Presbytère

L'entrée de l'ancien presbytère se trouve actuellement à l'arrière du bâtiment, côté jardin; on y accède par le Batty, dénommé aujourd'hui rue Sainte-Colombe. Il semble que jadis l'entrée se faisait par un escalier du côté de la façade principale où l'ancienne porte d'entrée a été obturée et longtemps simulée par une fausse porte peinte en trompe l'oeil. La façade arrière du bâtiment est facilement visible de l'intérieur du cimetière qui communiquait avec le jardin du curé par une porte grillagée.

Cette grosse maison en moellons de calcaire irrégulier, plus souvent dénommée "cure" que "presbytère", date de la première moitié du XVIIè siècle. Les chaînes d'angle, un soupirail et les cordons de pierre à l'est semblent en effet dater de cette époque. Le presbytère est de plus cité pour la première fois dans les archives en 1650 lorsqu'il fut vendu pour une bouchée de pain à la commune en même temps que l'église dans le cadre de la sécularisation des biens ecclésiastiques.

Les prêtres réguliers devinrent alors séculiers: ils ne dépendent plus d'un ordre religieux mais du pouvoir laïc. Ils sont cependant toujours nommés par l'abbé de Florennes. Le premier prêtre séculier de Soulme fut l'abbé Denis Toussaint.

En 1742, lors des guerres de succession des Pays-Bas Autrichiens, le presbytère fut partiellement détruit. Dès lors le curé de Soulme habitat sans doute la "Ferme des Moines", à l'entrée du village (n°1, rue des Granges). C'est surtout le premier étage qui fut atteint: les portes de l'étage ont été longtemps plus récentes que les portes du rez-de-chaussée.

Pendant l'occupation française, le village connut une certaine prospérité grâce aux exploitations de marbre qui se développèrent dans la vallée.

Les bâtiments qui avaient souffert de la guerre furent réparés et, en 1790, la commune alloua une somme de 100 couronnes à Pierre Joseph Linart, curé de Soulme, afin d'effectuer les opérations de reconstruction du presbytère.

Mais le prêtre réalise des travaux très importants. Il surélève le bâtiment de 1,2 pieds, place des nouveaux vitrages, creuse 12 buffets dans les murailles, plombe les toitures (un véritable luxe pour l'époque), et creuse trois nouvelles caves en sous-oeuvre!... Ces derniers travaux provoquent un effondrement, ce qui ne manque pas de provoquer de graves discussions avec la commune, chacun convoquant ses experts...

En raison des mésaventures que connurent ses travaux, le curé Linart fut, malgré lui, l'initiateur d'une belle légende villageoise: la légende des souterrains de Soulme. Cette légende fut sans doute renforcée par le climat politique de l'époque où la Révolution française pourchassait les prêtes. De là à imaginer que le prêtre creusait un souterrain pour se sauver... jusqu'à la ferme des moines... peut-être même jusqu'au monastère de Florennes...

Mais c'est aussi grâce à l'abbé Linart que le presbytère, aujourd'hui propriété privée, put être aménagé en style classique dans la seconde moitié du XVIIIè siècle.

La façade à rue fut donc recomposée avec symétrie: elle se compose de trois travées de fenêtres à linteau échancré à clé sur montants harpés. A hauteur des seuil de fenêtre, un cordon en pierre décore la façade. Le bâtiment est couvert d'une toiture d'ardoises à croupettes et coyau avec une grande lucarne classique dans l'axe de la façade.

La façade arrière, visible du cimetière, est composée de quatre travées et d'une petite baie qui éclaire l'escalier. La porte du XVIIIè siècle est à large ébrasement avec une baie d'imposte; la clé du linteau et les impostes sont saillantes.

A l'étage, les fenêtres du XVIIIè siècle, similaires à celles de la façade à rue, sont à linteau échancré avec clé sur montants primitivement à deux harpes. En 1820, les baies du rez-de-chaussée ont été refaites dans le même style et leur appui a été fortement surbaissé.

Enfin, dans les pignons, on distingue un oculus en brique obturé et deux petites baies agrandies.

A la fin du XVIIIe siècle, le village de Gochenée faisait partie de la paroisse de Soulme. Quelque peu délaissés par l'abbé Linard qui rénovait sa cure et essayait de régler tous ses problèmes avec la commune, les paroissiens de Gochenée le critiquèrent ouvertement. L'abbé Linard finit par abandonner la paroisse en 1791.

Ancien accès à la cure.

D'après le témoignage d'anciens voisins, le mur de soutènement de la cure était jadis beaucoup plus haut du côté de l'actuelle rue désiré mathieu, ce qui permettait au curé d'entendre les bavardages de la rue sans être vu.

Il y aurait eu un escalier descendant le la porte de la cure, actuellement murée, vers la rue avec un portail dans le bas pour fermer le jardin.

Croquis des caves de l'ancienne cure.

Sous-sols.

Il existe de petites meurtrières dans les murs de séparation entre les caves avec une ouverture plus étroite du côté de la rue et de la vallée de l'Hermeton. Ces meurtrières servaient-elles à seulement à ventiler les caves ou éventuellement de lieu d'observation ou de tir au cas où on se serait réfugié dans les caves? Nul ne pourrait le certifier... Car le sol des caves semble se trouver au niveau de la route qui passe devant la cure et a probablement été creusée dans la roche.

Dans l'une des caves, un ancien propriétaire (Monsieur Pouleur) a coulé une dalle de sol en béton. Après les travaux, il a appris d'un voisin (Monsieur Marée) que des objets y auraient été enterrés lors d'un conflit afin de les dissimuler aux pilleurs éventuels... Il s'agissait évidemment d'une allusion au "trésor de Soulme" et sans doute d'une plaisanterie d'un personnage local vis-à-vis d'un citadin...

La cave qui sert de chaufferie possède un revêtement en pierre qui est légèrement surélevé par rapport au sol des autres caves. La marche qui marque l'entrée de cette cave possède d'anciennes inscriptions illisibles. Il pourrait s'agir d'une ancienne pierre tombale récupérée dans le cimetière.

Cette cave possède une belle cheminée anciennement ouverte en pierre et est recouverte de peinture. Les coins de la cave sont maçonnés en forme d'écussons. Le plafond est traversé par une poutre en bois qui forme le diamètre d'un cercle de maçonnerie qui inscrit dans le plafond. L'ancien propriétaire de la cure pensait que cette pière était jadis un four à pain, mais en raison de la présence de la cheminée et d'un soupirail assez large, on devrait plutôt penser que cette pièce devait servir de cuisine.

On notera qu'il n'y a pas de cave sous une partie de la cure, derrière l'ancienne cheminée à feu ouvert et l'escalier qui remonte au rez-de-chaussée. Cela nous ramène inévitablement à la légende des souterrains de Soulme...

Légendes du trésor et des souterrains de Soulme.

Lors de travaux de réfection de la route et de reconstruction du mur de soutènement du jardin de la cure, les ouvriers ont découvert, suite à un éboulement dans la chaussée, une sorte d'ancien souterrain qui semblait relier la cure à la maison située juste en face, au n°24 de la rue Désiré Mathieu. D'après certaines croyances locales, ce "tunnel" relierait aussi la "ferme des moines" et s'éloignerait même dans les campagnes jusqu'à atteindre l'abbaye de Florennes, dont Soulme dépendait...

Juste au-dessus, dans le jardin de la cure, subsisterait un ancien puits circulaire qui se situerait peut-être au-dessus d'une faille géologique qui absorberait toute l'eau qu'on y déverse avec un tuyau d'arrosage... Une faille géologique, découverte au XIXe siècle, et qui se prolongerait peut-être jusqu'à Florennes...

C'est oublier les travaux de l'abbé Linart qui, au XVIIIe siècle, juste après la Révolution Française, creusa trois nouvelles caves - en "souterrain" - sous la cure et fut sans doute à l'origine de cette légende.