1550 - Pilori

Dans les Fonds de l'abbaye de Florennes (registre n°6, folio 111 recto) aux Archives de l'Etat à Namur, on peut lire un document du 16 novembre 1550:

Le XVIe jour de novembre , an XV.C.L. par le commandement de Messieurs Damp Johan d'Irmethon, abbé de l'église et monastère Saint-Jean de Florinnes, Damp Johan d'Oret, si que compteur et procureur delle monastère de Florinnes, accompagnés de Guillaume Salvaige, manbour d'icelle ont fait planter par ordonnance de justice au lieu de Soulmes devant l'église une estache où qu'il y a affichet un carkan et ce pour punir les mavais garchons et gens quy seront mesus.

Ce fut fait présent comme myeur du dit Soulmes Johan Frérat et eschevins Johan delle Ville, Johan Thomas, Jadon Bivoulle, Franchois Servaix et Johan Audry, tous échevins du dit Soulmes. Ce mesme jour furent par le dit Damp Johan d'Oret livret au dit Johan Frérat, mayeur, une paire de fierres a tout ung loquet pour emprisonner et punir les délinquants.

Jean d'Ermeton (Damp Johan d'Irmethon) était connu comme étant "un homme de vertu autant que de science". Ayant exercé les fonctions de pasteur à Mazée, il devint ensuite abbé de Florennes de 1537 à 1563. Dans l'acte cité ci-dessus, il exerce son droit de haut justicier sur le territoire de Soulme, droit qui était alors jalousement préservé parmi les différents privilèges détenus par les seigneurs de l'Ancien Régime.

Jean Frérat, mayeur de Soulme et maire de la cour de justice Saint-Jean-Baptiste siégeant à Soulme était encore en fonction en 1556 (AEN, Greffes scabinaux: Soulme, carton n°1).

Jean Audry, cité en tant qu'échevin, prit la succession de Jean Frérat et exerçait ses fonctions en 1564 et 1565.

La cérémonie qui se passe alors à Soulme est donc assez solennelle puisque les instances de Florennes sont présentes aux côté des autorités locales et probablement des villageois.

D'une certaine manière, cette cérémonie confirme les droit de Florennes sur Soulme qui existent depuis 1054 et ont été renouvelés plusieurs fois suite à certaines contestations et à certains conflits.

Au milieu du XVIIIe siècle, lors de l'écroulement de l'Ancien Régime, cette "estache" n'existait déjà plus à Soulme, seules les vieilles personnes se souvenant de l'avoir vue devant l'église paroissiale.

Un pilori tel qu'il devait en exister un à Soulme? Il devait sans doute s'agir de simples chaînes attachées dans un mur...

L'abbaye de Florennes sous l'Ancien Régime.

La ferme de l'abbaye est le vestige qui subsista après sa démolition lors de la Révolution Française.

Dans un document publié en 1949 (La Vie Wallonne N°B 160 - Crédite Communal - Tome 23 - 1949), Emile Brouette apporte les commentaires suivants sur ce texte (1).

On sait que, sous l'Ancien régime, l'érection d'un appareil patibulaire était réservé au seigneur haut justicier. C'était un des privilèges les plus jalousement gardés. Du fait de sa prélature, l'abbé de Florennes était seigneur hautain de Soulme. Jean d'Ermeton désigné en cette qualité était "un homme de vertu autant que de science"(1). Il avait exercé les fonctions pastorales à Mazée et gouverna l'abbaye de Florennes de 1537 à 1563. Jean Frérat que le document mentionne comme maire de la cour Saint Jean-Baptiste siégeant à Soulme était encore en fonction en 1556 (2). Un de ses successeurs fut Jean Audry, cité ici comme échevin. Il possédait le titre mayoral en 1564 et 1565 (3).

Comme on le remarque dans la relation de la cérémonie, celle-ci revêtit un caractère de solennité par la présence des délégués de l'abbé de Florennes, des échevins au complet et par le concours de la foule. Le fait prend la valeur d'un symbole, car il se situe peu après la définition des droits de Florennes à Soulme. Ceux-ci étaient fort anciens. C'est en 1057 déjà que le village, avec son église et sa dîme, avait été donné au monastère par un chevalier nommé Otbert en échange du domaine de Lesves (4). Mais, au cours des temps, ces droits ayant fait l'objet de contestations, il fallut les renouveler. Le 10 janvier 1455, un record de la commune de Soulme reconnut que l'abbé de Florennes était le seigneur hautain du lieu. Le droit de nommer maire et échevins lui était conformé par des actes de cette même communauté en date du 10 juin 1503 et du 15 novembre 1522. Enfin, le 20 novembre 1540 un manant fut condamné à réparation envers l'abbé pour avoir abattu un arbre dans le bois de Soulme et avoir ainsi attenté aux droits seigneuriaux. Le document consignant ce menu fait, enregistré par l'échevinage du lieu, fut placé dans les archives abbatiales et précieusement conservé: il constituait un important titre de souveraineté! Renouvelé à nouveau le 26 avril 1667 (5), le droit de haute justice fut gardé par Florennes jusqu'à la fin de l'Ancien Régime.

Quant à l' "estache" dont nous venons de relater l'érection, elle n'existait déjà plus au milieu du XVIIIe siècle; à ce moment, les vieilles gens seulement se souvenaient de l'avoir vue devant l'église paroissiales (6)

(1) U.Berlière, Monasticon belge, t.1er, p.12, Maredsous, 1890.
(2) Archives de l'Etat à Namur, Greffes scabinaux, Soulme, carton 1.
(3) Ibid. liasse n°5
(4) Archives de l'Etat à Namur, Fonds de l'abbaye de Florennes, registre n°1, folio 69 et 110.
(5) Ibid. Communes, Soulme, liasse n°1
(6) Ibid.