Néolithique

Soulme, Rosée, Morville.

Quelques silex taillés ont été découverts à la fin du siècle dernier sur le territoire de la commune de Soulme au lieu-dit DRI VAU MONT , c'est à dire DERRIERE VEMONT, dans les bois situés au nord de la commune..

D'autres découvertes similaires plus récentes auraient été faites fortuitement par des particuliers, notamment à la TAILLE AUX GALETTES, dans les bois de Rosée. Des habitants de Rosée y auraient en effet découvert quelques pierres polies dont les entailles circulaires ne peuvent être d'origine naturelle. Le nom de la TAILLE AUX GALETTES ne signifierait-il pas que, lors d'une taille du bois, on aurait été frappé par le nombre de galettes de pierres - sans doute d'origine préhistorique - qui se trouvaient à cet endroit ? Les mots galette, galet et le gayet ou gayette de notre patois ont en effet la même racine celtique GAL- qui signifie caillou et qui a également donné le mot gaélique galgal qui désigne un tumulus de terre et de cailloux renfermant une crypte funéraire.

Dans le bois de Morville situé derrière Vémont, se cache un autre lieu-dit AU DOLMEN que les anciens gardes forestiers connaissaient encore...

Ces découvertes témoignent de l'ancienneté de l'occupation ou de la traversée de la région par des populations néolithiques (-5000 à -2000) pratiquant déjà le commerce des silex qui, étant donné l'absence de gisements dans la région, étaient importés de Spiennes ou de la Champagne. Cette population fut sans doute la première à se sédentariser dans la région, l'agriculture naissante étant encore semi-nomade à cette époque.

Le souci d'enterrer des morts dans un endroit isolé pour des raisons sanitaires témoigne de cette sédentarisation qui vit également apparaître les premiers rites funéraires permettant aux vivants de vénérer les défunts et de perpétuer leur souvenir par le culte des ancêtres.

Derrière Vémont commence la zone la plus sauvage de la vallée de l'Hermeton.

Grottes et abris sous roche à Soulme.

De nombreuses découvertes ont été faites dans la région dans les grottes et abris sous roche et principalement dans les vallées de la Haute Meuse et de ses affluents. Citons par exemples les découvertes de Furfooz, Flavion et Sautour.

Il n'est donc pas impossible que d'autres grottes ou abris sous roche situés dans la vallée de l'Hermeton aient abrité d'autres sépultures du même type. Citons par exemple et en toute hypothèse la cavité formée par un petit anticlinal calcaire dominant la vallée et connue sous le nom de Grotte des Américains car on y dissimula des aviateurs américains lors de la guerre 1940-1945.

Il faut citer aussi la Grotte de la Falaise située à mi-chemin entre le moulin de Soulme et le village de Gochenée (déjà explorée assez profondément par des spéléologues amateurs), le Trou des Nutons à Romedenne, le Trou des Blaireaux à Vaucelles ainsi que les multiples fractures et crevasses des nombreux éperons calcaires qui barrent la vallée.

La région fut donc fréquentée très tôt par des populations néolithiques qui pénétrèrent en Europe dès le cinquième millénaire avant Jésus-Christ.

Situation de la Grotte des Américains à Soulme (Google Maps)

La Grotte des Américains, entre Soulme et le moulin de Vodelée.

Anticlinal entre le moulin de Soulme et la carrière de Richemont.

Anticlinal près du pont du moulin de Soulme reconverti en potale.

Gochenée : la grotte de la Falaise.

La grotte de la Falaise s'ouvre dans un éperon rocheux calcaire entre Gochenée et le vieux moulin de Soulme.

La grotte a été découverte par Monsieur F.Piquin de Gochenée dans les années cinquante. Il entreprit de vider la cavité triangulaire qu'il avait trouvée et mis à jour, à faible profondeur, divers artefacts en silex qu'il interpréta comme étant un squelette. Il vida ensuite complètement une niche qu'il découvrit une quarantaine de mètres plus bas et y mis à jour les ossements broyés de deux squelettes adultes et de trois enfants.

En 1970, l'Antwerpse Vereniging voor Bodem-en Grotonderzoek, lors d'une visite sur place, constata que la fouille n'avait pas été terminée et trouva quelques ossements humains en déblayant une fissure horizontale dans la paroi. Trois ans plus tard, cette société, accompagnée de la société TRES, recommença la fouille et pu tirer les conclusions suivantes:

Emplacement de la grotte de la Falaise à Gochenée. (Carte Google Maps)

La cavité fouillée par l'Antwerpse Vereniging voor Bodem-en Grotonderzoek dans le massif calcaire de la "Falaise" à Gochenée a probablement servi de sépulture collective, vraisemblablement au Néolithique ou aux Ages des métaux. Le matériel datable retrouvé dans les fouilles appartient à l'extrême fin de la période de La Tène, mais il n'est pas sûr du tout qu'on puisse l'associer aux ossements trouvés ici. Ceux-ci ont été écrasés et dispersés suite à la chute de blocs calcaire, mais aussi suite à l'activité de divers animaux fouisseurs (renard, blaireau, petits rongeurs), et il est pratiquement certain qu'aucun d'entre eux n'a été retrouvé in situ.

Pour ce qui est du nombre d'individus enterrés, nous proposons le chiffre approximatif de six personnes, mais nous ne savons pas combien d'individus ont été découverts par M.Piquin, parce que nous ne savons pas si l'inventeur du site a mis à jour un squelette complet et en connexion anatomique ou des ossements épars provenant de squelettes dispersés.

Quoi qu'il en soit, nous avons compté trois hommes, dont le premier avait 20 ans environ, le deuxième 30 ans environ, tandis que le troisième était plus âgé, vu des lésions arthrosiques, mais ne devait pas être sénile, même avec cette pathologie; ensuite, deux femmes, dont la première avait vingt ans environ, et la deuxième un âge plus avancé, considéré les mêmes lésions dégénératives que nous avons observées aussi chez un des hommes; enfin, un enfant, un garçon (?) d'environ 7 ans.

Nous sommes persuadés que, à l'origine, toutes les inhumations ont eu lieu dans la cavité fouillée par M.Piquin, et qu'il se sont dispersés par la suite, comme expliqué plus haut.

Peut-être que cette grotte fut visitée dès le Paléolithique Moyen, par des hommes que nous identifierons volontiers avec des Néanderthaliens, qui auraient abandonné de l'outillage en os. Un examen approfondi des couches inférieures du site, que nous n'avons qu'effleurées, devrait confirmer l'existence effective d'un niveau moustérien.

Grottes multiples dans la "Falaise", un éperon rocheux, entre Gochenée et le vieux moulin de Soulme.

ROMEDENNE : LE TROU DES NUTONS

Le TROU DES NUTONS de Romedenne est situé dans la vallée du ruisseau du FOND DES VAUX qui se jette dans l'Hermeton près du moulin de Vodelée. La zone est composée de calcaire gris massif et de calcaire stratifié. Cette grotte est constituée de plusieurs couloirs de forme circulaire sans doute creusés dans le rocher par une ancienne rivière souterraine. Les deux ouvertures principales visibles seraient apparues lors de l'effondrement d'une partie de l'éperon rocheux dont les éboulis semblent dissimuler une troisième entrée.

Nutons est un nom légendaire conservé dans le pays wallon pour désigner les anciens habitants des cavernes. D'après les légendes transmises à travers les siècles, les Nutons, tout comme les Sotais, étaient des hommes de petite taille, très actifs et très intelligents. Ils étaient serviables, mais particulièrement vindicatifs quand on les molestait. Une légende raconte notamment que l'on pouvait déposer une manne de linge sale à l'entrée des grottes leur servant de refuges. Le lendemain, le linge était lavé et repassé, pour autant qu'on ait point oublié de déposer aussi un peu d'argent ou de nourriture. Malheur à celui qui essayait de se moquer des Nutons! Dans les langues finnoises, noitu signifie d'ailleurs sorcier...

La plupart des grottes ou trous de Nutons qui ont été fouillés par les archéologues se sont souvent révélés avoir servi de sépultures individuelles ou collectives à des populations préhistoriques. Le couloir principal du Trou des Nutons de Romedenne, fouillé en 1920, a ainsi livré une sépulture néolithique.

Emplacement de la grotte de Nutons à Romedenne. (Carte Google Maps)

Le Trou des Nutons, à Romedenne, près du moulin de Vodelée.

Le Trou des Blaireaux à Vaucelles.

La fouille pratiquée en 1904-1906 par les Musées Royaux du Cinquantenaire au TROU DES BLAIREAUX à Vaucelles mit en évidence l'une des plus intéressantes sépultures néolithiques que l'on ait découvertes dans notre pays: le squelette était posé contre la paroi rocheuse de la terrasse située devant la grotte. Cette fouille permit également de découvrir une poterie non ornée de type haut, à bord légèrement évasé et à large fond plat, ainsi qu'une hachette de silex maintenue dans une gaine de bois de cerf avec une perforation transversale destinée au manche.

Sous la couche néolithique se trouvait une couche de limon argileux jaunâtre d'âge magdaléen avec des restes de l'industrie humaine et de nombreux bois de rennes (Rangifer Taraudus)

Situation du Trou des Blaireaux à Vaucelles. (Google Maps)

Le Trou des Blaireaux à Vaucelles: poterie, pointes de flèches, hachette de silex et casse-tête découverts lors des fouilles de 1904.

LES NÉOLITHIQUES DE LA MEUSE.

Les néolithiques de la Meuse sont rattachés à la civilisation de Seine-Oise-Marne dont le noyau se situait dans la région crayeuse de la Champagne et qui poussèrent des pointes jusque dans la vallée de la Meuse vers 2600 à 2000 avant Jésus-Christ. Organisés en petits clans distincts ayant des coutumes particulières mais liés par des rites funéraires communs qui témoignent de la systématisation des coutumes d'ensevelissement, ils déposaient leurs morts à même le sol dans des sépultures collectives le plus souvent situées dans les cavités naturelles. Les corps étaient allongés sur le dos en position fléchie avec les genoux repliés et les jambes ligaturées tibias contre fémur.

Ces rites funéraires s'opposent à ceux plus couramment pratiqués au sud de la dépression de la Fagne par des tribus apparentées à la civilisation dite des gobelets qui enterraient leurs morts sous des tertres circulaires peu élevés constitués de pierres et plus couramment appelés marchets ou parfois galgals (en celte, le mot gal signifie caillou - d'où le mot galet). L'un de ces marchets, sans doute postérieur, est encore visible à Franchimont, mais il en existait également à Lautène et surtout dans le Franc Bois au sud de Fagnolle.

A partir du septième millénaire avant notre ère, l'agriculture et l'élevage originaires des steppes du Proche-Orient, mirent plus de trois millénaires à s'implanter dans nos régions, mais les néolithiques n'abandonnèrent jamais complètement la chasse et la cueillette.

LE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE.

Les premiers espaces agricoles s'implantèrent probablement aux endroits où la végétation avait subi les brûlis provoqués à l'occasion des chasses. Les terres défrichées ensuite par essartage étaient cultivées jusqu'à épuisement du sol. Le village devait alors se déplacer vers d'autres territoires..

Cette agriculture primitive exigeait le défrichement de surfaces assez importantes et la délimitation des champs, sans doute de formes carrée ou rectangulaire, ces formes se prêtant mieux au travail à la houe et à l'araire. Les troupeaux, composés de moutons, bœufs, chèvres et porcs pouvaient paître dans les parties en jachère et étaient parfois regroupés dans des enclos proches des villages.

Le développement de l'agriculture provoqua un brusque accroissement de la population et la constitution de véritables communautés villageoises qui choisissaient le lieu de leur établissement. Ces premiers villages comptaient 150 à 20 personnes et étaient composés de grandes maisons rectangulaires ou ovales d'environ 15 m2 à charpentes de bois. Ils s'implantèrent d'abord sur les plateaux les plus fertiles et étaient parfois protégés par les enceintes de fossés et de palissades.

Le défrichement périodique de nouvelles surfaces agricoles et le déplacement des villages impliquent une organisation sociale relativement égalitaire ainsi que les premières notions de droit sur l'espace conquis et exploité par la communauté.

LA STRUCTURE DU PAYSAGE.

La structure actuelle des villages ruraux de la région témoigne des premières mises en culture du sol à cette époque: la forme concentrée des agglomérations rurales de l'Entre-Sambre-et-Meuse serait en effet caractéristique de la première vague de colonisation d'origine danubienne, issue de l'Europe centrale au cours de cette période néolithique.

Le réseau de base des routes et des chemins ruraux date de cette époque. Ce réseau, disposé en étoiles ayant pour centres les différents villages, avait pour but premier de desservir les clairières cultivées par les trajets les plus commodes, c'est à dire ceux les mieux adaptés à la topographie. Ces premiers chemins sont donc essentiellement ceux situés dans le creux des vallées et sur les lignes de partage des eaux des bassins hydrographiques, ainsi que ceux passant par les cols entre les vallées. Cette règle générale est d'ailleurs valable quelque soit l'importance du relief.

A la fin du néolithique, les échanges commerciaux étaient déjà bien développés et furent à l'origine de l'apparition d'un réseau d'ordre supérieur aux relations se limitant au village. Cette évolution se fit parallèlement à la régression des cultures et à l'extension du pastoralisme suite à des modifications climatiques.