La ferme des moines.

Datation de la "Sins des Mwènes".

A l'angle de la rue Désiré Mathieu et de la rue des Granges, au n° 1 et 2 de la rue des Granges, se dresse une ancienne grande ferme qui date de la première moitié du XVIIIe siècle. Les différents bâtiments de cette ferme se dressaient jadis sur deux des côtés d'un grand usoir en pente. Des trois dépendances ne subsiste aujourd'hui qu'une sorte de maisonnette; celle-ci était séparée de la grange par une ruelle conduisant à une étable située à l'arrière. La grange, située le long de la rue des Granges, et l'étable ont été démolies en 1981.

Le long de la rue Désiré Mathieu, le pignon de la ferme possède à l'étage une fenêtre à meneau avec montants chaînés ainsi qu'une petite baie rectangulaire aux piédroits à deux harpes. Sur ce pignon était jadis accolée une annexe partiellement en brique.

La façade principale est longée d'un vaste perron soutenu par d'énormes blocs de calcaire. Ses ouvertures ont été profondément remaniées au XIXe et XXe siècles. On y distingue encore néanmoins trois parties distinctes: à gauche un volume d'habitation sans aucune ouverture à l'étage; au centre, un second corps de logis de deux travées avec fenêtres à l'étage, la porte d'entrée ayant été remplacée par une porte de garage; à droite, une étable sous fenil dont la porte a probablement été élargie également.

La Ferme des Moines dans son état actuel.

Pignon Nord de la Ferme des Moines sur la rue Désiré Mathieu.

Fenêtre sur le pignon.

Fenêtre à meneau sur le pignon.

Dépendance de l'abbaye de Florennes?

Cette ferme est actuellement connue sous la dénomination de "Ferme des Moines" ou "Sins dè Mwènes" dans le patois local, mais les raisons de cette dénomination restent obscures. La tradition locale rapporte que ce sont les moines de l'abbaye de Florennes qui occupaient cette ferme, mais cette éventualité n'a pu être vérifiée jusqu'à présent. Une partie de la ferme aurait éventuellement pu être occupée par le curé de Soulme avant la reconstruction du presbytère dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, mais aucun document ne semble confirmer cette hypothèse.

Les moines réguliers de l'abbaye de Florennes ayant été remplacés à Soulme par des prêtres séculiers en 1650, il est sans doute erroné d'affirmer que des moines de cette abbaye aient pu habiter un bâtiment construit deux siècles plus tard. De plus, aucun document ne semble prouver l'exploitation d'une ferme soulmoise par des frères converts de l'abbaye de Florennes.

Il est néanmoins possible que le curé de Soulme ait habité cette maison vers le milieu du XVIIIème siècle puisque la cure était inhabitable à partir de 1742 après sa destruction par les troupes françaises.

La Ferme des Moines dans les années 1950.

La Ferme des Moines dans les années 1960.

La Ferme des Moines dans les années 1970.

La Ferme des Moines dans les années 1980.

Dépendance de l'abbaye de Waulsort et d'Hastière?

Par ailleurs, la découverte, dans cette maison, d'une taque foyère aux armes de l'abbé de Saint-Hubert, contemporaine de la construction de l'édifice, semblerait prouver que cette ferme appartenait plutôt aux moines de l'abbaye de Waulsort et de Hastière qui possédait des terres à Soulme et dépendait de l'abbaye de Saint-Hubert.

Différents reçus signés par l'économe de cette abbaye pour des rentes perçues par des habitants de Soulme témoignent de l'existence de biens et de droits de cette abbaye dans le village. En outre, il y a lieu de noter que d'autres fermes appartenant à ces moines dans des villages voisins étaient également dénommées "fermes des moines".

La grange de la Ferme des Moines lors d'un mariage, probablement dans les années 1930.

La grange de la Ferme des Moines et la rue des Granges à la fin des années 1970.

Démolition de la grange de la Ferme des Moines en 1981.

Un cadran solaire et une taque foyère.

D'après Roger Lathuraz, un cadran solaire se trouvait dans le jardin de la "ferme des moines", sur un petit muret. C'est un membre de la famille Scaillet de Florennes qui en aurait fait l'acquisition.

On a aussi retrouvé dans une annexe de cette ancienne ferme une taque foyère qui portait la date de 1632 et le blason de Nicolas de Fancon (ou Fanson), abbé de l'abbaye de Saint-Hubert.

La présence de ces éléments prouvent l'ancienneté et l'importance de cette "ferme des moines" qui devait donc bien appartenir à l'abbaye de Waulsort, dépendance de l'abbaye de Saint-Hubert.

Le "Vatican".

Une anecdote datant de la première moitié du XXe siècle pourrait éventuellement nous apporter une explication plutôt humoristique...

La ferme était alors occupée par un garde-chasse connu pour ses opinions anticléricales et qui était tellement arrêté dans ses opinions qu'il était presque impossible de discuter avec lui. Lors d'une discussion assez véhémente avec le curé du village au sujet d'un événement qui était supposé survenir très prochainement, notre garde-chasse, emporté par l'ardeur de la conversation, s'écria tout à coup: "Eh bien si cette chose là arrive un jour, alors, c'est que je serai Pape!..." (*). La tradition orale a bien vite oublié de quel événement il s'agissait (probablement l'invasion allemande en 1940), mais tout le monde se souvient qu'il se produisit néanmoins quelques jours plus tard, au grand désarroi du garde-chasse.

En faisant le tour du village, le curé l'aperçut alors, debout sur le perron de sa maison, et, goguenard, s'écria: "Alors, maintenant que tu es Pape, ta maison c'est le Vatican!..." L'humilité étant une des grandes qualités du véritable Soulmois, on pourrait dès lors comprendre pourquoi le "Vatican" soit devenu plus modestement la "Ferme des Moines"...

(*) Certains prétendent que le garde-chasse aurait dit "Si vous êtes le roi, moi, je suis le pape!", mais cette plaisanterie s'explique difficilement... Laissons plutôt la légende s'installer...