Rue Désiré Mathieu n°22-24

L'ancienne rue Basse Bayet.

L'impasse qui constituait anciennement la rue Basse Bayet se situe dans le prolongement de l'ancienne rue Grande. On y trouve actuellement deux habitations: les n°22 et 23 de la rue Désiré Mathieu.

Les plans cadastraux actuels montrent clairement que cette rue se prolongeait jadis vers la vallée de l'Hermeton: son emprise, qui se décale vers la droite, constitue d'ailleurs toujours des terrains communaux occupés par les jardins qui ferment actuellement la rue. Il est évident que cette impasse formait la prolongation de la rue qui traverse tout le village et constituait vraisemblablement le tracé de l'antique voie qui conduisait du plateau de Vodecée vers Givet.

La rue Basse Bayet en 1954.

La rue Basse Bayet vers 1956.

Jusqu'au début des années cinquante, lors du placement d'une canalisation d'évacuation des eaux usées, un large fossé d'écoulement des eaux s'ouvrait à l'extrémité de l'impasse et se prolongeait dans les jardins où de larges dalles de marbres permettaient de le franchir. Ce fossé devait anciennement alimenter la "basse" - c'est-à-dire l'étang - qui appartenait à la famille Bayet et qui avait donné son nom à la rue.

Lors de la création du village, la vieille route d'Omezée, provenant des mines de fer antiques de la région de Vodecée, devait donc passer par ici avant de descendre vers l'Hermeton, remonter vers Gochenée et se diriger vers Givet. Il n'est pas difficile d'imaginer les Romains transportant ici les lingots de minerai de fer vers la Meuse et les camps fortifiés qui jalonnaient la vallée. C'est sans doute ainsi que naquit le village de Soulme, situé sur une butte entre la vallée de l'Omeri et la vallée de l'Hermeton et surtout à mis chemin de Vodecée et de Givet, formant ainsi une halte idéale, près d'une source abondante, pour les charrois qui devaient partir le matin pour atteindre leur destination avant la tombée de la nuit...

L'ancienne rue Basse Bayet à la fin des années 1970.

L'ancienne rue Basse Bayet au XXIe siècle...

N°22.

Cette ancienne fermette de la seconde moitié du XIXe siècle est composée d'un corps de logis construit postérieurement à la grange qui était précédemment jumelée avec le logis du n°23. Initialement, les volumes étaient disposés dans l'ordre logique, l'étable se trouvant entre la grange et l'habitation (n°22). Après le transfert de propriété, cet ordre fut donc inversé avec, de gauche à droite: le corps de logis, la laiterie, la grange et l'étable.

La maison a été construite après 1845 sur le jardin de la maison voisine du n°21, dans un espace entre la maison et la grange voisine. Le n°21 ne possède donc qu'une petite courette, son jardin ayant été déplacé à l'arrière des terrains en bout de la rue Basse Bayet. La grange appartenant initialement à la ferme voisine, on peut supposer qu'il s'agit d'un transfert de propriété entre un père et un fils qui a repris la ferme et s'est installé à côté de ses parents. Le jardin de cette maison est décalé derrière la grange en raison de la position du jardin du n°20. Il s'agirait donc vraisemblablement d'un échange de propriété entre deux voisins afin de permettre l'installation du fils de l'un d'eux.

Après aménagement de cette fermette en seconde résidence, le corps de logis s'est agrandi en occupant la laiterie et son fenil; la grange a été remplacée par un garage, son portail ayant été rehaussé et la baie du fenil disparaissant par le rehaussement de la porte de l'étable.

A l'origine cette fermette était chaulée en rose pâle avec le soubassement traditionnellement badigeonné en noir et les menuiseries peintes en vert clair. A l'exception des petites fenêtres qui sont cernées de brique rouge, les linteaux et montants de baies sont en pierre.

Il y a lieu de noter les grandes dalles en marbres rouges qui forment le seuil du corps de logis et qui sont vraisemblablement postérieures à sa construction, l'un des propriétaires ayant été un ouvrier carrier.

Le n°8, rue Basse Bayet (en 1954), devenu...

... le n°22, rue Désiré Mathieu (en 2018).

N°23.

Dans le prolongement du volume qui la précède, un maison occupe actuellement deux anciennes petites habitations identiques avec porte et une travée de fenêtre sur deux niveaux. Ces petites maisons servirent certainement de logement à des journaliers ou des ouvriers carriers.

La finition de la façade de ces maisons était identique à celle de la fermette voisine. A noter néanmoins que les tours de fenêtre sont ici en marbre rouge, longtemps dissimulé sous le traditionnel chaulage.

Avec l'étable et la grange voisine, devenues peu après 1845 propriétés du n°22, cet ensemble devait constituer initialement une seule ferme isolée, le n°22 n'ayant été construit qu'après cette date.

N°24.

L'ensemble formé par cette vaste demeure et les deux granges attenantes, disposées perpendiculairement, s'organisaient autour d'un usoir qui a été privatisé, clôturé par un muret et remblayé pour former un jardin d'agrément qui supprime tout accès à l'une des granges.

Le n°24 de la rue Désiré Mathieu vers 1955 et...

... vingt ans plus tard.

Une partie de ces bâtiments pourrait dater de la première moitié du XVIIe siècle. Par un acte notarié de 1621, Jean Gilson, brasseur, vendit en effet à Cosme Colart, curé de Soulme, une maison "joincdant vers orient aux coutures de Florinne, vers midy au maieur de Soulme avecque une rualle entre la grange de ladite maison et brassine du mayeur, des aultres costés audit curé".

Le n°24 vu depuis l'ancienne cure. La partie droite du bâtiment et la grange au toit de tuile ont probablement été construites postérieurement et successivement.

A l'origine ce vaste logis était vraisemblablement constitué de deux habitations possédant chacune sa grange. La division en deux corps de logis est encore marquée dans la maçonnerie de façade. Avant ravalement et rejointoiement de la façade, les différentes époques de construction du bâtiment étaient encore visibles dans les différences de tonalité et d'appareillage des maçonneries ainsi que dans la différence dans le revêtement de la toiture. Une liaison de la maçonnerie a d'ailleurs dû être renforcée ensuite par un pilier de soutènement.

Le pignon du n°24 est constitué d'une étable sous fenil et perçé de deux fenêtres appartenant au logis.

La toiture, couronnée en son centre par une énorme cheminée, se termine par des croupettes. Au sommet de chacune de celles-ci, deux anciens paratonnerres protègent le poinçon de la charpente et assurent aussi son étanchéité. Mais ce lestage dérisoire, parfois remplacé par une poterie, a aussi un porte-bonheur par sa forme ronde, symbole solaire et de fécondité.

Sur le pignon situé du côté de la rue, surmonté en toiture d'une petite croupette, s'ouvrait une étable. Les baies de ce pignon ont été agrandies et les encadrements en pierre refaits.

Le n°24 de la rue Désiré Mathieu vers 2018.

Sur la façade nord, en grande partie aveugle, s'ouvrent uniquement deux fenêtres superposées et la porte donnant accès à la cave. Le second pignon, visible de l'extrémité de l'ancienne rue Basse Bayet, est encore constitué de colombages, ce qui laisse supposer que cette solution a été choisie par soucis d'économie, ce pignon n'étant pas visible de la rue, ou qu'il avait été prévu d'agrandir la bâtiment dans cette direction, le colombage ne servant traditionnellement que pour les parois intérieures. La présence d'ouvertures dans ce colombage semble prouver que la grange a été construite postérieurement à la maison, un espace existant à l'origine entre la maison et la deuxième grange.

Pignon en colombage à l'extrémité de l'ancienne rue Basse Bayet.