Les COLIS de NOËL
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Pour la 4ème année consécutive, l'opération "Box de Noël", a démarré aux Lilas. Initiée par Karen Fingerhut en 2021, elle est soutenue par les associations caritatives locales du Secours Populaire Français et des Restaurants du Cœur, ainsi que par la Mairie. Cette année, elle est dédiée aux enfants, raison pour laquelle il est demandé de placer ses présents dans une sorte de pochette surprise.
Pourtant, ce qu'on appelle colis de Noël n'a pas toujours eu la même destination, ni été de même nature.
Au 19ème siècle en Angleterre, au moment des fêtes, c'était déjà une tradition telle que l'activité des compagnies de chemins de fer en était sensiblement ralentie! En l'espace de seulement quelques jours, pâtés, saucisses, dindons, gibiers et huitres convergeaient vers la capitale. En 1865, dans de vastes hangars, 200 hommes, 170 voitures et 300 chevaux venaient au secours du personnel et du matériel habituels, pour trier et livrer tous ces colis. Et, même là, les employés du chemin de fer étaient tellement surchargés de travail, que le service des trains s'en trouvait significativement désorganisé.
En 1890 en France, le Bon Marché -grand magasin parisien- promouvait dans une réclame un "colis destiné à nos soldats et qui leur apportera le souvenir d'un être cher" A l'occasion de Noël et du Jour de l'An et pour 70 francs, transport compris, on pouvait leur faire parvenir un colis comprenant: foie gras truffé, pâté de porc, sardines à l'huile, poulet dans sa gelée, fromage Graaf , cake aux fruits, biscuits et 1/2 bouteille de champagne Pommery & Greno. Tout ça avec un cigare offert et dans un emballage renforcé.
Au delà de ce menu attirant, on perçoit bien qu'on commence à se soucier du moral de nos soldats. Durant la guerre de 1870, premier conflit massif contemporain, 300.000 d'entre eux avaient été faits prisonnier et envoyés en Allemagne. On réalisa après coup que, loin de leur famille et de leur pays, ils avaient du survivre sans courrier ni rations alimentaires suffisantes. Aussi, la convention de La Haye de 1899 définit l’action des sociétés de secours en faveur des prisonniers de guerre. Il y est convenu qu'il devront pouvoir bénéficier d’une alimentation semblable à celle de la troupe. En Suisse, le CICR (Comité International de la Croix Rouge) monte en puissance.
Survient alors 1914 et le 1er réveillon dans les tranchées, pour ces soldats auxquels on avait certifié qu'ils rentreraient avant Noël dans leurs foyers. Pour ce jour si particulier, afin de remonter un moral défaillant dans les deux camps, chaque soldat reçoit son colis de Noël de l’arrière : courrier, cigarettes, ravitaillement. Le Roi George V s'est assuré que chaque "Tommy" soit destinataire d'un paquet cadeau contenant du courrier, du chocolat et des cigarettes. C'est dans ces conditions que sur plusieurs points du front au Nord de la Belgique, survient le miracle de ce qu'on appellera plus tard la "trêve de Noël". Les Allemands placent des sapins de Noël, avec bougies et lanternes, sur le parapet des tranchées de première ligne. Quelques soldats britanniques et allemands vont spontanément et sans autorisation, sortir de leurs tranchées avec des drapeaux blancs et fraterniser. A lieu alors l’impensable : les ennemis d'hier se serrent la main, boivent et chantent ensemble des chants de Noël. L’occasion également pour eux de s’échanger du tabac, des cigarettes et même des petits objets souvenirs comme des boutons d’uniforme. Dans d’autres endroits, les hommes profitent de cette trêve pour récupérer leurs camarades morts sur le no man’s land et les inhumer. Ces scènes de fraternisation donnent lieu à des événements inouïs comme des parties de football improvisées entre britanniques et allemands, en pleine zone de combats. C'est ainsi que de simples colis de Noël peuvent influer -un moment- sur le cours d'un conflit.
Entre deux guerres, en France la loi du 30 mai 1916 crée les œuvres de guerre. Puis, en 1929, l'article 20 de la convention de Genève jette les bases internationales du statut de prisonnier de guerre chez les pays signataires. Elle garantit notamment leur droit à recevoir dès le début de leur détention des colis alimentaires, des vêtements et des livres.
Une décennie plus tard, après la débâcle de juin 1940, on constate rapidement que les rations sont très insuffisantes pour les 1.8 millions de soldats français (1/3 des mobilisés!) envoyés en captivité dans les Stalags d'Allemagne et de Pologne occupée. En octobre 1940, les autorités allemandes donnent leur autorisation pour des colis, mais ce ne sont que de toutes petites quantités pour commencer. La Croix rouge met en route une industrialisation du process, avec des colis standards, financés par les dons: 2 de 1 kg par mois, 1 de 5kg tous les 2 mois. Selon les camps et les kommandos, ils peuvent représenter jusqu'à 60% de la subsistance des prisonniers. En novembre 1942, un pic de 1000 wagons quitte ainsi le centre de Paris-La Chapelle. La ville des Lilas, à partir de 1942, consacre l'équivalent de 20.000€ de son budget annuel à l'envoi de colis pour ses prisonniers de guerre. Le dernier partira pour la Noël 1944.
Quand arrivent ces fameux colis de Noël, qu'ils soient envoyés par la famille ou par les Croix rouges nationales, les hommes seront nombreux à se souvenir des sentiments qui les traversaient en les ouvrant: joie, émotion, pleurs. L'abattement dû aux années d'éloignement et de captivité laissait place à un peu de réconfort et de soutien psychologique. Du miel, du tabac ou du chewing-gum agrémentait ces colis exceptionnels, souvent partagés avec les camarades de chambrée. A leur retour, les anciens prisonniers diront que la simple vison de l'emballage de toile était déjà synonyme d'espoir, sinon de survie. Durant le conflit, les prisonniers de guerre en captivité en territoire nazi recevront ainsi 91 millions de colis familiaux par la Sncf, et 24 millions envoyés par le CICR à partir de la Suisse.
Durant la guerre d'Indochine de 1946-54, à l'approche de Noël, plusieurs milliers de colis sont envoyés à nos soldats. Si le transport est aisé dans les villes, une logistique spéciale est nécessaire dans les campagnes. Au beau milieu de la jungle, les paquets doivent même être largués par avion, pleuvant sur les soldats français et les supplétifs nord-vietnamiens. Là encore, la ville des Lilas participe avec l'envoi de colis pour le Noël de ses soldats, en 1951 et 1952. L'œuvre nationale du Bleuet de France poursuit encore aujourd'hui cet effort vers plusieurs milliers de nos militaires, déployés en opérations extérieure (OPEX).
Une autre tradition de colis de Noël est perpétuée par les aumôniers des prisons de Tarbes, à l'adresse des prisonniers. Noël est un moment encore plus difficile pour ceux qui ont été condamné à purger une peine à l'abri des barreaux. Le colis reçu est pour eux une manière de supporter le sentiment de tristesse qui peut les envahir loin de leur famille.
Enfin, pour les marins en escale, la tradition du colis de Noël existe dans de nombreux ports accueillant des navires de commerce. Même s'ils sont à des milliers de kilomètres de chez eux, des cadeaux sont préparés à leur attention. Par exemple, au Canada, une boite à chaussures est préparée avec soin, remplie de petits cadeaux : produits d’hygiène, jeux, gants, chaussettes et écharpes pour améliorer le quotidien à bord, sans oublier des cartes postales et des petits souvenirs typiquement québécois offerts par la paroisse et les donateurs de la Maison du Marin de Québec. Au port du Havre, on met aussi des souvenirs locaux dans le colis, mais de Normandie cette fois! Stylos, magnets, calendriers et porte-clés remplissent les boîtes, aux côtés de chocolats, d’une carte SIM et de bonnets tricotés main par l’une des bénévoles de l’association. On salue la performance, sachant que quelque 250 colis sont préparés chaque année. Dans le monde, 450 Seamen's club procèdent ainsi. Pour l'anecdote, il faut savoir qu'ils étaient à l'origine rattachés à des organisations religieuses, proposant un foyer pour accueillir les marins et leur faire ainsi éviter les bars et autres endroits peu recommandables qui bordent les ports de commerce.
Alors oui, les colis de Noël, héritiers d'une longue tradition, peuvent revêtir bien des formes. Pour ceux qui sont en détresse ou dans le besoin, ils auront toujours une importance particulière, empreinte d'humanité et de réconfort. Mais la précarité n'ayant de cesse de partout progresser, l'opération "Box de Noël" pour un "Noël solidaire aux Lilas", se justifie chez nous plus que jamais.
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