franchino Gaffurio (1451-1522), compositeur italien, et Josquin des Prés (1450-1521), compositeur franco-flamand. L'attribution à Léonard fait l'objet de débats. Il s'agit du seul portrait d'homme réalisé par le peintre. 

Milan Couvent de Sainte-Marie-des-Grâces 

La Cène

La cène est le nom donné par les chrétiens au dernier repas pris par Jésus-Christ avec les douze apôtres, la veille de sa crucifixion. Andrea del Castagno et Domenico Ghirlandaio avaient déjà traité le sujet, également sous forme d'une gigantesque fresque. Vinci cherche à renouveler le thème en donnant beaucoup plus d'animation aux personnages qui restaient très statiques chez ses prédécesseurs. La fresque orne le réfectoire du couvent Santa Maria delle Grazie de Milan. Elle est très dégradée car Léonard n'a pas utilisé la technique traditionnelle de réalisation des fresques, mais une technique personnelle qui s'est révélée très sensible à l'humidité. Plusieurs restaurations ont eu lieu. 

Venise Gallerie dell'Academia

L'Homme de Vitruve

Ce dessin est l'un des plus célèbres de l'Histoire. Léonard l'avait intitulé Étude des proportions du corps humain selon Vitruve. Vitruve est un architecte romain du 1er siècle avant J.-C. Le texte figurant sur le dessin a un caractère pseudo-scientifique : il indique des rapports de taille entre différents éléments du corps humain. Exemple : « La longueur des bras étendus d'un homme est égale à sa hauteur ». Vinci, gaucher, écrivait de droite à gauche, en miroir. Il faut, pour le lire, utiliser un miroir. Zoomer sur le texte pour apprécier. 

Parme Galleria Nazionale

Jeune fille décoiffée La Scapigliata

La Scapigliata (l'Ébouriffée) est une peinture inachevée. Seules certaines parties du visage sont terminées. La Scapigliata est spontanément ressentie comme belle par n’importe quel être humain, même lorsqu’il s’agit d’un enfant de cinq ans. J’en ai fait l’expérience. Ce type de visage est fréquent dans l’œuvre de Vinci, mais la réussite est ici totale. Ce petit tableau inachevé fascine à un point tel qu’il a suscité mille controverses chez les spécialistes. L'attribution à Léonard de Vinci reste incertaine, date de création controversée, étude préparatoire ou exercice de style de l’artiste, hypothèses sur l’éventuel commanditaire. 

La Scapigliata (l'échevelée ou l'ébouriffée) illustre parfaitement les aspects fondamentaux de la recherche artistique des 15e et 16e siècles : le Beau servi par la technique. Les grands artistes de la Renaissance ont une conscience aigüe de leur rôle novateur. Ils le comprennent comme une représentation idéale de la nature, à telle enseigne que l’un des leurs, Giorgio Vasari, les comparaît à des demi-dieux. Pour les artistes de cette époque, la nature est une création divine qu’ils entendent mettre en valeur en extrayant la quintessence de la beauté que Dieu y a cachée. La Scapigliata apparaît dans cette optique comme le visage idéal de la femme.

Le second aspect réside dans la maîtrise de techniques nouvelles, en particulier la peinture à l’huile, dont Vinci a exploité tous les possibles avec le sfumato et le chiaroscuro. Pour La Scapigliata, il se limite à des pigments de terre d’ombre, minéral pouvant posséder différentes nuances d’ocre. Il obtient ainsi un aspect grisaille qu’utilisaient couramment les peintres du 15e siècle pour le revers des panneaux de leurs polyptyques religieux. Ils donnaient ainsi un aspect sculptural aux personnages peints. Voici par exemple le Retable de L'Adoration de l'Agneau mystique de Jan Van Eyck.

Londres National Gallery

La Vierge aux rochers deuxième version

Second opus du tableau de 1483-86. Remarquer que l'ange ne désigne plus Jean-Baptiste du doigt et ne regarde plus vers les spectateurs. L'œuvre semble plus sage, probablement selon les desiderata des commanditaires. 

Munich Alte Pinakothek 

Madone à l'œillet

La Vierge Marie tient dans sa main un œillet que l'enfant Jésus veut attraper. La chevelure de la Vierge a été très travaillée. On remarquera l'effet de clair-obscur en arrière plan : paysage lumineux mais indistinct qui contraste avec l'obscurité de la pièce dans laquelle se situe la Vierge, soulignée par les arcades. 

Saint-Petersbourg Musée de l'Ermitage

Madone Benois

Après plusieurs changements de propriétaires, le tableau réapparaît en 1909 dans une exposition à Saint-Pétersbourg. Il appartient alors à un architecte, Léon Benois, qui laissera son nom à l'œuvre. Benois vend le tableau au musée de l'Ermitage en 1914. Le tableau n'a sans doute pas été achevé par Léonard et certaines parties ont été repeintes par la suite : le ciel en arrière-plan, le tour de la bouche et le cou de la Vierge, le fond noir. 

Madonna Litta

L'attribution à Léonard est très incertaine. On admet aujourd'hui que Vinci aurait tracé le cadre du tableau et qu'un de ses élèves aurait réalisé la peinture. Il existe trois études préparatoires dont une, au Louvre, attribuée avec certitude à Vinci. Pour la réalisation du tableau, les spécialistes s'accordent en général sur le nom de Giovanni Antonio Boltraffio (1467-1516). Le visage de la Vierge exprime une gravité tendre qui est celle de l'étude préparatoire de Léonard. Mais le paysage en arrière-plan est plus net que ceux de Vinci. 

Cracovie Musée National

La dame à l’hermine

Après plusieurs changements de propriétaires, le tableau réapparaît en 1909 dans une exposition à Saint-Pétersbourg. Il appartient alors à un architecte, Léon Benois, qui laissera son nom à l'œuvre. Benois vend le tableau au musée de l'Ermitage en 1914. Le tableau n'a sans doute pas été achevé par Léonard et certaines parties ont été repeintes par la suite : le ciel en arrière-plan, le tour de la bouche et le cou de la Vierge, le fond noir. 

La popularité de ce portrait résulte probablement de la distinction naturelle du modèle, de l’impression immédiate de raffinement délicat qu’a su capter Vinci. La simplicité vestimentaire choisie par l’artiste permet de mettre en valeur l’élégance de Cecilia Gallerani au lieu d’attirer le regard sur la somptuosité de la parure, comme il est fréquent. Le long cou est souligné par un simple collier de perles et la main, volontairement surdimensionnée, se caractérise par de longs doigts reposant sur l’hermine. Le portrait est ainsi en adéquation avec ce que nous connaissons du modèle : une femme intelligente et cultivée, aimant fréquenter les écrivains et les artistes. 

La dame à l’hermine est au contraire très présente, très vivante. Vinci réalise un instantané photographique d’une dame caressant son animal de compagnie et dont le regard est attiré par quelque chose ou quelqu’un placé à droite, hors cadre. Évidemment, il ne s’agit là que de notre ressenti. En réalité, la composition est un ensemble de choix artistiques si novateurs que nous pouvons aujourd’hui penser à une photographie, ce qui ne nous viendrait pas à l’esprit pour les portraits de Botticelli ou Petrus Christus.

La dame à l’hermine constitue ainsi une évolution importante du peintre par rapport au seul portrait féminin antérieur de Léonard de Vinci, celui de Ginevra de Benci (1474-78). Ce portrait, peint à une époque où Vinci était encore un élève d’Andrea del Verrocchio, correspond aux standards de l’époque, alors que La dame à l’hermine concentre toute l’ambition du peintre dans l’évocation d’une personnalité. Comme cela a été dit, en particulier par l’historien de l’art John Pope-Hennessy (1913-1994), ce tableau, bien plus que La Joconde, fait entrer l’art du portrait dans la modernité. Mais il faudra encore bien longtemps avant que les artistes moins ambitieux ou moins doués que Vinci n’abandonnent le portrait d’apparat ayant pour seul objectif de magnifier le statut social du modèle.

Washington National Gallery of Art

Ginevra de Benci 

Ginevra de Benci appartient à une grande famille florentine. Le tableau a été réalisé à l'occasion du mariage de Ginavra avec Luigi Nicolini en 1474. Léonard est encore élève de Verrocchio, mais son tableau est unanimement salué. La chevelure est particulièrement soignée.