Délit d'octroi d'avantage injustifié (favoritisme)

■ ■ ■ Présentation. Le délit de favoritisme, dénomination courante du délit d’octroi d’un avantage injustifié repris au code pénal à l’article 432-14 sous l’appellation d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de services publics, a été crée par la loi du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marché complétée par la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques et celle du 8 février 1995 relative aux marchés publics et aux délégations de service public.

Ce délit est donc né lors du récent mouvement de moralisation de la vie économique et financière et constitue un des délits regroupés au code pénal à la section « des manquements au devoir de probité ». La création de cette infraction répond à la nécessité pour le législateur de renforcer l'autorité de la règle de la mise en concurrence mise à mal par les pratiques discriminatoires des acheteurs publics et par les lois de décentralisation augmentant leurs compétences et champs d’intervention.

Le favoritisme consiste à procurer ou tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives et réglementaires encadrant les marchés publics et délégations de service public ; précisément « le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d’économie mixte d’intérêt national chargées d’une mission de service public et des sociétés d’économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l’une de celles sus- mentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ».

L’auteur de l’infraction

■ ■ ■ Toute personne intervenant dans le processus d'attribution. L’article 432-14 du code pénal vise de fait toute personne, quel que soit son statut, qui intervient dans le processus d’attribution du marché, peu important à cet égard qu’elle dispose ou non d’un pouvoir de décision (cf. par exemple s'agissant du coordonnateur d’un groupement de commandes : Crim., 7 avril 2004, Bull. crim. 2004, n° 93, pourvoi n° 03-85.698 ; le secrétaire général d’une commune agissant en qualité de représentant ou agent d’une collectivité territoriale, qui a le pouvoir d’intervenir dans le déroulement d’une procédure d’attribution de marchés en vue de préparer ou de proposer les décisions prises par d’autres : Crim., 20 avril 2005, Bull. crim. 2005, n° 139, pourvoi n° 04-83.017).

- les fonctionnaires (fonction publique de l’Etat, fonction publique des collectivités territoriales et fonction publique hospitalière) ;

- les élus, en tant que dépositaires d’une partie de l’autorité publique : chefs de l’exécutif de collectivités, tels que les maires, les présidents de conseils généraux et les présidents de conseils régionaux, ainsi que les élus ayant reçu des délégations et les présidents des groupements de collectivités territoriales ;

- les personnes chargées d’une mission de service public (peuvent entrer, notamment, dans cette catégorie les délégataires de service public),

- toute personne agissant pour le compte de l’une de celles susmentionnées.

La responsabilité pénale des agents peut trouver comme justification l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que «la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration». On ne demande pas à l’agent redevable de son administration l’honneteté à laquelle il est bien évidemment tenu en toute circonstance, on lui demande la probité, c'est-à-dire la droiture et l’intégrité.

■ ■ ■ La délégation de signature n'efface pas la responsabilité. La cour d'appel a constaté que M. B. avait d'abord signé l'acte d'engagement de la société TIC avant même que la commission d'appel d'offres ne se soit prononcée. Il avait cependant retiré cet acte après l'intervention du préfet. Ultérieurement, la commission d'appel d'offres, réunie sous la présidence d'un autre élu bénéficiaire d'une délégation de signature de M. B., pour « régulariser ce marché » a désigné la société TIC comme attributaire et cet élu a signé un nouvel engagement. Parmi les nombreux moyens soulevés devant la Cour de cassation par M. B. à l'encontre de sa condamnation, figurait celui de l'irrégularité de la délégation de signature qu'il avait donnée à M. M.

L'argument est fermement repoussé par la chambre criminelle qui estime « qu'en l'état de ces seuls motifs, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, d'où il résulte que le prévenu a participé personnellement aux faits, en signant ou faisant signer, sur ses instructions, les actes d'engagement litigieux, peu important à cet égard qu'il ait ou non valablement délégué sa signature, et dès lors que le retrait d'un marché impose de lancer une nouvelle procédure, la cour d'appel a, sans excéder les limites de sa saisine, justifié sa décision ». (Cass. Crim., 19 sept. 2007, n° 06-85.003)

■ ■ ■ Décision collective. En application du principe de la personnalité de la responsabilité pénale, énoncé à l’article 121-1 du code pénal, la décision litigieuse ne peut être imputée aux membres de l’organe collégial, à raison de leur seule participation à cette dernière. Les membres d'un organe collégial ne peuvent donc se voir pénalement imputer la responsabilité d'une décision collective à laquelle ils ont pris part.

En effet, « le principe de personnalité se heurte ici au caractère diffus de la mesure adoptée, du fait de la collégialité du vote dont elle procède » (Y. Mayaud, Rev. science crim. 2003, p. 556).

Les juridictions recherchent cependant le rôle personnel du prévenu dans le processus d’adoption de la décision.

Ainsi, ont été jugés déterminants le fait pour le prévenu d’avoir présidé, en sa qualité de maire, et fixé l’ordre du jour du conseil municipal au cours duquel il avait été décidé de recourir de façon illégale à la procédure d’urgence (Crim., 19 novembre 2003, pourvoi n° 02-87.336) ou d’avoir proposé aux membres de la commission d’appel d’offres d’attribuer le marché litigieux à une entreprise en raison des relations personnelles qui l’unissaient à son gérant (Crim., 19 octobre 2005, pourvoi n° 04-87.312) ou, dans ses fonctions de président de la commission d’appel d’offres, d’avoir refusé toute discussion sur les réserves émises par le représentant de la DGCCRF (Crim., 14 décembre 2005, pourvoi n° 05-83.205).

■ ■ ■ Poursuite de l'administration ou de l'agent : régime de la faute personnelle détachable du service. « alors que les tribunaux répressifs de l'ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité civile d'une administration ou d'un service public en raison du fait dommageable commis par l'un de leurs agents ; que l'agent d'un service public n'est personnellement responsable des conséquences dommageables de l'acte délictueux qu'il a commis que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions ; qu'en retenant, dès lors, sa compétence pour statuer sur la responsabilité civile de François X. à raison des faits accomplis dans l'exercice de ses fonctions de maire de la commune de Linas sans rechercher, comme elle y était tenue même d'office, si la faute imputée à François X. présentait le caractère d'une faute personnelle détachable de sa fonction de maire, la cour d'appel a violé les textes susvisés et le principe précité » (Cass.Crim. 17 oct. 2007, n° 06-87.566)

L’élément matériel de l’infraction

L'octroi d'un avantage injustifié

■ ■ ■ La fourniture d'informations privilégiées. Ces informations peuvent être communiquées par l'administration elle-même (exemple du devis estimatif permettant à un candidat de formuler une offre à un prix proche de celui attendu par l'administration ; participation aux commissions...) ou par le maître d'oeuvre (communiquant les estimations quantitatives par exemple).

En tirer les conséquences dans la transparence des informations communiquées dans le règlement de la consultation : les estimations et quantitatifs permettent aux entreprises de mieux cerner le besoin de l'administration et de proposer une offre au plus juste. Elle permettent en outre d'éviter d'avoir à attribuer le marché à une entreprise qui aurait sous-estimé la charge de travail et donc proposé un prix nettement plus bas que ses concurrents, lorsque le prix est fortement pondéré.

■ ■ ■ Un intérêt au sens large du terme utilisé dans la prise illégale d’intérêts. Le rapport d'activité 2002 du service central de prévention de la corruption soulignait que la notion d'avantage injustifié se confondait avec la notion d'intérêt au sens large :

- assurer le maintien de l’emploi,

- avantage pouvant être procuré à autrui, bénéficiaire du marché ou à un tiers intermédiaire comme un parti politique (avantage indirect ou en cascade),

■ ■ ■ Etre indument titulaire d'un marché. Assez paradoxalement par rapport à l'autre élément constitutif de l'infraction, le simple fait d'être titulaire d'un marché constitue un avantage injustifié dès lors qu'il a été obtenu par une violation de la réglementation. Une cour d'appel ne peut pas relaxer des agents publics poursuivis pour délit de favoritisme en considérant qu'ils n'ont pas bénéficié d'un avantage injustifié, tout en soulignant que les règles de passation des marchés ont été connues (Cass. crim., 2 avril 1998).

■ ■ ■ Avantage injustifié au sens du code des juridictions financières. La caractérisation de l'infraction de l'avantage injustifié au sens du code des juridictions financières (article L.313-6) nécessite de prouver l'existence d'un avantage injustifié au profit d'une société (absence de mise en concurrence et de publicité préalable), mais également l'existence d'un préjudice subi par la personne publique. (CDBF, 2nde section, 4 juillet 2019, n°235-779, "Chambre de commerce et d'industrie de La Rochelle)

Un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaire garantissant le respect des principes fondamentaux des marchés et DSP

L’article 432-14 du code pénal incrimine les pratiques discriminatoires caractérisées par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public. Diverses discriminations sont susceptibles d’entrer dans les prévisions de l’article 432-14 du code pénal, à tous les stades de la procédure d’attribution du marché.

La décision du tribunal de grande instance d’Avranches, du 16 mai 1995, est exemplaire de la jurisprudence relative à cette question. Dans ce cas précis, les juges ont considéré que l’intention frauduleuse du maire était prouvée en s’appuyant sur un faisceau de présomptions, chacune semblant se suffire d’ailleurs à elle-même pour prouver le délit. Ces présomptions sont les suivantes :

- recours à la procédure d’appel d’offres restreint pour des raisons étrangères à l’objet du marché ;

- absence d’élection au sein de la commission d’appel d’offre ;

- ouverture des plis par le conseil municipal au sein duquel siégeaient des élus candidats à l’attribution de certains lots, et ayant ainsi eu connaissance du montant des offres de leurs concurrents ;

- demande d’établissement d’un devis après ouverture des plis à une entreprise locale, gérée par un conseiller municipal, qui n’avait pas présenté d’offres ;

- poursuite d’une procédure irrégulière après un avertissement du sous-préfet.

■ ■ ■ Caractère inopérant de la violation des dispositions de la loi MOP. La violation, dans un marché public, de certaines dispositions de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 (loi MOP) n’est pas constitutive du délit de favoritisme. Ces dispositions législatives et règlementaires n’ont cependant pas pour objet de garantir la liberté d’accès à la commande publique et l’égalité de traitement des candidats. Leur violation ne peut donc constituer le délit de favoritisme. (DAJ, rapport d'activité 2010).

■ ■ ■ Délit applicable à l'ensemble des marchés publics. Par un arrêt du 17 février 2016, la Cour de Cassation a précisé que le délit d'octroi d'avantage injustifié s'appliquait à l'ensemble des marchés publics, y compris aux marchés relevant de l'ordonnance 2005-649, passés par des personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics (Cour de cassation, chambre criminelle, 17 février 2016, n° 15-85363).

Irrégularités commises avant le lancement des consultations

■ ■ ■ Mauvaise définition des besoins. Tel serait le cas de besoins définis sur mesure pour une entreprise, par le biais de spécifications ou de contraintes techniques non justifiées qu'elle est seule à pouvoir exécuter (Crim 30/06/06 n° 03.86287) ; de même pour la fixation d’un montant maximal irréaliste du marché amenant à la déclaration d’infructuosité.

■ ■ ■ Divulgation d'informations privilégiées. Les cas d'informations privilégiées tiennent le plus souvent à des éléments d'informations communiqués à une entreprise particulière pour lui permettre de déposer une meilleure offre que ses concurrents (communication des sous-critères de jugement et de leur valeur, points sur lesquels l'entreprise doit incister...) que ce soit avant le dépôt de l'offre ou après (par le biais de négociation : connaissance de l'offre de ses concurrents).

Il convient à cet égard d'être vigilant sur les entreprises qui ont réalisée des études préparatoire . Voir par exemple à propos d'un cabinet d'architecture sollicité par la collectivité pour étudier "gratuitement" la faisabilité d'un projet (Cass. Crim. 20 avril 2005, n° 04-83017). Une attention particulière doit être portée par les élus qui, même s'ils n'ont divulgué aucune information peuvent avoir connaissance de divulgations faites par un agent par exemple. La signature du marché constitue en cette hypothèse un risque.

Recours à une procédure de passation irrégulière

■ ■ ■ Fractionnement artificiel des marchés. Sur le fractionnement illicite d’un marché pour éviter d’avoir recours à la procédure d’appel d’offres cf. : Crim., 13 décembre 2000, Bull. crim. 2000, n° 374, pourvoi n° 99-86.876. - La construction d'un port protégé par une digue fait partie de la même opération que la route réalisée sur cette digue : La route a été conclue sous forme d'avenant : délit constitué (Crim, 6 avril 2005)

- Attention aux seuils qui sont susceptibles d'être dépassés par un avenant : un marché de maîtrise d'oeuvre conclu sans concours car le seuil n'était pas atteint : la dérive du coût d'objectif a entraîné une augmentation très importante du marché de maîtrise d'oeuvre (qui dépassait donc le seuil) : délit de favoritisme constitué (Crim. 14 décembre 2005 n° 05-83898).

■ ■ ■ Application volontaire, mais partielle, d'une procédure formalisée. Le délit de favoritisme est constitué lorsqu'une collectivité territoriale n'a pas respecté les règles de l'appel d'offres, même si elle n'était pas tenue de recourir à cette procédure. Tel est le cas lorsqu'un marché pouvait être passé en la forme négociée mais que la voie de l'appel d'offres a été privilégiée sans constitution d'une CAO (Cass. Crim, 15 mai 2008, n° 07-88.369).

■ ■ ■ Urgence... provisoire appelant régularisation. La CDBF a pu ériger au même titre que la méconnaissance des règles du Code des marchés l'absence de régularisation. Si les délais impartis ne permettent pas de conclure un marché public, cet état de fait ne dispense pas "d’entreprendre les démarches nécessaires à la régularisation de cette situation". L'urgence est par nature provisoire, il n'est donc pas possible de laisser traîner des factures de prestations hors marché (CDBF, 25 novembre 2010, « Société immobilière d’économie mixte de la ville de Paris - SIEMP »).

■ ■ ■ Mauvaise utilisation du "in house". L'attribution sans mise en concurrence d'un marché public à une société d'économie mixte locale sur la base de l'article 3 du code est constitutive du délit de favoritisme (Cass. crim. 25 juin 2008, n° n° 07-88.373)

■ ■ ■ Réduction des délais de passation. Tel serait par exemple le cas d'un appel d'offres passé à tort selon la procédure d'urgence, permettant de limiter le nombre de candidats ; mais aussi en procédure adaptée en ne laissant qu'un délai marginal de réponse.

■ ■ ■ Marché négocié suite à infructueux. Est sanctionné le recours à une procédure négociée irrégulière, à l’issue d’un appel d’offres déclaré infructueux dans des conditions ne permettant pas sa réussite en raison d’une estimation du coût des travaux irréaliste, l’entreprise attributaire ayant en outre eu connaissance des devis des entreprises concurrentes, ce qui lui a permis de se présenter en moins disant pour obtenir le marché (Crim., 23 mai 2007, pourvoi n° 06-87.898).

■ ■ ■ Marché négocié pour motif d'ordre technique. La preuve de l'exclusivité doit être rapportée, outre celle des motifs d'ordre techniques : « qu'en admettant même, malgré le caractère restrictif des dispositions de l'article 74 relatives au recours à la procédure de marché négocié en matière de maîtrise d'oeuvre, qu'il ait paru possible de les interpréter comme n'interdisant pas le recours à la procédure de marché négocié sans appel à la concurrence ni publicité prévue à l'article 35 du même code, encore fallait-il en tout état de cause démontrer que les conditions fixées dans cet article étaient remplies ». Or « dans ses écritures devant la Cour, M X. s'est limitée à faire état de raisons techniques tenant à la nécessité d'apporter des modifications de structure au bâtiment existant ».

La Cour en conclut « que les raisons ainsi avancées ne sont toutefois pas de nature à démontrer que le CHU ne pouvait confier la maîtrise d'oeuvre de cette opération qu'au prestataire de l'opération antérieure ; que dès lors les caractéristiques du marché de maîtrise d'oeuvre [...] ne remplissaient pas les conditions de l'article L. 35-III-4° du code des marchés publics » (CDBF 11 déc. 2009, n° 170-652)

■ ■ ■ Déclaration sans suite. La commission d'appel d'offres a confirmé son choix par une décision motivée ; que, X... (Président du Sytrad) a alors refusé de signer le procès-verbal de la réunion de la commission et a fait annuler le choix du groupement Cyclergie par une délibération du Sytrad, en date du 18 novembre 1999, pour des motifs d'intérêt général ; qu'il a ensuite lancé une nouvelle procédure d'appel d'offres sur performances pour l'attribution d'un lot unique du même marché à une entreprise générale ; que, le 27 janvier 2000, la commission d'appel d'offres, dont la composition avait été changée, a écarté le groupement Cyclergie, puis, lors d'une nouvelle réunion a choisi la société ABB-Alstom (Cour de cassation Crim. n°04-83868 du 21 septembre 2005)

Irrégularités commises au stade de l'examen des offres

■ ■ ■ Acceptation d'une offre inacceptable. Tel serait le cas de l'acceptation d'une offre tardive, irrecevable ou non conforme (Cass. Crim. 3 juin 2004, n° 03-87941).

■ ■ ■ Considérations étrangères aux mérites respectifs des offres. cf. la poursuite d'une adjointe au maire pour avoir attribué un marché public d’un montant de 5 850 euros, non pas en fonction de critères objectifs de choix découlant des propositions faites par les candidats mais pour faire plaisir à un tiers avec lequel elle entretenait des relations d’amitié (Crim., 14 février 2007, Bull. crim. 2007, n° 47, pourvoi n° 06-81.924).

■ ■ ■ Manipulation de critères. Dans l'affaire de la moquette du palais des festivals de Cannes, l'entreprise la plus chère a été choisie en raison de la qualité prétendue de ses prestations et notamment de la compétence de son personnel. Or, le juge pénal constate qu'en réalité, toutes les entreprises proposaient une moquette bas de gamme et que la pose était assuée, pour l'essentiel, en régie (Crim. 19 octobre 2005 n° 04-87312).

■ ■ ■ Situation fiscale et sociale. Cf. s'agissant de l'attribution d’un marché à l’issue d’une procédure d’appel d’offres restreint avec concours, à une société qui n’avait pas justifié qu’elle était en règle au regard de ses obligations fiscales et sociales et avait été la seule des entreprises autorisées à concourir, à être convoquée et auditionnée par le jury (Crim., 17 octobre 2007, Bull. crim. 2007, n° 248, pourvoi n° 06-87.566).

■ ■ ■ Présence dans la CAO d'un membre intéressé à l'affaire. Est irrégulière la présence d'un entrepreneur qui a présenté des offres pour des marchés dans la CAO qui statuait sur leur attribution (CE, 10 oct. 1994, Préfet de la Seine-Maritime). De même s'agissant de la présence du fils d'un entrepreneur chargé d'examiner les offres présentées pour l'ensemble des lots, dont celle de son père, alors même qu'un seul lot lui serait attribué (CE, 3 nov. 1997, préfet de la Marne c/ Cne de Francheville)

Irrégularités commises après le choix de l'attributaire

Le rapport du service central de prévention de la corruption relevait par exemple les cas suivants :

- modifications dans l’exécution du marché,

- avenants bouleversant l’économie du marché,

- avenants de régularisation

- recours abusifs à la sous-traitance dissimulant le véritable titulaire du marché

Tel peut encore être le cas d'une modification des conditions d'attribution en cours d'exécution du marché. Par exemple, pour l'édition d'un bulletin municipal en couleur alors que l'entreprise locale a été retenue parce qu'elle était moins disante pour l’option noir et blanc (Cass. Crim. 22 janv. 2014, n° 13-80759).

L’élément intentionnel

La jurisprudence ne se montre guère exigeante dans le respect des dispositions de l’article 121-3 alinéa 1 du code pénal selon lequel il ne peut y avoir crime ou délit sans intention de le commettre. L’intention est déduite également de la gravité des faits, du nombre des manquements relevés, de l’ensemble des manœuvres, des expériences et de l’ancienneté des prévenus dans l’exercice de leurs fonctions (Cass. crim. 15 sept. 1999 - Arrêt n° 5174) même en l’absence de tout préjudice pour la collectivité.

Aussi, « l’élément intentionnel du délit prévu par l’article 432-14 du code pénal est caractérisé par l’accomplissement en connaissance de cause d’un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public » (Crim., 14 janvier 2004, Bull. crim. 2004, n° 11, pourvoi n° 03-83.396). L'intention coupable est donc qualifiée par la seule conscience de l'irrégularité de la procédure : si l'auteur a méconnu une règle du code des marchés publics "en toute connaissance de cause", le délit est constitué, sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'intention de favoriser l'entreprise.

Pour apprécier la conscience de l'illégalité commise, le juge judiciaire prend en compte la personnalité, la formation de la personne considérée (le C.V.). Mais la fonction d'élu présuppose, selon le juge judiciaire, un niveau de compétence et un élu ne pourra s'exonérer de ses responsabilités pénales en invoquant sa méconnaissance de la procédure d'appel d'offres (Cass. Crim. 15/9/99 n° 99-8788).

Pour un élu (ou pour un agent occupant des fonctions à haute responsabilité), l'infraction est constituée dès que l'irrégularité est commise, le juge supposant que vous disposez des compétences nécessaires pour avoir conscience de violer les règles de publicité et de mise en concurrence.

Il importe peu que les actes reprochés (les illégalités commises) n'aient pas pu influencer, de manière significative le choix de l'attributaire : c'est l'hypothèse où l'entreprise sois-disant favorisée étaient, en tout état de cause la moins disante (Crim. 6 avril 2005-0080418).

On peut considérer que la seule hypothèse dans laquelle l'élu est protégé, c'est le cas où l'irrégularité a été commise sans que l'élu signataire n'est pu la constater avant la signature :

- un agent a transmis des informations confidentielles à une entreprise,

- un agent n'a pas respecté la procédure mais à caché cette erreur ) ses supérieurs.

■ ■ ■ Cumul de mandats. Le délit de prise illégale d'intérêt peut très bien être caractérisé dans le cas où un élu d'une collectivité est aussi membre du conseil d'administration d'une société d'économie mixte candidate à l'attribution d'un contrat par cette même collectivité, sous réserve qu'il participe à la commission d'attribution.

Selon l'article L. 1524-5 du Code général des collectivités territoriales, les élus locaux, représentant une collectivité territoriale au sein du conseil d'administration d'une SEM locale et exerçant les fonctions de membre du CA, ne sont pas considérés comme étant intéressés à l'affaire.

En revanche, en application de cet article, les élus ne peuvent participer aux commissions d'appel d'offres ou aux commissions d'attribution de délégations de service public de la collectivité territoriale lorsque la société d'économie mixte locale est candidate à l'attribution d'un marché public ou d'une délégation de service public (Question n° 01560 du sénateur non inscrit de Moselle Jean-Louis Masson, réponse écrite du ministère de la Justice, JO Sénat du 23 avril 2009).

Conditions de poursuite

■ ■ ■ Prescription. Le délit d’octroi d’un avantage injustifié est un délit instantané qui se prescrit par 3 ans à compter du jour où les faits le consommant ont été commis. Toutefois, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer dans deux arrêts du 27 octobre 1999 sur la date de départ du délai de prescription, lorsque les actes irréguliers ont été dissimulés ou accomplis de manière occulte, en la reportant au jour où ils sont apparus et ont pu être constatés dans des conditions permettant l’exercice des poursuites.

■ ■ ■ Absence d'effet des transactions. La transaction permet d’éviter ou de terminer un contentieux indemnitaire mais ne saurait faire obstacle aux poursuites pénales auxquelles s’exposent les personnes ayant méconnu les dispositions du code des marchés publics ou d’autres textes du droit de la commande publique.

Voir aussi

Textes officiels