Référé contractuel

L’ordonnance du n° 2009-515 du 7 mai 2009 a créé un « référé contractuel » (articles L. 551-13 à L. 551-23 du code de justice administrative) permettant d’obtenir du juge des référés qu’il prononce la nullité du contrat lorsqu’aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n’a été prise ou lorsqu’a été omise une publication au Journal officiel de l’Union européenne dans le cas où une telle publication était nécessaire. Le juge pourra également prononcer une telle nullité lorsque le contrat aura été signé:

- avant l’expiration du délai imposé entre l’envoi de la décision d’attribution du marché aux entreprises ayant candidaté ou présenté une offre et la signature du marché ;

- ou alors que le juge des référés précontractuels était encore saisi ou n’avait pas encore notifié sa décision à la collectivité publique, à condition cependant que l’entreprise ait été effectivement privée de son droit d’exercer un recours précontractuel et que des manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence aient compromis ses chances d’obtenir le contrat.

Si seuls les moyens relatifs aux manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence peuvent être portés à la connaissance du juge du référé, le juge ne peut faire usage de ses pouvoirs que dans les cas limitatifs précedemment énumérés.

■ ■ ■ Notions de "publicité" et de "remise en concurrence" (L. 551-18). Les dispositions de l'article L. 551-18 du code de justice administrative ne visent que les cas dans lesquels aucune des mesures de publicité requises pour la passation du contrat n'a été prise ou dans lesquels une publication obligatoire au Journal officiel de l'Union européenne a été omise ; sans qu'y entrent l'insuffisance des modalités de publicité

En outre, les modalités de remise en concurrence mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 551-18 ne concernent que les contrats fondés sur un accord-cadre attribué à plusieurs opérateurs économiques en application du III des dispositions de l'article 76 du code des marchés publics ; les accords-cadres mono-attributaires n'y sont pas inclus (CE, 29 juin 2012, Sté Chaumeil, n° 358353)

■ ■ ■ Recevabilité. Sont seuls recevables à saisir le juge d'un référé contractuel, outre le préfet, les candidats qui n'ont pas engagé un référé précontractuel, lorsque (CE, 19 janvier 2011, Grand Port Maritime du Havre, n° 343435) :

    • s'agissant des contrats soumis à publicité préalable et des contrats non soumis à l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice :

- n'a pas communiqué la décision d'attribution aux candidats non retenus

- ou n'a pas observé, avant de signer le contrat, un délai de onze jours après cette communication

    • s'agissant des contrats non soumis à publicité préalable et des contrats non soumis à l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice :

- n'a pas rendu publique son intention de conclure le contrat

- ou n'a pas observé, avant de le signer, ce même délai,

    • Dans les deux cas lorsque les candidats ont engagé un référé précontractuel, mais que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice n'a pas respecté l'obligation de suspendre la signature du contrat prévue aux articles L. 551-4 ou L. 551-9 du code de justice administrative ou ne s'est pas conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce référé

cf. par exemple la méconnaissance du délai de stand still posé par l'article 80 du Code des marchés publics et la recevabilité par voie de conséquence du référé contractuel CE, 17 déc. 2014, n° 385033.

■ ■ ■ Délais de recours. En application de l'article R551-7 du CJA, La juridiction peut être saisie au plus tard le trente et unième jour suivant la publication d'un avis d'attribution du contrat ou, pour les marchés fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique, suivant la notification de la conclusion du contrat.

En l'absence de la publication d'avis ou de la notification mentionnées à l'alinéa qui précède, la juridiction peut être saisie jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter du lendemain du jour de la conclusion du contrat.

■ ■ ■ Moyens. Les manquements susceptibles d'être utilement invoqués dans le cadre du référé contractuel sont, comme les sanctions auxquelles ils peuvent donner lieu, limitativement définis aux articles L. 551-18 à L. 551-20 du même code.

Ainsi, s'agissant des marchés à procédure adaptée, qui ne sont pas soumis à l'obligation, pour le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice, de notifier aux opérateurs économiques ayant présenté une offre, avant la signature du contrat, la décision d'attribution, l'annulation d'un tel contrat ne peut, en principe, résulter que du constat des manquements mentionnés aux deux premiers alinéas de l'article L. 551-18, c'est-à-dire de l'absence des mesures de publicité requises pour sa passation ou de la méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique (CE, 19 janvier 2011, Grand Port Maritime du Havre, n° 343435)

■ ■ ■ Pouvoirs du juge des référés. Le juge des référés ne peut donc prononcer la nullité mentionnée à l'article L. 551-18 - c'est-à-dire annuler le contrat - ou, le cas échéant, prendre les autres mesures prévues aux articles L. 551-19 et L. 551-20, que dans les conditions prévues à ces articles (CE, 19 janvier 2011, Grand Port Maritime du Havre, n° 343435).

■ ■ ■ Continuité du service public s'opposant à la nullité - Résiliation. Eu égard à l’importance de l’établissement universitaire et à la nature de sa mission d’enseignement et de recherche, nécessitant le recours à de nombreuses installations électriques, la cessation de l’exécution du marché ayant pour objet des travaux d’entretien et de maintenance « électricité » porterait atteinte à la sécurité et à la continuité du service public. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de prononcer la nullité du marché. En revanche, il y a lieu d’en ordonner la résiliation, à effet différé afin d’accorder à l’université un délai suffisant pour passer un nouveau marché dans des conditions régulières. Ce délai doit être fixé en l’espèce à trois mois. (TA Amiens, Ordonnance n° 1003206 du 15 décembre 2010).

■ ■ ■ Articulation référé précontractuel / contractuel. Les dispositions de l'article L. 551-14 du code de justice administrative, qui prévoient que le recours contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel dès lors que le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours, n'ont pas pour effet de rendre irrecevable un recours contractuel introduit par un concurrent évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel alors qu'il était dans l'ignorance du rejet de son offre et de la signature du marché par suite d'un manquement du pouvoir adjudicateur au respect des dispositions de l'article 80 du code des marchés publics (CE, 10 nov. 2010, France Agrimer, n° 340944, 308510 et 301915).

Ces dispositions ne sauraient non plus avoir pour effet de rendre irrecevable le référé contractuel du concurrent évincé ayant antérieurement présenté un référé précontractuel qui, bien qu'informé du rejet de son offre par le pouvoir adjudicateur, ne l'a pas été du délai de suspension que ce dernier s'imposait entre la date d'envoi de la notification du rejet de l'offre et la conclusion du marché, lorsqu'une telle information doit être donnée dans la notification du rejet. Il en va de même lorsque cette notification indique un délai inférieur au délai minimum prévu par les dispositions applicables, alors même que le contrat aurait été finalement signé dans le respect de ce délai minimum (CE 17 juin 2015, n° 388457).

Il en est de même s'agissant d'un marché passé selon une procédure adaptée, il en est de même lorsque le pouvoir adjudicateur n'a pas fait application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 551-15 du code de justice administrative et n'a pas rendu publique son intention de conclure le contrat ni observé un délai de onze jours entre cette publication et la conclusion du contrat ; les dispositions de l'article L. 551-14 du code de justice administrative ne sauraient non plus avoir pour effet de rendre irrecevable le recours contractuel du concurrent évincé ayant antérieurement présenté un recours précontractuel qui, bien qu'informé du rejet de son offre par le pouvoir adjudicateur, a été privé de la possibilité de présenter utilement un tel recours en raison de l'absence de publicité donnée par le pouvoir adjudicateur à son intention de conclure le contrat (CE, 29 juin 2012, Sté Chaumeil, n° 358353).

■ ■ ■ Annulation d'un marché déjà attribué - indemnisation de l'attributaire. Les conditions d'indemnisation d'une entreprise ayant été déclarée attributaire d'un marché public dont la procédure est finalement annulée peut prétendre à une indemnisation : des dépenses exposées par le titulaire du marché, qui ont été utiles au cocontractant public et de la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration qui a conduit à l'annulation du marché : dépenses exposées par le titulaire pour l'exécution du contrat (approvisionnements, études préalables...) et aux gains dont il a été effectivement privé du fait de sa non-application (notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre). Les conditions d'indemnisation sont cependant strictement encadrées par le juge administratif (Conseil d'Etat, 6 octobre 2017, n°395268, CEGELEC Sud-ouest.)

Voir aussi

Textes de référence