Jean Siméon Chardin

Jean Siméon Chardin

Jean Siméon Chardin est né en 1699 dans un milieu d’artisans. Il fut l’élève du peintre de tableaux historiques Pierre-Jacques Cazes (1676-1754), de Noël Nicolas Coypel (1690-1734) et de Carle Van Loo (1705-1765). Sa vie se déroule exclusivement à Paris et est entièrement consacrée à la peinture.

Chardin appartient à cette catégorie d’artistes hors du temps, qu’il est difficile de rattacher à un courant et qui ne se soucient nullement des modes et des vogues. Il construit son œuvre avec patience dans le silence de son atelier, acquérant peu à peu un savoir-faire unique et reconnu de tous ses pairs. Il porte un regard créatif sur les objets et les scènes du quotidien, il peint comme il l’a dit lui-même « avec le sentiment ».

Chardin, oublié au 19e siècle, jouit aujourd’hui d’un grand prestige pour avoir su capter la beauté, c’est-à-dire l’éternité, dans les objets les plus familiers.

Paris Musée du Louvre

Autoportrait à l'abat-jour et aux lunettes

Vers 1770, la santé de Chardin commença à décliner et, avec elle, l’intérêt du public, à présent attiré par l’art plus facile et plus captivant de Greuze. Ayant presque abandonnée la peinture à l’huile, Chardin se consacra alors surtout au pastel (le goût pour cette technique lui avait donné son ami le peintre Quentin de Latour), peut-être aussi à cause de sa vue de moins en moins bonne, dû à l’emploi des pigments à base de plomb et leur liant qui constituaient sa peinture et qui avaient progressivement brûlé ses yeux. C’est pendant cette dernière période, alors qu’il était presque totalement déchargé de tout souci de commande, qu’il réalisa quelques-uns de ses meilleurs tableaux, marqués par l’humanité intérieure et touchante de son inspiration, qui confirment son appartenance au nombre des protagonistes de la peinture française du XVIIIe siècle. Chardin à 76 ans lorsqu’il réalise cet autoportrait.

La fontaine de cuivre

Acceptant consciemment la hiérarchie académique des « genres », Chardin parvint à ennoblir ses compositions dépouillées d’objets quotidiens grâce à une technique picturale très raffinée et à une lucidité toute cartésienne dans l’analyse : ainsi dans la Fontaine de cuivre, les objets placés dans l’espace de la composition avec une rigueur absolue et représentés au moyen d’un coup de pinceau dense et vibrant de lumière, acquièrent une valeur de vérité universelle.

La Tabagie

Cette peinture illustre bien la technique de Chardin décrite par ceux qui l’admirent comme le critique d’art Bachaumont : « Il place ses couleurs l’une après l’autre, sans presque les mêler de façon que son ouvrage ressemble un peu à la mosaïque ». Sans rechercher la maîtrise du trompe-l’œil, Chardin, comme Vermeer, rend perceptible la vie silencieuse des choses. Des accords délicats et précieux de bleus et de blancs, un léger flou qui brouille à peine les contours, une fine poussière de la mémoire qui descende en silence sur les choses.

Jeune dessinateur

Passé en vente à plusieurs reprises entre 1741 et 1828 ce tableau fut au Salon de 1738, avec pour pendant une "Jeune ouvrière en tapisserie" tableau aujourd'hui disparu. Il fut probablement importé en Angleterre avant 1740 (gravé en Angleterre par John Faber à cette date) par le musicien marchand de tableaux Francesco Geminiani (1680-1762) puis passé en ventes aux enchères entre 1741 et 1828 à Londres. C'est en 1832 qu'il fut certainement acquis par Auguste Casimir Périer (1811-1876), quand il était secrétaire de l'ambassadeur de France à Londres. Une donation de Madame Edme Sommier sous réserve d'usufruit, en 1943, en souvenir de son grand-père le président Casimir-Perier a ensuite permis son entrée au Louvre en 1968.

L'enfant au toton

Ce portrait exquis fut présenté au Salon de 1738. Il s’agit du portrait d’Auguste Gabriel, fils du joaillier parisien Charles Godefroy jouant au jeu du toton. Le toton est une toupie d’ivoire qu’on lance au-dessus d’un tableau de nombres avec l’espoir qu’elle s’arrêtera sur celui qu’on avait souhaité. Ce jeu est resté célèbre, notamment en raison du portrait peint par Chardin. Le modèle, apparemment un enfant un peu agité, le peintre lui demande, pour qu’il reste calme, de se livrer à son jeu préféré pendant la séance de pose.

La pourvoyeuse

Cette toile frappe par la composition habile. La perspective de la porte ouverte, avec le bassin de cuivre et la servante qui parle à son amoureux, souligne la figure de la vivandière, saisie dans une attitude absente, comme si son esprit était bien loin de la banale et pure évocation réaliste.

« En 1951, Malraux soulignait la modernité presque cubiste de ce tableau dont il existe à Ottawa et à Berlin deux autres versions, datées 1738 : "La Pourvoyeuse est un Braque génial mais tout juste assez habillé pour tromper le spectateur. Chardin est, comme Corot, un simplificateur doucement impérieux". »

Le Bénidicité

Tendresse et retenue sont les mots que l’on pourrait employer pour décrire cette peinture, l’une des plus célèbres œuvres du peintre. La petite fille, les mains jointes, se montre attentive à la demande de la mère de réciter la prière avant le repas. Le thème de cette scène avait été représenté par les maîtres hollandais du XVIIe siècle.

La matière grumeleuse des œuvres antérieures laisse place ici pour la première fois à une exécution plus lisse, plus finie. Tout ici oppose Chardin à un peintre comme Boucher. Il met en valeur les vertus méritantes et obscures, la souriante vie du devoir, les humbles robes propres et bien ajustées et non la coquetterie des marquises, les déjeuners sur l'herbe et les promenades au clair de lune.

La simplicité de la scène, toujours présente chez Chardin, aboutit à une vérité de la représentation très éloignée des scènes religieuses ou mythologiques de la même époque, caractérisées par les fioritures du rococo. Chardin a toujours poursuivi sa route sans être influencé par les modes du moment et les engouements de la cour. Le Bénédicité contraste fortement avec les tableaux de François Boucher, peintre de génie mais peintre de la royauté. Diane sortant du bain (1742) est ainsi à une distance sidérale de Chardin ; mais même lorsque Boucher peint des scènes de genre, il reste marqué par le rococo, par exemple avec Le déjeuner (1739). L’indépendance artistique de Chardin, son indifférence aux courants dominants, pour le dire autrement sa liberté de créateur, constituent des éléments essentiels pour apprécier son travail.

L’influence des scènes de genre hollandaises est particulièrement nette dans Le Bénédicité. D’une part, Chardin substitue une finition lissée aux couches épaisses de peinture qu’il utilise couramment pour ses natures mortes. D’autre part, le travail très soigné sur la lumière rappelle la minutie des hollandais à cet égard. La nappe blanche et les vêtements blancs des enfants contrastent puissamment avec le sol et l’arrière-plan sombres. La lumière qui vient de gauche, comme chez Vermeer, produit des ombrages précis sur le sol, la robe du garçon et la nappe. Il en résulte une ambiance vermeerienne d’intimité paisible et peut-être même de bonheur familial. La vie simple et laborieuse de la bourgeoisie conduirait-elle mieux à la félicité que les festivités aristocratiques ?

Il ne faut pas s’y tromper : Le Bénédicité de Chardin est une rareté dans la peinture française du 18e siècle et un chef-d’œuvre de délicatesse.

La mère laborieuse

Ce tableau présenté au Salon de 1740, fait pendant au « Bénédicité ». Il incarne un idéal de vie typiquement bourgeois, très loin de celui de l’aristocratie de cour. Chardin souligne cette distance par l’utilisation de couleurs pâles et fondues. L'artiste, qui se consacrait à la scène de genre depuis 1732-1733, réduit sa production, mais ses compositions avec des figures cadrées plus largement, dans des intérieurs bourgeois, deviennent plus ambitieuses. »

Raisins et Grenades

« Dans son Essai sur la vie de M. Chardin (1780), Cochin rapporte que l'artiste "repeignait ses tableaux jusqu'à ce qu'il fût parvenu à cette rupture de tons que produit l'éloignement de l'objet et les renvois de tous ceux qui l'environnent et qu'enfin il eût obtenu cet accord magique qui l'a si supérieurement distingué". »

Le Buffet

« Par exception, l'Académie agréa et reçut Chardin le même jour, au vu de cette toile. Ambitieuse par ses dimensions et l'accumulation d'objets de texture différente, cette œuvre se situe dans la tradition des buffets de Desportes. La description d'animaux vivants : un chien et un perroquet, est un fait rare chez l'artiste. »

Le Chateau de Cartes

Chardin a peint d’autres Châteaux de cartes, notamment celui qui se trouve actuellement à la National Gallery de Londres.

Potsdam Chateau de Sanssouci

Femme occupée à cacheter une lettre

Le tableau, exposé place Dauphine en 1734, le « Mercure de France » le décrit ainsi : « Le plus grand représente une jeune personne qui attend avec impatience qu’on lui donne de la lumière pour cacheter une lettre, les figures sont grandes comme nature »

Edinbourg Gallery National

Le vase bleu

Cette peinture représentant diverses variétés de fleurs dans un vase bleu et blanc de Delft est le seul bouquet de fleurs de Chardin ayant survécu.

Saint Petersbourg Musée de l'Ermitage

Le Bénédicité

Jean Siméon Chardin a réalisé quatre versions du Bénédicité. La version du Louvre, datée de 1740, est la plus ancienne. Celle du musée de L’Ermitage, de 1744, est la seule à être signée, en bas à gauche. Le Musée National de Stockholm détient une autre version datée de 1749. Enfin, le musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam possède une variante comportant un personnage supplémentaire sur la gauche.

Quant à la version de Saint-Pétersbourg, elle faisait partie de la collection de Catherine II de Russie (1729-1796) et elle est entrée à l’Ermitage entre 1763 et 1770 selon les informations fournies par le musée. Elle comporte quelques modifications mineures par rapport au tableau du Louvre : par exemple, une casserole à manche long a été ajoutée sur le sol.

Chardin a l’habileté de choisir des enfants, éliminant ainsi l’aspect solennel et guindé d’une prière collective. Les enfants récitant une prière sont toujours émouvants par l’extériorisation de leur sincérité. Un jeune garçon, habillé en fille selon l’usage de l’époque, est assis au premier plan, les mains jointes. Une petite fille se tient derrière la table dans la même position. Leur mère, debout, semble servir un potage dans des assiettes creuses. La qualité de l’ameublement permet de situer la scène dans la bourgeoisie. Mais il ne s’agit ni de la haute bourgeoisie fortunée, ni de la haute noblesse, car les enfants auraient été confiés à une gouvernante.

La Blanchisseuse

On connaissait déjà chez Vermeer cette attitude d'un personnage dont le regard est attiré par un évènement hors champ. Le spectateur peut ainsi imaginer ce que bon lui semble.

Nature morte aux attributs de l'Art

Dans ce tableau, commandé par Catherine II pour l’Académie des Beaux Arts de Saint Petersbourg, Chardin expérimente toutes les matières et toutes les dégradations de la couleur. Le « Mercure » de Pigalle, symbole de la sculpture, apparaît avec les attributs de la peinture (une palette avec des pinceaux) et de l’architecture (des plans et des outils d’architecte). Sur la table les médailles du mérite artistique, notamment la médaille de l’ordre de Saint Michel reçue du sculpteur Pigalle en 1765.

Washington National Gallery

La bulle de savon

La concentration du personnage principal sur sa tâche est caractéristique de Chardin. La fixation sur une activité anodine transforme celle-ci aux yeux de l'observateur. Elle mobilise son attention. Contrairement aux personnages de Greuze, ceux de Chardin ne regardent jamais vers le spectateur : ils sont totalement absorbés par leur tâche.

Joueur de Cartes

Dans ce tableau merveilleusement intimiste et contemplatif, il nous livre le portrait du fils de l’un de ses amis, M. Lenoir, marchand de meubles et ébéniste. La composition présente une structure pyramidale classique. L’enfant est présenté de profil, les cheveux attachés par un ruban, il est tout absorbé à faire tenir sa frêle construction. Sur la table, quelques pièces et le Roi de cœurs en réserve dans le tiroir. La simplicité de la composition, dépouillée et en même temps élégante, la caractérisation physique et psychologique du petit garçon, le savant emploi des couleurs, préludent le tableau Les Joueurs de cartes de Cézanne.

Ottawa Musée des Beaux Arts du Canada

La Gouvernante

L’enfant s’apprête à partir à l’école ; il écoute sagement les dernières recommandations de sa gouvernante pendant que celle-ci lui brosse son chapeau, où peut-être s’agit-il d’une réprimande pour avoir laissé traîner ses jeux ? Les cartes, la table, sont les mêmes objets qu’apparaissent dans le tableau « Le château de cartes ». Présentée au Salon de 1739, il existe plusieurs versions de cette œuvre.