Ducasse

La fête de la dédicace.

La kermesse ou ducasse (dicauce en wallon) était en réalité la fête de la dédicace, fête anniversaire de la consécration de l'église paroissiale.

Cette plus grande fête paroissiale est donc fixée à un dimanche déterminé par l'évêque consécrateur.

La fête patronale, celle du patron titulaire de la paroisse, était dénommée "petite ducasse".

Jadis, Soulme était réputé pour sa kermesse car les Soulmois étaient connus pour leur bonne humeur. On disait qu'à Soulme "le vent chasse les mauvaises pensées"...

La ducasse de Soulme en 1981.

Aujourd'hui, cette fête qui avait initialement un caractère religieux, est devenue complètement laïque. Après la seconde guerre mondiale terminée en 1945, cette ducasse a été remplacée par un concert avec bal sous chapiteau, comme sur les photos ci-dessous en 1981. Cette fête, pratiquée après les moissons, a eu longtemps un énorme succès dans la région et les orchestres invités avaient souvent une renommée assez importante.

Avec la diminution des fermes dans le village, l'apparition des secondes résidences et surtout la disparition des organisateurs habitant à demeure dans le village, cette fête périclita pendant quelques années avant d'être remplacée aujourd'hui par un barbecue annuel et des jeux traditionnels, le jeu de quilles refaisant de temps à autre son apparition.

D'autres activités collectives sont également organisées, notamment dans le cadre des Plus Beaux Villages de Wallonie

La ducasse de Soulme en 1981.

L'une des kermesses les plus mémorables de Soulme fut sans doute celle de 1969 avec, notamment, l'orchestre d'André Brasseur.

Le comité de la Jeunesse.

La ducasse est organisée par le comité de la Jeunesse, association traditionnelle constituée des jeunes gens non mariés, les Officiers de la Jeunesse, ayant à sa tête un ou deux Capitaines.

Sous l'Ancien Régime, ces compagnies formaient, dans les villes ou bourgades, une section de la garde bourgeoise (garde civique constituée de bourgeois mariés). Elles avaient pour rôle de parader dans les cortèges et de figurer dans les fêtes, processions et inaugurations.

A l'imitation des villes, les villages organisèrent aussi leur association de la Jeunesse, les jeunes hommes se cotisant souvent pour l'achat d'un drapeau. La jeunesse devait demander aux autorités locales la permission d'organiser la kermesse.

A Soulme, au XVIIe siècle, lorsque la ducasse était autorisée, la Jeunesse devait offrir une paire de gants au mayeur (record de l'année 1667 - Légendes et coutumes du Pays de Namur, Félix Rousseau, Ministère de la Culture Française, 1971). Il est possible que cette expression désigne en fait une somme remise au mayeur: aujourd'hui l'expression "pourboire" ne désigne pas une boisson...

On est toujours venu de très loin pour la ducasse de Soulme.

Chaque année, une animation musicale attire la foule avec succès.

Le repassage de la musique.

Au début du XXe siècle, la ducasse de Soulme se déroulait le premier dimanche après le 8 septembre. Quelques semaines avant la fête, à la sortie de la grand messe du dimanche ou à la sortie des vêpres, on se réunissait dans un cabaret du village pour procéder au repassage de la musique.

C'est au cours de cette petite cérémonie que les officiers de la jeunesse étaient désignés afin de remplir le rôle de maîtres de cérémonie et du protocole. La désignation se faisait d'après le nombre de pots de bière payés, celui qui offrait le plus de pots de bière étant désigné officier d'office. Cependant, autant de pots payés, autant de pots à boire le jour du tirage au sort des cavalières!...

La ducasse de Soulme en 1981.

Le tirage des braguetes.

Les membres du comité de la Jeunesse étaient les "bragards", expression déjà utilisée à Florennes en 1681, et les jeunes filles ayant l'avantage d'avoir des bragards pour cavaliers portaient le nom de "braguètes". Le tirage au sort des cavalières était bien évidemment dénommé... "tirage des braguètes"...

Les noms des jeunes filles étaient inscrit sur des bouts de papier et tirés au sort par chacun des jeunes hommes. Il n'y avait absolument aucune échappatoire à ce tirage au sort: il fallait absolument aller chercher son "lot" le jour de la ducasse et lui faire danser la première danse sous peine d'une amende de deux pots de bière.

La ducasse de Soulme en 1981.

Le "passage des braguètes" est une tradition que retrouvait aussi à Gochenée, Vodelée et Villers-en-Fagne par exemple mais qui disparut vers 1895 environ. A Soulme, il semble que cette tradition fut respectée un peu plus longtemps. Quelles en étaient les règles?

Le samedi de la ducasse, on inscrivait le nom des jeunes filles de plus de 15 ans sur des billets qui étaient déposés dans un bocal au long col. On mettait dans le bocal des billets blancs dans le cas où le nombre de jeunes filles était inférieur au nombre de garçons. Chaque garçon du village pouvait tirer ainsi au sort le nom d'une jeune fille qui devenait de sa "braguète", lui étant son "bragard".

Le dimanche, le "capitaine de la jeunesse" faisait le tour du village avec la musique et chaque "bragard" allait chercher sa "braguète" dans sa maison pour prendre place dans le cortège. Bras dessus, bras dessous, on se rendait ensuite sur la place du village pour danser.

La première danse était réservée au capitaine de la jeunesse et à sa danseuses (il y en avait parfois plusieurs) qui ouvraient le bal.

Les jeunes gens du village faisaient alors le tour de la place avec leurs cavalières sous le bras et recevaient un ruban qu'ils attachaient au bras de leur danseuse attitrée. C'est peut-être de là que viennent les dénominations de "braguard" et "braguète", toute autre interprétation étant par ailleurs le témoignage de l'humour local...

Les jeunes gens du village pouvaient alors s'adonner à la "danse des braguètes".

Quand la danse était terminée, tout le monde était libre et les "bragards" pouvaient reconduire leur "braguète" vers leur famille ou leur amoureux attitré.

Les "bragards" pouvaient alors choisir une autre demoiselle pour aller danser. Tout le village et les étrangers avaient alors l'autorisation de participer au bal qui était déclaré ouvert pour tous.

La fabrication des tartes.

Le vendredi qui précède la fête, les ménagères fabriquent les tartes qui devront rester en permanence sur la table aussi longtemps que dure la kermesse.

Suivant la taille des familles et les visiteurs attendus, vingt à cinquante tartes seront ainsi fabriquées, parfois jusqu'au milieu de la nuit du samedi au dimanche.

Les familles en deuil ne fabriquaient pas de la tarte, mais les voisins leur en portaient ainsi d'ailleurs qu'au curé et à l'instituteur.

Le barbecue annuel, organisé chaque année au mois d'août, est venu remplacer la traditionnelle ducasse.

Le dimanche de la ducasse: bal sur le Batty.

Le dimanche de la ducasse de Soulme, cinq musiciens arrivaient de Surice pour la sortie de la grand' messe et jouaient un morceau devant la porte de l'église. Les hommes et les femmes suivaient alors les musiciens de cabarets en cabarets.

Après le dîner, vers cinq heures de l'après-midi, la "musique" refaisait le tour du village pour "ramasser" les demoiselles, toujours d'un café à l'autre. On se rendait alors sur le Batty, la place du village située à côté de l'église, et les musiciens grimpaient sur un char qui leur servait de kiosque. L'orchestre jouait jusque minuit et les officiers de la Jeunesse leur payaient un litre de genièvre pour qu'ils boivent sur le char. Sur la place, des boutiques vendaient des caramels.

Dans le Namurois, le coin de la place réservé aux danseurs est souvent entouré de cordes et orné de branchage. Pour prendre part à la première danse, il fallait avoir acheté à un bragard un bout de ruban pour une somme laissée à l'appréciation de l'acheteur. Les garçons fixaient ce ruban à leur boutonnière et les filles à leur corsage.

Dans certains villages, c'était le seigneur ou le mayeur, son représentant, qui ouvrait le bal. Lorsque ceux-ci n'étaient pas présents, on réservait cet honneur au curé sans y voir aucune malice.

Le barbecue annuel est toujours accompagné de jeux traditionnels auxquels les enfants peuvent participer.

Le lundi de la ducasse: messe des jeunes et jeu de quilles.

Le lundi matin avait lieu la messe des jeunes. Après quoi, le protocole était le même que celui du dimanche.

Les musiciens consacraient parfois le début de l'après-midi aux honneurs: ils allaient donner l'aubade au mayeur, au curé, à l'instituteur ou à un fermier qui s'était montré généreux envers la Jeunesse.

L'après-midi du lundi était souvent consacré aux jeux publics qui variaient très souvent d'une année et d'un village à l'autre: jeu de balle, jeu de boules, jeu de quilles et jeu de l'animal décapité ou jeu de l'auwe (jeu de l'oie).

A Soulme, au XVIIe siècle, le premier coup de quilles, appelé le coup du seigneur, était réservé au mayeur qui représentait l'abbé du monastère de Florennes, seigneur du village (Commune de Soulme, record de l'année 1667, AEN - Légendes et coutumes du Pays de Namur, Félix Rousseau, Ministère de la Culture Française, 1971). Le jeu de quille était alors différent de celui d'aujourd'hui car on y distinguait des grosses et des petites quilles qui étaient abattues avec un gros bâton ou une barre de fer.

A Soulme, ce jeu de quille existait encore vers 1950: il était aménagé à côté de l'entrée du café situé à l'angle de la rue Ste-Colombe et de la rue Désiré Mathieu, café qui appartenait alors au mayeur. La pierre en marbre rose servant à placer les quilles forme aujourd'hui le seuil d'entrée de la maison au n°16 de la rue Désiré Mathieu. La disposition régulière des quilles peut encore y être discernée dans les cercles creusés dans la pierre.

Les cercles indiquant la disposition des quilles est encore visible dans le seuil du n°15 de la rue Désiré Mathieu.

Le jeu de quille fait de temps à autres sa réapparition, sous le contrôle des jeunes du village.

Le mardi de la ducasse: messe des Trépassés, aubade à la Champelle et bal à la Ferme des Moines.

Le mardi avait lieu la messe des trépassés, service funèbre pour les morts de la paroisse.

Dans d'autres villages du Namurois, avant la messe, des portchesseux (collecteurs) allaient de porte en porte pour récolter des dons en nature les plus divers, mais souvent constitués de productions agricoles locales. A l'issue de la messe, la portchesse (collecte) était mise aux enchères, le crieur fixant lui-même le prix des lots et adjugeant ceux-ci à qui bon lui semblait... En général, personne ne refusait et le bénéfice de la passée (vente aux enchères) servait à couvrir les frais de la messe.

Dans certains villages du Namurois, la messe des trépassés avait lieu le lundi. Après cet office, on allait se recueillir quelques instant sur les tombes du cimetière qui entourait l'église. Le curé allait parfois en procession bénir les tombes.

A Soulme, après la messe, on partait avec la musique à la Champelle, hameau du village. On rentrait au village vers cinq heures de l'après-midi et on dansait ce soir-là devant la Ferme des Moines.

Outre l'annuel barbecue, le village est animé d'autres festivités et animations différentes chaque année.