Bilan historique

Les seigneurs du lieu.

Le document historique le plus ancien relatif au village de Soulme date de 1057. Théoduin, évêque de Liège ratifie alors un échange entre le chevalier Otbert et l'abbaye Saint-Jean de Florennes qui cède le bénéfice de la ville de Lesnes contre le bénéfice de Soulme. L'abbé de Florennes céda rapidement une partie de ses droits au comte de Florennes. Dès le XIe siècle, Soulme relève donc de la Principauté de Liège et le restera jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. D'après la tradition locale, ce sont les moines de Florennes qui auraient construit la première église de Soulme dont il subsiste actuellement la tour, anciennement fortifiée.

Les droits de l'abbé et du seigneur de Florennes seront plusieurs fois confirmés, notamment par les papes Alexandre III en 1180 et Clément III en 1188, ainsi que dans différents actes notariés, notamment les contrats de mariage des seigneurs de Florennes.

Dès le XIVe siècle, l'abbaye de Waulsort partagea néanmoins certains droits sur le territoire de Soulme avec l'abbaye de Florennes suite au décès de Jean Baras, curé de la paroisse, qui légua ses biens personnels à l'abbaye de Waulsort.

Cependant, la situation administrative du village se compliqua quelque peu par la suite. On constate en effet qu'en 1409 le Comte de Fosses perçoit la taille dans le village. A cette époque, l'abbaye de Florennes avait été incendiée par les troupes du Comte de Hainaut et il est donc possible que l'abbé ait cédé certains droits à son voisin de Fosses afin de pouvoir reconstruire son abbaye.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, on note également que les Jacquier de Rosée, famille de maîtres de forges, possèdent également des droits dans la commune. Il en est de même de la baronnie de Pesches qui faisait elle-même partie de la seigneurie de Florennes et s'étendait des frontières du Hainaut à celles de la France. Cette baronnie, tenue par Mme la princesse de Croy qui en avait hérité des comtes de Millendonck, barons de Pesches, était en effet propriétaire de plusieurs bois d'une grande étendue sur le territoire de Surice, Romedenne, Soulme, Vodelée, Gochenée, Lautenne et Cerfontaine.

Les moines de Soulme représentés à la fête des fusions en 1982, qui commémorait le dixième anniversaire de la fusion des communes.

Le village dévasté.

Situé dans une région de conflits fréquents, le village de Soulme, tout comme les villages voisins, eût à souffrir à maintes reprises du passage des troupes, amies ou ennemies. Les pages tragiques de cette histoire ont laissé quelques traces tant dans les documents historiques que dans le principal monument du village, à savoir son église.

On peut supposer que la première nef de l'église, construite en même temps que la tour du XIe siècle, fut détruite au siècle suivant lors des rivalités entre la Principauté de Liège et le Duché de Brabant. La nef actuelle présente en effet des vestiges de la nef reconstruite au XIIIe siècle, mais aucune fouille archéologique n'ayant été réalisée, il est difficile de préciser l'aspect de la nef initiale.

En 1466, lors du soulèvement de la Principauté de Liège contre les tentatives d'annexion des ducs de Bourgogne, les troupes bourguignonnes attaquèrent le sud de la principauté et investirent notamment le village de Soulme où il détruisirent le moulin, alors dénommé "molin de Gossegnée".

Au XVIe siècle, Soulme devint véritablement un village frontalier puisque, suite aux guerres de Charles Quint contre François Ier, puis Henry II, l'Hermeton devint une frontière naturelle entre la Principauté de Liège, à laquelle appartenait Soulme, et les Pays-Bas espagnols, puis le Royaume de France, auxquels appartenait Gochenée. Le brigandage étant tellement fréquent dans la région que, en 1550, l'abbé de Florennes décida d'établir à Soulme une "attache pour punir les mauvais garçons".

En 1577, les garnisons des places fortes de Mariembourg, Philippeville et Charlemont mirent à sac les différents villages de la vallée de l'Hermeton, les troupes bivouaquant dans les villages. Les gens de guerre de Couvindévastèrent également le village et toute la région en 1587. C'est probablement de cette époque que date la dénomination du lieu-dit "la Citadelle", situé au coeur du village et que l'église de Soulme fut à nouveau détruite, sa reconstruction en style ogival datant du XVIe siècle.

Au XVIIe siècle, pendant les guerres de Louis XIV, les campagnes sont à nouveau régulièrement dévastées et les habitants soumis aux réquisitions et aux corvées aux forts de Charlemont et de Philippeville. La situation économique des villageois est telle que, faute de pouvoir payer leurs impôts à l'abbé de Florennes, ils sont souvent menacés "d'exécution militaire".

Au siècle suivant, le village eût de nouveau à souffrir des guerres des Pays-Bas autrichiens: c'est ainsi qu'en 1742 le presbytère fut ruiné par les troupes qui dévastèrent une fois de plus la région.

Le XIXe siècle fut heureusement beaucoup plus calme pour le village. Malheureusement, lors de la première guerre mondiale, l'arrivée des Allemands dans le village donna lieu à un pillage systématique de toutes les maisons. Les Allemands firent six victimes parmi les habitants, dont une femme. Lors de la guerre 1940 - 1945, la situation fut beaucoup moins dramatique pour les soulmois qui luttèrent néanmoins de manière active contre l'occupant, notamment en cachant des aviateurs américains.

L'économie locale.

Le village de Soulme est essentiellement agricole et se consacre plus à l'élevage et la culture herbagère en raison de la nature des sols, peu adaptée aux cultures céréalières. L'exploitation forestière joua également un rôle important dans l'économie communale en raison de la superficie importante des bois, surtout au nord de la commune.

A partir de 1757, l'économie villageoise fut profondément modifiée par le développement de l'exploitation du marbre local. L'ouverture de la carrière de Falgeotte, au Nord du village, fut bientôt suivie de celle de Louvain-Chestia, dans la vallée de l'Omeri, puis par celle de Richemont, dans la vallée de l'Hermeton, en 1853. Une scierie de marbre fut également créée au bord de l'Hermeton.

La commune de Soulme devint donc une commune particulièrement prospère malgré les revers que devait parfois connaître l'exploitation du marbre, notamment lors de la création des taxes d'importation en France en 1832. D'autres tentatives d'exploitation furent alors réalisées dans la commune, plus particulièrement en ce qui concerne le minerai de fer et l'ardoise.

Cette richesse communale permit de restaurer et d'embellir l'église, d'ouvrir une nouvelle route vers Surice, d'installer une distribution d'eau, de créer une école et un bureau de bienfaisance.

Sur le plan agricole, l'introduction de nouvelles méthodes de culture augmenta également de manière notable la production locale: de nombreuses granges furent alors rehaussée pour permettre un stockage plus important des récoltes. De nouvelles maisons furent alors construites dans le village pour pouvoir loger la population en augmentation: fermiers, journaliers et ouvriers carriers. Tous les métiers étaient alors pratiqués dans le village, certains habitants en exercant d'ailleurs plusieurs simultanément, suivant les saisons ou les circonstances.

Deux nouveaux moulins furent alors créés et vinrent compléter le vieux moulin de Soulme: le moulin de l'Omeri et le moulin de Presles, situé sur l'Hermeton, en aval des carrières de Richemont. Les grandes familles soulmoises s'enrichirent: cette prospérité se devine encore aujourd'hui dans le décor de l'église, résultat de nombreuses donations faites par les paroissiens. Trois chapelles privées furent également construites par des particuliers.

La première guerre mondiale et la crise économique de l'entre deux guerres apporta certainement un coup fatal à cette prospérité économique. La seconde guerre mondiale n'arrangea pas les choses. Après 1950, les carrières de marbre fermèrent définitivement. En cinquante ans, le développement de la mécanisation agricole suivi de l'établissement de normes européennes apportèrent certainement plus de bouleversement à l'économie locale que toutes les nouvelles techniques ou modes d'organisation inventées au cours des siècles précédent. Des 25 fermes existantes vers 1950, il n'en subsiste plus que 3 aujourd'hui alors que le cheptel et la production agricole sont pratiquement identiques.

Pendant près de 20 ans, le dépeuplement du village fut systématique, les jeunes espérant trouver à la ville les occupations professionnelles qu'ils ne pouvaient trouver à la campagne. Les fermettes abandonnées devinrent secondes résidences, puis résidences définitives de retraités puis peu à peu de nouveaux habitants ayant leurs activités professionnelles à l'extérieur. Le village devint ainsi de plus en plus un village résidentiel ayant quelque peu perdu son isolement grâce à la création de voies de circulation et au développement de moyens de communication individuels.

Depuis quelques années, un retour au village s'est amorçé et de jeunes couples sont venus s'y réinstaller. Les enfants jouent de nouveau au milieu des rues du village et la restauration d'anciennes maisons, parfois inoccupées depuis plusieurs dizaines d'années, est le signe précurseur d'un renouveau.

Le classement des monuments et sites remarquables du village, l'obtention du label des "Plus Beaux Villages de Wallonie", la création du Parc naturel Viroin-Hermeton, la promotion des produits du terroirs et de nouvelles activités économiques et le développement d'un tourisme rural de proximité sont probablement les prémices de nouveaux changements.

L'histoire de Soulme n'est pas finie. Elle ne fait que commencer...