Les voies romaines

LES VOIES DE COMMUNICATION.

De 38 à 22 avant notre ère, Agrippa, gouverneur de la Gaule et gendre d'Octave Auguste, décida l'aménagement des routes gauloises existantes en voies militaires servant de liaisons administratives entre les cités mais aussi pour le déplacement et l'approvisionnement des légions. La prospérité agricole et la richesse des ressources métallifères de l'Entre-Sambre-et-Meuse favorisèrent le développement de voies de communications importantes qui jouèrent un rôle essentiel dans l'acheminement des produits agricoles, de l'élevage et des productions métallurgiques de l'Entre-Sambre-et- Meuse et du Condroz vers les régions rhénanes et moselannes.

Une première chaussée romaine reliant Saint-Quentin à Cologne passait au sud de Chimay puis traversait les agglomérations de Boussu-en-Fagne, Frasnes, Dourbes, Matagne-la-Grande et Matagne-la-Petite, Gimnée et Doische avant de traverser la Meuse à Heer et rejoindre Gendron par Mesnil-St-Blaise, HulsonniaLlx et Furfooz.

Une deuxième route, tout aussi importante et située plus au nord reliait Bavay, Dinant, Arlon et Trèves et est plus communément appellée "chaussée des Trévires". Les communes que cette chaussée traverse sont bien connues pour leurs vestiges gallo-romains: Montignies-St- Christophe, Fontaine-Valmont, Morialmé, Stave, Serville, Falaen, Sommière et Bouvignes- sur-Meuse. De là, cette chaussée remontait la vallée de la Leffe vers Taviet-sous-Achène où elle rejoignait la chaussée de St-Quentin à Cologne ainsi que la chaussée joignant Namur à Arlon. Le tracé exact de ces chaussées n'est pas facile à établir avec certitude car de nombreux autres tracés se sont implantés parallèlement à ceux-ci.

La route actuelle de Nismes à 0lloy, Vierves, Treignes, Mazée et Vaucelles existait déjà à l'époque romaine: c'est la route du Viroin, intérieure au pagus. Celle de Florennes à Corenne, Serville, Weillen et Dinant est encore appelée actuellement "chaussée romaine".

A Corenne, une chaussée secondaire déviait de cet itinéraire vers Anthée où se trouvait une villa importante, descendait la vallée du Féron près du château Fontaine, traversait la Meuse à Hastière et se dirigeait vers le sud-est par Blaimont et Mesnil-St-Blaise.

Il y a lieu de remarquer que l'occupation romaine de nos régions dura près de cinq siècles, soit une durée équivalente à celle qui nous sépare de Jeanne d'Arc! Ces cinq siècles virent de profondes mutations dans l'occupation du paysage et le tracé des routes n'est donc pas resté immuable...

Les voies romaines dans la région de Soulme.

En brun: au nord, la chaussée des Trévires, de bavai à Trèves et au sud, la chaussée de St-Quentin à Cologne

En vert: au nord, la "chaussée romaine" de Dinant et au sud, la route du Viroin, réunis par une voie de Corenne à Mesnil-St-Blaise par la villa d'Anthée.

En mauve: les liaisons nord-sud Morialmé-Nismes et Falaën-Olloy (elles se prolongeaient vers le nord et le sud)

En bleu: les liaisons est-ouest probables, Morialmé-Hastière, Vodecée-Agimont et Neuville-Agimont (elles se prolongeaient sans doute vers l'est et l'ouest).

Les chaussées romaines entre Bavay, Vervins, Tongres et Arlon
Ronds verts = chefs lieux de civitas et agglomérations - Triangles bruns = sanctuaires principaux
Extrait de la carte de G. & M.-T. Raepsaet-Charlier disponible sur
https://crea.centresphisoc.ulb.be/fr/recherches/banques-de-donnees/carte-de-gaule-du-nord

LES ROUTES SECONDAIRES.

Toute la zone située entre les grands axes routiers de Florennes à Dinant et de Nismes à Givet devait donc être parcourue par un réseau de chemins secondaires, de diverticules, réunissant entre eux les différents centres d'exploitation agricole et minière et permettant l'exportation des produits locaux vers les chaussées plus importantes et la vallée de la Meuse.

LES LIAISONS NORD-SUD.

L'analyse cartographique permet de découvrir que deux itinéraires actuels de direction nord-sud, implantés parallèlement à la vallée de la Meuse, pouvaient relier entre elles des agglomérations qui devaient déjà exister à l'époque romaine:

    • Morialmé, Saint-Aubin, Vodecée, Villers-en-Fagne, Fagnolle, Nismes: cet itinéraire aurait permis une communication entre les exploitations minières sans doute les plus importantes de l'époque;

    • Falaen, Anthée, Morville, Omezée, Surice, Romedenne, Romerée, Matagne-la-Petite, 0lloy: ce trajet aurait pu établir une liaison entre la célèbre villa d'Anthée, les exploitations agricoles de la Campagne de Bieure à Matagne et la luxueuse résidence de campagne de Treignes.

Ces deux diverticules se prolongeaient sans doute respectivement vers les régions carolorégienne et namuroise.

La vallée de la Meuse formait elle-même une autre voie de communication soit fluviale, soit terrestre puisqu'une route devait sans doute longer le fleuve. Cette route, implantée sur les alluvions et exposée aux crues devait se déplacer en fonction des caprices du fleuve et jouait un rôle important. dans le commerce avec les régions voisines et même les pays plus lointains puisque la distribution des fleuves européens permet, sans difficulté sérieuse, de faire passer les marchandises d'un bassin à l'autre.

LES LIAISONS EST-OUEST.

D'autres diverticules de direction est-ouest reliaient les centres de production agricole et minière à la Meuse et permettaient la traversée du fleuve en trois points principaux qui allaient former les agglomérations de Dinant, Hastière et Givet. Du nord au sud, ces diverticules s'implantaient sans doute comme suit:

    • Morialmé, Stave, Falaen, Sommière, Bouvignes;

    • Saint-Aubin, Florennes, Corenne, Flavion, Serville, Weillen, Dinant;

    • Corennes, Flavion, Anthée, Miavoye, Maurenne, Hastière;

    • Morialmé, Florennes, Rosée, Hastière (par la ferme du Bois du Bailli, le Bois du Roi et Inzemont);

    • Philippeville, Vodecée, Villers-le-Gambon, Franchimont, Lotenne, Omezée, Soulme, Gochenée, Hermeton-sur-Meuse et Givet;

    • Neuville, Samart, Sautour, Merlemont, Wé de Chine, Romedenne, Vodelée, Agimont, Heer;

    • Nismes, Fagnolle, Matagne-la-Petite, Matagne-la--Grande, Gimnée, Doische, Heer;

    • Nismes, 0lloy, Vierves, Treignes, Mazée, Vaucelles, Foisches, Givet.

Il est à noter que ces itinéraires existent encore aujourd'hui, tantôt sous la forme de routes macadamisées ou de chemins forestiers et campagnards, tantôt sous la forme de limites cadastrales ou communales.

UN CARREFOUR DE VOIES ROMAINES.

DE ANTHEE A OLLOY.

L'axe nord-sud reliant Anthée à Olloy partait de la villa d'Anthée (villa du Grand Bon Dieu et fanum du Fonds St-Remy), passait au sud de Morville, faisait la limite entre le BOIS DES DAMES et le BOIS DE ROSEE (exploitations minières), passait à proximité de la maison forestière voisine de la ferme du BOIS DU BAILLI sur la route de Rosée, descendait vers la vallée de l'Omeri par le BOIS DE DAVE.

Cet itinéraire remontait alors vers Omezée, traversait ensuite les agglomérations de Surice et de Romedenne (suivant la tradition, présence d'un camp romain) et poursuivait suivant la route actuelle vers Romerée et Matagne-la-Petite (villa Aux Murets) où, à partir de la CAMPAGNE DE BIEURE (sanctuaire et villa à peu de distance du sanctuaire du Bois des Noël), ce diverticule rejoignait 0lloy (oppidum entre Olloy et Dourbes)) par la ROCHE MADOUX, COTENIAU et FONTAINE.

Omezée devait se trouver au carrefour de deux voies antiques.

Le vieux chemin d'Omezée à Soulme devait permettre le transport du minerai de fer du plateau de Vodecée vers la vallée de la Meuse.

DE VODECEE A AGIMONT.

L'itinéraire joignant Vodecée à la vallée de la Meuse attirera notre attention par le nombre important d'agglomérations traversées ainsi que par la similitude des dénominations toponymiques qui le bordent.

Depuis les lieux-dits LA CROISETTE (lingot de métal ayant la forme d'une croix) et la CAMPAGNE DES GRUJAS (résidus des anciennes forges) qui témoignent de la présences d'anciennes exploitations minières, ce diverticule passait au sud de Vodecée, au nord de Villers-le-Gambon et de Franchimont, traversait la Chinelle au lieu-dit SOULWE, remontait vers Lautène et Omezée, traversait l'Omeri à LOUVAIN-CHESTIA (selon la tradition, présence d'un camp romain près de Surice), passait à Soulme, traversait l'Hermeton près du pont actuel passait près de Gochenée (villa de la Vieille Terre au Couvent à Vodelée)

Ce chemin devait alors se diriger vers Agimont et la région actuelle de Heer ou Givet. Il permet la traversée de la Meuse et la continuation du trajet vers Beauraing.

Le chemin situé entre l'ancienne cure et le monument d'Omezée permettait de joindre les villas et sanctuaires des Matagne à la villa d'Anthée et à la chaussée romaine qui passait plus au nord.

Ces diverticules, relativement sinueux et comportant assez bien de dénivellations, ont disparu sur quelques portions de leur trajet. Cependant, il y a lieu de remarquer que, tout le long de ces itinéraires, des noms de lieux-dits ayant une même origine toponymique marquent d'un soucis spontané de marquer la route de points de référence qui, à travers les temps, témoignent d'une même étymologie et donc d'une même culture.

Par exemple, on trouve ainsi:

1) des noms dont la racine celtique désigne des endroits boueux:

    • SOULWE, gué sur la Chinelle à Franchimont ;

    • le village de SOULME

    • SOUMIEE, affluent de l'Hermeton à l'est de Gochenée

2) des noms qui, par la confusion de leur étymologie (campus = campagne et capella = chapelle) peuvent témoigner simultanément des premières traces d'agriculture ou des premiers lieux de culte chrétien:

    • BOIS DIT CHAMPELLE, au nord de Lautène ;

    • CHAMPELLE, hameau situé entre Lautène et tJmezée ;

    • LA CHAMPELLE, hameau de Soulme parfois dénommé LES CHAMPELLES;

3) des noms tirant leur origine de la culture de la vigne:

    • LA VIGNE à l'est de Gochenée ;

    • VEMONT au nord de Soulme

4) des noms indiquant l'appartenance à la civilisation latine:

    • le village de LAUTENE;

    • LOTENNE, lieu-dit en bordure de l'Hermeton sur le territoire de Gochenée;

S) des noms indiquant une idée de trajet ascensionnel:

    • le village de SURICE;

    • SURICE, lieu-dit près de Gochenée.

La région d'Omezée se serait donc trouvée au croisement de deux diverticules ayant joué un rôle économique relativement important sur le plan local.

L'existence simultanée ou successive à proximité de ce croisement d'un ou de plusieurs retranchements occupés par des soldats romains semble donc tout à fait plausible, d'autant plus que, en temps de paix, ces militaires se transformaient généralement en de pacifiques agriculteurs.