Simone ROY   -   racines du 93

Une bénévole au caractère bien trempé (1923-2022)

1-  Simone Roy disait aux jeunes "Aider les autres, c'est s'aider soi-même. Cherchez ce que vous pouvez créer et ne lâchez rien. On ne fait pas ça pour les honneurs. Si j'ai sauvé au moins une vie, alors la mienne n'aura pas été inutile."  Simone Roy, c'est une tranche de vie des Lilas, à elle toute seule.    Fille unique du couple Roy - Keiser,  elle est l'enfant chérie de son père. Avec lui, postier ambulant et ancien télégraphiste, elle part régulièrement à la découverte des monuments et des coins cachés de Paris.  Apprentie avant-guerre, elle est l'une des seules artisans fourreurs, une fois la paix revenue. Elle a son atelier, au 115 rue de Paris, dans les sous-sols à l'arrière du Modern' hôtel où elle taille  et coud avec ses employées, la journée. Ses soirées et ses week-ends, elle consacre sa vie à la Croix-Rouge. 

2-  Sa vocation lui vient un jour d'avril 1944, à la suite du bombardement allié qui fait de nombreuses victimes tout autour de la gare de Noisy. Elle veut prêter main forte et s'improvise secouriste, en aidant à extraire les survivants des décombres. En août suivant, brassard au bras, elle fait partie de l'équipe qui apporte au Commandant allemand du Fort de Romainville l'ordre de libérer les dernières prisonnières. Il était temps car, ce 19 août, quatre camions attendaient devant les casemates, pour charger les détenues vers la gare de Pantin, direction les camps. Le commandant de la Croix Rouge emmène avec lui son équipe. En descendant vers les camions, Simone sent les mitraillettes des soldats allemands pointées dans son dos. Tout se passe bien pourtant; pas un mot superflu n'est prononcé. La soixantaine d'internées ne savent même pas qui les emmène. Les camions confisqués les font sortir vers la liberté, vers le couvent des oiseaux. Dans les jours qui suivent, les emprisonnés des Tourelles suivent le même chemin. Les Lilas se sont libérés le jeudi 17 août et, le 21, les habitants peuvent enfin rentrer dans le Fort, inaccessible depuis quatre ans. Le spectacle d'un massacre les y attend hélas, avec onze résistants ramassés la veille, après le départ de la garnison régulière. Ils ont été  fusillés et certains atrocement mutilés. Simone se souvient de ce couple enlacé dans la mort et dont on aura de la peine à délier les bras, avant de pouvoir  les mettre en bière. 

3-  Ces épreuves marquent la jeune fille de 20 ans qu'était mademoiselle Roy. Elle souffre encore de crises d'apoplexie. Durant ses jeunes années, elle était une sportive accomplie, pratiquant le basket et la nage. Elle dansait le fox-trot et partait camper, à la façon de ceux qu'on appelait "les congés payés", depuis 1936.. Pour se remonter le moral après la guerre, elle s'offre une escapade en kayak. Seule, elle descend les eaux vives de la Saur, entre Luxembourg et Belgique. Les riverains ont de la peine à croire qu'elle y soit arrivé sans accompagnement ni logistique. 

4-  En 1944, elle intègre officiellement les équipes d'urgence de la Croix Rouge. Elle n'imagine pas que son engagement allait durer 60 ans.  Ses talents d'organisatrice et ses initiatives lui permettent de développer les activités de secourisme aux Lilas, jusqu'à encadrer une soixantaine de bénévoles. Elle a encore en mémoire plusieurs moments tragiques. Les inondations de 1955 l'amènent à monter un centre d'urgence à Athis Mons. A Survilliers, elle monte un poste de secours pour les accidentés de l'autoroute, de même que sur l'anneau de vitesse de Montlhéry.  Elle est de la partie au Bourget après le crash d'un avion, à la gare de l'Est, pour les réfugiés survivants de l'insurrection de Budapest, et au quartier latin, durant les événements de mai 68. Quand ses équipes sont à Roissy pour accueillir 300 réfugiés cambodgiens en 1976, Simone Veil la remercie pour leur action et lui serre la main. 

5-  Aux Lilas, avant que les pouvoirs publics ne prennent en charge l'assistance aux économiquement faibles et aux personnes âgées, elle obtient pour eux des bons de charbons , en un temps ou tout faisait défaut.  Pour eux, elle négocie des repas gratuits à la cantine de Kalker, puis à celles de la Thermostatique et de Ronéo.  Elle convainc de la même manière les exploitants de cinéma de leurs allouer des places. Elle démarre des cours de secourisme en 1949; plus de 1000 Lilasiens y ont obtenu leur diplôme. Elle crée en 1974 un club pour personnes âgées, précurseur de celui des Hortensias. L'année suivante, elle restructure les activités à destination des handicapés du département et des paralysés de France, au niveau national. Elle met en place en 1980 les visites hospitalières et à domicile pour les personnes seules, éloignées de leur famille. En 1984, elle devient présidente du Comité lilasien de la Croix Rouge, à la suite de madame Gay. Après plus de 60 années consacrées à la Croix Rouge et 40 au CCAS, elle passe le relais en 2006, même si elle reste toujours au Comité directeur local. 

6-  Malicieuse souvent, tout le monde convient qu'elle a surtout toujours eu "du caractère".  Mais c'était au service des autres. Déterminée et parfois intrépide, son sens de l'organisation et son engagement lui ont fait bousculer les obstacles, pour pouvoir aider à tout prix. Elle n'a jamais eu ni homme ni enfant dans sa vie. Mais, le jour de ses obsèques, la représentante des Petits frères des pauvres évoquera à son sujet la Jeanne de Brassens, la mère universelle, celle dont tous les enfants de la terre, de la mer et du ciel sont à elle.

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