Caravage

Le Caravage 

Caravage est un des plus grands novateurs de l’époque. Sa peinture rompt avec le maniérisme pour s’orienter vers un réalisme puissant et des évolutions esthétiques majeures. 

Michelangelo Merisi da Caravaggio, en français Caravage ou le Caravage, est un peintre italien né le 29 septembre 1571 à Milan et mort le 18 juillet 1610 à Porto Ercole. Son nom d’artiste provient de la petite commune proche de Bergame (Lombardie) où il passa son enfance : Caravaggio.  Son père y travaillait comme contremaitre, maçon, architecte et intendant du marquis de Caravaggio. En 1584, il entre comme apprenti dans l’atelier du peintre milanais Simone Peterzano (1540-1596) où il reste quatre ans. Il revient ensuite à Caravaggio puis, en 1592, part pour Rome. Il mène dans cette ville une vie difficile, travaillant pour le compte de peintres comme Giuseppe Cesari, dit le Cavalier d'Arpin (1568-1640), peintre attitré du pape. Il peint d’abord des scènes de genre comme Garçon avec un panier de fruits (1593) ou Les Musiciens (1595). 

Remarqué par le cardinal Francesco Maria Borbone del Monte (1549-1626), qui lui achète Les Tricheurs, Caravage loge au palais Madame (actuellement immeuble du Sénat) à partir de 1597. Ce puissant protecteur permettra à Caravage de recevoir des commandes du clergé pour la décoration des édifices religieux : Le Martyre de Saint-Matthieu (1599-1600), La conversion de Saint-Paul sur le chemin de Damas (1600-01). Ces tableaux très novateurs, qui allient mouvement, ombre et lumière, seront très remarqués. Mais Caravage a un tempérament de mauvais garçon, violent et querelleur. Il est mêlé à des affaires de mœurs et à des affaires criminelles et fait plusieurs séjours en prison et à l’hôpital.

Cependant, son génie pictural ne passe pas inaperçu. Sa renommée dépasse les limites de Rome et se répand à toute l’Italie. Son réalisme parfois violent − Judith décapitant Holopherne (1598) − heurte certaines sensibilités ou certains conformismes et nombre de ses tableaux sont refusés.

Le tempérament violent de Caravage va bouleverser sa vie. En 1606, au cours d’une rixe, il tue en duel Ranuccio Tomassoni, le chef de la milice de son quartier. Condamné à mort, il s’enfuit de Rome en 1607. Commence alors une vie errante : Naples, Malte, la Sicile puis à nouveau Naples. Il continue à peindre et à produire des chefs-d’œuvre.  En 1610, il apprend que le pape est disposé à lui accorder sa grâce. Il s’embarque pour Rome, mais lors d’une escale à Palo, il est arrêté et jeté en prison. Relâché quelques jours plus tard, son bateau est déjà reparti. Il décide de faire le trajet à pied et parvient à arriver à Porto Ercole à une centaine de kilomètres. Mais il a contracté la malaria et il décède dans cette ville le 18 juillet 1610 à l’âge de 38 ans.

Avec Caravage, nous quittons les représentations idéalisées. Il choisit des modèles humains de type populaire, souvent même des marginaux : prostituées, mendiants, enfants des rues. Les corps humains sont naturalistes avec une mise en évidence de la musculature comme dans Le Martyre de Saint-Matthieu, La Mise au tombeau ou David avec la tête de Goliath. L’Eglise catholique, qui cherche à frapper les esprits face au puritanisme protestant, adoptera une politique sélective : des toiles seront refusées comme choquantes, beaucoup d’autres seront acceptées. 

Caravage joue beaucoup avec le contraste lumière-obscurité, grande innovation esthétique, que l’on retrouvera  au 20e siècle dans le cinéma et la photographie. Sur un fond sombre, la scène principale est éclairée comme une scène de théâtre avec un projecteur, ce qui accentue considérablement les contrastes ombre-lumière : Le Martyre de Saint-Matthieu, La vocation de Saint-Matthieu, Amour endormi. 

Le regard de Caravage se porte principalement sur les corps masculins et on a donc beaucoup commenté sa probable homosexualité. Le corps des femmes (Judith décapitant Holopherne) ne semble pas désirable pour le peintre et par conséquent pour le spectateur, même si le décolleté de la Vierge (La Madone des palefreniers) avait été condamné à l’époque. Ce sont de toute évidence les garçons qui intéressent Caravage, il suffit de regarder : Garçon avec un panier de fruits, Les musiciens, Bacchus, Amour victorieux. Bien entendu, cet aspect de la personnalité du peintre ne pouvait pas être abordé aux 16e et 17e siècles, ni même au cours des siècles suivants. Le plus étrange est que certains évoquent encore aujourd’hui « l’érotisme ambigu » de l’artiste. 

Le caravagisme, ou école caravagesque, est un courant pictural de la première moitié du XVIIᵉ siècle. Apparu à la suite de l'œuvre du Caravage à la fin du XVIᵉ siècle, le caravagisme est parfois assimilé à une forme de baroque romain face au classicisme des Carrache. 

Paris Musée du Louvre

La diseuse de bonne aventure

La Diseuse de bonne aventure, appelée aussi La Bonne aventure, est une peinture à l'huile sur toile réalisée par le peintre italien Le Caravage. L'artiste lombard réalise deux versions de l’œuvre, assez proches en matière de composition, de style et de technique. L'une est conservée à Paris au musée du Louvre et l'autre, dans les collections de la pinacothèque capitoline de Rome. Bien qu'il soit admis que ces deux tableaux ont été peints au début de la carrière de Caravage, peu après son arrivée à Rome, leurs dates précises d'exécution ne font pas l'unanimité parmi les experts, mais oscillent fréquemment entre 1594 et 1595. Les deux versions montrent une gitane chiromancienne qui, sous couvert de lire l’avenir à un jeune élégant, lui dérobe sa bague. L’œuvre moralisatrice condamne la Tromperie, mais aussi la Naïveté. 

Le cadrage serré, avec des personnages coupés à mi-corps, permet au spectateur d’entrer dans le tableau. Il n'y a pas de premier plan qui pourrait faire écran entre l'observateur et l'action, comme chez certains peintres contemporains. Le fond uni et neutre, caractéristique des œuvres du Caravage, fait ressortir les personnages et bloque la composition, focalisant l'attention du spectateur sur la scène. La version du Louvre offre deux personnages relativement statiques, qui posent presque pour l'observateur, alors que la version capitoline propose plus de mouvement. Dans celle-ci, on dirait que l'on surprend les deux protagonistes quelques secondes après leur rencontre dans la rue ; le buste incliné de la bohémienne indiquant qu'elle est sur le point de quitter le jeune homme pour reprendre son chemin.

La lumière joue un rôle important dans la mise en espace : dans la première version du tableau, un unique rayon latéral tombe obliquement sur les personnages et les met en valeur. Cette lumière directionnelle constitue l'une des spécificités du Caravage. Toutefois, cette lumière chaude, dorée, imitant le soleil et ne provoquant pas de clair obscur, reste associée à sa première période. Assez violente et abstraite tout de même, elle provoque des jeux de reflets sur les surfaces brillantes. La seconde version emploie une lumière moins définie, plus douce et vespérale.

Le modèle masculin est probablement Mario Minniti, artiste italien, ami du peintre et ayant posé également pour le Bacchus du musée des Offices.

Dans ce tableau, Le Caravage utilise une gamme chromatique chaude, restreinte et contrastée. On remarque une grande rupture avec le maniérisme, par la représentation immédiate, l'authenticité des figures peintes au naturel (costume typique de la bohémienne), les volumes ronds et simples (pas de lignes serpentines ni de corps allongés) et l'absence de coloris acides et antinaturalistes.

Le sujet, à la mode dans la Commedia dell'arte, montre la connaissance du Caravage pour le monde du théâtre de l'époque4.

La chiromancienne arbore le costume qu'on prêtait aux Gitans à l'époque, incluant notamment turban et châle noué, et déjà représenté en art, par exemple dans les tapisseries du xve siècle qui décoraient les murs des châteaux.

Une étude approfondie menée par Desmond Macrae montre le soin que le Caravage emploie pour représenter les épées dans son œuvre, et notamment pour celle de La Diseuse de bonne aventure. L'auteur suggère que la familiarité du sujet pour le peintre n'est pas fortuite, ce dernier ayant été impliqué dans plusieurs incidents, si l'on en juge par les dossiers de la police romaine entre 1600 et 1605. En particulier, le 7 février 1601, il blesse à l'épée un ancien sergent, ce qui tend à indiquer une grande habileté avec cette arme. De fait, Giovanni Pietro Bellori écrit dans son Le vite de' pittori, scultori ed architetti  : « Le travail de peintre du Caravage ne suffisait pas à calmer son esprit nerveux. Après avoir passé plusieurs heures à son atelier, il apparaissait à divers endroits de la ville, l'épée au côté, comme s'il était un épéiste professionnel, donnant l'impression qu'il faisait tout sauf peindre. » Selon Macrae, la première version de La Diseuse de bonne aventure est également la toute première représentation d'une épée exécutée par le Caravage, et la plus élaborée. Les représentations subséquentes de ces armes se simplifieront graduellement par la suite, par exemple dans Le Martyre de saint Matthieu (1599) ou dans La Conversion de saint Paul (entre 1600 et 1604). Ainsi, la version capitoline de La Diseuse de bonne aventure montre une rapière très simplifiée.

La Diseuse de bonne aventure est donc une œuvre caractéristique du premier style du Caravage, qui introduit plusieurs nouveautés vis-à-vis de la peinture antérieure : la lumière directionnelle, l'utilisation d'un sujet populaire, avec personnages de la vie courante, ni déformés ni idéalisés mais peints d'après nature, l'utilisation de couleurs naturelles et réalistes, et la simplicité de la composition et des formes.

La mort de la Vierge

Commandé en 1601 à Caravage pour la chapelle du juriste Laerzio Cherubini à l’église Santa Maria della Scala in Trastevere de Rome, le tableau n'est probablement pas achevé avant 1605 ou 1606 ; mais peu après son exposition, il est refusé par les moines de l’église puis remplacé par une œuvre de même sujet peinte par Carlo Saraceni.

Si peu de personnes purent contempler le tableau sur l'autel il fut néanmoins rapidement célèbre car il fut acheté immédiatement pour la galerie du duc Vincent Ier de Mantoue par l'intermédiaire de Rubens, son ambassadeur. Celui-ci dut organiser une exposition publique à la demande des artistes dans sa résidence à Rome, avant de l’expédier à Mantoue.

Le tableau passa ensuite dans la collection de Charles Ier d'Angleterre puis à celle de Louis XIV par le banquier Jabach. Il est aujourd'hui conservé au musée du Louvre.

La position des mains et de la tête, de la Vierge, l’expression des protagonistes qui semble mêler l’étonnement à l’affliction, la douleur à la résignation, nous indiquerait que la vie vient juste de quitter son corps, ou s’apprête à le faire de façon imminente. Le tableau, malgré sa taille imposante, n’offre aucun signe ou accessoire luxueux et glorifiant les figures: - les vêtements sont simples, de couleur unie : il n'y a pas de riches étoffes brodées ou chargées de motifs, - la gamme de couleurs est assez sourde et limitée, - on ne trouve pas de ciel nuageux ou lumineux en arrière-plan, pas de paysage finement travaillé (comme c’est parfois le cas chez Léonard de Vinci), pas d’animal en premier-plan, ou de nature morte insérée dans un coin du tableau pour offrir un écho à la signification du tableau, en fait pas d’autre symbole pour nous aider à comprendre ce qui se passe, et qui est suffisamment évident en soi : la Vierge se meurt, et rien ne vient distraire notre attention de cette mort.

Ce tableau de commande doit être resitué dans son contexte. L'église Santa Maria della Scala, à laquelle le tableau était destiné appartenait à l'ordre des carmes déchaussés. Cet ordre avait fait vœu de pauvreté, allait pieds nus ou simplement avec des sandales, suivant l'exemple des sculptures antiques dans la représentation des hommes du commun, et en particulier dans le milieu modeste des proches du Christ et les premiers chrétiens comme l'avait rappelé le cardinal Frédéric Borromée. Tout comme le Christ, les premiers chrétiens étaient donnés en exemple aux contemporains de Caravage pour que chacun tende à les imiter. De même, les tuniques antiquisantes du tableau suivent les conseils iconographiques de la Réforme catholique (ou « Contre-Réforme ») dont Federico Borromeo et Philippe Néri, depuis peu canonisé, étaient les promoteurs écoutés, en particulier dans le cercle de Caravage lié à la Contre-Réforme. L'église Santa Maria della Scala était liée par contrat à la Casa Pia, maison fondée en 1563 pour remettre sur le bon chemin les prostituées et les jeunes filles en danger. La Contre-Réforme exhortait ainsi les riches chrétiens à s'engager dans ces confréries au service des plus pauvres et des plus démunis. Laerzio Cherubini, le donateur, était membre actif de cette confrérie. Le bruit que quelqu'un fit courir après que le tableau eut été reçu et accepté par les moines, puis accroché dans l'église, était donc particulièrement bien choisi. En effet la rumeur, selon des sources diverses et plus ou moins éloignées de l'évènement, évoquait pour certains le fait que Caravage aurait utilisé comme modèle une prostituée, pour d'autres le fait que le corps de la Vierge apparaissait gonflé. Il est probable que Caravage ait dû faire poser une prostituée car aucune femme honorable n'était autorisée à poser pour les artistes. Et la Vierge est effectivement représentée comme une femme plus très jeune, comme il convient si l'on respecte les préceptes iconographiques de l'Église et en particulier du cardinal Barronio qui accordait une grande importance à la mort physique de Marie, créature terrestre et simplement humaine.

Tout nous ramène au corps (déjà ou bientôt) sans vie de cette femme, entrée dans l’histoire pour avoir donné naissance au Christ. Il n’y a pas de romantisme dans la scène, pas le moindre rayon de lumière céleste pour adoucir le propos. Une femme se meurt, elle est visiblement aimée et admirée, et ses compagnons l’assistant dans son dernier souffle sont dans la peine. Rien de magique, rien de surnaturel à cela : c'est à peine si Caravage suggère une très légère auréole en train de s’éteindre, seul signe divin apparaissant sur la toile ; seul ce mince cercle nous rappelle que cette femme qui s’éteint est bien la Vierge. Aucune glorification non plus dans cet événement, c’est presque une mort comme celle de n’importe quelle autre femme à laquelle nous convie Caravage. Ses compagnons sont dans l’affliction comme les amis ou la famille de n’importe quelle autre personne aimée qui agonise.

Et de ce réalisme naît l’émotion, peut-être parce qu’en rendant son humanité à Marie à travers sa mort, Caravage rapproche le croyant, qui lui est contemporain, du monde des premiers chrétiens et des Évangiles.

En banalisant (d’une certaine façon) la scène, Caravage fait que chaque homme ou femme qui a connu cette épreuve (la perte d’un parent proche) peut y faire référence en regardant la toile avec un point de vue tout différent sur « la solitude existentielle devant le vide de la foi et la mort irrévocable »7. La mort de la mère du Christ devient la mort de toutes les mères. Il n’y a pas de laideur ici (comme cela l’a été souvent reproché à Caravage), mais plutôt de la compassion pour tous les protagonistes de la scène, qui sont présentés dans des postures plus réalistes que maniérées.

La toile dégage également une certaine puissance, comme si tout en évacuant en grande partie la dimension divine du sujet, Caravage redonnait une certaine force aux hommes, même à travers un décès. Comme si, en évacuant la sacralité, il redonnait aux hommes la maîtrise de leur destinée, la responsabilité de leurs actes. Les apôtres ne sont pas clairement identifiables, et combien sont-ils vraiment dans la toile ? Peu importe : ce qui compte ici n’est pas le fait qu’ils soient des apôtres (et donc les messagers du Christ depuis le départ de ce dernier), mais qu’ils sont simplement des hommes qui ont choisi d’être présents pour accompagner un être aimé et respecté dans ses derniers instants. L’œuvre renforce ainsi l’aspect charnel des apôtres et de la Vierge, plutôt que leur dimension spirituelle au sens religieux du terme.

Cette œuvre impressionne par sa monumentalité, son audace, sa maîtrise, et la parfaite homogénéité entre l’interprétation que le peintre veut donner du sujet, et les moyens qu’il utilise pour y parvenir. La spiritualité est ici bien plus humaine que divine, et l’émotion puissante qu’elle dégage naît de la sensation que, par son naturalisme, Caravage rend toute leur humanité à des personnages le plus souvent traités comme des icônes.

Alof de Wignacourt

Le Portrait d'Alof de Wignacourt est un tableau de Caravage peint vers 1607 et conservé au musée du Louvre à Paris. 

Le portrait représente Alof de Wignacourt, qui est alors grand maître de l'Ordre et qui témoigne d'une grande satisfaction devant la représentation que Caravage fait de lui, au point de l'élever rapidement au rang de « chevalier de grâce ». Ce portrait s'insère dans un courant traditionnel de représentation du pouvoir militaire, surtout influencé par l’œuvre de Titien ; Caravage y apporte toutefois sa touche personnelle à travers une facture d'inspiration autant lombarde que vénitienne. Il adapte sa composition en dépouillant son sujet de bon nombre d'attributs symboliques traditionnels et en y ajoutant un jeune page qui en modifie l'équilibre et établit un contact direct avec le spectateur. 

Le portrait dépeint deux personnages côte à côte : le grand maître Alof de Wignacourt, accompagné d'un petit page. Wignacourt occupe l'essentiel de l'espace du tableau. Il ne porte pas l'habit monastique, contrairement à Antonio Martelli dans son portrait que Caravage réalise à la même période : debout, fermement campé sur ses jambes, il tient à deux mains le bâton qui symbolise son rôle de commandant militaire et son regard porte vers la gauche et le lointain, comme il sied à un condottiere. Rayonnant d'autorité, il pose en armure d'apparat damasquinée noire et or, d'où ressort un simple col blanc. Il porte l'épée au côté, dont seul le pommeau est visible.  

Le page à ses côtés, tout juste un adolescent de onze ou douze ans, porte son heaume empanaché ainsi que son manteau frappé de l'emblème de l'ordre ; il porte sur son pourpoint noir une croix de Malte argentée et fixe le spectateur — ou bien le peintre. L'identité du page n'est pas connue, mais selon l'hypothèse de Maurizio Marini il pourrait s'agir d'Alessandro Costa, le fils du banquier Ottavio Costa qui est un grand amateur des tableaux de Caravage : le jeune garçon est en effet arrivé sur l'île dans la même flottille que celle du peintre, pour rejoindre la cour de pages de Wignacourt. Contrairement à l'armure de Wignacourt, qui est quelque peu datée, l'adolescent est habillé à la mode de son temps, soit la période 1600-1610.

L'arrière-plan du tableau, seulement esquissé, est sombre mais de façon non uniforme ; l'alternance entre les zones très sombres et les emplacements plus lumineux, aux teintes de bronze, peut faire penser à une scène saisie au coucher du soleil. La présence physique du grand maître est soulignée par l'ombre portée sur le mur du fond.

Rouen Musée des Beaux Arts

La flagellation du Christ

Le Christ à la colonne (ou Flagellation du Christ) est un tableau de Caravage peint entre 1606 et 1607 et conservé au Musée des beaux-arts de Rouen. Il représente le Christ sur le point de se faire flageller par deux bourreaux qui l'attachent à une haute colonne, en prélude à sa Passion. L’œuvre, dont l'attribution à Caravage est récente (fin des années 1950) n'est pas datée de façon certaine mais les historiens de l'art s'accordent à la rattacher à la période du tout premier séjour du peintre à Naples, alors qu'il vient de s'enfuir de Rome où il a commis un meurtre. Typique de la manière caravagesque, le Christ à la colonne offre une composition originale qui est étonnamment différente de celle choisie pour une seconde Flagellation que Caravage réalise à très peu de temps d'écart pour une église napolitaine. 

Le Christ est représenté juste avant sa flagellation, alors que ses deux bourreaux s'activent à le lier sur une colonne : c'est cet instant de tension précédant la violence qui constitue le cœur de la scène. Les tortionnaires du Christ sont représentés à la manière naturaliste qu'affectionne le peintre lombard : leurs visages marqués et leurs mains rudes leur confèrent un aspect populaire que confirment leurs vêtements pauvres et abîmés ; c'est un traitement humain et non caricatural qui leur est réservé. De même, la brutalité de leurs gestes comme l'apparence éreintée du Christ renvoient à une réalité concrète.

L'éclairage de gauche sépare nettement le tableau en deux parties, et le mouvement des personnages est conçu en fonction de cette composition. La lumière de soupirail provenant d'en haut, typique de Caravage, accentue le geste des bourreaux et procure un effet cinétique. L'historien de l'art Eberhard König observe que la colonne de la flagellation est ici traitée non pas comme un thème majeur mais comme un attribut du Christ. Cette colonne, qui monte vers le ciel, présente des marbrures semblables à des plaies tandis que le corps athlétique du condamné est absolument intact. Sur le plan symbolique, le manteau rouge jeté au sol semble représenter la royauté déchue du Christ, et le périzonium blanc évoque déjà son linceul. La composition complètement décentrée offre également une possible interprétation symbolique, comme le propose l'historien de l'art Arnauld Brejon de Lavergnée qui observe « l'idée magnifique » du visage du Christ tourné vers le bord extrême du tableau : « isolé géographiquement car isolé dans sa Passion, [le Christ] regarde le vide désespérément ; les bourreaux sont des humains qui accomplissent leur travail ; le spectateur est pris entre les deux. »

Rome Musée Borghèse

Saint Jérome écrivant

Saint Jérôme écrivant est un tableau de Caravage peint vers 1605-1606 et conservé à la galerie Borghèse de Rome. Il représente Jérôme de Stridon, le saint traducteur de la Bible en latin, occupé à l'étude et à l'écriture de son texte. 

La figure du vieillard à front ridé et barbe cotonneuse est similaire à celle de l'Abraham du Sacrifice d'Isaac de Florence et de celle de Saint Matthieu et l'Ange. Comme dans bien d'autres tableaux, Caravage joue de la lumière comme d'un outil théâtral : ici, elle lui permet d'accentuer le rayonnement du saint et constitue le signe d'une présence divine.

Le tableau présente un fort effet de contraste dans sa composition en deux parties, avec d'une part des tons chauds (comme dans le manteau écarlate à droite) et d'autre part les tons froids (comme dans le drap blanc à gauche) : cet usage symbolique des couleurs permet de mettre en scène une forme de dialogue entre la vie et la mort, ou bien entre le passé et le présent.

Il est possible que cette œuvre soit restée inachevée : il manque en effet certaines finitions dans la barbe, les livres et la cape du saint.

Saint Jean Baptiste

Saint Jean Baptiste dans le désert (en italien San Giovanni nel deserto) est un tableau de Caravage peint vers 1610 et conservé à la galerie Borghèse de Rome. C'est l'une des sept versions du peintre sur ce thème (certaines sont toutefois contestées quant à leur attribution). 

Le tableau montre un garçon mollement étendu devant un fond sombre, où l'on voit un mouton mâcher les feuilles d'une vigne d'un brun terne. Le garçon semble perdu dans un songe prémonitoire : peut-être pense-il d'avance saint Jean avec tristesse au sacrifice futur du Christ, nécessaire pour l'œuvre du Salut, ou a-t-il la prémonition de son propre martyre... Le sentiment dominant est celui de la mélancolie. Le manteau rouge qui enveloppe son corps chétif et encore enfantin semble comme une flamme dans le noir : c'est la seule touche de couleur en dehors de la chair pâle du futur Précurseur. John Gash en fait le commentaire suivant : « Comparé aux versions antérieures de Kansas City et du Capitole, le tableau de Borghese est plus riche en termes de couleurs, comme un essai d'expression sur les rouges, les blancs et les bruns dorés. C'est aussi une approche moins idéalisée et plus sensuelle du nu masculin, ainsi que le préfiguraient les personnages aux membres épais dans certaines œuvres post-romaines de Caravage, comme la Flagellation de Naples et la Décollation de saint Jean Baptiste de La Valette ». 

Le petit Bacchus malade

Le Petit Bacchus malade ou Autoportrait en Bacchus est un tableau exécuté par Michelangelo Merisi dit le Caravage, probablement en 1593 voire en 1594, et conservé à Rome dans la galerie Borghèse. Réalisée au début de sa période romaine alors qu'il est âgé d'une vingtaine d'années, il s'agit de l'une des toutes premières œuvres répertoriées du peintre lombard.

Le tableau est généralement considéré comme un autoportrait réalisé à l'aide d'un miroir. Il représente en demi-figure un jeune garçon habillé en Bacchus, associé à des éléments de nature morte. Le teint jaunâtre du personnage, ainsi que certains éléments perceptibles sur les traits de son visage, font penser que le jeune Merisi a pu se représenter malade — peut-être de la malaria — ou convalescent : c'est en tout cas l'avis de l'historien de l'art Roberto Longhi qui, en 1927, réattribue l'œuvre au peintre lombard et la nomme au passage Il Bacchino malato en italien. Qu'on considère le Bacchus comme malade ou non, il existe diverses interprétations possibles du tableau et de son personnage central.

Aucun commanditaire n'est connu pour ce tableau de chevalet, dont il est présumé qu'il a été réalisé alors que le jeune peintre travaillait dans l'atelier du Cavalier d'Arpin : c'est justement lui qui en est le premier propriétaire connu, mais qui doit s'en séparer en 1607 au profit de la famille Borghese, qui le conserve depuis dans ses collections.

Le thème de Bacchus est traité à deux reprises par Caravage : d'une part dans cette œuvre de jeunesse, d'autre part dans un tableau un peu plus tardif conservé à la galerie des Offices de Florence.

Il existe traditionnellement deux manières principales de représenter le dieu Bacchus en peinture : soit ivre et âgé, soit jeune et en train de séduire Ariane. Dans cette œuvre cependant, Caravage ne choisit aucune des deux options. Bacchus, personnage individualisé, est assis et accoudé sur une tablette en pierre où repose une nature morte composée de pêches et de raisins noirs accompagnés de feuilles de vigne. Il tient à la main droite une grappe de raisins blancs qu'il semble vouloir porter à sa bouche, mais la main gauche qui se discerne dans l'ombre referme sa prise, comme s'il voulait écraser les fruits — possible référence bachique au processus de création du vin ? — ; son buste à demi tourné donne l'impression qu'il a été interrompu dans sa dégustation des raisins pour faire face à un spectateur. Son visage est représenté de trois-quarts et il porte une couronne de lierre, ainsi qu'un costume drapé blanc all’antica avec une épaule dénudée. Le cadrage en demi-figure (c'est-à-dire de la tête à la taille) laisse néanmoins entrevoir le haut des jambes nues du personnage ; la toge — ou chemise — blanche est fermée par un ruban noir ostensiblement posé sur le rebord de la table, ruban qui se retrouve dans plusieurs autres tableaux de Caravage.

Le choix de la position du personnage, l'enroulé du bras, font penser que Caravage a dû être influencé par le dessin de la Sibylle persique de Simone Peterzano, chez qui il avait démarré son apprentissage à 13 ans, dès 1584 et pour au moins 4 voire 6 ans. La posture du Christ aux outrages gravé par Albrecht Dürer peut également avoir orienté la main de Caravage, avec une transformation de la couronne d'épines en couronne de lierre et de la pierre tombale christique en tablette de pierre. C'est d'ailleurs une pose assez classique qui est ici reprise : le grand Raphaël lui-même en proposait une version dans son Jugement de Pâris gravé par Marcantonio Raimondi vers 1510-1520 ; mais le talent de Caravage consiste à parvenir à mêler ces diverses influences, sans pour autant suivre le canon italien du moment. Plusieurs siècles plus tard, Édouard Manet en donne une nouvelle interprétation.

Garçon à la corbeille de fruits

Garçon avec un panier de fruits, aussi appelé Jeune Garçon portant une corbeille de fruits est un tableau de Caravage peint vers 1593 et conservé à la Galerie Borghèse de Rome. 

Sur un fond indistinct d'ocre sombre, tirant vers le noir, se détache le buste d'un jeune garçon brun qui tient à deux bras un grand panier de fruits serré contre sa poitrine. Il est vêtu d'une chemise blanche qui découvre son épaule droite, permettant ainsi au peintre de modeler son cou et cette épaule, tout en réalisant un savant rendu des plis de la chemise, dans l'esprit d'un traitement «à l'antique». La corbeille, tressée, déborde de splendides fruits, réunissant raisins, figues très mûres, pommes, poires, nèfles, cormes, abricots et grenades, ainsi que des feuilles de vigne, de poirier, de cormier (sur l'épaule et dans le cou) et de citronnier. Il s'agit là d'une nature morte d'une grande richesse chromatique, qui révèle tout l'héritage lombard de l'auteur et son admirable maîtrise. 

En créant cette œuvre, le peintre n'a pas nécessairement l'intention d'y proposer quelque symbole ou allégorie. En effet, le tableau est souvent décrit comme un exercice de style où le jeune Caravage entend exposer son talent tourné vers une représentation la plus réaliste possible.

Toutefois, le tableau recèle évidemment un discours érotique : la pose du jeune garçon - avec la tête légèrement penchée en arrière, et sa bouche ouverte, tout autant que l'abondance des fruits dans le panier qu'il serre contre lui de manière forte - tend à proposer un discours sensuel, où le jeune garçon serait le principal fruit du tableau.

La Madone des Palefreniers

La Madone des palefreniers, appelé aussi La Madone au serpent, est un tableau de Caravage peint entre 1605 et 1606. Présentant une sainte Anne trinitaire, il est conservé à la galerie Borghèse de Rome. 

Le thème posé, Caravage montre Marie, au centre gauche, soutenant son fils, représenté assez grand et nu, qui appuie son pied sur le sien pour écraser un serpent. Sainte Anne, patronne des palefreniers de Rome (commanditaires de l'œuvre) assiste les mains jointes, pensive, représentée en vieille femme habillée sombrement a contrario de la Vierge, habillée de pourpre (couleur de la Passion), largement décolletée. 

La scène mêle le vieux thème de la Sainte Anne trinitaire et celui de la Vierge écrasant le serpent. C'est ce dernier thème surtout qui compte pour Le Caravage, sainte Anne n'étant là qu'à titre de patronne des palefreniers. Caravage a peut-être pris l'idée de la Vierge et Jésus écrasant conjointement le serpent chez le peintre maniériste Ambrogio Figino.

La composition de ce tableau aborde en le résolvant le problème théologique posé par la traduction de la Septante et puis de la Vulgate au sujet de cette scène biblique issue de l'interprétation de Gn 3:14-15 : « ipsa/ipse conteret caput tuum », « celle-ci/celui-ci t’écrasera la tête ». Qui écrase le serpent (symbolisant le Mal ou l'hérésie), la Vierge selon les catholiques, ou Jésus enfant selon les luthériens ? Le théologien Jean de Carthagène met fin à cette controverse en écrivant en 1609 « Il y a une lutte engagée entre la femme et le serpent, et c’est la femme qui en triomphe, mais elle en triomphe par son fils. C'est pour cette raison que Le Caravage montre Jésus posant son pied sur celui de sa mère écrasant le serpent, ainsi ce sont les deux protagonistes qui écrasent le serpent, l'un à travers l'autre : la Vierge à l'aide de son fils.

Le tableau scandalise les fidèles avec le sexe de l’Enfant (non circoncis) au premier plan, la gorge pigeonnante de Marie, et l'attitude passive de sainte Anne, vêtue comme une paysanne, spectatrice impuissante de la lutte du Bien contre le Mal.

Roberto Longhi souligne le caractère plébéien des deux femmes : sainte Anne est présentée en vieille paysanne, Marie en lavandière, la robe retroussée, et Jésus est nu « comme Dieu l'a fait ».

David et Goliath

David avec la tête de Goliath est un tableau du peintre baroque Caravage réalisé vers 1606-1607 ou bien en 1609-1610 et exposé à la Galerie Borghèse à Rome, en Italie. Il existe une première version sur ce thème datant de 1601. Il brosse le moment où David, affichant un visage affecté, présente la tête de son ennemi. 

Le combat de David contre Goliath est un épisode de la Bible issu du premier livre de Samuel dans l'Ancien Testament. Cet épisode relate le combat singulier opposant un jeune berger, David, au géant Goliath, champions respectifs du royaume d'Israël et des Philistins. Après, l'avoir abattu de sa fronde, David tranche la tête de Goliath. Le tableau expose le moment où David présente la tête du géant dans la tente de Saül, roi des israélites. 

Le tableau présente un jeune homme, David, vu à mi-cuisses, dont le buste à moitié nu en pleine lumière est vu de trois-quarts face et son visage glabre, de face, est incliné vers le bas. Son regard est tourné vers la tête tranchée d'un homme barbu plus âgé, Goliath, qu'il tient par les cheveux. Sa main droite tient une épée. Dans sa mise en scène, Caravage fait tendre par David la tête pendante, gorgée de sang, de Goliath vers le spectateur de la toile, ce qui conduit son regard à se focaliser sur elle. Cette pose pourrait avoir comme modèle la statuaire antique, tel l'Apoxyomène.

Le peintre a écrit une abréviation sur l'épée de David mais elle est très peu lisible et fait l'objet de plusieurs lectures et donc autant d'interprétations : il pourrait être écrit H-AS O S, auquel cas il s'agirait de l'abréviation de la devise latine de saint Augustin Humilitas occidit superbiam (« L'humilité tue l'orgueil ») ; on pourrait également lire M A C O pouvant être compris par Michael Angelo Carravagio Opus (« Œuvre de Michel Angelo da Caravaggio »).

La signification première de l'œuvre serait à comprendre par la volonté de Caravage d'obtenir le pardon judiciaire pour le meurtre qu'il a commis. En effet, les chercheurs identifient volontiers le visage Goliath comme un autoportrait du peintre en s'appuyant par exemple sur la balafre qu'il reçoit en octobre 1606, à Naples. Cette hypothèse est soutenue dès le xviie siècle par l'historien de l'art italien Giovanni Pietro Bellori. Ainsi, Caravage s'est représenté en bandit, voire en damné, en tous cas, en « incarnation du mal ».

Seul le personnage de David permettrait sa rédemption. En effet, ce personnage porte sur Goliath un regard empli de compassion, sentiment que le peintre n'avait pas attribué au jeune homme dans une première version du thème datée de 1601 : là où le personnage de David était triomphant, il semble désormais triste. Or la pose de David se rapporterait à la représentation traditionnelle de la Justice avec ses attributs que sont le glaive et la balance — représentée ici à travers la tête de Goliath. Bien plus, il est possible de confondre David avec la figure du Christ, à la fois juge suprême et sauveur — image seule à même d'émouvoir et influencer le prélat Scipione Borghese.

Rome Galerie Doria Pamphilj

Madeleine repentante

La Madeleine repentante est un tableau exécuté par Caravage, vers 1593-1594, soit peu après son installation à Rome. 

L’iconographie de Marie-Madeleine est traditionnellement déclinée en deux modes. Le premier la représente en ermite dans le désert, après la mort du Christ ; femme séduisante, non dénuée de sensualité, une longue chevelure ondoyante couvrant sa nudité, elle prie ou médite, avec ses habituels attributs du repentir, crâne, croix, livre biblique.

Dans le deuxième, Marie-Madeleine est une jeune femme de la haute bourgeoisie, élégamment vêtue et un flacon d’onguent permet son identification.

Le Caravage s’écarte de ces règles et symboles chrétiens et sa Madeleine repentante est un portrait naturaliste

Figure mythique de la Contre-Réforme, Marie-Madeleine devient un sujet d’inspiration dans les domaines pictural et littéraire, incarnant, avec ses attitudes contritionnistes, la pécheresse repentie.

Le peintre représente Marie-Madeleine sous les traits d’une jeune femme, vue en plongée, dans un intérieur sombre, dépouillé, éclairé par un rai de lumière projeté dans l’angle supérieur droit et formant un triangle, évocation du message divin. Elle est assise sur une chaise basse, prostrée dans une position ovoïde, les yeux clos, la tête penchée sur le côté gauche, les longs cheveux roux dénoués et venant vraisemblablement d’être lavés ; elle est vêtue d’un chemisier blanc dont la chute dénude son épaule droite, d’une robe retroussée jusqu’aux genoux par-dessus une jupe à tissu damassé.

Subtilement, Caravage nous montre son héroïne dans sa phase ultime de conversion et le conflit intérieur qui l’anime ; elle est solitaire, une délicate larme tombe sur le côté droit de son nez, elle est plongée dans une profonde méditation et, humblement, se prépare à son nouveau destin spirituel. En signe de renoncement aux plaisirs de sa vie passée, elle abandonne sur le sol ses bijoux en or et son collier de perles blanches, qu’elle a cassé.

Repos pendant la Fuite en Egypte

Le Repos pendant la Fuite en Égypte (en italien Riposo durante la fuga in Egitto) est un tableau de Caravage peint vers 1596-1597 et conservé à la galerie Doria-Pamphilj de Rome. 

Le choix d'un décor bucolique, et de plein jour, est très inhabituel dans l'œuvre de Caravage, qui privilégie les scènes d'intérieur. Il se rapproche dans ce choix d'une tradition plutôt vénitienne : Alfred Moir y voit « une atmosphère aussi lyrique que les œuvres du même ordre de Giorgione et de ses successeurs », rejoignant ainsi Bellori qui insiste beaucoup, et sans doute exagérément, sur l'influence de Giorgione sur Caravage. José Frèches voit également dans la complexité du paysage la marque vénitienne de Lotto et de Bassano, et souligne l'originalité du traitement qui n'est pas sans rappeler l'influence d'Annibal Carrache : l'ange en particulier a pu être inspiré par la figure de droite dans l'Hercule entre le vice et la vertu de Carrache. la disposition des membres de la Sainte Famille, quant à elle, peut faire penser à un dessin du cavalier d'Arpin.

Quelles que soient les influences reçues ou supposées, le Repos pendant la fuite en Égypte constitue un tournant dans l’œuvre de Caravage. Il passe désormais des demi-figures aux corps entiers, et signe là sa première peinture véritablement narrative ; le tableau mêle le « Lyrisme charmant » de sa première période pré-romaine et la grandeur de l'époque à venir : le peintre témoigne ici de la maîtrise technique et narrative qui est la sienne.

Il ne manque pas non plus d'apporter une vision très personnelle, et finalement peu traditionnelle, de cette scène biblique : la Vierge et l'enfant sont tous deux roux, Joseph est représenté en vieux paysan aux pieds nus, assis sur un sac informe, une fiasque de vin à ses pieds ; et l'ange revêt de grandes ailes noires d'hirondelle qui constituent une réelle innovation iconographique. La vue de dos permet par ailleurs de traiter ces ailes comme un sujet à part entière.

Le jeune Saint Jean Baptiste au Bélier

Le Jeune Saint Jean-Baptiste au bélier (en italien : San Giovanni Battista (Giovane con un montone)) est un tableau de Caravage peint vers 1602 et conservé à la pinacothèque capitoline des musées du Capitole de Rome. Un second exemplaire est présent dans les collections de la galerie Doria-Pamphilj. C'est l'une des sept versions du peintre sur ce thème, dont certaines sont toutefois contestées quant à leur attribution. 

Cette œuvre est typique de l'art novateur du Caravage « entre le sacré et le profane » (tra il devoto, e profano dit un cardinal à son propos) puisque son Jean-Baptiste est dépourvu de ses attributs habituels : croix, banderole, agneau. Il est toutefois représenté en pleine nature et avec un manteau rouge, deux éléments des attributs de la représentation de Jean-Baptiste. Si ceux-ci sont moins immédiatement identifiables à ce saint, ils se retrouvent cependant dans plusieurs de ses autres tableaux consacrés à ce thème. 

Le modèle utilisé pour L'Amour victorieux, réalisé à la même époque, est un garçon nommé Cecco, serviteur de Caravage, et peut-être aussi son élève. Il pourrait s'agir de la même personne qu'un artiste peintre connu à Rome un peu plus tard (vers 1610-1625) sous le nom de Cecco del Caravaggio et qui peint dans un style très proche de celui de Caravage. Une caractéristique frappante de L'Amour réside dans l'évident plaisir du modèle à prendre la pose, ce qui pousse à voir ce tableau comme un portrait personnel de Cecco plutôt que comme une illustration d'un demi-dieu du panthéon romain. De la même façon, dans le saint Jean-Baptiste au bélier de la collection Mattei, le traitement du modèle dépasse celui du sujet. Il n'y a presque rien pour signifier l'identité du prophète du désert : ni croix, ni ceinture de cuir ; seul un morceau de peau de chameau se distingue parmi les amples plis du manteau rouge. Le bélier lui-même est loin de constituer un symbole canonique : l'animal accompagnant Jean-Baptiste est en principe un agneau symbolisant le Christ « agneau de Dieu » venu pour la rémission des péchés du monde. Un bélier, en revanche, peut tout aussi bien évoquer le stupre que le sacrifice, tout comme le jeune homme nu et souriant. Hilaire y voit toutefois une référence au Christ (symbole de la croix de Jésus dans l'iconographie chrétienne) 

Rome Galerie Nationale d'Art Ancien

Judith décapitant Holopherne

Judith et Holopherne ou Judith décapitant Holopherne est un tableau du Caravage peint vers 1598 et conservé à la galerie nationale d'Art ancien de Rome. Elle est restée pendant longtemps au palais Corsini ; ce n'est que depuis les années 1950 qu'elle est divisée entre les palais Corsini et Barberini. 

Bien que la scène de la mort d'Holopherne soit effectivement un épisode biblique, le choix de cette scène et la capture du moment précis de l'assassinat sont très inhabituels ; parmi d'autres œuvres de cette époque (comme le Repos pendant la Fuite en Égypte), ce tableau illustre le refus du Caravage de respecter les conventions ou la tradition picturale de son temps.

On peut y voir le symbole de la Vertu triomphant du mal et un parallèle avec la Contre-Réforme catholique en cours combattant l'hérésie à l'époque où ce tableau est peint.

Il présente un puissant jeu chromatique entre ombre et lumière, grâce à un violent éclairage latéral traversant la scène. Le peintre y exprime toute sa maîtrise de la technique du clair-obscur qui va faire sa réputation.

La scène, qui est issue de l'Ancien Testament (Livre de Judith, 13:8-11), représente la veuve Judith qui, après avoir séduit le général assyrien Holopherne, l'assassine dans son sommeil pour sauver son peuple du tyran pendant le siège de Béthulie. Une servante l'accompagne portant un sac pour emmener la tête quand elle sera coupée, car le Caravage a figé l'instant — Judith n'a pas encore fini de couper cette tête, le sang gicle en trois jets sur l'oreiller et le drap — rendant l'épisode intemporel.

La radiographie montre qu'à l'origine, Judith est représentée les seins nus ; Caravage décide finalement de les recouvrir d'un voile.

Le visage cruel de la vieille servante est sans doute inspiré par les études ou caricatures de Léonard de Vinci conservées à la pinacothèque Ambrosienne à Milan.

Narcisse

attribution refusée par Ebert-Schifferer qui l'attribue à Spadarino 

Narcisse est un tableau généralement attribué au peintre milanais Michelangelo Merisi, dit Caravage, et probablement peint vers 1598-1599, désormais conservé à la galerie nationale d'Art ancien de Rome, au palais Barberini. Il représente de manière très dépouillée le personnage mythologique de Narcisse, non pas traité à l'antique mais dans une tenue contemporaine, qui se mire dans l'eau et tombe amoureux de sa propre image.

La date précise de réalisation du tableau et son éventuel commanditaire sont autant de sujets de débats parmi les spécialistes de l'histoire de l'art. L'attribution elle-même, si elle n'est pas absolument certaine, pose toutefois de moins en moins de questions à mesure que la recherche progresse, puisque de nombreux indices font converger vers une réalisation par Caravage, probablement lors de sa période romaine.

Les analyses du tableau portent principalement sur le traitement du thème, mais aussi sur sa composition particulière : la position du personnage associée à son reflet dans l'eau mène à une organisation picturale circulaire peu commune, centrée autour d'un genou dénudé qui reçoit toute la lumière dans le tableau. Cette composition circulaire rappelle toutefois quelques autres traitements iconographiques propres à l'œuvre de Caravage.

Le portrait de Narcisse est un gros plan qui présente le personnage agenouillé au bord d'une mare qui reflète son image : ce reflet occupe toute la moitié inférieure de la toile. Son visage apparaît exactement de profil, des mèches de cheveux blonds tombent sur son front et dégagent entièrement son oreille gauche, ce qui pourrait d'ailleurs très bien correspondre à la description physique de Narcisse que propose Philostrate dans ses Images. Bien que le mythe de Narcisse soit très ancien, les habits du personnage correspondent plutôt à l'époque du peintre qu'à l'Antiquité — un choix tout à fait typique de Caravage et de ses suiveurs caravagesques. Caravage s'oppose ainsi à ses prédécesseurs en faisant de Narcisse un contemporain, vêtu d'un élégant pourpoint. Le motif floral de son corselet est souligné par la lumière venant du haut, lumière d'ordre surnaturel ou mystique qui éclaire l'ombre de la nuit. Entièrement absorbé dans sa propre contemplation, la bouche entrouverte (Michael Fried évoque plus exactement ce moment où l'absorbement se mue en « immersion »), le jeune homme touche à peine la surface de l'eau qui n'est pas encore troublée par son mouvement, ce qui signifie qu'il n'a pas encore compris l'inéluctable destin qui est le sien. Pour Roberto Longhi, son visage est celui d'un « vagabond mélancolique ». Sur le sol qui borde la mare, une étoffe d'un bleu plus foncé que le pourpoint couvre sans doute le genou gauche du jeune homme, tandis que son genou droit est dénudé et occupe le plein centre de la composition.

Le traitement pictural est particulièrement dépouillé : pas de décor, un fond très sombre et indistinct, pas de personnage secondaire ni d'accessoire. Alors que le thème de Narcisse permet habituellement aux peintres de représenter des décors printaniers de bord d'étang, Caravage choisit de ne placer ni une fleur ni un brin d'herbe près du malheureux jeune homme : en cela, son Narcisse est nettement plus proche de la vision qu'en a Dante que de celle d'Ovide. L'artiste fait donc ici preuve d'une économie figurative tout à fait radicale, mais qui peut se situer dans la lignée de certaines approches déjà connues de lui, notamment celle de l'école vénitienne (à l'instar de Giorgione). Il s'agit là malgré tout d'une conception générale tout à fait nouvelle, dans la mesure où cette suppression de tout détail descriptif marque une orientation vers l'abstraction conceptuelle.

Rome Eglise Saint Louis des Français

Le Martyre de Saint Matthieu

Le Martyre de saint Matthieu est un tableau de Caravage peint entre 1599 et 1600 pour la chapelle Contarelli de l'église Saint-Louis-des-Français de Rome où il est conservé depuis. 

Le personnage principal n'est pas l'apôtre martyrisé, Matthieu, mais son bourreau, jeune homme à moitié nu « vision de splendeur physique meurtrière et brutale ». Matthieu est à terre, barbu, vêtu en prêtre, avec sa chasuble. La victime s'écroule, son bourreau l'immobilisant en lui tenant le poignet pour lui donner le coup mortel. L'apôtre, tentant de parer le geste, lève le bras et reçoit la palme du martyre tendue vers sa paume par un ange soutenu par un nuage.

On note l'aspect pathétique caractéristique de l'auteur, visible dans la position du saint, bras tendu vers le ciel, et dans la stupeur terrible des personnages qui l'entourent. 

Caravage se peint lui-même dans le cercle ("le fuyard" à demi-caché au centre), empreint d'une expression d'amertume.

Le clair-obscur caractéristique de Caravage s'affirme dans le contraste des personnages principaux avec les secondaires et le fond (plus obscurs). Le contraste s'exprime également par l'alliance artistique de la beauté et la mort, qui est aussi une marque de fabrique du Caravage.

Saint Matthieu et l'Ange

Saint Matthieu et l'Ange est un tableau de Caravage peint vers 1602 pour la chapelle Contarelli de l'église Saint-Louis-des-Français de Rome où il est conservé depuis. Ce tableau fait partie d'une commande de trois pièces distinctes devant décorer la chapelle, toutes liées à la figure de saint Matthieu l'évangéliste : le Saint Matthieu et l'Ange le montre précisément en train de rédiger son évangile sous la dictée d'un ange. La première proposition de Caravage pour répondre à la commande étant rejetée, c'est une seconde version d'un style et d'une composition tout à fait différents qui est finalement installée dans la chapelle. 

Contrairement à la première version refusée, l'ange n'est plus en contact physique direct avec Matthieu et ne lui guide plus la main, mais se situe dans une dimension supérieure, symboliquement plus distante ; même s'il inspire directement le saint, celui-ci n'est plus réduit à un simple rôle de scribe mais accède à une certaine dignité intellectuelle.

Toutefois, la pose de Matthieu est décalée, presque en déséquilibre sur ce banc sur lequel il semble ne pas avoir eu le temps de s'asseoir. Le critique Alfred Moir l'interprète comme un signe d'obéissance à « l'inspiration du moment, une inspiration divine dont l'ange est la source ». En revanche, la composition générale avec cet ange volant au-dessus du saint est classique pour le xvie siècle ; Caravage a pu ainsi être inspiré par différents artistes comme le Vénitien Francesco Bassano dont l'Inspiration de saint Jean l'Évangéliste présente certains points communs avec Saint Matthieu et l'Ange.

Giovanni Pietro Bellori, critique d'art et biographe quasi contemporain de Caravage, insiste sur l'épisode de la double version du tableau et indique que le rejet du premier tableau « jeta un grand trouble dans son esprit et le fit presque désespérer de sa renommée ; Caravage se désespérait d'un tel affront » ; il souligne ensuite que « Caravage ne ménagea point ses efforts pour le succès du deuxième tableau » et qu'il chercha à donner « plus de naturel à la figure du saint qui écrit l'Évangile » en mettant en scène l'instant où l'inspiration fait écrire Matthieu. Cette interprétation des choses, si elle n'est pas impossible, est toutefois contestée par Peter Robb qui voit d'immenses différences entre le premier projet éminemment subversif, et le suivant beaucoup plus consensuel et finalement beaucoup moins représentatif de l'art de Caravage : Robb perçoit dans ce traitement une forme de subversion inversée.

Le fait que le retable vienne remplacer un groupe sculpté qui n'a finalement pas été accepté (Cobaert n'ayant pas pu répondre entièrement à la commande) peut avoir son importance quant au choix de la composition et du style du tableau : l'épaisseur dans le modelé, la recherche de profondeur et de tri-dimensionnalité peuvent chercher à compenser l'absence d'une sculpture au-dessus de l'autel.

Rome Pinacothèque du Vatican

La Mise au Tombeau

La Mise au tombeau est un tableau de Caravage peint entre 1602 et 1604 et conservé aux Musées du Vatican à Rome. C'est l'un des tableaux les plus fameux du peintre lombard, qu'il exécute au cours de son séjour romain et qui lui vaut une critique unanimement positive dès sa création : de nombreux artistes importants en effectuent d'ailleurs des copies au fil des siècles, de Rubens jusqu'à Paul Cézanne.

La date précise de réalisation du tableau n'est pas établie, mais les historiens de l'art s'accordent de façon quasi-unanime sur une fenêtre allant de 1602 à 1604, date à laquelle le tableau est effectivement en place. La création de la Mise au tombeau s'inscrit dans une période particulièrement productive durant laquelle l'artiste répond à toute une série de prestigieuses commandes de tableaux à thème religieux destinés à des églises romaines — et construit ainsi sa réputation de grand peintre, malgré son mode de vie agité qui lui vaut déjà certains démêlés avec la justice.

Il s'agit en effet d'un retable, c'est-à-dire d'un tableau destiné à orner l'autel d'une chapelle privée acquise par la famille Vittrice et sise dans la Chiesa Nuova, l'église des oratoriens à Rome. Le tableau y est accroché pendant deux siècles, jusqu'à son enlèvement en 1797 par les fonctionnaires chargés par Bonaparte de s'emparer de nombreuses œuvres d'art italiennes au titre de prises de guerre. Il revient toutefois à Rome en 1815, pour être désormais installé au Vatican.

La Mise au tombeau représente à la fois une Déposition du corps du Christ, porté par deux de ses disciples (l'apôtre Jean et Nicodème), et une Déploration où trois femmes (Marie mère du Christ, Marie de Cléophas et Marie-Madeleine) expriment le deuil de différentes façons. Le groupe de personnages se tient sur une dalle funéraire qui semble entrer dans l'espace du spectateur : c'est une œuvre dont la composition est typique de l'art de Caravage. Son aspect monumental (il mesure 3 m de haut pour 2 m de large) et sculptural renvoie à d'autres œuvres avec lesquelles la comparaison, voire la compétition semble s'imposer : la critique évoque notamment la Pietà de Michel-Ange, l'artiste auquel Caravage se mesure inlassablement. Les choix iconographiques renvoient largement à la doctrine de la Réforme catholique, portée notamment par les principes de saint Philippe Néri ; et la composition est particulièrement pensée pour inscrire la scène dans la liturgie de l'Eucharistie.

Rome Pinacothèque Capitoline

La Diseuse de Bonaventure

La Diseuse de bonne aventure, appelée aussi La Bonne aventure, est une peinture à l'huile sur toile réalisée par le peintre italien Le Caravage. L'artiste lombard réalise deux versions de l’œuvre, assez proches en matière de composition, de style et de technique. L'une est conservée à Paris au musée du Louvre et l'autre, dans les collections de la pinacothèque capitoline de Rome. Bien qu'il soit admis que ces deux tableaux ont été peints au début de la carrière de Caravage, peu après son arrivée à Rome, leurs dates précises d'exécution ne font pas l'unanimité parmi les experts, mais oscillent fréquemment entre 1594 et 1595. Les deux versions montrent une gitane chiromancienne qui, sous couvert de lire l’avenir à un jeune élégant, lui dérobe sa bague. L’œuvre moralisatrice condamne la Tromperie, mais aussi la Naïveté. 

La seconde version de la toile, un peu plus grande, propose le même sujet. Les deux protagonistes ont une pose plus dynamique. L'observateur est situé un peu plus bas. Le jeu des mains est moins délicat, et la gitane n'a pas l'auriculaire dressé. Plutôt qu'une épée, le jeune homme arbore une rapière à la taille. 

Le sujet est profane, c'est une scène de genre, de la vie quotidienne, mettant en scène deux personnages coupés à mi-corps. Une bohémienne chiromancienne, à gauche, lit l’avenir à un jeune élégant, à droite. Ce faisant, elle en profite pour lui dérober discrètement sa bague, à peine visible aujourd'hui.

La gitane porte un turban blanc et un châle bicolore, attaché sur l'épaule droite. Les mains de la voleuse indiquent un mouvement délicat. Le petit doigt de sa main gauche est redressé.

À droite, le jeune homme, la main gauche sur la hanche, donne l'impression d'un fanfaron qui, trop occupé à impressionner la gitane qui l'aguiche, ne réalise pas qu'il se fait voler. Son costume est déjà daté lors de la création de l’œuvre, la mode étant à l'époque pour les pages élégants de s'habiller à l'ancienne. Il porte un chapeau à plume et une épée à la taille. Les vêtements et l'épée, typique en Europe au xvie siècle, sont représentés avec un sens du détail très aigu.

Le format horizontal, courant à Venise mais encore rare à Rome, montre deux personnages coupés à mi-corps dans un espace peu profond et éclairé par un rayon de lumière venant de la gauche dans la version romaine. Comme bien des peintures du Caravage, les sujets sont représentés à taille humaine.

Rome Eglise Santa Maria del Popolo

La Conversion de Saint Paul

La Conversion de saint Paul est une œuvre de Caravage dont l'artiste réalise deux versions successives sur commande du trésorier pontifical Tiberio Cerasi. La première version appartient désormais à la collection privée Odescalchi-Balbi à Rome, tandis que la seconde version est installée depuis l'origine dans la chapelle Cerasi de l'église Santa Maria del Popolo de Rome. Afin de les distinguer, il est souvent fait mention du tableau « Balbi » pour désigner la première œuvre tandis que la seconde est désignée simplement sous le nom de Conversion de saint Paul, ou parfois du tableau « Cerasi ».

L'attribution des deux peintures à Caravage ne fait pas de doute, de même que l'identification du commanditaire et de la commande en l'an 1600 ; en revanche, la date précise de leur réalisation reste sujette à débat et oscille entre 1600 et 1604. Le premier Saint Paul est réalisé à l'huile sur support de bois, mais le second est peint sur toile (le support privilégié du peintre lombard) ; il est possible que la première œuvre ait été refusée par le commanditaire puis remplacée par une seconde version sur toile du même Caravage, l’œuvre initiale étant alors rachetée par le cardinal Giacomo Sannesio ; cette interprétation est toutefois également interrogée par des historiens de l'art.

La commande que Tiberio Cerasi passe à Caravage comprend, outre La Conversion de saint Paul, un second tableau représentant Le Crucifiement de saint Pierre. Ces deux œuvres encadrent de part et d'autre un tableau d'autel qui est dû à Annibale Carrache, et leur conception est largement influencée par ce voisinage ainsi que par la configuration de la chapelle où elles sont installées.

La critique et les historiens de l'art soulignent unanimement l'étonnante disparité qui existe entre ces deux traitements du même thème, à très peu de temps d'écart, en termes de style et de composition. D'un tableau à l'autre, Caravage passe en effet d'une première approche encombrée et encore très influencée par ses grands prédécesseurs à un art plus personnel et aux accents nettement plus intimistes. La seconde Conversion de saint Paul fait partie des œuvres les plus importantes de la période romaine de Caravage, et constitue l'un de ses plus célèbres tableaux d'église ; cette commande, qui intervient juste après celle de la chapelle Contarelli à l'église saint-Louis-des-Français, contribue à asseoir sa brillante carrière dans le milieu de l'art à Rome.

La Crucifixion de Saint Pierre

Le Crucifiement de saint Pierre (en italien Crocifissione di san Pietro) est un tableau de Caravage dont l'artiste réalise deux versions successives sur commande du trésorier pontifical Tiberio Cerasi. C'est la seconde version qui est actuellement visible et conservée à l'église Santa Maria del Popolo de Rome, la première ayant disparu. Le tableau est peint le plus probablement vers 1600-1601. 

La disposition des personnages forme une sorte d'hélice, entraînant une impression de mouvement ascendant autour de la croix, en train d'être dressée. Le moment même du martyre est donc dépeint en plein action. Pierre porte son regard vers l'autel de la chapelle, extérieur au tableau, indiquant au commanditaire propriétaire de la chapelle familiale, l'unique voie du salut, dans le courant de la Contre-Réforme initiée par le Concile de Trente en réponse aux protestants et aux critiques contre l'art exagéré du maniérisme. Dans son propos habituel, Caravage utilise des figures populaires pour incarner les tortionnaires de Pierre : les figures et les poses utilisées sont probablement celles d'ouvriers de la carrière de calcaire de San Pietro in Montorio comme le souligne Roberto Longhi dans son analyse du tableau. 

Rome Basilique Saint Augustin

La Madone de Lorette

La Madone des pèlerins, nommée également pour son sujet La Madone de Lorette ou La Vierge de Lorette, est un tableau de Caravage peint entre 1604 et 1605 et conservé à la basilique Saint-Augustin à Rome 

Au contraire des autres peintures sacrées du Caravage, celle-ci ne s'inspire pas d'un texte biblique ou d'une œuvre préexistante mais s'inspire de la légende du transport de la sainte Maison à Lorette alors premier sanctuaire marial d’Occident et deuxième lieu saint d’Italie après Rome où l’on y célébrait la figure populaire de la Madonna di Loreto (Notre Dame de Lorette).

Par l’apparition de la brique sous l’enduit du mur, Caravage rappelle ainsi la relique de la sainte Maison de Lorette, maison originelle rapportée de Terre Sainte à la fin du xiiie siècle telle que relatée par Pietro Giorgio Tolomei.

Cette maison, à la fois relique et lieu saint de l’Annonciation, fit l'objet d'un pèlerinage entre les xvie et xviie siècles.

D’autres peintres dont Annibale Carracci, Guido Reni, le Dominiquin , Carlo Bononi, Le Pérugin, Raphaël, Marco Palmezzano, Vincenzo Pagani, Saturnino Gatti mais aussi Jean-François Millet, Giambattista Tiepolo ou Pierre-Claude-François Delorme pour l’église de Notre Dame de Lorette dans le 9°arrondissement de Paris ont réalisé une oeuvre sur le sujet.

Dans celle du Caravage, la composition est d’un grand réalisme, de beaucoup d’originalité au regard de la tradition iconographique de l'époque, et d’une profonde humanité.

Sous les traits fort probables de Maddalena Antognetti, la Vierge, placée en haut à gauche dans l'embrasure d'une porte, tient dans ses bras un Enfant-Jésus nu et lourd à travers un lange.

Deux pèlerins issus du peuple (pieds nus et sales, mains rugueuses, visages burinés) sont agenouillés les mains jointes, leurs bâtons au côté. Ils sont placés en contrebas à droite, sous la marche qui supporte la Vierge qu'on reconnaît à son auréole en attendant sa bénédiction.

Florence Musée des Offices 

Le Sacrifice d'Isaac

Le Sacrifice d'Isaac est un tableau de Caravage conservé à la galerie des Offices de Florence. Il représente un épisode biblique tiré de la Genèse, au cours duquel le patriarche Abraham s'apprête à sacrifier son propre fils Isaac afin d'obéir à l'injonction de Dieu ; mais un ange arrête son geste juste à temps. La scène est représentée à l'extérieur ; il s'agit de l'un des rares paysages peints par Caravage, et c'est d'ailleurs le dernier qu'il représente alors qu'il s'apprête à orienter son style vers des traitements plus sombres et intimistes. Bien que le thème soit déjà bien connu, certains aspects de son traitement pictural offrent une perspective inédite : en particulier, les attitudes du patriarche et de son fils sont tout à fait inhabituelles par rapport à l'iconographie religieuse de l'époque.

Le tableau est une commande du cardinal Maffeo Barberini, qui devient plus tard pape sous le nom d'Urbain VIII. Il s'agit d'une des nombreuses commandes de tableaux religieux que passent à cette époque de prestigieux commanditaires, avides d'obtenir une œuvre du peintre lombard dont la célébrité est devenue considérable à Rome au tournant des xvie et xviie siècles. Toutefois, Le Sacrifice présente de nombreux éléments stylistiques et thématiques qui le distinguent nettement des autres tableaux de chevalet que Caravage produit alors : ces particularités en compliquent la datation précise, qui s'étend selon les auteurs de 1597 à 1603, cette dernière date étant la plus couramment retenue. Après avoir été transmis au fil des siècles au gré des collections de la famille Barberini et de sa branche « Sciarra » en particulier, le tableau est finalement confié en 1917 aux Offices de Florence, où il est conservé depuis.

Une autre version de ce même thème apparaît dans un autre tableau qui appartient à une collection particulière à Princeton (États-Unis) ; toutefois, son attribution à Caravage est loin de faire l'unanimité parmi les historiens de l'art.

Médusa

Méduse (ou Medusa dans sa version italienne d'origine) est le titre donné à deux peintures à l'huile sur toile de lin du peintre lombard Caravage, l'une exécutée vers 1597, puis en 1597 ou 1598 pour la seconde version. Ces œuvres sont montées sur des boucliers de parade en bois de peuplier.

La seconde version qui est la plus connue et la seule exposée publiquement est conservée au musée des Offices à Florence, en Italie ; commandée par le cardinal Del Monte, elle était destinée au grand-duc de Toscane Ferdinand Ier de Médicis. L'authenticité et l'antériorité de l'autre version, dite « Méduse Murtola », dont le destinataire initial est inconnu et qui est désormais dans une collection privée, ne sont établies qu'au début du xxie siècle grâce au progrès des analyses scientifiques et notamment des techniques d'imagerie.

Cette œuvre très célèbre est remarquable à la fois par le traitement du sujet et la force d'expression dont elle témoigne, mais aussi par la technicité qu'exige la réalisation d'un portrait sur la surface convexe d'un bouclier — ainsi que sa copie à l'identique sur un second bouclier de plus grandes dimensions. À travers le thème mythologique classique de Méduse décapitée par Persée, et sans doute sous l'influence du cardinal Del Monte, son mécène et protecteur, Caravage explore des sujets qui sont révélateurs de l'esprit et de la culture du xvie siècle.

On retrouve cette oeuvre sur un Bloc Feuillet postal de San Tome & Principe au centre mais sans valeur fasciale.

Bacchus

Bacchus est un tableau du Caravage conservé au musée des Offices de Florence. Il a été peint à la fin du xvie siècle, mais les experts sont partagés sur sa date précise ; il n'est pas non plus possible d'identifier un commanditaire certain, même s'il est établi que le tableau se retrouve rapidement dans la collection de la famille Médicis, où il est répertorié à partir de 1618. Une hypothèse courante consiste à penser que le premier commanditaire serait le cardinal del Monte, protecteur et mécène de Caravage, qui l'offrirait ensuite au grand-duc de Toscane Ferdinand Ier de Médicis. Dès lors, le tableau reste dans la collection Médicis jusqu'à son passage dans le fonds du musée des Offices. Longtemps oublié et presque abandonné dans les réserves du musée, il est retrouvé au début du xxe siècle puis identifié comme étant de la main de Caravage, essentiellement grâce à l'expertise de deux historiens de l'art italiens : Matteo Marangoni et Roberto Longhi. Cette toile est désormais devenue l'une des plus célèbres du peintre lombard ; elle appartient à une série d’œuvres qui traitent de sujets assez similaires et qui emploient le même type de modèle.

La toile semble représenter le dieu romain Bacchus en position semi-allongée, un verre de vin à la main tendu vers le spectateur comme une offrande, un plateau de fruits devant lui et la tête couronnée de feuilles de vigne. Plusieurs détails montrent qu'en réalité, le peintre ne représente pas directement le dieu mais un jeune homme déguisé en Bacchus. Il existe de nombreux débats d'experts pour déterminer la part du portrait ou de l'autoportrait dans cette œuvre, mais un relatif consensus s'établit désormais pour identifier le modèle comme étant Mario Minniti, un ami proche de Caravage, ce qui exclurait donc l'hypothèse du véritable autoportrait.

Il s'agit de l'une des deux représentations connues de Bacchus par Caravage, l'autre étant Le Petit Bacchus malade ; l'une comme l'autre datent de sa période romaine, lorsqu'il est encore très jeune et qu'il travaille auprès du cardinal del Monte. Le Bacchus des Offices est donc une œuvre assez précoce dans la carrière du peintre, mais elle présente déjà des caractéristiques techniques remarquables et montre que le jeune artiste a beaucoup avancé dans sa maîtrise de la composition comme de la couleur, dans le droit fil de ses prédécesseurs lombards. Deux motifs importants pour Caravage y apparaissent : celui de la nature morte, dont il est l'un des précurseurs, et celui de l'autoportrait. Le tableau oscille entre la scène naturaliste et l'allégorie, qui souligne le passage du temps et l'évanescence des plaisirs sensuels.

Florence Bibliothèque Marucelliana

Portrait de Caravage par Ottavio Leoni

Ottavio Leoni ou Leoni de Marsari dit il Padovanino (suivant son père qui était surnommé Il Padovino) (Rome, 1578 - Rome, 1630) est un peintre italien du baroque et un graveur connu pour ses portraits. 

Milan Pinacothèque Ambrosienne

Corbeille de Fruits

Corbeille de fruits est un tableau de Caravage conservé à la pinacothèque Ambrosienne de Milan. 

Sur un fond uniforme jaune paille, une corbeille tressée ronde chargée de fruits et de feuilles se détache nettement au centre du tableau, dont elle occupe surtout la partie inférieure ; elle est posée sur un rebord de table, presque en déséquilibre. Fruits et feuillages sont entremêlés, débordant de la corbeille ; un branchage de vigne s'étend vers la droite, jusqu'à sortir du cadre du tableau. Les fruits représentés (pomme, poire, figues, raisins, pêche) sont mûrs, voire trop mûrs pour certains. De même, certaines feuilles sont fraîches, mais d'autres paraissent déjà fanées. Beaucoup de marques d'imperfection (traces d'insectes ou de maladies végétales diverses) sont rendues avec une grande précision et sans chercher du tout à enjoliver la réalité. 

Il s'agit là de la seule nature morte incontestablement attribuée à Caravage. C'est un tableau qui touche beaucoup son propriétaire le cardinal Borromeo, de même que del Monte qui en aurait eu « les larmes aux yeux » ; mais elle marque aussi les artistes contemporains de Caravage, qui ne manqueront pas d'en réaliser de nombreuses copies. Cette façon de représenter une nature morte à hauteur du regard, en trompe-l’œil, est en effet peu courante bien que ce type de nature morte autonome sans lien avec des figures soit déjà une pratique courante en Lombardie.

Le trou de ver dans la pomme, les fruits trop mûrs et les feuilles déchirées montrent que le traitement de cette nature morte la fait tendre vers une vanité, renforcée par le « contraste génial » du fond jaune paille, ce fond doré qui constitue pour Francesca Cappelletti un « morceau de bravoure dans la compétition avec la nature engagée par les peintres antiques ». Les feuilles peuvent ainsi résumer le cycle de la vie : du haut en bas et de gauche à droite, on les voit passer de la fraîcheur au dessèchement et à la mort.

Même si d'autres tableaux, dans les débuts de la carrière de Caravage, présentent des ensembles de fruits (Garçon pelant un fruit, Garçon avec un panier de fruits…), le lien le plus évident dans son œuvre est à établir avec le Souper à Emmaüs de Londres, où une corbeille très semblable est posée également en déséquilibre au bord de la table. Cet élément est l'un de ceux qui font pencher pour une datation plus tardive du tableau.

Alfred Moir fait remarquer que la toile au départ était plus allongée : l'analyse aux rayons X révèle qu'une frise de putti et de rinceaux y figurait auparavant, mais que Caravage en a coupé l'extrémité pour renverser la toile, l'apprêter et y peindre la corbeille de fruits avant d'ajouter le fond.

Milan Académie des Beaux Arts de La Brera

Le Souper d'Emmaüs

Le Souper à Emmaüs est un tableau de Caravage peint en 1606 et conservé à la pinacothèque de Brera de Milan depuis 1939. Il représente l'instant où le Christ ressuscité, attablé avec les pèlerins d'Emmaüs, leur révèle son identité : c'est donc une scène biblique, conforme aux Évangiles et en particulier à celui selon saint Luc. C'est la seconde version de ce thème que réalise le peintre lombard après celle datant de 1601 conservée à la National Gallery de Londres : pour bon nombre de critiques et historiens de l'art, la comparaison entre les deux œuvres — pourtant produites à seulement cinq années d'écart — est riche d'enseignements car elle illustre parfaitement l'évolution radicale de son style. 

La réalisation du tableau coïncide avec la période où Caravage doit fuir la ville de Rome, où sa vie est menacée puisqu'il vient d'y tuer un homme lors d'une rixe de rue. La toile est acquise par le marquis Costanzo Patrizi, sans doute par l'intermédiaire du banquier Ottavio Costa. C'est une œuvre sombre et méditative, typique de la toute fin de la période romaine de Caravage et qui annonce la manière tardive du peintre lombard : sa palette s'assombrit, la profondeur spatiale de sa composition se réduit, les éléments de nature morte disparaissent presque ; le contraste stylistique avec sa première version de la scène, réalisée seulement cinq ans plus tôt, est saisissant. 

La scène suit la tradition vénitienne de la composition centrale héritée de Titien et de Véronèse. Le Christ assis à table, vu de face, est entouré de deux de ses disciples ; l'aubergiste et sa femme — ou une vieille servante — se tiennent debout derrière à droite, tous le regardent. Il présente un aspect sombre, mûr et méditatif. Les deux disciples témoignent physiquement de leur stupéfaction : celui de gauche lève les bras dans un geste emphatique tandis que celui de droite s'agrippe au rebord de la table et se penche en avant. Néanmoins, leurs attitudes conservent une certaine retenue et n'ont plus l'ampleur démonstrative du tableau de Londres. Rien ne dit que les aubergistes, pour leur part, saisissent réellement ce qui se passe. La figure de la vieille femme est un ajout par rapport à la toile de 1601. 

Les textes évangéliques ne mentionnent que le nom de l'un des deux disciples : Cléophas. Toutefois, la tradition chrétienne attribue couramment au second pèlerin l'identité de Luc l'évangéliste lui-même, qui par un effet de modestie aurait évité de se nommer dans cette scène. Cette tradition, issue de la Légende dorée de Jacques de Voragine, est rappelée par l'historien de l'art italien Rodolfo Papa qui souligne également que le nom de Luc peut désigner étymologiquement « celui qui se lève », comme la lumière se lève sur le monde : cette interprétation pourrait permettre d'identifier son personnage dans le tableau de 1601, comme étant le disciple de gauche qui s'apprête à se dresser hors de son siège; et dans le tableau de Milan c'est au contraire le disciple de droite qui serait Luc, déjà à-demi levé en s'appuyant sur la table. Sa main rude et tannée contraste avec celle du Christ, beaucoup plus délicate. 

Gênes Palazzo Bianco

Ecce Homo

Ecce homo est un tableau fréquemment attribué à Caravage, qui est conservé au Palazzo Bianco de Gênes.

Probablement peint vers 1605 sur une commande de Massimo Massimi, un gentilhomme romain, ce tableau représente un épisode évangélique de la Passion du Christ lors duquel Ponce Pilate présente à la foule Jésus qui a été emprisonné et maltraité, en disant « Voici l'homme » (« Ecce homo » en latin).

La scène illustre un épisode tiré des Évangiles (et en particulier de celui de Jean), qui fait partie de la Passion du Christ. Celui-ci est emprisonné, battu et humilié par les soldats de l'armée romaine ; puis il est présenté à la foule par le préfet Ponce Pilate qui le désigne par ces termes : « Ecce homo » (dans la Vulgate, c'est-à-dire la traduction latine de la Bible), ce qui signifie en latin « Voici l'homme ». Pilate, bien que cédant aux demandes des dignitaires juifs, affirme ne pas comprendre ce qui est reproché à Jésus.

« 1. Alors Pilate prit Jésus, et le fit battre de verges.

2. Les soldats tressèrent une couronne d’épines qu’ils posèrent sur sa tête, et ils le revêtirent d’un manteau de pourpre ; puis, s’approchant de lui,

3. ils disaient : Salut, roi des Juifs ! Et ils lui donnaient des soufflets.

4. Pilate sortit de nouveau, et dit aux Juifs : Voici, je vous l’amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun crime.

5. Jésus sortit donc, portant la couronne d’épines et le manteau de pourpre. Et Pilate leur dit : Voici l’homme. »


 Évangile de Jean, chapitre 19, versets 1-5

Naples Musée Capodimonte

La Flagellation

La Flagellation du Christ est un tableau de Caravage peint probablement en 1607 et conservé au Musée Capodimonte de Naples en Italie. Le même sujet est représenté dans le tableau Le Christ à la colonne (1607) conservé au Musée des beaux-arts de Rouen. 

Cette œuvre est très proche, par sa composition, de plusieurs œuvres préalables de même iconographie, celles de Sebastiano del Piombo, de Federico Zuccaro ou de Andrea Vaccaro.

Le Christ éclairé est placé au centre, sa lumière se propage sur ses trois bourreaux et très faiblement sur la colonne que l'on distingue à peine derrière, en haut, et en bas, sur son embase. À son habitude, Le Caravage remplace les figures classiques par des visages plus bestiaux, révélant des chairs foncées, le tout dans un huis clos appuyé par son ténébrisme. La figure du personnage de gauche est semblable à celle du bourreau de sa Salomé exécutée la même année (il pourrait s'agir du peintre lui-même).

Des radiographies de l'œuvre ont révélé plusieurs repentirs dont l'intention première de Caravage d'insérer en bas à gauche la figure du commanditaire, une esquisse restée sans suite.

Le martyre du Christ n'est accompagné que de ses bourreaux sans aucun spectateur (ce qui pourrait expliquer le repentir pictural de la présence du commanditaire initialement esquissée) a contrario de l'iconographie du sujet qui place Pilate, Judas ou la Vierge au moment de ce supplice. Cette scène de torture (flagellation) ne laisse bizarrement aucune trace sur le corps du Christ (lacérations des chairs que beaucoup de fidèles auront juré avoir vues ensuite). 

Naples Pio Monte della Misericorda

Les sept oeuvres deMiséricorde

Les Sept Œuvres de miséricorde (en italien Sette opere di Misericordia) est un tableau de Caravage peint en 1607 et conservé au Pio Monte della Misericordia de Naples. 

Cette toile représente les sept œuvres de miséricorde dites « corporelles » qui, dans le dogme chrétien catholique, consistent à :

Caravage continue de peindre des tableaux qui lui rapportent de belles sommes d'argent, dont le retable Les Sept Œuvres de miséricorde pour l'église de la congrégation du Pio Monte della Misericordia à Naples. Pour paiement de son œuvre, l'artiste perçoit une somme considérable, la plus élevée qu'il reçoit de toute sa carrière : 400 ducats. Il peint également à cette époque, pour le riche Tommaso de Franchis, La Flagellation du Christ, qui connaît un grand succès.

Bellori, l'un des tout premiers biographes de Caravage, intègre ce tableau à la liste des cinquante-neuf œuvres qu'il dénombre. Il en propose d'ailleurs un bref descriptif qui s'attarde sur deux éléments : le vieillard emprisonné qui tète le lait au sein d'une femme, et le cadavre qui est porté en terre. Il note au passage le travail effectué sur la lumière, avec les rayons issus de la torche qui « illuminent la couleur et animent la composition ».

Palerme Oratoire San Lorenzo (volé en 1969)

Nativité avec Saint François & Saint Laurent

La Nativité avec saint François et saint Laurent est un tableau de Caravage vraisemblablement peint en 1609 et conservé jusqu'en 1969 à l'oratoire San Lorenzo de Palerme en Sicile, date à laquelle il est volé et reste depuis introuvable. La Mafia sicilienne est fortement soupçonnée d'avoir commandité le vol. 

Caravage compose un tableau à sept personnages, avec au centre la Vierge Marie qui contemple son enfant nouveau-né, allongé devant elle sur de la paille recouverte d'un linge blanc. Au-dessus d'eux, un ange volant porte une bannière qui annonce en latin « Gloria in Eccelsis Deo », ce qui signifie « Gloire à Dieu au plus haut des cieux » selon la traduction liturgique actuelle ; l'ange établit avec ses mains un lien direct entre le Dieu des cieux et le Christ terrestre, lien qui s'établit grâce à Marie selon le canon théologique chrétien.

Un jeune homme blond est assis au premier plan, la tête tournée vers la droite comme s'il conversait avec un vieil homme à l'air un peu interloqué, qui semble être identifiable à Joseph. Les deux autres personnages qui encadrent la Vierge et son enfant sont saint François à droite, en robe de bure, et saint Laurent à gauche en tenue de diacre avec en arrière plan un bœuf.

Messine Musée Régional

La résurrection de Lazare

La Résurrection de Lazare est un tableau de Caravage peint en 1609 et conservé au Musée régional de Messine en Sicile. C'est une commande provenant d'un marchand génois, à destination de l'autel d'une chapelle dans une église de la ville de Messine. Caravage y représente l'un des miracles attribués à Jésus-Christ : celui de redonner la vie à Lazare de Béthanie. 

Le tableau dépeint une scène tirée du Nouveau Testament où Jésus accomplit l'un de ses miracles : il se rend au sépulcre où repose depuis quatre jours le corps de Lazare de Béthanie, le frère de Marthe et Marie de Béthanie, et il le ramène à la vie. Cet épisode est raconté dans un seul des quatre évangiles, celui de Jean.

Pas moins de treize personnages se massent sur une étroite corniche ; six d'entre eux se pressent derrière le Christ à gauche comme s'ils venaient de pénétrer dans la grotte, tandis que les autres, groupés autour du corps de Lazare, s'alignent en frise au travers du tableau.

Le tableau est peint sur un ensemble de six morceaux de toile cousus ensemble, cinq verticaux et un horizontal, afin d'atteindre la taille désirée pour correspondre à la commande.

Madrid Musée du Prado

David et Goliath

David et Goliath est un tableau de Caravage peint au début du xviie siècle, sans doute entre 1599 et 1605, et conservé au musée du Prado de Madrid. Il représente un épisode biblique tiré du Premier Livre de Samuel, au moment où le jeune David se saisit de la tête tranchée du géant Goliath, qu'il vient de tuer d'un coup de fronde. 

Le tableau représente le David biblique comme un jeune garçon (conformément à l'histoire de la Bible) attachant la tête du champion des Philistins, le géant Goliath, par les cheveux : celui-ci vient juste d'être tué par David d'un coup de fronde puis décapité, comme le raconte le texte tiré du Premier Livre de Samuel. 

Le moment précis sur lequel s'arrête le peintre montre David nouant les tresses du géant afin d'exhiber ensuite sa tête : cette anecdote ne provient pas du texte biblique et n'a pas de précédent iconographique connu, ce qui tend à renforcer l'image de Caravage comme peintre original et indépendant.

La lumière illumine les jambes, les bras et le flanc de David qui est entièrement vêtu de blanc, ainsi que les épaules massives et la tête de Goliath, alors que le reste de la scène est beaucoup plus sombre. Même le visage de David est dissimulé dans l'ombre. Une blessure sur le front de Goliath montre où il a été touché et abattu par la fronde de David. L'impression dominante est une scène éminemment personnelle et privée, et non une impression de triomphe ou de victoire.

À l'origine Caravage avait peint le visage de Goliath saisi dans la terreur, la bouche ouverte, les yeux hagards, la langue pendante, yeux roulant dans leurs orbites. Dans le tableau final, l'aspect mélodramatique est banni. Le drame est transféré de Goliath, la force de la nature, à David dont le visage est presque caché, l'attention du spectateur étant mise sur l'action de ses mains dans les cheveux de son ennemi, à genoux sur le torse de l'homme.

Montserrat  Abbaye Santa Maria

Saint Jérome de Stridon en méditation

Saint Jérôme en méditation est un tableau de Caravage peint vers 1605 et conservé à l'abbaye de Montserrat de Barcelone. Il s'agit de l'un des trois tableaux que l'artiste lombard consacre à ce même personnage de la tradition chrétienne. Son attribution à Caravage, bien que majoritaire, n'emporte toutefois pas l'adhésion de l'ensemble des spécialistes de la période.

Jérôme de Stridon est ici représenté comme un homme très âgé accoudé à une table, en posture de profonde méditation face à un crâne humain.

Le personnage représenté est une figure particulièrement importante pour la communauté chrétienne : Jérôme de Stridon, qui vécut aux iiie et ive siècles, est en effet considéré comme l'un des Pères de l'Église et honoré du titre de docteur de l'Église — en particulier grâce à son travail de traduction de la Bible en latin, travail qui fait référence dès le concile de Trente et jusqu'au xxe siècle. Toutefois, contrairement aux deux autres tableaux que Caravage réalise à son sujet, saint Jérôme n'est pas ici représenté à sa table de travail : il est assis en posture de profonde méditation, le menton posé la main, le corps largement dénudé laissant voir les effets délétères de son grand âge. Il n'est donc plus fait mention des accessoires qui peuvent identifier Jérôme comme l'un des docteurs de l'Église puisque n'apparaissent ni les livres ouverts ni l'encrier : seule reste la pose de la méditation et le symbole de ce crâne luisant, pendant direct de celui du vieux saint. 

Berlin Gemaldegalerie

Amour victorieux

L’Amour victorieux ou Amour vainqueur est une toile peinte vers 1601 ou 1602 par l'artiste lombard Michelangelo Merisi, dit « Caravage », alors qu'il vit et travaille à Rome. Il s'agit d'une représentation mythologique de l'Amour, personnalisé par un Cupidon ailé qui prend les traits d'un adolescent souriant et entièrement nu. Le dieu tient des flèches à la main et il foule aux pieds différents symboles artistiques et scientifiques (instruments de musique abîmés, instruments de mesure, livres, cuirasse d'armure, etc.), signifiant ainsi la suprématie de l'Amour sur toutes choses — d'où le titre actuel, tiré du vers ovidien Omnia vincit amor, c'est-à-dire : « L'Amour triomphe de tout. »

Composée au moment où Caravage commence déjà à connaître une grande renommée dans le milieu artistique romain, la toile est une commande du marquis Vincenzo Giustiniani, pour qui cette œuvre représente la pièce maîtresse de sa splendide collection. En hommage au commanditaire, plusieurs éléments présents dans le tableau mettent en lumière son identité et ses vertus, à travers une symbolique complexe dont les clés font encore débat. La toile témoigne également de la forte rivalité entre peintres dans le milieu romain du début du xviie siècle, notamment entre Caravage et Giovanni Baglione, qui, relevant le défi, produit lui aussi un Amour divin pour le cardinal Benedetto Giustiniani, frère du marquis.

Après avoir été conservée plusieurs siècles au sein de la collection Giustiniani, la toile est désormais exposée à la Gemäldegalerie de Berlin depuis son acquisition en 1815 par le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III. Elle donne lieu à de nombreuses interprétations au fil du temps, particulièrement au xxe siècle lorsque certains commentateurs pensent y percevoir des preuves d'une supposée pédérastie ou homosexualité de l'artiste ; toutefois, ces théories sont communément battues en brèche dans les analyses plus récentes.

L'Amour victorieux compte parmi les quelques toiles à thème mythologique que produit Caravage au fil de sa carrière, au même titre que Bacchus, Méduse ou encore Narcisse. Le thème de l'Amour sous la forme d'un Cupidon ailé est repris par lui-même une fois au moins, mais plus tard dans sa carrière : il s'agit d'un Amour endormi conservé à Florence.

Potsdam Palais de Sanssouci

L'Incrédulité de Saint Thomas

L'Incrédulité de saint Thomas est un tableau de Caravage peint vers 1603 et conservé au Palais de Sanssouci de Potsdam. 

Ce tableau est une commande du marquis Vincenzo Giustiniani (avec Saint Matthieu et l'Ange dans sa première version) effectuée pendant la période romaine du peintre, après qu'il a quitté le Palazzo Madama et la protection du cardinal del Monte.

Le tableau est présent dans les collections royales de Prusse. Maintenu à Potsdam, il est resté intact après la Seconde Guerre mondiale.

C'est le tableau le plus copié de Caravage : vingt-deux exemplaires sont connus du xviie siècle.

Selon les textes (Évangile selon Jean) et l'iconographie chrétienne, Thomas, le seul apôtre n'ayant pas assisté au premier retour du Christ ressuscité, doutant que l'homme en face de lui soit Jésus crucifié et meurtri par les Cinq-Plaies, sur l'injonction de celui-ci (« Mets ici ton doigt, et regarde mes mains ; approche aussi ta main, et mets-la dans mon côté »), touche de ses doigts sa plaie béante au côté. 

Sur un fond sombre propre au style de Caravage, trois personnages habillés de rouge à droite sont vus partiellement penchés vers le Christ : au premier plan, saint Thomas, fortement penché le bras gauche appuyé sur la hanche ne laisse voir que son torse, un autre apôtre derrière lui sa tête seule et le haut du bras et de l'épaule, le troisième n'apparaît que par le haut de son visage, le crâne éclairé par la lumière venant de la gauche du tableau à droite. Le Christ, à gauche est vu en buste aux trois quarts dévoilant la plaie à son côté droit, en ouvrant son habit clair. Saint Thomas, l'index dans la plaie même, a sa main tenue fermement par le Christ. Les autres stigmates sont également visibles au centre des mains. 

Le contraste est appuyé picturalement entre un Jésus ressuscité en blanc à gauche vu en buste des trois quarts (suivant les canons de la peinture des Flandres et de Venise et arrivant alors à Rome) et les trois apôtres, à droite, en rouge, émergeant de l'obscurité. Les trois apôtres sont marqués par leur vie : leurs visages barbus sont burinés et portent des rides et l'habit de Thomas laisse voir un haut de manche décousu.

L'écrivain Glenn W. Most a fait une analyse philologique, textuelle et artistique de l'œuvre : ici saint Thomas touche avec le doigt la plaie du côté du Christ. Or l'Évangile de saint Jean XX/27 dit « mets ton doigt dans le trou de ma main, mets ta main dans mon côté » ; et saint Thomas répond de suite « mon seigneur et mon Dieu », et il ne touche donc pas et croit en ayant simplement vu comme les autres disciples une semaine auparavant. C'est l'annonce de la Foi de celles et ceux qui croiront sans toucher.

Londres National Gallery

Garçon mordu par un lézard

Le Garçon mordu par un lézard est un tableau du peintre italien Caravage. Deux versions probablement autographes et très semblables en sont connues : l'une est conservée à Londres et l'autre à Florence. Il s'agit d'une œuvre de jeunesse pour l'artiste lombard : les deux versions sont sans doute peintes autour de 1593-1595, soit peu après son arrivée dans la ville de Rome. 

La seconde version, également sur toile de 66,0 × 49,5 cm, est réalisée à une date postérieure à la précédente, entre 1594 et 1595 voire 1600. Conservée à la National Gallery de Londres, cette dernière œuvre est achetée par le musée par l'intermédiaire de la fondation J. Paul Getty Jr. en 1986. Jusqu'en 1925, cette version était attribuée à Bartolomé Esteban Murillo. 

La signification de l'œuvre peut se rapporter à l'idée que dans le grand plaisir se cache aussi une grande douleur, en particulier concernant les peines d'amour. En effet, les natures mortes sont des allégories constituant parfois autant d'allusions érotiques : les fruits qui se gâtent, les roses qui fanent, ou le verre qui casse en étant une illustration. Par ailleurs, elles symbolisent aussi le caractère éphémère de la jeunesse et plus généralement de la vie. C'est probablement à ce caractère éphémère que l'auteur semble faire allusion par le choix d'un modèle androgyne avec une rose dans ses cheveux (modèle parfois identifié au dieu Bacchus ou considéré comme un autoportrait de l'artiste) et l'épaule droite sensuellement dévêtue, dont le regard, de plus, n'est porté ni vers le lézard ni vers son doigt blessé, mais plutôt vers le spectateur.

La pose affectée, le modèle androgyne, le doigt mordu correspondant au digitus impudicus peuvent constituer des symboles qui ont parfois donné lieu à des interprétations relatives à la supposée homosexualité de Caravage ou du milieu qu'il fréquentait.

Le Souper d'Emmaüs

Le Souper à Emmaüs ou la Cène à Emmaüs est un tableau de Caravage peint vers 1601 et conservé à la National Gallery de Londres. Il s'agit d'une commande de Ciriaco Mattei, qui représente le moment où les pèlerins d'Emmaüs réalisent brutalement qu'ils ont face à eux le Christ ressuscité. 

La scène suit la tradition vénitienne de la composition centrale héritée de Titien et de Véronèse. Le Christ assis à table, vu de face, est entouré de deux de ses disciples, Cléophas vu de trois-quarts dos à gauche et l'autre disciple (peut-être Philippe) à droite ; l'aubergiste est debout derrière à gauche, tous l'écoutent.

Une coupe à fruits semble en équilibre sur le bord de la table.

Le disciple de droite écarte les bras, rappelant le Christ en croix ; l'autre disciple, à gauche, adopte une pose de surprise, prêt à bondir. L'aubergiste, à l'écart, est dubitatif. Une volaille, en nature morte, symbolise la mort.

L'historien de l'art Alfred Moir insiste sur la forte influence de l'art de Moretto da Brescia, dans la virtuosité technique comme dans la qualité de la lumière. Cette lumière vient de la gauche, ce qui est habituel ; mais le jeu des ombres pose des problèmes, en particulier pour l'ombre de l'aubergiste qui devrait se projeter sur le visage du Christ. Une autre incohérence technique apparaît dans la main droite du disciple qui se tient les bras écartés : cette main est démesurément grande.

Cette scène issue du Nouveau Testament (rapidement évoquée par saint Marc, mais beaucoup plus en détail par saint Luc) est traitée à la lettre par Caravage : Jésus, ayant ressuscité après sa crucifixion, est réputé apparaître à deux de ses disciples mais sous d'autres traits que ceux qu'il avait jusqu'alors (en effet, il est ici représenté jeune et imberbe). Après avoir conversé avec eux le long de la route qui les mène à Emmaüs, le soir venu, tous trois s'arrêtent pour se restaurer : c'est alors le moment de la révélation traité par le tableau. 

« Pendant qu’il était à table avec eux, il prit le pain ; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant eux. »


Évangile selon saint Luc : 24, 13 (traduction L.Segond)

Londres Château de Hampton Court

La Vocation de Saint Pierre et Saint André

La Vocation de saint Pierre et saint André (en italien Vocazione dei santi Pietro e Andrea) est un tableau attribué à Caravage, ou exécuté à sa manière entre 1603 et 1606 et conservé dans la Royal Collection au château de Hampton Court, près de Londres. 

Le tableau représente un épisode de l'Évangile selon Matthieu au cours duquel Jésus-Christ (imberbe, à droite) demande à Simon (qui deviendra par la suite Pierre) et son frère André de devenir ses disciples. 

Longtemps considéré comme une copie d'un original perdu du peintre, il est finalement déclaré en 2006 par la Royal Collection comme authentique du Caravage. 

Dublin Galerie Nationale d'Irlande

L'Arrestation du Christ

L'Arrestation du Christ est un tableau de Caravage peint en 1602 et conservé à la Galerie nationale d'Irlande à Dublin. Il représente un épisode du Nouveau Testament au cours duquel Judas vient à la rencontre de Jésus et l'embrasse afin de le désigner aux soldats qui viennent pour l'arrêter. Sept personnages sont représentés à mi-corps, au sein d'une composition très dense qui joue sur les expressions, les mouvements et les jeux d'ombre et de lumière. Parmi ces personnages apparaît un homme porteur d'une lanterne : il s'agit vraisemblablement d'un autoportrait du peintre lombard.

Le tableau, initialement créé sur une commande de Ciriaco Mattei, reste la propriété de la famille Mattei jusqu'au xixe siècle. Peu à peu, sa trace est perdue tandis que son attribution est remise en question : il est alors identifié comme une copie de la main du peintre flamand Gerrit van Honthorst. Le tableau est finalement confié au début des années 1930 à un couvent de jésuites dans la ville de Dublin et ce n'est qu'au début des années 1990 qu'il est retrouvé par hasard par le restaurateur d'art italien Sergio Benedetti, puis réattribué à Caravage.

Il existe de nombreuses copies de ce tableau, dont deux retiennent particulièrement l'intérêt des historiens de l'art : l'une est conservée à Odessa et l'autre appartient à une collection privée romaine. Si la version d'Odessa est généralement rejetée du catalogue des œuvres de Caravage, celle de Rome est vivement discutée depuis 2004, et pourrait même prétendre au statut d’œuvre autographe, au même titre que la toile de Dublin.

Le tableau décrit l'arrestation de Jésus dans le jardin des Oliviers, à l'instant où Judas embrasse Jésus afin de le désigner aux soldats venus l'arrêter. Cette scène est décrite de façon similaire dans les quatre Évangiles.

Des soldats en armure (trois sont visibles, dont l'un est presque entièrement caché derrière l'homme à la lanterne) se saisissent du Christ au moment où Judas approche ses lèvres pour déposer le baiser de la trahison, dans un mouvement vers la gauche encore accentué par la fuite d'un personnage derrière le Christ. Ce personnage, qui sort à demi du cadre du tableau, est visiblement terrorisé et abandonne dans sa fuite le pan d'un manteau ou une cape que retient un soldat : il s'agit vraisemblablement d'un des apôtres, peut-être saint Jean ou encore saint Marc. L'évangile selon Marc évoque en effet « un jeune homme » qui s'enfuit à la suite de l'arrestation en laissant une étoffe aux mains de ses poursuivants. L'identification à saint Jean semble en tout cas assez naturelle au xviie siècle puisque c'est ainsi que Bellori le désigne en 1672, qui note d'ailleurs la finesse d'exécution du tableau en évoquant l'imitation de la rouille sur l'armure au premier plan. La difficulté à discerner les traits du visage des soldats, d'après le critique d'art Michael Fried, renvoie au caractère impersonnel ou même inhumain de leurs actions.

Un septième et dernier personnage éclaire une partie de la scène à droite, tenant en hauteur une lanterne de papier ; il est probable qu'il s'agisse là d'un autoportrait de Caravage, comme Roberto Longhi fut le premier à le remarquer. Mina Gregori estime que ce tableau offre « l'une des représentations les plus tragiques de l'artiste » ; le professeur Eberhard König indique que Caravage « thématise » ainsi le travail du peintre qui réside dans l'observation. Bien que ce ne soit pas la seule occasion que saisit Caravage de se représenter lui-même, c’est en revanche la seule fois où l'artiste et le Christ figurent ensemble dans un même tableau : Michael Fried y voit lui aussi un résultat hautement dramatique, et « conflictuel bien au-delà de l'ordinaire ».

Vienne Kunstmuseum

David avec la tête de Goliath

David avec la tête de Goliath est un tableau généralement attribué au peintre italien Caravage et qui aurait été peint vers 1606-1607 quoique certains chercheurs en avancent la création à 1600-1601. 

Il est conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne en Autriche. Une autre version similaire date de 1606-1607 et est conservée à la galerie Borghèse de Rome. 

Il brosse le moment où David, affichant un visage affecté, présente la tête de son ennemi. 

Le combat de David contre Goliath est un épisode de la Bible issu du premier livre de Samuel dans l'Ancien Testament. Cet épisode relate le combat singulier opposant un jeune berger, David, au géant Goliath, champions respectifs du royaume d'Israël et des Philistins. Après, l'avoir abattu de sa fronde, David tranche la tête de Goliath. Le tableau expose le moment où David présente la tête du géant au roi Saül et son peuple après son combat victorieux 

L'œuvre présente un jeune homme, David, vu à mi-cuisses, dont la poitrine à moitié dévêtue et le visage juvénile et glabre sont vus de face. Le personnage occupe la partie gauche du tableau. Il tient par les cheveux la tête tranchée, gorgée de sang et au front marqué par le projectile qui l'a abattu, d'un homme barbu plus âgé, Goliath. Son regard est tourné vers un point extérieur à l'œuvre situé sur la droite du spectateur, le corps étendu de son ennemi selon l'historien de l'art Sebastian Schütze. Sa main droite tient une épée et en décharge une partie du poids sur sa propre épaule. Dans sa mise en scène, Caravage fait tendre par David la tête pendante de Goliath vers le spectateur de la toile, ce qui conduit son regard à se focaliser sur elle. Cette pose pourrait avoir comme modèle la statuaire antique, telle la statue d'Apollon tenant la tête de Marsyas que Caravage aurait pu observer dans la collection particulière de Vincenzo Giustiniani. 

David avec la tête de Goliath apparaît comme une œuvre ambivalente. Ainsi Gérard-Julien Salvy la présente comme « d'une force menaçante en même temps que d'une douceur ambiguë ».

De fait, elle met en scène un personnage dont le triomphe est éclatant : David expose la tête de son ennemi vaincu, un exploit souligné par le contraste offert entre, d'un côté, son aspect presque frêle et sa jeunesse et, de l'autre, la taille disproportionnée de la tête de son adversaire ainsi que le plus grand âge de ce dernier.

Mais le tableau représente également un personnage méditatif : ainsi David, évoluant au sein d'une composition empreinte de douceur, affiche un regard « calme, assuré » et surtout introspectif, tourné sur son propre destin et celui de son ennemi.

La Valette 

La Décollation de Saint Jean Baptiste

La Décollation de saint Jean-Baptiste est un tableau de Caravage peint en 1608 et conservé dans la co-cathédrale Saint-Jean à La Valette à Malte. 

La représentation habituelle, qui expose la tête du saint détachée du corps et transmise à Salomé qui la porte ensuite sur un plateau, est ici, dans ce tableau, traduite par Caravage, qui immobilise souvent l'action, à un moment très précis : le bourreau va terminer son office commencé avec une épée (qu'on remarque par terre), en donnant, à saint Jean-Baptiste plaqué à terre encore drapé de sa cape rouge, et dont la tête est encore dans l'axe du corps, le coup de grâce avec un petit poignard qu'il tient encore dans son dos de la main droite. Le geôlier placé au centre (trousseau de clefs à la ceinture), montre du doigt le plateau destiné à recevoir la tête ; il est tenu par Salomé placée à gauche ; entre les deux, une vieille servante se prend la tête entre les mains, en signe de terreur. La scène se déroule dans la cour de la prison, qui laisse apercevoir sur la droite, une fenêtre barrée, par laquelle deux prisonniers assistent, de loin, à l'exécution. Jean semble paradoxalement plus solitaire encore dans cette scène de groupe que dans tous les tableaux précédents dont il était la seule figure. Tous les regards convergent vers son corps ligoté, allongé et placé en pleine lumière au centre du tableau ; mais ses yeux sont déjà clos, et sa tête détournée par le poing du bourreau n'offre plus le regard habité des œuvres plus anciennes. La peau de bête qui le désigne couramment est tout juste visible ; la scène est suffisamment explicite sans qu'il soit besoin de définir précisément le personnage, notamment du fait de la présence de Salomé et du plateau. 

Saint Jérome

Saint Jérôme écrivant est une peinture à l'huile sur toile réalisée par le peintre italien Caravage entre 1607 et 1608 et conservée au musée de la co-cathédrale Saint-Jean de La Valette à Malte.

Le tableau met en scène saint Jérôme assis en train d'écrire dans une cellule monacale, entouré d'objets qui sont autant de symboles : il s'agit là d'une représentation classique du saint, considéré par l'Église catholique comme docteur de l'Église pour son travail de traduction de la Bible en latin à partir du grec. Ce tableau est le dernier que le peintre lui consacre : au cours de sa carrière, il traite en effet ce thème à deux voire trois reprises selon les différents auteurs.

Ce tableau s'inscrit dans la dernière partie de la carrière et de la vie de Caravage, qui meurt en 1610. Même si la date exacte de composition de Saint Jérôme varie selon les auteurs entre 1607 et 1608, il est établi qu'elle est postérieure à son départ de Rome en 1606 et qu'elle doit correspondre à son séjour à Malte. En effet, c'est à Rome que Caravage a jusqu'ici construit sa carrière et sa réputation : originaire de Lombardie, il s'est tout d'abord formé à Milan avant d'arriver dans la cité papale en parfait anonyme, sans doute dans la première moitié des années 1590. Pendant ce séjour romain, son style s'affine et s'affirme, et annonce les grandes orientations de sa manière tardive : il recourt de plus en plus à des fonds sombres et joue également de plus en plus sur les contrastes marqués entre l'ombre et la lumière ; son art gagne en complexité. Au fil des années, il se tourne vers une expression psychologique plus intense et plus intériorisée, tout en s'inspirant davantage de la statuaire antique. Ces éléments se retrouvent dans son œuvre d'exil, et notamment dans le Saint Jérôme qui est empreint d'une intense religiosité ; d'ailleurs, à compter de 1602 — et dans la mesure où l’œuvre conservé nous permet de le constater — le peintre ne réalise presque plus que des commandes de peintures religieuses.

Lorsqu'il quitte Rome en 1606 pour prendre le chemin de l'exil, Caravage est un fugitif : il vient de tuer un homme au cours d'une rixe et la fuite est alors sa seule échappatoire. Mais cette violence ne l'empêche pas de réaliser une œuvre où s'intensifie la dévotion : il est probable, d'ailleurs, que son ultime tableau romain (qu'il laisse inachevé) soit sa première version de Saint Jérôme écrivant (conservé à Rome, dans la galerie Borghèse). La fuite mène d'abord Caravage au sud de Rome, sur les terres de la famille Colonna qui le protège depuis toujours ; puis il se rend rapidement à Naples, alors territoire sous domination espagnole et donc hors de portée des autorités judiciaires papales. Il y arrive entre septembre et octobre de la même année 1606. Ce premier séjour napolitain, bien que bref, se révèle pour lui particulièrement créatif et fécond. À l'été 1607, il quitte Naples pour Malte où il peint plusieurs œuvres marquantes et chemine parallèlement vers une forme de rachat social en devenant chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem le 14 juillet 1608, un an après son arrivée sur l'île. Les recherches font correspondre la date d'achèvement du tableau avec le début de la création de La Décollation de saint Jean-Baptiste, lui-même achevé en août 1608. Mais dès ce mois d'août, Caravage est de nouveau partie prenante d'une rixe qui lui vaut d'être appréhendé : il décide de s'évader de la prison — devenant ainsi coupable du crime de haute trahison — et doit donc prendre une nouvelle fois le chemin de l'exil, en direction de la Sicile. Son séjour maltais n'aura donc duré qu'environ une année.

Giovanni Pietro Bellori, éminent critique d'art du xviie siècle et qui compte parmi les tout premiers biographes de Caravage, insiste sur son succès de l'époque en écrivant que le Lombard « vivait à Malte dans l'opulence et les honneurs ».

Saint Petersbourg Musée de l'Ermitage

Le Joueur de Luth

Le Joueur de luth est un tableau de Caravage peint entre 1595 et 1596 et conservé au musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg. Il s'agit d'une commande du marquis Giustiniani, l'un des plus grands amateurs de l'art du peintre lombard.

Typique de la première période de Caravage — qui s'est installé à Rome et qui commence à y rencontrer le succès auprès de commanditaires privés — le tableau représente un jeune musicien jouant du luth, tandis que devant lui un ensemble d'objets (partition, instrument de musique, vase de fleurs) forme une nature morte.

Il existe deux autres versions de ce tableau, l'une dans la collection Wildenstein (New York) et l'autre à la Badminton House dans le Gloucestershire en Angleterre, dont l'attribution à Caravage est toutefois contestée.

Un jeune homme aux cheveux bruns et bouclés, portant une chemise blanche, est représenté à mi-corps derrière une table en marbre. Il joue du luth en regardant le spectateur droit dans les yeux ; sa bouche est légèrement ouverte et il semble donc chanter en s'accompagnant à l'instrument.

Le musicien joue un madrigal de Jacques Arcadelt, Voi sapete ch'io v'amo (« Vous savez que je vous aime ») : la partition — qui ne laisse apparaître que la partie de basse continue, comme on le voit avec le mot Bassus sur la couverture du livre posé sous la partition — correspond en effet à celle de quatre madrigaux de cet auteur franco-flamand mort en 1568. Posé à droite sur la table et recouvrant partiellement la partition, un second instrument est représenté : il s'agit d'une viola da braccio, c'est-à-dire une sorte d'ancêtre du violon ou de l'alto. À gauche sur la table, des fruits et légumes sont disposés en nature morte, devant un vase en verre transparent rempli de fleurs multicolores, sur lequel se reflète la lumière. Le fond du tableau est sombre et indistinct, mais le personnage lui-même est vivement éclairé, ainsi que les accessoires disposés devant lui.

Le traitement du thème laisse apparaître des détails symboliques notables, comme l'aspect froissé des partitions, les tavelures sur certains fruits ou encore la fissure dans le corps du luth, qui peut représenter l'amour défaillant.

New York Metropolitan Museum

Les Musiciens

Les Musiciens ou Le Concert est un tableau de Caravage peint vers 1595 et conservé au Metropolitan Museum of Art de New York. 

Le thème bacchique cher au Caravage de cette époque demeure présent avec le personnage de gauche tenant les grappes de raisin. Plusieurs auteurs soulignent l'atmosphère érotique trouble et teintée d'homosexualité qui se dégage du tableau, comme pour le Joueur de Luth qui lui est contemporain ; le modèle du Joueur de Luth et du personnage central des Musiciens est d'ailleurs visiblement le même (comme pour le Bacchus et le Garçon mordu par un lézard).

Cupidon emprunte probablement les traits de Mario Minniti, modèle habituel de Caravage qui peut également avoir posé pour le Garçon pelant un fruit et pour l'ange qui soutient saint François dans l'Extase.

Détroit Institute of Arts

Marthe et Marie Madeleine

Marthe et Marie-Madeleine, parfois appelé La Conversion de Marie-Madeleine, est un tableau de Caravage peint vers 1598 et conservé à l'Institute of Arts de Detroit aux États-Unis. Il représente les deux sœurs Marthe et Marie de Béthanie, celle-ci étant ici confondue avec Marie de Magdala, et met en scène la manière dont l'une écarte l'autre de sa vie de pécheresse. 

La scène représente deux personnages féminins dont les regards se croisent. À droite, une des deux femmes est vue en buste, de face. Elle se tient debout devant une table. Elle est richement vêtue et tient dans la main droite une fleur et pose sa main gauche sur un miroir convexe. Un pot d'onguent et un peigne sont posés sur la table devant elle.

À gauche du tableau, l'autre femme est assise. Elle est vêtue de manière plus modeste. Elle tend les mains vers l'autre femme dans ce qui semble être un mouvement d'éloquence passionnée. 

Le tableau met en scène deux personnages féminins, la pècheresse Marie-Madeleine (à droite), personnage composite confondu depuis Grégoire Ier au vie siècle avec Marie de Béthanie, et la sœur de cette dernière, Marthe de Béthanie (à gauche). Elles sont toutes deux sœurs de Lazare de Béthanie. La scène représente simultanément deux épisodes de la tradition chrétienne : un épisode tiré de l'Évangile selon Luc où Marthe reproche à sa sœur de ne pas l'aider à accueillir Jésus, et un second, tiré du même Évangile où Marie Madeleine marque sa conversion à Jésus en lui portant un vase d'albâtre rempli de parfum. Ce second évènement s'inscrit dans un intérêt croissant à partir du xvie siècle pour l'image de la pècheresse repentie que représente Marie-Madeleine. 

Fort Worth Kimbell Art Museum

Les Tricheurs

Les Tricheurs est une peinture à l'huile sur toile réalisée par le peintre italien Caravage vers 1595. Un temps considérée disparue jusqu'à sa redécouverte à la fin du xxe siècle dans une collection privée européenne, elle est achetée en 1987 par le musée d'art Kimbell de Fort Worth au Texas où elle est désormais conservée.

Ce tableau de taille moyenne met en scène trois personnages qui jouent aux cartes : un jeune homme riche fait face à un adversaire vu de trois-quarts dos qui se révèle être un tricheur puisqu'il se saisit d'une carte dans son dos tandis qu'un complice lui indique des doigts la valeur de celles du jeune dupé. Exposant un épisode de la vie quotidienne à Rome, l'œuvre présente les caractéristiques de la scène de genre, mais elle s'en éloigne également quelque peu par certains aspects de mise en scène qui empruntent au théâtre, notamment à la commedia dell'arte. De façon plus manifeste, le tableau, dans le but à la fois de divertir le spectateur mais aussi de l'instruire, pourrait être une allégorie de la jeunesse victime de sa naïveté devant les dangers du jeu.

La toile des Tricheurs est souvent rapprochée d'une autre œuvre de Caravage qui lui est contemporaine : La Diseuse de bonne aventure. La proximité de leur style et de leur thématique fait que les critiques et historiens de l'art les traitent fréquemment en parallèle. De fait, la lecture de chacune pourrait éclairer l'autre.

Les Tricheurs est une œuvre de jeunesse de Caravage, dans laquelle il déploie le style et la palette lumineuse et colorée des débuts de sa période romaine, avant d'adopter des teintes plus sombres et de traiter plus volontiers de thèmes religieux. Il semble que le tableau n'ait pas de commanditaire particulier, le créateur s'inspirant librement de thèmes littéraires et théâtraux à la mode. Quoi qu'il en soit, il retient l'attention du cardinal Francesco del Monte qui devient dès lors le premier mécène et protecteur du peintre. De fait, Les Tricheurs contribue à la célébrité de Caravage et de son œuvre : dans l'immédiat, en lui ouvrant les portes des riches mécènes romains puis, après sa mort, en créant un genre à part entière dont le succès vaut au tableau de multiples copies et variantes.

Princeton Piasecka Johnson Collection

Le Sacrifice d'Isaac

Le Sacrifice d'Isaac est un tableau parfois attribué à Caravage, qu'il aurait peint vers 1597-1598. Sans que la question soit tranchée avec une absolue certitude, il est désormais plus fréquemment attribué à un peintre caravagesque : Bartolomeo Cavarozzi. La toile fait partie de la collection Barbara Piasecka Johnson à Princeton aux États-Unis.

Une autre version du Sacrifice d'Isaac datant de la même époque est conservée à la Galerie des Offices de Florence : c'est une version qui est, au contraire, attribuée avec certitude à Caravage.

La trace de cette toile est repérée dans un document espagnol datant du début du xviiie siècle qui établit l'inventaire d'une collection de peintures, et qui fait état d'un tableau de Caravage présentant Abraham et le sacrifice d'Isaac (« Un quadro de Abraham y sacrificio de Isaac di Michael Angelo Carabaggio »). Ce tableau fait à l'époque l'objet de nombreuses copies en Espagne.

Si son attribution à Caravage est vivement discutée (et notamment mise en débat avec une attribution à Bartolomeo Cavarozzi), il est fortement probable que la toile soit de la même main que le Saint Jean Baptiste conservé à Tolède.

Hartford  Wadsworth Atheneum

L'Extase de Saint François

L'Extase de saint François et quelquefois Saint François recevant les stigmates est un tableau de Caravage peint vers 1597 et conservé au Wadsworth Atheneum de Hartford. Il constitue l'une des premières peintures sacrées du peintre. 

Si La Légende dorée de Jacques de Voragine est la source de cet épisode de la vie de saint François qui permet sa représentation, maintes fois utilisée par les peintres depuis Giotto, le saint n'est pas représenté en « poverello » suivant l'iconographie médiévale mais en habit de moine capucin.

Soutenu par un ange en pleine lumière disproportionné (de même figure que celle du musicien du Concert), François s'abandonne à l'extase, évanoui, une blessure au côté droit qu'on croit deviner par la déchirure de sa robe. Une des mains, ouverte, ne trahit néanmoins aucune blessure ni stigmate. Dans l'obscurité crépusculaire se distinguent à gauche le frère Léon, les bergers en contrebas autour d'un feu, quelques plantes et des silhouettes d'arbres.

Ce tableau date de la fin de l'activité de Caravage chez le Cavalier d'Arpin. Il fait partie ensuite de la collection d'Ottavio Costa, banquier des papes, puis de celle du cardinal del Monte, protecteur de Caravage, mais seulement à la fin de sa vie.

Plusieurs des copies de ce tableau seraient de la main de son assistant et modèle Mario Minniti (celle du musée d'Udine par exemple).

Dans les Collections Privées ...

Saint Augustin

Au Royaume-Uni, un nouveau Caravage aurait été découvert. C’est du moins ce qu’affirment les auteurs du livre Caravage et ses disciples à Rome, ouvrage qui fut publié par l’Université de Yale le mois de Juillet 2011. 

Selon The Guardian, seules cinquante œuvres du Caravage avaient survécu au maître du clair-obscur jusqu’à une récente découverte. Un tableau représentant Saint Augustin, ayant été trouvé dans une collection privée du Royaume-Uni par un marchand d’art britannique. Après restauration, l’huile sur toile encore inconnue aurait révélé toutes ses qualités artistiques, rapporte Sebastien Schütze. Ce dernier est historien d’art, professeur à l’université de Vienne et co-auteur d’un livre sur le Caravage, lequel a dû être publié par l’Université de Yale en juillet 2011. 

Il a déclaré : "Il n'a jamais été publié. Ce qui ressemblait à un tableau anonyme du XVIIe siècle a révélé ses qualités artistiques après restauration."

Le tableau s'inscrit dans l'œuvre du Caravage vers 1600, lorsque son style était sculptural et monumental, avec un mouvement puissant et une expression émotionnelle.

Oublié dans une collection privée, où il était considéré comme l'œuvre d'une main anonyme, des preuves documentaires ont maintenant été découvertes pour étayer son attribution.

Bien que recouvert d'anciens vernis et repeints, son potentiel a été repéré par Clovis Whitfield, un historien de l'art et marchand britannique ayant une expérience en matière de découverte.

Le tableau peut être attribué à l'un des mécènes les plus puissants du Caravage à Rome, Vincenzo Giustiniani. Un saint Augustin de dimensions similaires – 120 cm sur 99 cm – est enregistré dans son inventaire de 1638.

Michelangelo Merisi da Caravaggio (1571-1610) était un artiste révolutionnaire, vénéré par les maîtres à travers les siècles pour son utilisation radicale de la lumière et de l'obscurité – le clair-obscur – et les récits bibliques théâtraux qu'il peignait directement à partir de modèles posés.

L'un des artistes les plus innovants d'Occident, son utilisation de la lumière était aussi innovante que le développement de la perspective à la Renaissance.

Mais sa vie fut tumultueuse, marquée par la violence, les bagarres et les ennuis avec les autorités. Il a tué un homme, soit à cause d'une femme, soit à cause d'un match de tennis, et est mort dans des circonstances mystérieuses, bien que les scientifiques aient utilisé l'année dernière la datation au carbone et les contrôles ADN sur ses restes probables, fouillés en Toscane, et ont trouvé des niveaux extrêmes d'empoisonnement au plomb, probablement dû au du plomb dans ses peintures.

Un autre éminent spécialiste de la Renaissance, David Franklin, directeur du Cleveland Museum of Art et co-auteur du livre, a déclaré que la découverte de Saint Augustin était importante car elle est totalement nouvelle.

Il a déclaré : « Même la composition n'avait pas été enregistrée sur d'autres copies. Souvent, une composition [originale perdue] est connue grâce à des copies, mais pas celle-ci. »

Il a ajouté : "Ce qui est intéressant, c'est que c'est une image plutôt conservatrice. C'est peut-être pour cela qu'elle n'était pas connue.

"Cela montre un côté du Caravage qui n'est peut-être pas aussi radical et antagoniste que d'habitude, mais dans lequel il travaillait en étroite collaboration avec Giustiniani pour essayer de créer une image beaucoup plus calme d'un saint."

Il a décrit la provenance de Giustiniani comme « convaincante ». Le tableau est resté dans la collection Giustiniani jusqu'à sa vente au milieu du XIXe siècle.

Joueur de Luth