1940 - Occupation allemande

Discrétion.

Les habitants de Soulme sont toujours restés très discrets sur les événements de la seconde guerre mondiale dans leur village. il s'agit là d'une manifestation de leur humilité car beaucoup d'entre eux firent preuve de courage, sinon de véritable patriotisme.

Parfois les témoins de cette période d'occupation allemande se souviennent de quelques anecdotes amusantes mais gardent généralement une grande réserve lorsqu'on les interrogent sur les difficultés de la vie quotidienne ou les faits et gestes des uns ou des autres.

A force de persévérance et d'interrogation, on finit parfois par percevoir quelques critiques à l'égard de l'attitude du bourgmestre de l'époque vis-à-vis de l'occupant. Néanmoins, la discrétion sera toujours de mise car ternir la mémoire d'un bourgmestre c'est ternir celle de toute la communauté villageoise.

Soulme, maillon d'un réseau.

Le village de Soulme n'était pas très éloigné du champ d'aviation de Florennes, créé par les Allemands. Celui-ci était souvent survolé par les bombardiers américains revenant de leur mission en Allemagne. La chasse ennemie établie autour de l'aéroport ont abattu beaucoup d'avions et nombreux d'entre eux s'abattirent dans la région. Pensons notamment aux monuments commémoratifs qui ont été établis à Gochenée, à Romedenne ou à Doische par exemples.

Des équipages américains ayant survécus au crash de leur appareil ont été cachés chez les habitants, Soulme devenant ainsi une étape vers la France, l'Espagne et l'Angleterre...

Deux demoiselles cachent des Américains.

Marie et Ismérie Demat étaient ce que l'on appelait à l'époque de "vieilles filles". Leur frère était mort dans les tranchées de l'Yser en 1917.

C'est peut-être la raison qui les incita à cacher plusieurs aviateurs américains et à les loger chez elles pendant de longues semaines, sans tenir compte du danger, en attendant le moment propice pour les faire évacuer.

Elles n'en parlèrent jamais, restant toujours discrètes...

La meunière messagère.

Marie Robin, la meunière, avait coutume de se déplacer sur la plaine de Gochenée, portant un cabas avec de la farine. En réalité, elle portait un message de la Résistance à Agimont...

Une enveloppe était cachée dans la farine avec une feuille portant des chiffres ou le dessin d'un plan qui aurait bien inquiété les Allemands si la meunière s'était fait prendre! Mais qui se méfie d'une femme qui transporte de la farine?

Un garçon juif fut aussi caché dans un moulin de Soulme. Sa famille était originaire d'un village voisin et sa soeur avait été acceptée dans un pensionnat de la vallée de la Meuse. Lorsqu'un danger le menaçait, il allait se cacher dans le bois voisin du moulin, muni de tartines pour pouvoir y passer la journée sans devoir être ravitaillé.

Les convoyeurs.

Hector Bertrand - mieux connu sous le nom de Totor - était alors un jeune d'une vingtaine d'années à peine, originaire de Vodelée. A plusieurs reprises, il convoya des aviateurs américains à travers la région.

A la fin de la guerre, il aidera notamment les aviateurs américains qui séjournèrent au moulin de Vodelée, dans les bois entre Soulme et Morville puis dans ce qui sera dénommé par la suite la Grotte des Américains.

Hector Bertrand deviendra ainsi "Toatare Bertrend" dans les rapports établis par ces aviateurs lors de leur retour en Angleterre, son surnom de Totor prenant ainsi une sorte d'accent américain...

Dans l'ardeur de son jeune âge, Hector Bertrand partit en Irlande afin de suivre une formation intensive afin de participer à un bataillon de fusilliers volontaires belges. Au début de l'année 1945, il passa le Rhin à Remagen où les Belges se distinguèrent.

Joseph Gilbert, alors âgé de 17 ou 18 ans, avait aussi l'habitude d'accepter des missions particulièrement dangereuses. Un jour, il convoya ainsi entre Heer-Agimont et Villers-le-Gambon des aviateurs américains dont l'avion s'était écrasé dans la région.

Il se rendit le matin au lieu de rendez-vous à Heer-Agimont, mais ne vit personne à l'exception des aviateurs qui le suivirent en gardant leurs distances. Ils l'accompagnèrent jusqu'à Villers-le-Gambon, soit actuellement un trajet direct d'un peu plus de 17km en 4 heures par Agimont, Vodelée, Romedenne et Franchimont. Jamais Joseph ne les vit, mais il sentait leur présence derrière lui...

Chapeau sur la tête, fourche sur l'épaule, Joseph semblait être un agriculteur partant travailler sur son champ. Jamais il n'emprunta les routes trop fréquentées, préférant traverser les prairies et longer les haies pour se dissimuler un peu.

A l'entrée de Villers-le-Gambon, près du passage à niveau, Joseph Gilbert repartit vers Soulme par un autre chemin. Il ne vit jamais personne...

On cache des Américains dans une grotte.

La discrétion sera pourtant la même en ce qui concerne les actes d'héroïsme de quelques villageois qui cachèrent des aviateurs américains dans un abri sous roche de la vallée de l'Hermeton - la Grotte des Américains - et assurèrent leur nourriture, leur entretien et leur évacuation. Les chemises de ces aviateurs séchaient un jour dans le jardin du moulin de l'Omeri, abandonné des hommes prisonniers en Allemagne, lorsqu'une patrouille allemande vint y demander son chemin... Ils ne remarquèrent ni les chemises dans le jardin ni les blousons en cuir pendus derrière la porte...

D'autres aviateurs furent cachés aussi dans des cabanes forestières qui, à la première menace de passage d'une patrouille allemande, étaient démontées et transportées de nuit à dos d'hommes à près d'une dizaine de kilomètres...

Afin de respecter la réserve des soulmois sur cette triste période, l'évocation de la vie quotidienne à Soulme pendant l'occupation allemande de la seconde guerre mondiale doit donc se faire essentiellement à travers les documents d'archive. Ces documents faillirent malheureusement disparaître lors de la fusion des communes dans les années 1970. Ils furent cependant sauvés par quelques particuliers intéressés par ces témoignages d'un passé pourtant proche.