Un camp romain à Louvain-Chestia?

UN CAMP ROMAIN A LOUVAIN-CHESTIA ?

Ces périodes qui précèdent l'arrivée des Romains nous ont également laissé de nombreux promontoires fortifiés en éperons barrés. Ces lieux de refuge, appelés OPPIDA (pluriel de OPPIDUM) par les Romains, étaient innombrables et bon nombre d'entre eux doivent remonter au néolithique. Ils sont restés difficilement datables étant donné leurs occupations successives depuis le néolithique jusqu'au Moyen Age.

La plupart de ces ouvrages défensifs se dressaient sur un promontoire escarpé situé dans la boucle d'une rivière ou au confluent de deux cours d'eau. Leur difficulté d'accès semble démontrer que leur seule fonction consistait à servir de refuge contré les envahisseurs, notamment lors des premières invasions celtiques. Ils étaient protégés par des fossés, des palissades et des levées de terre qui, dans bien des cas, restent encore visibles aujourd'hui. Les camps fortifiés à la limite d'Olloy, de Dourbes et de Nismes, de la ROCHE A LOMMES entre Dourbes et Nismes et le VI-CHESTIA de Waulsort furent occupés à de multiples reprises au moins jusqu'à la fin de la période romaine.

Il n'est pas impossible qu'un tel refuge ait existé à Soulme dès la plus haute antiquité et sans doute au voisinage de quelques exploitations agricoles.

Dans son livre intitulé "La Meuse et le Pays Mosan en Belgique" (extrait du tome XXXIX des Annales de la Société Archéologique de Namur, publié en 1930, Félix Rousseau, évoquant les invasions germaniques, expliquait:

Pendant ces tragiques années, les populations locales ont dû mener une existence précaire et mouvementée. Quel témoignage évocateur de ces temps troublés nous fournissent les "camp refuge" que l'on découvre, ça et là, dans les parties montagneuses du pays! On en a déjà signalé un bon nombre; une enquête approfondie en ferait découvrir d'autres encore. La toponymie pourrait être d'un grand secours dans ce travail de prospection. Parmi les lieux-dits de beaucoup de localités du Condroz ou de l'Entre-Sambre-et-Meuse, on relève les mots chession ou chestion qui désignent, d'habitude, une hauteur escarpée, bien protégée par la nature. Or, chession ou chestion, suivant les variantes dialectales, dérivent, par les transformations phonétique régulières, du mot latin castellio, petite forteresse. Les chessions sont souvent d'anciens oppida celtiques ou préhistoriques, réoccupés et fortifiés lors des invasions des Barbares.
Voici l'aspect que présentait, d'ordinaire, un camp de refuge. Il occupait le sommet d'un promontoire, d'un éperon rocheux, isolé de trois côtés par des pentes raides ou à pic, et dont le seul côté accessible, le point faible, était fortement défendu par une solide muraille, souvent flanquée d'une tour, et précédée d'un fossé, voir d'un ou de plusieurs retranchements en terre. Sur le plateau se pressianet d'étroites cabanes construites en pisé, et d'autres petits bâtiments servant d'étable pour le bétail. Le chession de Furfozz, dans le vallée de la Lesse, présentait cette particularité d'être pourvu d'un petit établissement de bain avec hypocauste, caprice, sans doute, d'un gros propriétaire foncier du voisinage.
Ce type rudimentaire de forteresse, capable de résister à un coup de main, offrait un asile sûr aux habitants des campagnes lorsque des bandes de pillards battaient la contrée; ceux-ci n'avaient ni le loisir ni les connaissances techniques requises pour entreprendre un siège en règle.

Le promontoire de Louvain-Chestia domine à vallée de l'Omeri et a été exploité comme carrière de marbre. (Photos des années 1960)

Le nom de la carrière de LOUVAIN-CHESTIA, parfois encore dénommée LOUVAIN- CHATEAU, située au passage de la route de Surice sur l'Omeri, peut en effet être rapproché du VI-CHESTIA (ou Vieux-Château) de Waulsort qui domine la vallée de la Meuse et où sont encore visibles les traces d'un tel camp fortifié..

Le promontoire de LOUVAIN-CHESTIA domine la vallée de l'Omeri, non loin du confluent avec l'Hermeton. L'endroit peut contrôler le passage entre le plateau de Gochenée et celui d'Omezée. La tradition locale rapporte en effet qu'un camp romain aurait existé dans les environs de Surice. Il n'est donc pas impossible que ce camp se soit installé à cet endroit pour des raisons stratégiques. L'ancienne dénomination du RIU DOMERIS peut en effet nous faire penser à une forme conjuguée du verbe latin dominare, être maître, dominer, régner, commander, ce qui signifierait que la vallée devait être étroitement surveillée...

Le promontoire de Louvain-Chestia permet une belle vue sur la vallée de l'Omeri.

Les anciens Soulmois prétendaient parfois que le marbre exploité dans la carrière de LOUVAIN-CHESTIA aurait jadis servi à la construction d'une église à Louvain, ce qui expliquerait une partie du nom de ce lieu-dit. Cependant, les cartulaires de l'abbaye de Waulsort témoignent qu'en 1362, époque à laquelle les carrières de marbre n'étaient pas encore exploitées, ce lieu était déjà connu sous le nom de L'OUVINCASTIAL, ce qui prouve que cette appellation était de loin antérieure à l'exploitation du marbre à cet endroit.

A l'époque romaine, Louvain-Chestia surveillait sans doute le vieux chemin d'Omezée qui permettait l'exportation du minerai de fer de Vodecée vers la vallée de la Meuse.

Le mot louvain nous fait évidemment penser au mot latin valus (la vallée) qui est notamment à l'origine du nom de Vaucelles. La dénomination de LOUVAIN-CHESTIA signifierait en quelque sorte et de manière tout à fait littérale: le château là-bas dans la vallée. Louvain est en effet à rapprocher du lauvaux du patois local qui signifie là-bas et de vaux, pluriel ancien de val, vallée.

Le mot chestia trouve son origine dans le castrum latin, dénomination donnée à un type de camp militaire romain, et qui fut remplacé dès le Ve siècle par l'expression castellum qui se transforma au Moyen Age en castel, castial, puis en chestia et château.

La carrière de Louvain-Chestia fut aussi dénommée carrièe de Saint-Gobiet.

Ecrit sous la forme louvin, ce mot est alors à rapprocher du nom latin ovis, le mouton, ou de sa forme adjective ovinus. L'expression L'OUVINCASTIAL de 1362 signifierait alors le château des moutons et pourrait nous faire penser que l'endroit servait de lieu de pâture ou de refuge aux moutons particulièrement nombreux à cette époque: les paysans devaient sans doute y parquer leurs troupeaux à l'abri des envahisseurs.

Il n'est pas impossible que ces deux racines latines se soient tout simplement superposées à cause de leur similitude de prononciation et de leur signification qui, dans les deux cas, pouvait s'appliquer au lieu-dit.