Eglise - 1896 - projet de renovation

Poursuite des rénovations.

En 1875, Henry Joseph Rousseau devient curé de Soulme. il sera remplacé en 1891, par Auguste Tichon qui quittera le village en 1896 pour devenir professeur de religion au Collège Communal de Dînant et aumônier des Etablissements Moyens de Dinant Rivage.

En 1895, la tour de l'église menace ruine et certains projettent de la démolir pour la remplacer par un clocher lui aussi néogothique. Les rénovations réalisées de 1856 à 1858 sont alors remises en question par la Commission des Monuments qui envisage de redonner un style roman à l'ensemble de l'édifice. Ce projet sera néanmoins abandonné étant donné l'ampleur et le coût des travaux à réaliser. Les travaux de réfection de la tour seront réalisés en 1898 et seront suivis par la plantation des arbres sur le Batty à côté de l'église.

En 1899, sous le sacerdoce de Léon Docq (1896-1902), une cloche en bronze de 738 kg., nommée Marie-Joséphine et sonnant le fa dièse, fut hissée dans le clocher à côté de la cloche de 700 livres placée en 1833.

1895 - La tour de l'église menace ruine.

Quarante ans après la rénovation de l'église en style ogival, une brèche s'ouvrit dans la tour et une partie de sa façade sud s'effondra dans le cimetière. Il fut alors question de démolir cette tour romane du XIe siècle afin de la remplacer par un clocher néo-gothique "digne" de l'édifice. Ce projet fut heureusement abandonné, mais suite aux discussions, la Commission Royale des Monuments proposa de restaurer l'église dans son aspect antérieur aux travaux d'exhaussement de 1857, ce qui ne manqua pas de provoquer des réactions parmi les membres du Conseil communal et du Conseil de Fabrique d'Eglise...

L'architecte namurois Lange dressa les plans et cahier des charges de plusieurs projets. Heureusement, suite aux rapports de l'architecte Bodène de Walcourt et du chanoine Renson, membre de la Commission Royale des Monuments, il fut finalement décidé de restaurer le clocher dans son état initial.

Les travaux, estimés à 5.000 fr. et mis en adjudication publique furent financés au 2/5 par le Gouvernement provincial et aux 3/5 par la commune. Les travaux furent terminés en 1898 par Simon Jules, entrepreneur à Rosée, et furent complétés par la plantation des marronniers du Batty qui parachevèrent la rénovation du site.

Les courriers échangés entre Auguste Tichon, curé de Soulme, et le chanoine Renson au sujet de ces travaux nous apportent d'importants renseignements sur l'histoire de l'église Sainte-Colombe de Soulme. Il est donc particulièrement intéressant de se référer à ces documents qui nous enseignent la précarité des goûts en matière d'architecture et des options prises lors de travaux de restauration à des monuments historiques...

18 avril 1896: demande d'intervention de la Commission des Monuments.

Suite à l'effondrement d'une partie de la tour romane du XIe siècle et au projet de remplacement de cette tour par un nouveau clocher, A.Tichon, curé de Soulme, écrit au Chanoine Renson et demande l'intervention de la Commission des Monuments. Ce courrier attire l'attention de la Commission sur l'intérêt architectural et historique de la petite église Sainte-Colombe de Soulme.

Soulme 1896 - Lettre du curé Tichon brêche église.pdf

Soulme (Surice), le 18 avril 1896,

Monsieur le Chanoine,

Je me permets de vous écrire au sujet de l'église de Soulme. Il s'est fait une brèche dans la tour et la Commune a décidé de la reconstruire à neuf. Les plans dressés par Mr. Lange seront sous peu soumis à la Commission des Monuments; deux photographies sont jointes au dossier.

Mais auparavant, je désire vous donner quelques renseignements sur cet antique édifice.

L'église a été construite par les Bénédictins de Florennes dont Soulme était une dépendance. D'après un document conservé aux archives de Namur, on peut établir qu'elle existe au XIIIe siècle. Elle était primitivement du style roman le plus pur. Les preuves abondent. Au chevet du choeur, on voit les traces de trois fenêtres en plein cintre assez petites. Sur les murs extérieurs des nefs, on voit parfaitement les vestiges des anciens pignons, trois de chaque côté. La porte d'entrée et une porte aujourd'hui murée, au fond de la nef gauche, sont aussi en plein cintre. Les anciens confessionnaux sont aussi en style roman.

La tour très large 7m x 7m est basse et ne dépasse pas le faîte de la toiture. Extérieurement, elle a une misérable apparence car l'appareil est des plus primitifs. Au chevet de la nef droite, on aperçoit les vestiges d'une petite fenêtre en ogive simple. Le chevet du choeur est plat.

La pierre des fonts baptismaux me paraît très ancienne. Malheureusement, elle est en partie murée et sans piédestal. On y voit aux quatre coins de belles têtes sculptées. Cette pierre ma paraît plus remarquable que celle de Dinant,d'Achêne. Aujourd'hui l'église est ogivale par les fenêtres et par les voûtes. Les fenêtres sont très anciennes, je veux dire qu'elles n'ont pas été reconstruites depuis l'époque ogivale, excepté celles du choeur dont je parlerai plus loin. Elles sont toutes de grandeur différentes à un meneau. Les colonnes en pierre bleue sont aussi fort anciennes: elles sont aussi toutes différentes les unes des autres quant aux moulures.

Jadis, il n'y avait qu'une fenêtre de chaque côté du choeur: en 1858 on en a percé deux; mais elles sont loin d'atteindre la perfection des anciennes. A cette époque, on a reconstruit dans le style ogival, les lattis, les voûtes qui auparavant étaient presque plates, composées de briquettes serrées par des poutres en bois fort rapprochées.

J'en ai dit assez, Monsieur le Chanoine, pour attirer votre bienveillante attention sur cet antique édifice. Il me semble qu'il mérite bien une visite et je serais fort heureux de vous la faire voir et de vous recevoir.

Je me permettrai aussi d'exprimer un désir. C'est que la Commission des Monuments la prenne sous sa protection. Si elle n'en mérite pas cet honneur au point de vue de la richesse de la structure, elle semble le mériter au point de vue de l'antiquité. Notre contrée n'est pas trop riche en curiosité de ce genre pour ne pas conserver celle-ci. Les réparations qu'elle demande ne seront peut-être pas fort onéreuses. Mais vous savez que les communes rurales sont utilitaristes et ne se laissent guère émouvoir par des considérations artistiques.

Veuillez agréer, Monsieur le Chanoine, l'hommage du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être votre bien humble serviteur,

A.Tichon, curé.


30 avril 1896 - Avants-projets de reconstruction de l'église.

Dans le Bulletin des Commissions Royales d'Art et d'Archéologie 1896 (35ème année, on peut lire les commentaires suivants qui seront d'ailleurs repris plus tard dans le courrier adressé à la commune:

Eglise de Soulme

Par lettre du 30 avril 1896, M. l'architecte Lange a soumis à lavis de la Commission deux avant-projets de reconstruction de la tour de l'église de Soulme (Namur), dont l'étude lui a été confiée par les autorités locales.

Avant de procéder à l'instruction de cette affaire, le Collège a chargé un délégue d'examiner la situation de la tour actuelle ainsi que l'ensemble de l'église que M. le curé de la paroisse signalait à son attention. Cette inspection a eu lieu le 2! mai 1896.

Le délégué a constaté que la masse de la tour est encore très solide; les principales dégradations que l'on y relève sont l'écroulement d'une partie du parement en moellons de la face sud et l'affaissement sur une certaine hauteur de l'angle sud-ouest, qu'on a du étançonner. Mais ces dégradations, qui sont faciles à réparer, ne comprometlent pas la tour au point de devoir la démolir. Celle tour présente une surface importante (7 mètres sur 7); elle constitue une des parlies les plus anciennes de l'église et parait remonter au XIIe siècle.

Le chœur dale également de cette époque; au chevet, qui se termine par un mur plat, se voient encore trois fenêtres romanes bouchées, dont celle du centre est plus élevée que les deux autres. Le tuf entre pour une part imporlante dans celle construction et les claveaux des baies romanes sont exéculés au moyen de ces matériaux. Il est regrettable que le chœur ait été exhaussé à une époque assez récente; on remarque parfaitement ou s'arrête la partie primitive au-dessus des baies romanes du chevet. Jadis, les faces latérales du chour n'avaient de chaque cöté qu'une petite fenntre datant du xr° siècle; c'est saus doute lors de l'exhaussement du chœur qu'on y a ouvert d'autres baies ogivales de construction très imparfaite.

La nef remonte à la fin du XVe siècle. Les murs des bas-cotés sont percés de fenêtres ogivales. Des traces qui se remarquent dans ces murs démontrent que les basses-nefs étaient autrefois terminées par des pignons, trois de chaque coté. La haute-nef avait probablement une claire-voie, ce dont le délégué n'a pu s'assurer, les moyens d'accès dans les combles faisant défaut.

Les voûtes de l'édifice sont en lattis et plafonnage et datent vraisemblablement de l'époque où l'on a exhaussé le chœur.

Comme conclusion, le délégué est d'avis qu'il n'y a pas lieu de reconstruire la tour et qu'il convient, au contraire, de la restaurer avec soin. Il sera bon de profiter de ce travail pour étudier le projet de rétablir toute l'église dans ses dispositions anciennes, c'est-à-dire de ramener le choeur à sa hauleur primitive el d'en ouvrir les baies romanes en supprimant les jours modernes, de reconstituer les pignons des bas-còles et d'examiner si la haute nef n'avait pas un éclairage spécial. L'église en question mérite qu'on fasse ce sacrifice en vue de lui restiturr la valeur architectonique et l'aspect pittoresque qu'elle présentait primitivement. Le délegué pense aussi qu'on peut la ranger dans la troisième classe des édifices monumentaux du culte.

En allendant qu'on soil en mesure d'entamer les travaux de restauration, il importera de veiller à ce que les eaux pluviales ne sejournent pas au pied des murs de l'édifice.

L'église de Soulme possède une cuve baptismale intéressante; elle semble remonter à la fin du XIIe ou au commencement du XIIIe siècle; elle est en partie encastrée dans le mur ouest du bas-coté sud. Il conviendrait de la dégager et de l'installer dans un endroit plus convenable de l'église.

La Commission s'est ralliée de tous points aux conclusions du rapport de son délégue. En conséquence, elle a prié le conseil de fabrique d'inviter M. l'architecte Lange à dresser sans retard le devis estimatil des ouvrages urgents de restauration à effectuer à la tour et de soumettre ce document à l'Autorité supérieure. Elle a également engagé ce Collège à faire étudier le projet de rétablissement de l'édifice dans ses dispositions anciennes conformément aux indications qui précèdent.

Le Secrétaire.
A. MASSAUX.

Vu en conformité de l'article 25 du règlement.

Le Président.
WELLENS

6 juin 1896: Rapport de la Commission des Monuments.

Suite à l'intervention du curé Tichon auprès du Chanoine Renson, la Commission des Monuments écrit au Conseil de fabrique d'église de Soulme afin de conseiller la restauration de la tour plutôt que son remplacement par un clocher néo-gothique. En outre, la Commission propose de remettre l'ensemble de l'église dans son état antérieur à la rénovation réalisée en 1857... Cette proposition ne manqua certainement pas de provoquer des réactions au sein du Conseil de la fabrique d'église et du Conseil communal. Cette remise en l'état antérieur ne fut jamais réalisée...

Soulme 1896 - Restauration église.pdf

Bruxelles, le 6 juin 1896,

Monsieur le Président du Conseil de fabrique de l'église de Soulme,

Nous avons l'honneur de vous faire connaître que M. l'architecte Lange a soumis à notre avis les deux avants-projets ci-joints de reconstruction de la tour de l'église de Soulme.

Avant de procéder à l'instruction de cette affaire, nous avons chargé un délégué de notre Collège d'examiner la situation de la tour actuelle ainsi que l'ensemble de l'église que M. le Curé de la paroisse signalait à notre attention.

Notre délégué a constaté que la masse de la tour est encore très solide; les principales dégradations que l'on y relève sont l'écroulement d'une partie du parement en moellons de la face sud et l'affaissement, sur une certaine hauteur, de l'angle sud-ouest qu'on a dû étançonner. Mais ces dégradations, qui sont faciles à réparer ne compromettent pas la tour au point de devoir la démolir. Cette tour présente une surface importante; elle constitue une des parties les plus anciennes de l'église et paraît remonter au XIIème siècle.

Le choeur date également de cette époque; au chevet qui se termine par un mur plat, se voient encore trois fenêtres romanes bouchées dont celle du centre est plus élevée que les deux autres. Le tuf entre pour une part importante dans cette construction et les claveaux des baies romanes sont exécutées au moyen de ces matériaux. Il est regrettable que le choeur ait été exhaussé à une époque assez récente; on remarque parfaitement ou s'arrête la partie primitive au-dessus des baies romanes du chevet. Jadis, les faces latérales du choeur n'avaient, de chaque côté, qu'une petite fenêtre datant du XVème siècle; c'est sans doute lors de l'exhaussement du choeur qu'on y a ouvert d'autres baies ogivales de construction très imparfaite.

La nef remonte à la fin du XVème siècle. Les murs des bas-côtés sont perçés de fenêtres ogivales. Des traces qui se remarquent dans ces murs démontrent que les basses-nefs étaient autrefois terminées par des pignons, trois de chaque côté. La haute-nef avait probablement une claire-voie, ce dont notre délégué n'a pu s'assurer, les moyens d'accès dans les combles faisant défaut.

Les voûtes de l'édifice sont en lattis et plafonnage et datent vraisemblablement de l'époque où on a exhaussé le choeur.

Comme conclusion, notre délégué est d'avis qu'il n'y a pas lieu de reconstruire la tour et qu'il convient, au contraire, de la restaurer avec soin. Il sera bon de profiter de ce travail pour étudier le projet de rétablir toute l'église dans ses dispositions anciennes, c'est-à-dire de ramener le choeur à la hauteur primitive et d'en ouvrir les baies romanes en supprimant les jours modernes, de reconstruire les pignons des bas-côtés et d'examiner si la haute-nef n'avait pas un éclairage spécial. L'église en question mérite qu'on fasse ce sacrifice en vue de lui restituer la valeur architectonique et l'aspect pittoresque qu'elle présentait primitivement. Notre délégué pense aussi qu'on peut la ranger dans la 3ème classe des édifices monumentaux du culte.

En attendant qu'on soit en mesure d'entamer les travaux de restauration, il importera de veiller à ce que les eaux pluviales ne séjournent pas au pied des murs de l'édifice.

L'église de Soulme possède une cuve baptismale intéressante; elle semble remonter à la fin du XIIème siècle ou au commencement du XIIIème siècle; elle est en partie encastrée dans le mur ouest du bas-côté sud. Il conviendrait de la dégager et de l'installer dans un endroit plus convenable de l'église.

Nous ne pouvons, Monsieur le président, que nous rallier de tous points aux conclusions du rapport de notre délégué. Nous vous prions conséquemment d'inviter M; L'architecte Lange à dresser sans retard le devis estimatif des ouvrages urgents de restauration à effectuer à la tour et de soumettre ce document à l'autorité supérieure. Vous jugerez sans doute utile aussi de faire étudier le projet de rétablissement de l'église dans ses dispositions anciennes conformément aux indications qui précèdent.

Agréez...

17 octobre 1896: Abandon du projet de restauration.

Suite aux délibérations du Conseil communal au sujet du projet de la restauration de l'église dans son état antérieur à 1857, le curé Tichon écrit de nouveau du Chanoine Renson pour lui faire part des différentes considérations techniques, financières et esthétiques qui ont décidé de l'abandon de ce projet.

Soulme 1896 octobre - Lettre du curé - Rénovation église.pdf

Dinant, le 17 octobre 1896,

Monsieur le Chanoine,

Je suis un peu honteux de vous écrire; j'ai toujours remis pour vous remercier de votre visite à Soulme que les premiers travaux soient commencés et rien n'est fait et entre temps, Monseigneur m'a appelé aux fonctions de professeur de religion au collège communal et établissements moyens à Dinant.

La commune de Soulme, immédiatement après votre visite, a voté la restauration de la brèche de la tour, et le renouvellement de la toiture. Elle attend depuis de long mois l'approbation des autorités supérieures et maintenant il est trop tard: il faut attendre le printemps.

Quant à la restauration générale et à la restauration du choeur suivant les indications de votre rapport, je me permettrai de signaler une difficulté.

J'ai appris après votre honorable visite un détail important: l'arc du choeur a été rehaussé en 1858 de deux ou trois mètres.

Pour remettre le choeur à son état primitif, il faudrait donc le baisser; mais alors, il n'y aurait plus accord avec la grande nef.

J'ai visité les combles, comme vous me l'aviez demandé, pour voir si les murs de la grande nef ne portaient pas de traces de fenêtres. Or ces murs ne s'étirent guère au dessus des colonnes - la plus grande partie de la voûte est en lattis.

J'ai examiné attentivement les traces des pignons latéraux; la base ne correspond pas justement aux chapiteaux des colonnes.

J'ai beaucoup examiné et à mon humble avis, la restauration demanderait un remaniement complet et un grand travail.

Les deux fenêtres du choeur qui existaient avant 1858, au dire des anciens, étaient en ogive simple.

Je me suis rendu à une séance du conseil communal et les paysans qui en font partie m'ont fait une objection sérieuse. En 1858, la commune a dépensé 8.000 francs pour remettre l'église dans le vrai style. (J'ai relu les considérants de la délibération qui sont curieux). Et aujourd'hui, voilà que le vrai style était l'ancien!

Notez, Monsieur le Chanoine, que l'on a inscrit sur la tombe de Mr. Nivaille, curé à cette époque, comme une fête de gloire: "Par lui cette église a été restaurée et embellie".

Cependant le Conseil m'avait fait cette concession, qu'il consacrerait mille francs à ces travaux, mais il ne voulut pas dépenser cette somme.

Quoique je ne sois plus curé de cette paroisse, je m'occuperais encore volontiers de l'église, n'étant pas très éloigné.

Certes, ce serait bien mériter de l'art de vaincre ces diverses difficultés et de remettre l'église dans son état primitif pour le choeur et de rétablir les pignons des basses nefs.

Il n'y a pas de doute qu'ainsi rétablie, elle ne soit une curiosité.

Veuillez agréer, Monsieur le Chanoine, l'hommage de mon profond respect et de mon entier dévouement.

A.Tichon,

ancien curé de Soulme,

aumônier des établissements moyens

Dinant rivage.