Compétence du juge administratif

■ ■ ■ Plusieurs types de marchés publics sont actuellement qualifiés de contrats administratifs par une disposition législative, emportant par suite compétence du juge administratif dans le jugement des litiges afférant :

- les marchés publics des assemblées parlementaires ;

- l’ensemble des contrats passés en application du CMP (Article 2 de la loi n° 2001-116du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes à caractère économique et financier);

- l’ensemble des contrats de commande publique comportant occupation d’une dépendance du domaine public ;

- tous les baux emphytéotiques passés par les collectivités territoriales, leurs groupements, les établissements publics territoriaux et les établissements publics de santé ;

- tous les contrats de partenariat.

■ ■ ■ En revanche, l’ordonnance du 6 juin 2005, qui s’applique aussi bien à des personnes morales de droit public que de droit privé, ne qualifie pas la nature des contrats passés en application de ses dispositions. En cas de contentieux, la compétence de l’ordre juridictionnel est, pour ces contrats, déterminée en application des critères issus de la jurisprudence. Le contrat est administratif et relève de la compétence du juge administratif si les critères suivants sont remplis :

- critère organique : l’un des cocontractants doit être une personne publique ;

- critère matériel : un contrat peut être administratif en raison de ses clauses exorbitantes du droit commun (la clause exorbitante est soit une clause exclue dans les contrats de droit privé, soit une clause inégalitaire) ou à raison de son objet (un contrat relatif à l’organisation ou à l’exécution même d’un service public ou un contrat portant sur l’exécution d’un travail public est un contrat administratif).

Pour les personnes morales de droit public soumises à l’ordonnance du 6 juin 2005 (ex : établissement public à caractère industriel et commercial - EPIC), il faut donc déterminer si le critère matériel est rempli. Si tel n’est pas le cas, l’affaire ressortit à la compétence du juge judiciaire.

Contrat administratif

■ ■ ■ Personne publique agissant sur mandat d'une personne privée. Un contrat de fournitures conclu par une personne publique agissant sur mandat et pour le compte d'une personne privée au titre des besoins propres de cette dernière est un contrat de droit privé, même si les règles du code des marchés publics ont été suivies (Conseil d'Etat, 3 juin 2009, OPAC du Rhône, requête n° 324405).

En revanche lorsqu'une personne privée, cocontractante d'une commune dans le cadre d'une convention d'aménagement, conclut avec d'autres entreprises un contrat en vue de la réalisation de travaux pour des opérations de construction de la zone d'aménagement, elle ne peut être regardée, en l'absence de conditions particulières, comme un mandataire agissant pour le compte de la commune. Par suite, le juge judiciaire est compétent pour connaître des litiges nés de l'exécution du contrat de travaux passé par la société, personne morale de droit privé agissant pour son compte, pour les opérations de construction, qu'elles aient ou non le caractère d'opérations de travaux publics ([[Tribunal des conflits, 15 octobre 2012, req. n° C3853]]).

■ ■ ■ Contrats signés par les titulaires : un contrat conclu entre personnes privées est en principe un contrat de droit privé, […], il en va autrement dans le cas où l'une des parties au contrat agit pour le compte d'une personne publique.

Cf. par exemple pour la qualification des contrats passés par les concessionnaires en contrat de droit privé : CAA Bordeaux, 8 janv. 2013, n° 11BX03295

Une société concessionnaire d'autoroute qui conclut avec une autre personne privée un contrat ayant pour objet la construction, l'exploitation ou l'entretien de l'autoroute ne peut ainsi, en l'absence de conditions particulières, être regardée comme ayant agi pour le compte de l'Etat (CE, 17 juin 2015, n° 383203)

■ ■ ■ Action en garantie / sous-traitance. La compétence de la juridiction administrative, pour connaître des litiges nés de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux ne s'étend pas à l'action en garantie du titulaire du marché contre son sous-traitant avec lequel il est lié par un contrat de droit privé (TC, 16 nov. 2015, n° C4029)

■ ■ ■ Clauses exhorbitantes du droit commun. Le renvoi aux stipulations d'un CCAG doit être regardé comme introduisant dans le contrat des clauses exorbitantes du droit commun ; il en résulte que marché passé par un GIP en application de l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics présente un caractère administratif ; qu'il relève dès lors de la compétence du juge des référés précontractuels (CE, 3 juin 2009, GIP Carte du professionnel de santé, n° 319103).

■ ■ ■ Assurances - action directe ou en garantie. Un contrat d'assurance passé par une des personnes morales de droit public soumises aux dispositions du Code des marchés publics en application de son article 2, notamment par une collectivité territoriale, présente le caractère d'un contrat administratif. Si l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances à la victime d'un dommage, ou à l'assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance. Elle relève par suite, comme l'action en garantie exercée, le cas échéant, par l'auteur du dommage contre son assureur, de la compétence de la juridiction administrative, dès lors que le contrat d'assurance présente le caractère d'un contrat administratif et que le litige n'a pas été porté devant une juridiction judiciaire avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001 (CE, 31 mars 2010, Renard, n° 333627, Publié).

■ ■ ■ Sentence arbitrale. Le recours formé contre une sentence arbitrale rendue en France, sur le fondement d'une convention d'arbitrage, dans un litige né de l'exécution ou de la rupture d'un contrat conclu entre une personne morale de droit public française et une personne de droit étranger, exécuté sur le territoire français, mettant en jeu les intérêts du commerce international, fût-il administratif selon les critères du droit interne français, est porté devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue, conformément à l'article 1505 du code de procédure civile, ce recours ne portant pas atteinte au principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires ; qu'il en va cependant autrement lorsque le recours, dirigé contre une telle sentence intervenue dans les mêmes conditions, implique le contrôle de la conformité de la sentence aux règles impératives du droit public français relatives à l'occupation du domaine public ou à celles qui régissent la commande publique et applicables aux marchés publics, aux contrats de partenariat et aux contrats de délégation de service public ; que, ces contrats relevant d'un régime administratif d'ordre public, le recours contre une sentence arbitrale rendue dans un litige né de l'exécution ou de la rupture d'un tel contrat relève de la compétence du juge administratif (TC, 17 mai 2010, n° 3754)

■ ■ ■ EPIC - Exécution même du service public ou clause exorbitante. Que les contrats relatifs à des services publics industriels et commerciaux, lorsque le service est géré par une personne morale de droit public, peuvent avoir le caractère de contrat administratif s'ils portent sur l'exécution même du service public ou s'ils comportent des clauses exorbitantes du droit commun ; que le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures, produits et services de la RATP dans sa version du 30 avril 1996, auquel renvoie le marché signé le 3 avril 2003, stipulait en son article 41 que la RATP pouvait résilier unilatéralement le contrat en l'absence de tout manquement du titulaire à ses obligations contractuelles, et, en son article 27, que l'établissement pouvait modifier unilatéralement le contrat en cours d'exécution ; que ces stipulations, qui instaurent des relations inégalitaires entre les parties dans l'intérêt du service public dont l'établissement a la charge, constituent des clauses exorbitantes du droit commun alors même que des stipulations similaires peuvent se rencontrer dans des contrats conclus par des personnes privées (CAA Paris, 11 févr. 2014, n° 12PA04995)

■ ■ ■ Contrats conclus par une organisation internationale. Un contrat conclu par une organisation internationale n'est pas un contrat administratif par détermination de la loi, en application des dispositions du 13° de l'article 14 de l'ordonnance du 23 juillet 2015. Dès lors que le contrat en question ne comporte pas de clauses exorbitantes de droit commun, le juge administratif n'est pas compétent pour pour traiter les litiges liés à son exécution (CAA de Nancy, 14 novembre 2018, n° 18NC02750).

Litiges relatifs à la propriété intellectuelle

Par dérogation à la règle énoncée par l’article 2 de la loi du 11 décembre 2001 selon laquelle les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs de sorte que les litiges nés de leur exécution ou de leur rupture relèvent de la compétence du juge administratif, la recherche de la responsabilité contractuelle des personnes morales de droit public en matière de propriété littéraire et artistique , relève, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2011, de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire (Trib. Conflits, n° C3955, 7 juillet 2014 ; CE, 6 mars 2015, n° 373637 ; TC 12 octobre 2015, n° 4023)

Litiges se rattachant à l'exécution de travaux publics

■ ■ ■ Compétence du juge administratif y compris en cas de SPIC. Considérant qu'en vertu de l'article 4 du titre II de la loi du 28 pluviôse an VIII, relèvent de la compétence de la juridiction administrative les litiges qui se rattachent à l'exécution d'un marché de travaux publics ; qu'ont notamment ce caractère, ceux des marchés conclus par une personne publique pour la réalisation de travaux présentant un caractère immobilier dans un but d'intérêt général ; qu'il en va ainsi quand bien même la personne publique partie au contrat est chargée de la gestion d'un service public à caractère industriel et commercial (TC, 23 oct. 2000, société Solycaf c. EDF-GDF, n° 00-03195)

■ ■ ■ Contrat signé et exécuté à l'étranger. Un contrat de construction, signé par l'ambassadeur de France au Mali, avec une entreprise étrangère et conclu dans le cadre de la coopération internationale militaire de défense pour le compte des autorités maliennes, ne relève pas de la compétence du juge administratif (CE, 7 octobre 2009,Sté internationale du bâtiment et de génie civil, n° 311360).

Sous-traitance.

■ ■ ■ Paiement direct. Les litiges relatifs au paiement direct au sous-traitant, par le maître de l'ouvrage, du prix des travaux concernent l'exécution d'un marché public, relevant de la compétence administrative (Tribunal des Conflits, 2 juin 2008, n° 3642, Société Aravis-Enrobage)..

■ ■ ■. Exécution d'un marché de travaux publics. Considérant d'autre part que le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ; que la société Ducrocq-Catoire a participé à l'exécution des travaux en sa qualité de sous-traitante de la société Artebat ; que la commune, qui n'est liée à la société Ducrocq-Catoire par aucun contrat de droit privé, recherche la responsabilité de cette société, à titre principal, sur le terrain de la garantie décennale ; que la juridiction administrative est, dès lors, seule compétente pour connaître de cette demande (Tribunal des conflits, 2 juin 2008, n° 3621, Souscripteurs des Lloyds de Londres).

Pratiques anticoncurrentielles

■ ■ ■ Les pratiques anticoncurrentielles des personnes publiques sont détachables du régime du contrat qui en est le support. "qu'en matière de marchés publics (...) la compétence du juge administratif en qualité de juge du contrat, (...) ne fait pas obstacle à la compétence du Conseil de la concurrence, sous le contrôle de la cour d'appel de Paris, pour statuer sur les litiges fondés sur l'invocation des pratiques anticoncurrentielles (...) ;

Considérant que la pratique imputée au Centre des monuments nationaux, établissement public administratif qui exerce une activité de production, de distribution et de services, et consistant à réduire, voire supprimer, les commandes et, partant, les ventes des ouvrages édités et diffusés par la société Jean-Paul Gisserot, objet d'un marché public liant les parties, au profit du service éditorial du C.M.N., et susceptible de constituer une pratique anticoncurrentielle, étrangère à l'organisation du service public géré par l'établissement public, ne constitue pas la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique ; que, dès lors, le litige, introduit sur le fondement des règles de la concurrence, relève de la compétence de la juridiction judiciaire" (TC, 4 mai 2009 - n° 3714 Tribunal des conflits Société Editions Jean-Paul Gisserot c/ Centre des monuments nationaux).

■ ■ ■ La compétence du juge administratif ne fait pas obstacle à celle du juge de la concurrence. La compétence du juge administratif en qualité de juge du contrat, résultant de l'article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, ne fait pas obstacle à la compétence du Conseil de la concurrence, sous le contrôle de la cour d'appel de Paris, pour statuer sur les litiges fondés sur l'invocation des pratiques anticoncurrentielles, notamment définies aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 du code de commerce ou relevant des dispositions prévues aux articles 81 et 82 du Traité instituant la Communauté européenne (TC, 4 mai 2009, CMN c/ ed. Gisserot, n° 3714)

Contentieux judiciaire.

■ ■ ■ Incompétence de la juridiction saisie. En application Article 75 du nouveau code de procédure civile, "s'il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée". La notion de juridiction compétente s'entend comme celle devant laquelle le litige devrait être porté (exemple : "TA de Paris" et non seulement "juge administratif").