201209/10 - Je me souviens des Lilas - Racines du 93 - histoire locale & familiale

201209-10   -   Je me souviens des Lilas   -   Racines du 93

Atelier "les Lilas au fil de la mémoire" animé par Bernard Cormier/Jardin des mots   et  Malika Person/Bibliothèque des Lilas  

Séances: 20-27 septembre & 04-11-18-25 octobre 2012 ; restitution : 24 novembre annulée

Retranscription des textes "Je me souviens"  par Bernard Cormier / le Jardin des mots   15/11/2012    linkedin.com   infoslilas  son email 20121205


4 octobre – Les changements dans le paysage, l’urbanisme…

- Je me souviens quand je suis arrivée aux Lilas en 1966, j’avais 17 ans. Les Lilas, c’était comme un petit village, et il n’y avait pas de tours, c’était des petits pavillons, qu’on appelait les cités jardins.

- Je me souviens du Marché des Lilas, qui était rue de Paris, jusqu’à la Porte des Lilas, c’était plus convivial…

- Je me souviens des défilés du 14 Juillet, et des défilés du Carnaval.

- Je me souviens du Prisunic des Lilas, qui a été remplacé par Franprix.

- Je me souviens de ce grand magasin qui s’appelait Calistor où on trouvait tout ce qu’on voulait, nourriture, bazar, etc.

- Je me souviens du Cinéma le Magic, qui était ouvert depuis la Guerre, et qui a fermé dans les années 60. Il était situé boulevard de la Liberté…

- C’est l’Alhambra, ça…

- Oui, pardon, l’Alhambra, boulevard de la Liberté…

- Où ça, boulevard de la Liberté ?

- Vers le laboratoire d’analyses… un petit peu avant le laboratoire d’analyse…

- Là, je ne sais pas, parce que ce qui est marqué (parce que ce n’est pas moi, moi je ne suis là que depuis 46 ans, c’est mon mari qui a écrit), c’est que ça s’est arrêté dans les années 50.

- Le cinéma l’Alhambra ? Plus tard…

- Oui plus tard, il me semble… C’était peut-être le Magic ?

- Je me souviens du Fort de Romainville : il y avait des fossés, des bosquets, des champs de tirs, il y avait le stade de foot…

- Non…

- Si, il y avait là le stade de foot, à côté de la place où il y maintenant le tennis, il était là…

- Oui, il y avait un stade à côté du fort, oui… Pas sur les fortifs, à côté des fortifs…

- Voilà ! Et sur le côté des fossés (c’est ce qui est marqué), il n’y avait pas d’habitations. Le collège Marie Curie, par contre, à la place il y avait un terrain de moto et vélo cross, dans les années 50-60.

- Je me souviens dans les cités jardins, on avait notre petite librairie, boucherie, marchand de couleurs, qui s’appelait Réo, je ne sais pas si vous avez connu ? Une boulangerie, il y avait une coop, et puis y avait le coiffeur, qui était Monsieur Natal. Et chez Dupont, une épicerie du quartier des Sentes. Et la charcutière qui s’appelait Madame Mana. C’est des souvenirs que moi j’ai, par contre.

Je me souviens aussi du marché du quartier des Sentes, qui partait des usines Ronéo, jusqu’au carrefour, anciennement la rue de Bagnolet. Maintenant comment ça s’appelle ? Les combattants… ?

- Maréchal Leclerc, oui…

- Non, les combattants de je ne sais pas quoi, non ?

- Non, ça c’est le petit bout, ça, le petit bout, les anciens combattants d’Algérie…

- Ce qui remplace la rue de Bagnolet…

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- Oui, mais la rue de Bagnolet, après, elle descendait jusque sur Bagnolet. C’est là où tu as le CETIM…

- Ah oui, oui…

- C’est l’ancienne rue de Bagnolet, c’est maintenant la rue du maréchal Juin, je crois…

- Tout à fait, oui, oui, oui…

Je me souviens quand il n’y avait pas de salles de bains dans les logements. Pour faire sa toilette, il fallait faire sa toilette dans l’évier, et puis les toilettes n’étaient pas non plus dans l’appartement, c’était sur le palier. Il y avait beaucoup d’appartements comme ça, il y avait beaucoup d’immeubles comme ça. Je ne sais pas si Monsieur est d’accord ?

• Oui, oui…

• Il y avait même des logements où il n’y avait pas l’eau courante. Déjà ça, c’est très important… ça a beaucoup changé. Là maintenant, si on se disait qu’il fallait se priver d’une douche, les jeunes nous regarderaient avec des yeux… ahuris, parce que se priver d’une douche aujourd’hui c’est catastrophique, tandis que nous, eh ben on se lavait sur la pierre à évier… Ou alors dans des grands bacs, dans des grandes bassines, où les parents nous lavaient pour faire notre grande toilette. Mais c’était pas tous les jours… Voilà, moi c’est ce que je me rappelle.

• Il y avait des bains douches…

• Oui, il y avait des bains douches.

• Alors c’était classique, ceux qui avaient des métiers salissants, c’était le vendredi soir, la douche du vendredi soir. Je m’en souviens pour avoir vécu dans le milieu des ouvriers mécaniciens.

• Oui, les Bains douches, il y en avait un à la Porte des Lilas, je crois… Et il y en avait un aussi dans les Lilas, mais je me rappelle plus où…

• C’était pas à côté de chez Vignon, en bas, de ce côté-là ?

• Oui, oui, il y en avait un là, c’était plutôt une laverie…

• Une laverie, oui, il y avait une laverie, mais il y avait un Bain douches aussi…

• Il y avait un petit Bains douches à côté de la Pharmacie centrale, pas très loin de la Pharmacie centrale…

• Voilà, c’est ça, oui…

• C’était un Bains douches privé…

• Sinon, il y en avait à Romainville, mais aux lilas il n’y avait pas grand-chose… Les gens allaient Porte des Lilas. Je me souviens aussi des moyens de transport. L’autobus avec la plate-forme qui était derrière. Il fallait tirer un truc, là, une petite chaîne…

• Non, c’est le poinçonneur qui faisait ça…

• Oui, mais des fois nous on le faisait…

• C’est vrai dans le métro il y avait des poinçonneurs…

• Ah non, pas dans le métro, c’était dans les autobus…

• Oui, mais c’était autre chose, avec les tickets qu’on avait… Le gars tournait comme ça… Et pour les arrêts, il tirait sur un truc.

• Ça avait un nom, non ?

• On appelait ça la tirette…

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• C’était une chaîne, avec une petite cloche…

• Il y avait de belles plates-formes sur les autobus, c’était agréable…

• Bon, puis après il y a eu la construction du métro… ça c’est autre chose…

• Porte des Lilas, Mairie des Lilas ? A l’origine, c’est une des plus anciennes lignes, non ?

• Oui, mais elle s’arrêtait à la porte des Lilas. On allait toujours à pied jusqu’à la Porte des

Lilas… Puis après ça a été construit jusqu’à la Mairie des Lilas…

• En quelle année, ça ? Parce que moi je l’ai toujours connue…

• Alors ça, quelle année, j’arrive pas à me souvenir…

• Dans les années 50, le métro existait déjà, c’est sûr… Puisque les Allemands pendant la guerre, avaient pris la station Mairie des Lilas, qui va jusqu’au fond aux ateliers mécaniques de la RATP, pour en faire des ateliers de réparation…

• Exactement, ils avaient tout cimenté…

• Ça existait déjà en 40, donc…

• Oui, oui, ça existait en 40, les Allemands avaient tout cimenté le, comment dirais-je, les rails, vous savez, où sont les rails, et on ne pouvait plus descendre aux abris – parce que c’était notre abri,

quand il y avait une alerte, on descendait au métro, et à partir d’un certain moment, on n’est plus descendu au métro parce que les Allemands avaient réquisitionné la station mairie des Lilas pour en faire une usine.

• Et il fallait aller à la Porte des Lilas…

• Quand on avait le temps…

• Oui, on avait le temps de recevoir les bombes et tout ce qui venait, alors on restait chez soi !

• Tout était cimenté ?

• Les portes étaient fermées…

• Mais en bas, vous savez, à l’endroit des rails, ils avaient cimenté. Pour pouvoir installer leurs machines.

• Des machines de quoi ?

• Oh, ben pour l’armement.

• Ah, c’était plus du tout de la réparation…

• Non, non, non, c’était pour l’armement… pour construire… Eux ils allaient loin dans leur… Ils pensaient être là pour longtemps…

• L’existence de ces machines, on le disait ? Pour le voir ça devait pas être possible…

• Non, on pouvait pas y aller. Interdit.

• Moi non plus, je ne l’ai pas vu, mais je me souviens pendant les alertes, d’aller à la Porte des Lilas.

• Et moi, je descendais à la cave !

• Oui, si on n’avait pas le temps…

• Puis je ne voulais plus descendre à la cave, parce que des maisons s’étaient écroulées, alors je restais chez moi… On restait à la maison… Advienne que pourra !

• Il y avait un abri, là, au club des Hortensias… Il y avait des maisons, des HLM, les gens descendaient… On l’a su quand ils ont découpé pour la fontaine, la fontaine le long de l’escalier.

Quand ils ont construit ça, alors je ne sais plus en quelle année, ils ont ouvert, et là ils ont vu qu’il y avait des bancs encore, et tout ça… Quand ils ont passé des câbles aussi pour le lycée… C’est là que les gens allaient…

• Je me souviens qu’il y avait des casseroles, des bidons dans les abris. C’était pour se signaler… C’était d’ailleurs dans les bouquins de défense passive, ça faisait partie de la croix rouge,

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etc. et alors il fallait masquer toutes les fenêtres, évidemment, les volets en fer avec les ouïes, j’ai connu ça, on mettait du papier dedans, de façon à ce que la lumière ne soit pas repérable par les allemands, non les anglais et les américains, qui venaient bombarder. On était obligés de faire tout ça… Et ça, moi, j’ai la mémoire de tout ça, il n’y a pas de problème… Quand on l’a vécu, ça marque !

• C’est sûr. Et on couchait tout habillés,

• Oui, avec un carton autour du cou… Par exemple, quand on allait aux abris, j’avais une ficelle autour du cou avec un carton, et j’avais mon nom, ma date de naissance, le nom de mes parents…

• Tout habillés ; Et quand il y avait la sirène, alors là on était tout tremblant, parce qu’on se disait ça y est… Et quand il y a eu le bombardement sur les Lilas, ça a commencé à la Mairie, ça a pris toute la rue de Paris, c’est descendu sur Noisy le Sec, parce que c’était la gare qui était visée…

• Tu devrais dire que c’et Noisy le Sec qui a été bombardée, et comme ils bombardaient en tapis, les bombes sont arrivées jusqu’aux Lilas. Ça a pas commencé par les Lilas…

• Ah bon ?

• Oui, c’est historique. Parce que, si tu veux, c’était le principe des Américains, les Anglais bombardaient en…

• En tout cas, les Lilas en ont pris un sacré coup !

• Dans le Huret, il en parle très bien. Il donne les immeubles qui ont été touchés, etc.

• Et donc, c’est la première fois qu’il y avait des bombes à retardement. On ne connaissait pas les bombes à retardement. On ne savait pas qu’il y avait des bombes à retardement, on ne connaissait rien de ça. Et d’un seul coup, les gens étaient dehors, parce que évidemment il y avait beaucoup de maisons qui étaient déjà abîmées, et les bombes à retardement ont éclaté. Et c’est là que ça a fait quand même des victimes…

• Il y a un paragraphe dans le bouquin de Huret où tout ça c’est très bien expliqué.

• Moi je vous le dis parce que je l’ai vécu…

Je me souviens qu’il y avait plein de petites boutiques, il y avait un tissu de plein de petites fabriques, de petits artisans, etc. beaucoup de choses…

Les boutiques, c’était vraiment des boutiques de petit village. Les cités jardin, on avait notre petite place avec tous nos commerçants. C’était plus convivial, parce que…

• Pour rebondir sur les Cités jardins, c’est Monsieur Grojman, qui n’est pas venu aujourd’hui, qui m’a amené ça parce que… (Stéphane montre des cartes postales)

• Les cités jardins, ça a été démoli en 70, non ?

• Oui…

• Les HLM ont été construits en 71…

• (…)

• C’était très agréable. C’est là que les Lilas faisaient petit village. Les Lilas, c’était un petit village où il y avait beaucoup de petits commerçants. Enormément.

Alimentaires, particulièrement alimentaires. Il n’y avait pas comme maintenant, toutes ces boutiques de prêt à porter, de ceci, de cela… ça n’existait pas. C’était que des petits commerces alimentaires. Il y avait même la charcuterie de Marie Lou…

• Ah oui !

• Qui était rue de Paris…

• Près de là où il y a MacDonald, avant il y avait Barnato…

• Il y avait Soldécor, avant…

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• Voilà, Soldécor, et juste avant, il y avait donc Maris Lou, je m’en souviens parce que mon fils qui avait deux ans à l’époque – ça ne date pas d’aujourd’hui ! – avait le droit à sa tranche de saucisson ! Et donc voilà, j’aimais bien cette charcuterie, ça marchait très bien…

• C’était Barnato, c’est ça ? Et il y avait les deux grandes gamelles de choucroute qui étaient dehors…

• Exactement, sur le trottoir, quand on sortait du métro, il y avait les odeurs de choucroute…

• Aujourd’hui, tu as des diffuseurs d’odeurs de croissants…

• C’était quand même autre chose , non ?

• On en parle encore, la choucroute sur le trottoir…

• Ah oui, moi qui suis Alsacienne, hmm !

Je me souviens d’un événement dramatique. Je ne sais pas si vous vous souvenez, il y a eu un meurtre

• Au grand café, en haut…

• C’était pas un café, c’était comme un épicier, je me souviens quand il vendait ses pommes de terre dehors, et… c’est un garçon qui travaillait là, et qui a été poignardé par sa fiancée qui était enceinte. Ça a été mis sur les revues, les journaux…

• C’était le grainetier, en face de la mairie… Et ce garçon, j’étais au service militaire avec lui.

• Pourquoi elle la tué ?

• Il voulait la quitter… Donc elle l’a poignardé en plein jour. C’était dans les années 62, 63… 

Il y a eu aussi un crime, dans le grand café qui est maintenant un Franprix, il y a eu aussi un crime, là.

• Oui, il n’y a pas longtemps…

• Oui, il y a 10, 15 ans…

Il y a eu tellement de changements aux lilas : l’autre jour, j’étais en train d’essayer de me repérer, je marchais, je me disais mais qu’est-ce qu’il y a eu là ? Il y a eu tellement de changements que je me rappelais plus ! Trop, trop de changements…

Il y a eu le Marché, aussi. Le marché qui se faisait rue de Paris, jusqu’au Pré saint Gervais.

• Oui, c’est ce que je disais tout à l’heure, et puis il y avait aussi celui qui partait rue du Général Leclerc, de la société Ronéo, jusque…

• Le marché principal était surtout sur la rue de paris…

• Et ce marché extérieur sur la rue s’est arrêté quand le marché couvert a été construit.

• Voilà, exactement.

• Ça remonte à quand, ça ?

• Je sais plus… J’ai dû connaître le marché…

• Dans les années 70… En 80, début des années 80, le marché couvert existait déjà 

Je me souviens de la construction des HLM, surtout. Il y a eu pas mal de constructions d’HLM, notamment dans votre quartier, les sentes

• Oui, Dunant, le Fort aussi…

• C’est deux vagues différentes, j’imagine…

• Dans les années 70 en tout cas…

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• Qu’est-ce qu’il y avait là ? des terrains vagues ?

• Des petits bâtiments, des pavillons, des petits jardins, qui tenaient un peu du bidonville. C’était bien rafistolé

• En face le cimetière aussi il y a eu une grande construction, des grands immeubles… Il y en a trois, un boulevard Eugène decros, et puis deux rue de l’Egalité, deux grands immeubles dont un HLM, là c’était des petits pavillons… D’ailleurs il en reste beaucoup des pavillons, là…

• Il y a encore beaucoup de petits pavillons, sur la rue de l’Egalité, la rue La Rochefoucauld…

• Je me souviens, il y avait un jardin qui se trouvait en face la Clinique Floréal. C’était un très grand jardin, ils étaient trois, trois jardiniers… C’est là qu’on a été se réfugier quand il y a eu l’éclatement des bombes à retardement…

• C’était sur le trottoir d’en face ?

• Sur le trottoir d’en face. C’était grand comme jardin, il y avait même des poiriers en…  comment on appelle ça ?

• Des vergers ?

• Oui, des vergers, mais bien, bien taillés, vous savez…

• En espalier ?

• C’est ça, en espalier !

• Comme à Montreuil, les murs à pêches…

• C’était le seul jardin ?

• Non, non, non, il y avait plusieurs terrains, c’était pas du tout construit, par là…

• Aux Lilas, il n’y a jamais eu beaucoup de terrains, pourtant…

• Je me souviens qu’il y avait même des fermes.

• Moi, le seul grand terrain dont je me souvienne, il y avait un fleuriste dessus… C’était à la place du Commissariat de Police actuel, et des grands immeubles, où il y a des grandes tours, là, en face du cimetière… C’était un grand terrain, où il y avait un horticulteur… Moi, c’est le seul grand terrain… après, ça descendait sur le Pré Saint Gervais, où il y toute la cité des auteurs, limite Pantin… Les Lilas, il y a jamais eu beaucoup de terrains, de grands terrains…

• Et après, il y a eu les constructions…

• Et à la place de la tour hertzienne, qu’est-ce qu’il y avait ?

• Les Forts, c’était les Forts…

• Il y avait une caserne, là…

• Et maintenant, vous avez les grandes tours…

Je me souviens de l’église qui a disparu. C’est quelque chose quand même qui est important, chez une personne qui a vécu continuellement aux lilas… On démolit l’église, bon on en reconstruit une nouvelle, c’est sûr que c’était nécessaire, je ne dis pas, on ne pouvait pas faire autrement, mais les souvenirs qu’on a dans l’ancienne église restent quand même dans le fond de soi-même et puis on ne les retrouve pas dans la nouvelle église.

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11 octobre : thématique : l’activité aux Lilas, les petits commerçants, artisans…

- Dans le quartier des sentes où j’habite, dans les années 50, il y avait une société qui s’appelait la société Crépillon, et c’était du polissage, qu’ils faisaient. Ensuite, au même endroit, il y a eu une société, je ne sais pas si c’était le nom de la personne, ça s’appelait Monsieur Hervieux Vincent, il faisait des installations d’antennes, il y avait deux ou trois chaînes, à l’époque, il faisait la réparation de télévisions, et c’est lui qui faisait la création des cabines publiques d’enregistrements sur disques 45 tours dans les années 60.  

Ensuite, il y a eu la société Lequenne, d’emboutissage de jouets en fer, entre les années 40 et 50.

Il y a eu sur le boulevard du Général Leclerc, il y a un terrain qui était loué à une entreprise de maçonnerie. Juste à côté, il y avait des petits pavillons, et la RATP a récupéré les bâtiments, qui s’appelaient les Castors, c’était des petites maisons préfabriquées. Ces maisons ont été démontées, et les terrains ont été loués, ça a fait un parking et des terrains ont été loués par la fourrière et la société Nokia.

Il y avait la petite sente Giraud, c’était une petite sente ordinaire, qui est devenue une rue grâce à l’entreprise Ronéo, qui faisait le transfert de matériels, de meubles Ronéo. Avant Ronéo, juste avant, il y avait le garage Ortega, les pompes à essence étaient sur le trottoir… Le garage existe toujours, mais sans les pompes !

- Quand tu parlais des Castors : c’était très spécial. Ce groupe de maisons qu’on appelait les Castors, c’était un groupement de gens qui s’étaient organisés, ils se construisaient leurs maisons les uns après les autres, ils s’aidaient, et cette société s’appelait les Castors. Ça s’est fait dans toute la France après, dans des zones pavillonnaires on trouvait parfois deux trois maisons qui s’appelaient le groupement des Castors.

- Je me souviens, je suis venue habiter les Lilas en 1956, et je me suis mariée avec un Monsieur, ses parents avaient un commerce de gros, ils étaient grossistes en articles de ménage, dans une rue qui n’existe plus maintenant, rue Gambetta projetée. Il y avait l’usine Calcaire, il y avait un petit passage, il y avait un hôtel, il y avait un autre passage, et c’était la rue Gambetta projetée. Et après il y avait un autre petit passage où il y avait un petit café qui s’appelait le Bijou Bar. Après, il y avait une usine de papiers peints, je crois… Et après, derrière il y avait Biderman, et à l’endroit où il y a l’école maintenant, et la crèche, nous avions notre immeuble d’articles de ménage en gros. J’ai été là depuis 1956 jusqu’en 79 où nous avons été expropriés, et maintenant je suis Boulevard Eugène Decros, et il y a dix ans que j’ai arrêté le commerce d’articles de ménage en gros. Au niveau du commerce, on faisait beaucoup de distribution dans les petits commerces des Lilas, il y en avait plusieurs, marchands d’articles de ménage, drogueries, et aussi des marchés, des forains, tout le long de la rue de Paris. On distribuait la marchandise, et voilà ;

Par contre je me souviens, tout ce qui est commerce, le tabac où il y avait les billards…

- Ah oui, le Balto…

- Le Balto, voilà…

- Tous les commerces ont beaucoup changé, on ne sait même plus ce qu’il y avait…

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Et dans la rue de paris, il y avait un monsieur avec qui mon beau-père était très ami, qui faisait collection de musique, orgue, vous savez ? Et il y avait un monsieur qui jouait de l’orgue de barbarie, Monsieur Victor, avec sa grande barbe blanche, tous les dimanches, près du métro. Monsieur Victor, il avait un petit orgue à cartons, et comme l’ami de mon beau-père était collectionneur de ça, j’ai passé des dimanches avec lui à tourner l’orgue de barbarie !

- Il a joué jusqu’en 65, 70, non ?

- Oui, à peu près…

- Il y avait une boutique de vêtements, dans la vitrine il y avait un monsieur qui faisait l’automate

- Il s’appelait Shaffner, en 1970…

- Huret en parle très bien dans son bouquin, il y a de très belles photos…

- Mes enfants ils étaient petits, et ils aimaient bien : « c’est un vrai ? C’est pas un vrai ? »

- Je voulais vous dire aussi que dans mon commerce, j’ai connu le premier Monsieur qui a fait des moulins à légumes, Monsieur XXX, il venait déposer ses moulins légumes, et quand on les avait vendus, il revenait en déposer d’autres… Dans la rue où j’étais, le passage Gambetta, il y avait aussi des petits commerces, plutôt des petits ateliers, où ils faisaient des casseroles en alu, du polissage et tout ça, des couvercles en alu, où on se servait. Après, sont venues les grosses fabriques, les usines et tout ça. Je connaissais aussi le Monsieur qui a fait Sitram dans un couloir. Et les premiers plastiques aussi, qui se faisaient dans des couloirs… Et on achetait cette marchandise pour la revendre à tous les petits commerces. A l’époque il y avait pas les supermarchés. Après, les Franprix, c’est encore une autre histoire. Moi, mon commerce datait de 1936. C’était le grand père à mon mari. Jusqu’en 56, après il y avait son père, après c’est mon mari qui a continué jusqu’en 79, rue Gambetta, et rue Eugène Decros, il y a 10 ans qu’on a arrêté avec mes enfants. Et maintenant, on a vendu le fonds de commerce, et on a gardé les murs. C’est un autre commerce, de location, maintenant. 

- C’était sous quel nom ?

- C’était la maison Sameg, S, A, M, E, G, articles de ménage en gros. Depuis 1936. J’ai encore des catalogues de 1936, où il y a toute la marchandise ancienne. Mais, il y en a dont on se sert encore actuellement.

J’ai connu toute la rue de Paris en mouvement, les commerces, tout ça, le marché puisqu’on servait les forains, et puis la Caisse d’Epargne aussi, avec le marché aux puces, qui allait jusqu’à la porte des Lilas, où on se promenait, c’était la sortie du dimanche… J’ai perdu mon fils d’ailleurs une fois, je le cherchais partout… Par contre, à l’endroit où on était, c’est l’école actuelle, la Résidence Bou. On était exactement là. C’était une grande bâtisse de deux étages, où la grand-mère de mon mari faisait de la vannerie en rotin, au 2 e étage, pour les commerçants des Lilas ou autres, pour la confiserie et les fleurs. Et elle servait les fleuristes de la rue des Lilas. Ils n’existent plus, c’était deux personnes assez âgées à l’époque… Moi j'ai connu plein de choses qui ont disparu, ?????, qui a disparu, j'ai bien connu, avec les odeurs de caoutchouc, et toute la rangée, là, rue des Bruyères, qui a disparu... Il y a eu beaucoup de changements...

- C'est la raison pour laquelle il faudrait trouver des photos personnelles anciennes, en plus des cartes postales.  (...)

- Vous vous souvenez, à la sortie du métro, il y avait des petites marchandes des 4 saisons...

- Dans la rue de la République.

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- Non, à la sortie du métro...

- Oui, rue de la République, à côté de l'ancienne ???, c'était pas dans le métro, c'était rue de la République...

- Et on trouvait, des cerises, ou... c'était selon la saison... Et ça partait vite, hein ! Elles avaient de petites carrioles à deux roues...

- Je voulais dire qu'avant le commerce qu'on a repris en 79, à Eugène Decros, il y avait une grosse usine de plastique, où ils avaient racheté tout le pâté de maisons, où maintenant il y a des immeubles parce qu'ils en ont revendu la moitié, et avant, pendant 10 ans au moins, 10, 12 ans, il y avait ce gros "moulage plastiques", j'ai encore la photo de l'enseigne. Et avant, il y a eu un marchand de ferraille.

- Félix.

- Oui, voilà... Et on a aussi les enseignes de la ferraille, où il y avait une bascule , à l'intérieur, qu'on a enlevée après, parce qu'on a creusé...

- Et ici, où on est, dans le temps, c'était une salle à manger, un réfectoire. Parce que mes filles sont venues ici 10 ans. Elles ont vécu 10 années, ici, à l'institution Gay. Ici c'était le réfectoire, et là haut c'était les dortoirs. Quant on va dans les étages, j'ai des souvenirs qui me reviennent... Je me souviens que la première année où mes filles sont venues, une avait 6 ans, l'autre 7 ans, c'est quand j'ai perdu mon mari, alors il fallait aller travailler, donc mettre les gosses quelque part, et la première fois que je suis venue, Madame Gay me dit : "Madame, la porte, elle et grande ouverte, vous visitez partout où vous voulez aller." Alors j'avais demandé la chambre, enfin où elles seraient, et je me rappelle encore, c'est gravé, c'était en haut, et tout le long du mur, il y avait Blanche Neige et les Sept Nains peints sur... et c'est des souvenirs, les premiers souvenirs que j'ai eus quand me filles sont venues ici. Après, dans le square, le parc, là, ils faisaient de belles fêtes, tous les ans, tous les ans,  D'ailleurs j'ai des photos, pendant 10 ans, avec les petite pièces qu'elle leur faisait faire, MadameGay. C'était bien...

(...)

- Les marchés, il y avait ceux de la rue de Paris, il y avait de tout, l'alimentation, les vêtements, de la vaisselle, plus les commerçants en articles de ménage... Il y avait beaucoup de marchands les uns à côté des autres. C'était très très animé, très animé...

- Maintenant ça n'existe plus...

- Non. Pendant très longtemps, il y a eu ??? là, rue de Paris, avant, il y en avait un autre, Monsieur ????, après, il y a eu des bonbons au coin de la blanchisserie, là... Parce qu'il y avait une grande blanchisserie, là, où il y avait Calliston, il y avait une grande grande blanchisserie industrielle...

- Oui !

- Ah, Monsieur se souvient ...

- J'y suis né, tu comprends, je suis né aux Lilas, c'est pourquoi je me souviens de tout !

- Et puis sur la place des Myosotis, dans la cité Jardin, il y avait toutes les semaines un petit Monsieur qui venait avec une petite charrette qui était traînée par un âne. Il faisait des petits fromages blancs en forme de petits coeurs... Et les gosses, quand ils le voyaient arriver, moi je me souviens, mon fils il était tout petit, ils criaient "Mama, maman, il y a les petits coeurs !" Alors il venait me chercher un petit saladier, et le Monsieur il mettait, selon ce qu'on demandait, des petits coeurs. Et après il mettait sa petite louche de crème fraîche dessus... Il venait régulièrement. On adorait ça, les petits coeurs à la crème fraîche !

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- Fromage frais, crème fraîche ? C'est léger...!

- Oui, oui, ça se faisait beaucoup dans les campagnes aussi...

- Pour les marchés : il y avait le marché du quartier des Sentes, qui partait des usines de Ronéo, justement, jusqu'à la limite Romainville, au carrefour de Bagnolet...

- Dans la cité jardin, il y avait des noms de fleurs, toutes les rues avaient un nom de fleur. Moi, j'ai bien connu les Myosotis, et dans le quartier de la rue Gambetta, qui a été exproprié avec le calcaire, ce n'était que des pavillons, préfabriqués, et les gens refaisaient, en ciment, en briques, par dessus le bois. C'était plein de petits pavillons, on allait se promener, c'était que des jardins...

- Il n'y avait pas de grandes tours, que des petits pavillons. Jusqu'aux années 70. Après, ça a été démoli, et... On était venu en 52, j'ai de photos, j'ai vu démolir quand on a été expropriés, on a vu le bâtiment flamber, et tout... Il y avait mon fils qui regardait ça...

- Il y avait plein d'usines, de petites entreprises, de moyennes entreprises, il y avait un tissu très très riche d'emplois, dans tous les domaines. 

- Au début du commerce de 36, là, le grand père de mon beau père, ils ont commencé avec une voiture à cheval. Et après, mon beau-père, c'était les gazogènes. Ils faisaient leur prospection à l'époque comme ça. Et après, nous, c'était les camions...

- Et une fois aussi, ça a flambé cette maison, c'était un soir de Noël, et tout était gelé, et ils ont pas pu arroser, les pompiers... Ils ont ouvert les grands portails qui étaient là, et ça a flambé comme une cheminée...

- Dans quel coin ?

- Rue Gambetta... 

- Il y a eu deux ou trois incendies célèbres, celui rue du Tapis Vert, la fabrique de poupées en celluloïd...

- Ah ! Oui...

- Quand ça avait pris feu... c'était monstrueux !

- C'est là qu'ils faisaient des baigneurs...

- Je me souviens d'anecdotes sur les magasins... On en parlait hier soir : c'était célèbre, à côté du Jean Bart, dans la rue de paris, où il y a maintenant une fromagerie... Je crois me souvenir qu'à l'époque, c'était un marchand de couleurs...

- Debiaz ?

- Oui, c'est ça : c'était un capharnaüm dans e magasin !

- Oh !  la la, oui ! 

- On rentrait comme ça dans la boutique, de biais, pour aller chercher quelque chose ! 

- Il montait sur des trucs pour attraper d'autres chsoes...

- Il partait en escalade dans ses objets, oui...

- Et le fils s'appelait Popeye ! Il faisait des courses de vélo...

- Monsieur Debiaz et son fils Popeye, on les a bien connus...

- Il y avait des boutiques, comme ça, qui étaient très... couleur locale !

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- Il y avait de tout. Dans les boutiques anciennes comme ça, drogueries, etc., tout était pendu comme ça... Il y en avait partout...

- J'ai fait 20 ans de représentation dans la droguerie... pour prendre la commande, c'était quelque chose !

- Rue de Paris, on en a parlé déjà l'autre jour, c'était la fameuse charcuterie, qui se trouvait à la sortie du métro... avec ses grosses marmites de choucroute qui étaient sur le trottoir...

- C'était la famille Barnato, Paul d'abord, puis sa fille ensuite...

- C'était à la place du McDonald maintenant. Après Barnato, il y a eu Calistor, puis le McDo.

- Calistor, c'était pas plus bas ?

- Non, on le retrouve sur les photos anciennes...

- C'était pas Soldécor, plutôt ?

- Oui, oui, Soldécor, c'est vrai, pardon !

- Calistor, c'était à la place du cinéma, le Magic.

- Tout à fait... 

(...)

- Je me souviens de Germaine, l'ouvreuse du Magic. Elle était au début du Club des Hortensias. En 89, il existait plus, le Magic. Toujours bien coiffée, qui donnait les places...

- Moi, la caissière c'était Lulu.

- Ah ! moi, c'était Germaine !

- Et au cinéma le Magic, moi, je faisais le ménage ! C'était ma cousine qui le faisait, Madame Dusses. le samedi et le dimanche, elle faisait le ménage. Mais comme ils avaient une maison à Bercq sur Mer, et lui, il lui disait, "allez viens, laisse tomber", et là, elle me demandait, "tu peux pas me remplacer ?", alors souvent je l'ai remplacée, je faisais le ménage. Et mon fils aîné avait peut-être 12, 13 ans à l'époque, il venait avec moi, et il faisait les allées, il espérait trouver des trucs ! Et on balayait, il y avait pas d'aspirateur, il y avait qu'un balai ! C'était ma cousine, la femme à René Dusses.

(...)

- Où il y a le Club des Hortensias, avant c'était les Pipali (?)

- Famille ?????. J'ai pu venir jouer au billard, au ping pong, 

- et en face il y avait une maison qui a été bombardée. Les gosses ils jouaient là, ils appelaient ça les décombres, parce que ça avait été bombardé. Les gosses quand ils jouaient, ils disaient "Maman, on va dans les décombres !" Ils aimaient bien aller jouer là dedans.

- Je ne sais pas si on en a déjà parlé, il y avait aussi, maintenant c'est des immeubles, la grande usine des gants Mapa. 

- C'était, si je me rappelle bien, au coin du boulevard de la Liberté et de ce qu'on appelle maintenant la rue du Maréchal Juin.

- Il y a un grand immeuble, et là, il y avait une dame qui faisait son métier... 

- Ah, c'est pas Burgar ?

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- Oui. Elle faisait la pédicure. Et ça a été vendu pour faire des immeubles.

- Il y avait les gants Mapa, Madame Burgar qui faisait la pédicure, qui venait au Club, et puis Serge ???? qui avait son pavillon là... Je me souviens, c'était quelque chose, il y avait beaucoup  d'emplois.

- Il y avait beaucoup d'usines, beaucoup de petits ateliers...

- Il y avait Machefer (?) aussi qui avait un dépôt, une usine de grands ustensiles de cuisine pour les collectivités...

- Elle y est pas toujours ?

- Si elle y est toujours...

(...)

- Il n'y avait pas de clinique d'accouchement. J'ai eu quatre enfants aux Lilas, mais ils sont pas lilasiens ! Ils sont nés à Tenon ! Mes quatre enfants sont parisiens, ils sont pas nés aux Lilas.

- Avant, c'était à domicile. C'est le docteur qui a accouché Maman.

- Et le Coq Français, la maternité, elle est là depuis quand ?

- Je ne sais pas : moi, mon fils il est de 52,  les autres 53, 54, le dernier 59, il n'y avait pas de clinique...

- Les années 60. 

- 67, 68... 

- Il y a quelque chose à signaler : il y avait deux fermes aux Lilas, il y en avait une qui était au bout de la rue du 14 Juillet, vers la rue du Garde Chasse, et il y en avait une autre qui était rue de Paris, entre la rue des Bruyères et la rue du Coq Français. On rentrait sous un porche, il y avait des immeubles, c'est la première qui a disparu. Et je n'arrive pas à retrouver le nom des fermiers rue du 14 Juillet... Et moi, étant môme, j'allais chercher le lait là, dans l'éternel bidon d'aluminium. Il y avait une étable, les vaches retaient 6 mois dans l'étable, nourries avec du foin, de la paille, etc., ils les emmenaient en verdure, et ramenaient les autres qui avaient été pendant 6 mois en verdure... Il y avait un roulement de 6 mois en 6 mois. 

- La verdure, c'étit où ?

- Dans la grande grande banlieue de Paris, mais je ne me souviens plus... C'était avec des gros camions qu'il faisait le transfert. Il y avait 6 ou 7 vaches dans l'étable. Maintenant, c'est deux pavillons au fond d'une cour.

- Dans la rue des Bruyères, au 35 rue des Bruyères, au fond d'une cour, il y a un grand immeuble, d'ailleurs j'habitais la rue Gambetta, c'était juste en face, il y avait, elle existe toujours cette dame, elle va avoir cent ans, Madame Bernard, elle était matelassière, dans le fond de la cour... et à côté il y avait un atelier, qui s'appelait Boulanger, qui faisait des chaussons de luxe, en peau, pour hommes et 

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pour femmes, et j'ai vu travailler, ça se travaillait comme dans une grande marmite, il faisait réchauffer les cuirs et tout...

- C'était en quelle année ça ?

- En 50, 60 ça n'existait plus...

- Madame Bernard existe toujours, elle va avoir cent ans...

- C'était une dynastie de matelassiers, les Bernard...

- Le Monsieur, il était rebouteux. Et le fils, je crois qu'il s’est suicidé...

- Il s’est pendu, je crois...

- Madame Bernard, c'est une femme charmante.

- Oui, ça me revient, mes parents ils donnaient à refaire leurs matelas, on ne rachetait pas un matelas, on le faisait refaire, carder et tout ça, par ces personnes-là...

- Ils se déplaçaient, d'ailleurs, dans les pavillons, ils y passaient la journée...

- Il y avait d'autres artisans: des menuisiers, beaucoup de menuisiers, des charpentiers...

- Mon mari il connaissait tout ça, parce que à l'époque on utilisait beaucoup l'artisanat, puis après, il y a eu les grosses usines.

- Il y avait beaucoup d'ateliers mécaniques, tournage, fraisage, etc.

- C'était quand même drôle quand le rémouleur passait dans la rue pour appeler, c'était pour refaire les couteaux…

- Dans les années 80, il se mettait au marché des Lilas, le dernier, il était au marché des Lilas… Quand le Marché des Lilas a été construit, il se mettait dans le petit recoin, là. Mais il était très âgé, il a disparu très vite…

- Il y avait le rémouleur et le vitrier…

- Le vitrier, pareil, il n’y en a plus non plus… Ils passaient dans les rues, et ils criaient, ils appelaient…

- Vi-trier !

- C’est comme dans le film de Charlot : il y avait le môme avant qui passait avec son lance pierres !!!

- Bon mais, avant… J’en reviens toujours à mon commerce, moi : avant, boulevard Eugène Decros, c’était une usine de plastiques, e le Monsieur il a commencé dans un couloir à faire ses moules, et après, ça a été le début du plastique, et là, on a commencé à vendre des cuvettes, des seaux, des… tout ce qui était plastique possible… Il a commencé dans un couloir rue des Bois à Paris, et il est venu là après, et c’était des grosses machines qui tournaient, ils faisaient les 3x8 tellement il fallait du plastique… Tout était remplacé… Par contre on vendait des seaux à charbon, en émail et en galva… 

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Mais tout était en plastique après. On avait une petite usine aussi, à côté de la rue Gambetta, il y avait une petite usine de poubelles rectangle, de pelles et de seaux à charbon en émail… Tout ça, ça a été fichu en l’air, ça a disparu avec le plastique…  Après, on a fait aussi des tuyaux Lux ( ???), ça s’appelait, on avait un dépôt de tuyaux télescopiques pour toute sorte de poêles. 

- Oui, avant on se chauffait avec du charbon, des poêles et des salamandres.

- Et dans ce commerce de vente en gros, j’ai connu les usines Japy, Sitram, Téfal, tout ça j’ai connu. J’ai été voir des bains de galva, justement, où on trempait de la marchandise, pour faire des seaux…

- Aux Lilas ?

- Non, ça c’était ailleurs…

- Il y avait une usine de galva rue de Romainville, les Cavalières… C’était assez important, et il y en avait une autre boulevard Eugène Decros, de cadmiage, c’était très important aussi… Il y avait près de 15 personnes qui travaillaient là. Ça sentait l’acide sulfurique là-dedans… Fallait tenir le choc quand tu travaillais là !

(…)

- Bon c’était une époque où dans notre commerce on vendait aussi beaucoup d’articles qu’on ne fait plus maintenant, par exemple les tubs, pour se laver… A l’époque, il n’y avait pas de salles de bains, pas de sanitaires, on vendait seaux hygiéniques et tout ça… C’était par wagons, par wagons qu’on vendait ça… Des bidets, aussi, des wagons de bidets, en émail, tout ça, c’était en émail… Des pipettes aussi pour les malades, maintenant ça se fait plus… Des grandes bassines, des lessiveuses, des gros baquets ronds ou ovales, c’était la grande époque…

- Comment ça s’appelait, les trucs en ferraille où on faisait bouillir les couches, là ?

- Lessiveuses, c’était des lessiveuses..

- On lavait tout dans les lessiveuses. 

- Même les gosses on les lavait dans les lessiveuses !

- Oui, moi je m’en rappelle quand j’étais petite, ma mère elle nous lavait dans la lessiveuse. Elle était grande la lessiveuse…

(…)

- Après le plastique, est venue la clientèle orientale, on vendait des choses à thé, des moules, des moules à maïs qui venaient de Russie, qu’est-ce qu’on a vendu encore comme choses… qui repartaient en Afrique ! C’était des gens qui achetaient, toutes les cafetières, et tout ça… Puis après il y a encore eu un énorme changement, avec l’électroménager…

- Quand on pense que bien des gens ont vécu sans salle de bains, pendant des années, des années… Il y avait les toilettes sur le palier… Il y avait souvent la queue !

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- Je me souviens de mon temps que les écoles, c’était l’école des filles, et l’école des garçons. On n’était pas mélangés…

- Rue Romain Rolland, c’était l’école des filles. 

- Ici, c’était la Pension Gay, et il y avait une pension aussi, Ségault, qui se trouvait à côté de l’Eglise maintenant…

- Il y avait la pension Vaysse aussi…

- C’était au Pré Saint-Gervais, ça !

= Pension Vaysse où était Eddy Mitchell…

- Et j’aime mieux vous dire qu’il y avait une discipline… une discipline autrement que maintenant ! On respectait l’Instituteur, et la Directrice. Quand on sortait de l’école, on sortait deux par deux, et la Directrice était à la sortie de l’école, et on saluait la Directrice avant de partir…

- Il y avait un respect, on avait peur… En plus, on était tous habillés pareil, on avait la blouse… 

- J’ai reçu des coups de règle sur les doigts,…

-  Et il fallait pas enlever sa main !

- Des blouses bleues au départ…

- Nous c’était des blouses noires…

- Nous bleu, bleu ciel…

- Moi elle était grise ma blouse…

- Noire ! Ma maman m’avait fait un petit col blanc, ça égayait un peu…

- Ici, cette salle, c’était un réfectoire…

- Et après, il y a eu de activité ici…

- Oui, mais quand il a fermé…

- Ici, moi je faisais des répétitions de claquettes. On était une vingtaine, une trentaine…

- Ça existait encore dans les années 60, puisque ma fille elle est de 54, et sa première année d’école, c’est ici qu’elle l’a faite… Et elle en est ressortie à 16 ans ! Mes deux filles sont venues ici, mes garçons étaient à Ségaux. Quand je reviens ici, je revois encore les grandes tables…

- Et la cuisine, elle était là, derrière…

- Ici c’était que les filles ?

- Oui, les garçons c’était à Ségaux… Ségaux, ça a été démoli aussi…

- Il n’y a pas longtemps…

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- Je trouve que c’était plus ouvert ici. Ici, quand on venait, on pouvait aller dans les étages, moi je venais chercher mes enfants le samedi après-midi : on montait dans les étages, pare qu’il fallait remmener la valise, avec le linge, ou alors fallait le laisser, ils faisaient un nettoyage, mais il fallait payer. Et comme on avait pas les moyens… fallait laver la valise !  

- Non, pas la valise, le linge !

- Oui, le linge ! Mais les garçons, à part dans la salle quand on rentrait, on ne pouvait jamais… Ici c’était bien parce qu’on pouvait se rendre compte… Alors que les garçons, c’était le grand mystère. J’ai jamais vu les locaux. Il y est allé 10 ans, mon fils, j’ai jamais vu les dortoirs, ni rien. Juste le hall où on nous accueillait…

-  Moi, je connais des garçons qui ont de très mauvais souvenirs de Ségaux.

- Oui, c’était malsain…

- La discipline était militaire…

- Mon fils, il me dit que c’était une maison de correction. Je lui dis que je ne l’ai jamais mis dans une maison de correction, mais lui il me dit que si ! Mais non, je ne l’ai pas mis en maison de correction. . Il y avait des gens au dessus de chez moi, ils avaient juste un seul enfant, et il y allait aussi. Je lui dis la famille Patais, ils ont pas mis leur fils en maison de correction, ils en avaient qu’un ! Moi je travaillais, fallait que je mette les enfants en pension.

- Mais ça devait coûter de les mettre en pension…

- Oui, mais ils étaient boursiers… Moi j’étais veuve…

- Et dans ces cas là, on paye pas ?

- Si, je payais, ça n’a jamais été gratuit, mais c’était moins cher que les autres… Et quand tu travailles, tes enfants on t 6 ans, 7 ans, 8 ans… On les met où, les gosses ? Le midi, les petites vacances et tout ça…

- Ça finissait à 4 heures l’école…

- Et moi je travaillais 10 heures par jour,…

- Et après l’école, il y avait pas de garderie…

- Et l’été, c’était trois mois, non ?

-  Oui, du 14 juillet au 1er octobre…

- Et ils faisaient une colonie de vacances. Mais moi ils y sont jamais allés, parce qu’ici c’était trop cher. Ils allaient avec la Mairie de Lilas. La bourse était pas comptée pour les vacances, alors c’était trop cher pour moi… Alors ils allaient deux mois à Dinar, en Vendée, et après ça a été M ????. 

- Ils faisaient qu’une colonie, moi, mes gosses, pendant deux mois.

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- Moi ma maison elle fermait au mois d’août, et j’allais travailler autre part au mois d’août. Mais enfin, je me sentais en vacances, comme les gosses ils allaient en colonie… Et ça a été 10 ans comme ça…

- Tu travaillais pendant tes vacances ?

- Oui, je travaillais autre part, le mois d’août…

- Vous savez, à l’époque, quand on na pas de pension, rien…

- Quand mon mari il est mort, l’aîné il avait 7 ans… C’est déjà arrivé qu’il y avait des petites vacances, des fois je les prenais chez moi, parce que, ici, ils prenaient des Anglais quand il y avait des vacances…

- Des Anglaises…

- A nous les petites Anglaises !!!

- Il fallait donc libérer la place, les chambres… Je les avais des fois chez nous, eh ! ben je vous dis, quand je rentrais le soir, j’avais une tête comme ça. Déjà je travaillais en usine, et les 4 mômes : il m’a fait ci, il m’a fait ça, il a cassé ci, il a cassé ça… J’avais une tête comme ça ! Je souhaitais être sur une île déserte… Et maintenant, je suis sur l’île déserte, ils sont tous mariés ! Eh bien je regrette ce temps là ! Je regrette ce temps là ! Pourtant je suis arrière grand-mère, 5 fois !

- C’est bien c’est bien, la France se repeuple !!!

- Mais je ne pensais pas que je les élèverais toute seule. Et puis à l’époque, il y avait pas la pilule…

- Ton mari, il est mort, c’était un accident ?

- Non, c’était pas un accident, tu sais à l’époque on n’avait pas de voiture, on n’avait pas de téléphone, alors le temps il passe, il passe, puis quand le secours il arrive, ben c’est trop tard… Une crise cardiaque…

- Bon enfin, pour en revenir à notre école, c’était quand même une école disciplinée, on avait quand même peur de l’instituteur…

- On le respectait…

- Oui, on le respectait, mais quand même on avait une petite peur, on n’allait pas faire n’importe quoi devant l’instituteur…

- Ils s’en vantaient pas les mômes : si t’as été puni, c’est que t’as fait quelque chose !

- On avait du respect, du respect… Que maintenant…

Thématique : l’école

- Je me souviens, quand j’allais à l’école communale, qui n’était qu’une école de filles à l’époque, on était avec des petits tablier noirs, ou gri, et je me rappelle maman m’avait mis un petit col blanc pour agrémenter un tout petit peu le tablier, qui était… noir, c’était pas une couleur très agréable pour un enfant. Et, à ce moment là, il y avait beaucoup de… comment dire…  Vis-à-vis des instituteurs, on 

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respectait énormément les instituteurs, on faisait très attention de ne pas faire de bêtise, parce qu’on on était très vite réprimandé, et, voilà… On était bien, en fait, c’était normal, on n’avait pas d’obligation, c’était pas une obligation, c’était normal, ça nous venait tout naturellement de respecter les instituteurs et de faire en sorte de faire ce qu’ils nous disaient. On ne contrariait jamais rien… Et lorsqu’on sortait de l’école, on sortait deux par deux, et la Directrice était à la porte de l’école, et on saluait la Directrice en partant…  C’était comme ça ! Alors maintenant, je ne sais pas, les choses ont bien évolué, ont bien changé…

- Il faudrait que tu rajoutes : c’était un époque aussi où on respectait nos parents…

- Oui, exactement !

- Les parents sont aujourd’hui totalement remis en question. Pourquoi ? Peut-être parce qu’ils ont été absents… Ils ont renoncé à éduquer leurs enfants, et les enfants l’ont très bien ressenti, ce qui fait qu’il y a maintenant un aller-retour entre : « parent, je te refuse », parent qui dit à son enfant : « tu me casses les pieds parce que tu te tiens pas bien, t’es pas ceci, t’es pas cela » et l’enfant qui dit à ses parents : « vous vous occupez pas de moi, vous m’aimez pas »… En définitive, l’enfant (les médias l’ont toujours dit) réclame un encadrement. 

- Oui, c’est ça !

- Et quand il y a une absence des parents pour leur enfant, et l’enfant se venge, quelque part…

- Exactement !

- Et on le retrouve après sur les bancs d’école… Quand on discute avec des instits ou des profs, l’éducation, parce que l’Education nationale, c’est beaucoup plus l’instruction que l’éducation, l’éducation, elle commence par la famille…

- Exactement !

- C’et pas que les profs et les instits… 

- C’et vrai : à l’époque, c’était comme ça, on n’était pas contrarié parce qu’il fallait écouter, il fallait ne pas parler, il fallait… A ce moment là, on faisait ça naturellement. Tandis que je pense que maintenant, c’est plus tout à fait le cas… Et vous avez raison en disant que c’est en partie à cause d’un manque des parents… C’est normal, et on voit bien même maintenant, si on réprimande un enfant, si on  le fait intelligemment et si on le fait normalement, ça se passe tout à fait bien…

- Je ne sais pas si c’est toujours comme ça : les récréations, avec les coups de sifflet des maîtres, la sonnerie, ça se fait sûrement toujours, mais c’est vrai que la mise en rang, on va dire « militaire », entre guillemets, c’était pas « une seule tête », mais enfin c’était beaucoup plus… pare que les enfants acceptaient de se mettre en rang, aussi…

- On le faisait normalement…

- Très joyeusement, voilà, la récré était finie, et on y allait…  

- La récré était finie, on se mettait en rang, voilà…

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- Et c’est vrai que dans les classes, on n’entendait pas une mouche…

- Moi je parle de la petite école, mais quand on était dans une école, après le brevet, c’était pareil. Il y avait quand même une discipline qui était assez forte. On faisait pas ce que l’on voulait… 

- Quand on quittait… en l’occurrence Les Lilas, c’était le cours complémentaire, remplacé maintenant par le collège… Donc on allait jusqu’en 3e aux Lilas, et quand on quittait la 3e on allait dans les Lycées après…

- Oui, on passait le brevet ici…

- Oui, et après on passait le bac dans les Lycées dans Paris. Généralement, on atterrissait dans Paris. Z titre personnel, j’ai atterri à Turgot, le Lycée Turgot à côté de République… Et au Lycée aussi il y avait une discipline…

- Oui… J’ai pas été au Lycée, parce qu’après j’ai fait ma formation de secrétaire et de sténotypiste…

- Cours Pigier, non, par hasard ?

- Non, non, j’étais dans un cours particulier à Nation…

- Oui, le cours Pigier c’était un cours particulier…

- Et c’est là que j’ai appris mon métier de secrétaire, et de sténotypiste, surtout, pas sténodactylo, sténotypiste…

- Ici, aux Lilas, pour les garçons, on avait surtout les cours complémentaires, de la 6e jusqu’à la 3e, on fabriquait des ballons, en chiffons… Et on squattait la cour, du côté place des fêtes, quand on rentre dans Waldeck Rousseau, sur la place, il y a la salle de fêtes qui est comme ça… On squattait la partie de la cour comme ça, il y avait un but là, où il y a les waters, la porte cochère, et on jouait au ballon avec ces balles en chiffon…  On va dire que deux fois sur deux, les instituteurs qui faisaient la récré nous interdisaient, puis deux fois sur deux ils nous laissaient jouer… Ça c’était des grandes parties de foot, c’était vraiment quelque chose de sévère ! Et à la sortie le soir, l’été, ça se terminait sur les Sablons, maintenant ça n’existe plus, c’était un grand terrain, sableux comme son nom l’indique, pas loin de la rue des Sablons, et où maintenant il y a la nouvelle école maternelle à la sortie du Fort de Romainville…

- Julie Daubier ?

- Un truc comme ça, oui…  Et avant c’était un grand terrain où les enfants pouvaient jouer ? un lieu de jeux. Comme toujours le stade était fermé, donc ça nous faisait un lieu de jeu, et alors là on faisait des parties… il y a eu la Coupe du Monde, ici ! Et là, on pouvait jouer avec des vrais ballons, c’était quand même un avantage…  

- Moi, j’ai pas connu les écoles, mais mes enfants ont connu les écoles Romain Rolland et Waldeck Rousseau, et c’est un peu le même genre que vous… Mais par contre les filles allaient dans des classes mixtes… ça commençait.

- Oui, c’était avant 56…

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- Quel âge il avait…  C’était peut être en 70, mon fils…  Il est né en 60, donc… Quand il est rentré, à peu près, à 6 ans…  Les jeux étaient pareils, et le ballon, de « football » comme vous dites… 

- Il faudrait signaler, ça me revient : dans l’école, dans la cour d’école, il y avait la mode des jeux… Alors c’était les billes, ou, alors pour jouer à tic et pat c’était pas facile, mais on avait des billes dans les mains, il fallait deviner, on avait entre zéro et cinq billes dans la main, fallait deviner combien il y en avait. Alors il y avait des astuces, pour gonfler ou serrer les mains, etc. Après, il y avait le jeu des osselets… Tout le monde assis par terre, en train de jouer aux osselets… Et il y avait un autre jeu, alors je sais pas si ça existait ailleurs, mais celui de Waldeck Rousseau aux Lilas, il y avait le TD – je ne sais pas ce que ça voulait dire – le TD. On faisait à la craie sur le sol, c’était goudronné, comme un genre de petit terrain de foot, avec un but, délimité, et on récupérait des vieilles pièce de monnaie en cuivre, des pièces de Napoléon III etc., on les frottait pour bien les user, pour qu’il y ait un côté absolument lisse, et donc, on était à deux trois joueurs dans chaque camp, on mettait un bouton au milieu, et en poussant la pièce, il fallait taper dans le bouton et rentrer le bouton dans le but. 

Alors là, ça avait un succès monstre ! Et ça durait… Bon, ça c’était les jeux d’été… parce qu’il fallait que ça soit sec évidemment, donc ça démarrait en mai, et jusqu’en juillet… On peut dire que les billes, c’était plus pour l’hiver, parce qu’on jouait à la main, et les osselets fallait s’asseoir par terre, donc… 

- Et nous, pour nous les filles, c’était la marelle. 

- Ah, bien sûr !

- On jouait à la marelle…

- A la corde ! 

- Mais pas à la corde à l’école…  Nous c’était la marelle… les filles , c’était beaucoup plus calme !

- On jouait aussi à la balle au prisonnier…

- Ah, oui, la balle au prisonnier…

- Moi, j’étais en province. Mais mes enfants ont fait comme vous, un peu, certains jeux, et après est venu mo petit fils, où ça continuait aussi, mais lui, c’était les cartes Pokémon. Les échanges…  Et les billes, aussi, le ballon, des ballons en mousse pour ne pas faire mal…

- Voilà : nous c’était des chiffons, vous c’était en mousse !

- Je les récupérais à la sortie de l’école, et on finissait de goûter et de jouer dans le jardin de la salle des fêtes. Et il y a la statue ! Alors là, elle a eu tous les enfants cette statue de femme nue, tous, ils venaient sur cette statue s’asseoir, ou se faire prendre en photo, et  tout… 

- C’était une maman de substitution ???

- Oui, vraiment c’était rigolo. Puis tous les enfants se retrouvaient là, puis après chacun rentrait chez soi… J’ai eu mes fils, et mon petit fils, après, à Waldeck Rousseau…  Pour mes filles, il y avait encore une discipline…  Et au début, il y avait les tabliers, au début…

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- Ah ! oui, j’ai connu les tabliers aussi, avec les manchettes de lustrine, pour pas user les coudes !

- Pour l’école des Lilas, à la 6e, il y avait 4 ou 5 professeurs, il y avait un professeur qui s’appelait Monsieur Senet, qui habitait à la Porte des Lilas d’ailleurs, qui est décédé depuis longtemps : il était professeur de sciences naturelles, et nous, les 6e, pour les planes, il nous emmenait sur le Fort de Romainville, où à l’époque il n’y avait pas Marie-Curie, il n’y avait pas le stade, c’était des fourrés, ce qu’on appelait les glacis…

- Moi j’y allais souvent m’amuser…

- Il y avait beaucoup de plantes sauvages, et il nous emmenait herboriser… On cueillait chacun plusieurs petites plantes, et quand il y en avait suffisamment (on était 25 à peu près, c’était des clases de 25), on les mettait dans du papier journal, et on se faisait un petit herbier… Bon, ça a duré une année…  C’était très apprécié, puisque, évidemment, la bande de gamins que nous étions était très heureuse de sortir  des murs de l’école…  Et en plus, il y avait dans ces fortifs, à  la place du grand stade maintenant, il y avait un grand fossé, dans lequel il y avait une mare… Et donc on allait toujours voir la mare, parce qu’il y avait énormément de têtards, de grenouilles, de crapauds, et il y avait même des tritons. Moi j’ai vu des tritons dans cette mare…

- Oui, parfois mes enfants ils y allaient aussi, ils me ramenaient des vers de terre, des orvets, je ne sais plus quoi… 

- Et ça c’était les sorties d’école, qui ne se font plus maintenant et pour cause, puisque on ne peut plus y aller, mais c’était très agréable…  Là dedans, nous les gosses, on était vraiment… 

- Et c’était aussi la sortie du dimanche…

- Moi c’était dans la semaine…

- Oui, oui, mais nous, c’était la sortie du dimanche, les parents nous amenaient nous promener sur les forts…

- Le jeudi, nous les gosses, à l’époque c’était le jeudi, on allait jouer sur les fortifs à la petite guerre. C’était pas la guerre des boutons, on se coupait pas les boutons, mais c’était la petite guerre. Il y avait la petite guerre entre quartiers des Lilas – mais bon, ça n’allait pas loin,  quand on se faisait prisonnier c’était les Indiens et les Cowboys, bien sûr, mais par contre, des fois, ça chauffait un peu plus, quand Pantin montait, ou Romainville…  Des fois ça frictionnait un peu plus, mais bon…  ça n’a jamais été méchant…  Pas de coups de pieds, de visages en sang comme on peut voir maintenant…  Non, on s’amusait bien c’était très amusant…  Tous les gosses, le mercredi, on se donnait rendez-vous le jeudi après-midi sur les forts, bien sûr… Ça faisait partie du système de l’école…  Après, il y a d’autres choses dont on pourrait parler, mais c’était plus de l’école…  Le jeudi, c’était ou les sables jaunes comme je disais, à la sortie du Fort de Romainville, la partie de foot du jeudi, ou alors les fortifs, on allait jouer aux Indiens et aux Cowboys… 

- Et puis les fêtes d’école, qu’on préparait, il y avait certaines fêtes…

- Il y avait la distribution des prix, qui se faisait à la salle des fêtes…

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- Il y avait toujours des forts en thème, mais moi j’ai jamais eu de scoliose à cause des prix, donc ça a été ! C’est vrai qu’il y en avait qui repartaient avec une pile de livres. Bon, nous quand on en avait un petit, on était heureux ! 

- C’était des gros livres, les prix. 

- Ah oui, c’était de très beaux livres aussi…  de très belles éditions… 

- Il y avait, je ne sais pas toi chez les filles, mais il y avait chez les garçons deux ou trois instituteurs et institutrices, dont on n’avait pas peur, mais on les craignait un peu quand même ! Il y avait des « gueulards », entre guillemets…

- Ah si, on en avait peur ! Moi, j’avais par exemple Mademoiselle Henri, et bien j’aime mieux vous dire que il fallait pas bouger le petit doigt…  Si on bougeait le petit doigt, on savait ce qui allait nous arriver !  Non, on avait des professeurs qui étaient très durs…  Et d’autres qui étaient beaucoup plus, comment dire, plus doux, plus agréable, mais vous en aviez qui étaient… Et même notre Directrice à l’époque, Madame Allaire, c’était quelqu’un de… dur, de sévère… 

(…)

Moi je me souviens, si on faisait une bêtise, et qu’on disait aux parents « le maître, il nous a enguirlandés » : « c’est que tu le méritais ! »

- Et maintenant, les parents ils viennent pour un oui pour un non…

- Moi, j’ai moi-même été moniteur à Saint-Denis, l’école publique, dans le 93, c’était pas des tendres ! Bon, une fois j’ai été obligé d’arriver jusqu’à mette une tape derrière la tête à un gosse, il me dit « tu vas voir, mon père va venir te casser la gueule ! » « Je l’attends ! «  Alors le lendemain matin, il vient, il était tout penaud, je lui dis « alors ton père, il  est où ? » « Il et pas venu » « Qu’est-ce qu’il t’a dit ? » « Ben il ma dit si il t’a donné une claque, je t’en remets une autre, paf ! »

- Ah ! oui, moi c’était comme ça aussi…

- On pouvait réprimander un élève qans avoir les parents qui viennent vous casser la gueule après…

- Oui, oui, absolument…  Moi, jamais mon père ni ma mère ont dit quoi que ce soit lorsque l’instituteur avait donné des lignes, par exemple, à faire, il fallait que je fasse mes lignes et point final ! Et que je ne rouspète pas ! 

- Des lignes, on en avait des fois un peu trop…

- Mais ça vous savez, je vais vous dire, on le savait ! On n’avait même pas besoin de dire quoi que ce soit ! Lorsqu’on avait 50 lignes à faire, on s’attelait à faire les 50 lignes, et puis on disait rien du tout pare qu’on savait très bien que nos parents ne nous auraient jamais dit « ah ben, mon petit chéri, ne fais pas tes 50 lignes… » non, non, non ! Il fallait les faire, point final ! Du moment que l’instituteur vous avait donné cette punition, c’est qu’on l’avait méritée ! Tandis que maintenant, c’est peut-être pas du tout pareil…

- Mon fils, qui était dyslexique, on lui donnait justement des pages de lignes à faire, et au bout de ces pages là, le mot ou la phrase qu’il fallait qu’il écrive, il ne le savait pas à la fin…  Ça, c’était avant 70…  

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- Ça c’était un petit peu particulier, quand même…  Parce que quand un enfant est malade… 

- C’était au début de son cours préparatoire…  Mais ça l’aidait pas , quoi, ça l’aidait pas …  On le punissait, ça l’aidait pas , ça l’enfonçait en plus…  Je lai changé d’école, parce que il supportait pas…

- J’ai une anecdote, Mesdames si vous me le permettez, c’est vraiment un truc de garçons…  Je vais employer des termes édulcorés, j’espère que ça se passera bien ! C’est une histoire véridique. On parle  de punition, c’est pour ça que ça me revient à l’esprit. Il y a eu une punition, un jour, nous étions en 4e. Il y avait aussi des modes verbales, comme il y avait des modes de jeux. Il y avait une mode verbale qui était « Fume, c’est du Belge ! » Qui n’a pas entendu les gosses dire ça, à une époque, parce que maintenant c’et obsolète, ça n’existe plus…  Donc, on remontait de la récré dans les cours complémentaires, et donc, dans la classe où j’étais, il y a un des copains qui dit ça à un autre copain. Il y avait le professeur qui était là, il s’appelait Monsieur Lagous ??? professeur de français t de géographie, qui lui dit « Viens ici Jacquie ! » Je m’en souviens, il s’appelait Jacquie. « Viens Jacquie, tu viens de dire quelque chose à ton copain, Robert ? » « Oui M’sieur, ou M’sieur ! » «Bon, alors il monte dans la classe, et il lui donne 50 lignes à faire. Et le motif de la punition, à aire signer par les parents, et c’est exact, je vous promets que c’est vrai : « Invite son camarade à fumer un tabac étranger ». Beaucoup d’esprit, beaucoup d’humour…  Et il nous a lu, pare que on avait 14, 15 ans, on commençait à comprendre des choses quand même, il nous a lu le motif de la punition, et bien sûr il y a eu cinq minutes de rigolade générale… Il a laissé courir, d’ailleurs, il a laissé la bride sur le cou, il était très intelligent, et après on a repris les cours. Et donc, l’autre il a été obligé de faire signer par sa maman, il a été obligé de lui expliquer ce qui s’était passé…  Je l’ai gardé en mémoire, c’et un souvenir fabuleux, ça !

- Aux Lilas, il y avait deux institutions, ici l’institution Gay…

- C’était les filles, ici…

- Et il y avait l’institution Ségaux, c’était les garçons…  A côté de l’Eglise, rue Jean Moulin.

- Il y avait des internes dans ces écoles… 

- Il y en avait même qui étaient pires qu’internes, c’était des prisonniers, parce que, je me souviens, j’habitais en face, donc je voyais la cour, et par exemple pendant les mois de juillet et d’août, tu avais toujours deux ou trois enfants qui restaient les deux mois, personne ne venait les chercher…  Ils allaient essayer de les promener un peu… Je me souviens que moi étant gosse, j’en avais presque les larmes aux yeux de voir es gosses rester comme ça…  c’était une horreur. Alors moi j’ai un copain de jeunesse, on est toujours en rapport, lui il a été, dans les années 50, dans la pension Ségaux. C’était une prison. C’était le régime militaire. Et lui, il en a un souvenir affreux. A genoux en hiver dans les escaliers comme punition, dans le froid, etc. Il me dit « je n’ai pas voulu me venger une fois que j’étais adulte parce que sinon j’aurais été casser la figure à deux trois pions, surveillants là dedans, ils le méritaient pourtant amplement » C’était du sadisme. Comme dan toutes ces institutions où il y a eu des enfants, quand il n’y a pas eu de viols c’est déjà pas mal, mais il y a eu beaucoup de choses qui se sont passées…

- Mais je pense pas que ça se soit passé ici, à l’institution Gay…

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- C’était l’inverse, ici, il y avait beaucoup plus de souplesse, c’était très souple…  Et très encadré, par contre… Ils étaient obligés, il y avait des filles d’artistes, beaucoup de filles d’artistes, des filles d’hommes politiques…  C’était très réputé… 

- La pension Gay recevait des petites Anglaises,  et la pension Ségaux des petits Anglais. Alors les petits Anglais, on ne s’y intéressait pas, mais les petites Anglaises… On s’intéressait beaucoup aux petites Anglaises. C’était généralement à Pâques, pour les vacances de Pâques, les petites Anglaises arrivaient, et il y avait toute la bande des 15, 16 ans, on savait l’heure où elles sortaient le soir, vers les 5 heures ½, 6 heures, pour aller faire un tour dans les Lilas, etc., ou même prendre le métro pour aller dans Paris, et là on était tous à attendre les petites Anglaises…  C’était le film « A nous les petites Anglaises » !

- Ça a duré jusqu’à la fin…

- C’était une institution privée, payante, et pas donnée, justement, ce n’était pas énormément cher, mais c’était quand même assez cher pour faire une sorte de sélection. Mais par contre, la pension Gay, Madame Gay, prenait un quota d’enfants dans le besoin, de filles dans le besoin, par exemple une fille qui se retrouvait orpheline de père ou de mère etc., elle la prenait et elle avait sinon la gratuité, du moins presque…

- Si, moi je connais une dame qui mange avec moi et qui avait ses filles ici, à la pension Gay, elle était pas très argentée, et madame gay lui avait certainement fait de facilités… 

- Elle avait un quota de jeunes filles dans le besoin… 

- C’était bien cette pension ici…

(…)

- Monsieur Huret, qui était instituteur, dans les classes du bas, il était instit, et le samedi ou le dimanche, il dessinait sur les grands tableaux des scènes champêtres, des vaches, des poules, etc., et le lundi matin, quand les élèves arrivaient, il leur parlait des poules, des vaches, etc., et le grand drame, c’est quand il effaçait tout ! Tous les lundis, il y avait des dessins, et nous, les autres classes, on venait regarder…  parce qu’il y avait un graphisme extraordinaire…  Il dessinait très très bien…  J’ai un petit livre de comptines pour enfants qu’il a illustré, c’est merveilleux. Il a fait plein de choses le père Huret, on le sait pas, mais il dessinait très bien, il peignait très bien, on connaît les caricatures, mais il a illustré pas mal de choses…  

- Ah ! Monsieur Huret ?

- Oui… C’était un homme très actif…

- Je crois que maintenant il est plus fatigué, non ?

- Monsieur Huret ?

- Oui ?

- Il est décédé, il y a un an et demi, maintenant… 

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- Et il chantait bien, je l’ai vu chanter une fois dans l’Eglise, qu’est-ce qu’il chantait bien !

- Il avait le coffre pour, il faut dire !

- C’était un personnage…

(...)

- Il y a aussi le catéchisme. On allait au catéchisme…  On allait au patronage religieux, qui était rue Paul de Cocq…

- Rue Paul de Cocq ? 

- Non, rue du Coq Français ! Non, rue Henri Barbusse ? C’est la rue qui… vous voyez où est la rue de l’Eglise ?

- Oui…

- Alors on monte plus haut, comment c’est, cette rue qui monte ?

- La rue du Tapis Vert ? 

- Oui, qui monte jusqu’ici, d’ailleurs… 

- Ah non, non non…

- Ah, c’est pas celle là ?

- Non, c’est bien la rue du Coq Français… 

- Oui, c’est ça. On allait au patronage rue du Coq Français…  le jeudi après-midi.

- A la sortie des écoles, il y avait la fameuse rue du Tapis Vert, elle commence là et elle va jusqu’à la rue Henri Barbusse. C’était une rue cimentée. Il n’y avait aucune voiture, il n’y avait rien à l’époque. Donc, en sortant de l’école, le soir, c’était la course aux traineaux. Les traîneaux, c’était trois quatre planches de bois, une traverse, une autre traverse articulée, et le tout, c’était de trouver des gros roulements à billes, et comme il y avait quand même à l’époque beaucoup de mécaniciens, on mettait ces roulements à bille sur des tasseaux, on les rentrait en force, et c’était la course à partir du haut. Ça c’était l’été, et l’hiver, les sales gamins que nous étions, tu sais il y avait une fontaine, on allait récupérer de l’eau, on la mettait dans la rue, et on faisait comme ça une magnifique patinoire… 

- Ah, moi j’ai pas connu ça.

- C’était la sortie des écoles…  Mais c’est des trucs de garçons, ça…  

- Les filles étaient plus calmes, à l’époque…

- Et ça rouspétait rue du Tapis Vert, pare qu’il y avait des habitations, et ces roulements à bille faisaient beaucoup de bruit !

- A la sortie de notre école, nous, il y avait une petite boutique, en face, où on vendait des bonbons. Et alors là, c’était le régal, on allait chercher des petits bonbons, là… 

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- Il y avait la même en face la sortie des garçons…  C’est une maison maintenant, il n’y a plus de vitrine, ni rien…  L’astuce, c’était d’occuper la dame…

- Non ! Ne me dis pas que tu l’as fait ?

- Non ! Mais j’ai des copains qui l’ont fait…  C’était des rapides ! C’était des grands bocaux, tu sais…  des grands bocaux en verre…  il y en a qui occupaient la dame pendant que d’autres…

- Il y a toujours eu des mauvais garçons !

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les LOISIRS AVANT la TÉLÉ

- Je me souviens du cinéma le Vox. Le Vox, c’était son dernier nom , il a changé plusieurs fois de nom… Il s’était spécialisé dans les films de cowboys, les westerns… alors le mômes le jeudi, évidemment…

- Le Magic, rue de Paris, l’Alhambra, boulevard de la Liberté, le Vox… 

(…)

- A propos de cinéma, j’ai oublié de vous dire que dans le dépôt que je possède rue Eugène Decros, UGC sont venus tourner un film… Ils ont fait tout un appartement dans ce dépôt…

-  Ils ont tourné un film aussi sur le Fort…

- Oui : Dieu a besoin des hommes…

- Les Lilas sont assez prisés pour tourner des films… Au cimetière, on en a au moins tourné deux, et là, sur la place, on en a tourné un,…

- Deux.

- Ou deux… 

- Ma pomme, avec Maurice Chevalier, et ???

- ça remonte à quelques années, ça !

- Oh ! Je t’en prie, hein !

- L’alhambra, à une époque, faisait des attractions à l’entracte. Moi, j’ai vu passer Fernand Raynaud, sa femme, qui s’appelait Caron, je ne sais plus son prénom, c’était une chanteuse. Elle a fait une chanson ou deux, et Fernand Raynaud avait fait un ou deux sketchs, très courts. Et au Magic, ils faisaient quelquefois aussi de la musique classique. J’ai vu… « les 4 colonels », je ne e souviens plus…

- Les 4 Barbus ?

- Non, non ! 

- Les Frères jaques ?

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- Non, c’était du classique.

- Ah ! Les concerts Colonne ?

- Oui, les concerts Colonne : ils avaient joué une partition sur, tu sais, la mort des 4 Colonels, etc. … Moussorgski, ou je ne sais pas qui… Ça n’a pas duré longtemps, c’était dans les années 50…  On a dire jusqu’en 54, 55, 56… Après ça a disparu, et les cinémas ont fermé dans les années 60. Et il y a eu cette époque où, ça faisait partie des loisirs, et les cinémas étaient pleins… Moi, j’ai vu ces cinémas pleins, vraiment pleins. Bon après, avec l’avènement de la télévision, ça a dégringolé, et c’est comme ça qu’ils ont fermé les salles…  La dernière qui a résisté (le Vox a fermé très très vite), c’est les Tourelles, là où est maintenant le Prisunic. C’et vraiment le dernier cinéma du coin qui a résisté.

- Je suis passé devant la dernière semaine, où ils annonçaient « notre dernière séance » !

- Il y avait la même chose au Trianon, c’est la Ville de Romainville qui avait racheté le Trianon, pour en faire de nouveau ce cinéma où Eddy Mitchell…

- C’est intercommunal… (…)

- Il y a eu un arrêt assez conséquent pendant la guerre… De 39 à 45, il n’y a plus rien eu…  Au point de vue loisirs, c’était terminé…

- Il n’y avait pas d’occasions d’avoir des loisirs !

- Non, et en plus de ça, c’était interdit ! On ne pouvait plus danser, c’était fini. Il n’y avait plus que des réunions de famille…

- Les loisirs tombaient du ciel, à cette époque là…

- Il y avait quand même encore des spectacles vivants dans Paris, le théâtre existait, c’atait pas interdit…

- Dans Paris, oui… 

- C’est sûr : pour la Kommandantur, il y avait encore des spectacles !

- Dans les loisirs, il y a les loisirs à la maison, et les loisirs dans la ville… A une époque, tout servait de loisirs, dans la ville, pour passer quelques moments…  Il y avait les tournages, comme on en a parlé, c’était l’attraction, pendant quelques temps, une semaine, quinze jours, le soir, après le travail, il y avait du monde qui venait voir ce qui se passait…  Il y avait les gens qui s’attroupaient devant les vitrines quand il y avait l’ « automate », le célèbre automate. C’était l’attraction ! Pendant 10 minutes, ¼ d’heure, les gens regardaient cet automate, qui était formidable, d’ailleurs… 

- Je me souviens qu’ils faisaient des défilés de chars, aussi,…

- C’est plus tard, ça… Il y a 10 ou 15 ans de ça…

- C’était beaucoup avec les écoles… Puis après, il y en a qui sont venus « foutre le bordel » dans tout ça, et ils ont arrêté, parce qu’il y avait des bagarres…

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- Il n’y a plus de chars qui défilent maintenant ? Parce que les derniers chars que j’ai vus étaient dans l’entrepôt rue Chassaignol, l’entrepôt qui a servi de quartier général à Mélenchon, et c’est là qu’ils stockaient les chars de carnaval…

- Quand il y en avait, les gosses qui allaient au centre aéré faisaient des défilés, on les déguisait, et ils défilaient dans les Lilas…

- ça arrive peut-être encore, mais on n’est peut-être pas de sortie ce jour là !

- Non, il n’y en a plus, parce que il y en a qui mettait le bordel.

- Il y avait des sortes de défilés, carnavals : c’était l’après-midi, un dimanche, dans toute la rue de Paris… 

- On a vu les géants belges aussi ici… 

- Quand on était très jeune, il n’y avait pas beaucoup de sport, mais il y avait des choses. Par exemple, à l’école, moi je faisais du violon… 

- ça serait sympa de nous jouer un petit air ?

- Tu étais en prison déjà si jeune que ça ?

- Tu l’as encore dans les doigts ?

- Presque ! Non, en fait à la guerre, je suis partie dans les Pyrénées, et ça a été fini, mon oncle ne supportait pas que je fasse du violon ! C’était interdit de faire de la musique, ni quoi que ce soit…  On était occupé, on avait perdu la guerre, alors plus de violon ! Et vous savez, la musique, il faut la faire tous les jours. Sinon, c’est fini.

- Il y avait un conservatoire de musique, ici.

- Et un aussi à la salle des fêtes, dans les sous-sols…

- A l’étoile d’or ?

- Je ne sais plus si c’était l’étoile d’or… 

- Et des bals, il y en avait ?

- Oui, il y avait des bals de sociétés. Par exemple, la police faisait son bal, le foot faisait un bal, l’Etoile d’Or, plusieurs associations faisaient des bals à la salle des fêtes

- avant qu’elle soit remaniée…

- Il y avait aussi des bals de 14 juillet : le parquet était très bien pour danser.

- Oui, c’était une belle salle, magnifique… 

- Il y avait d’autres bals aussi, dans les petits cafés, le samedi soir, le long de la rue de Paris. Ça se terminait toujours en pugilat ! Il y avait trois familles célèbres, les boxeurs invétérés ! Jusque dans les années 60 il y a eu des bals, avant que le centre des Lilas, la rue de Paris, soit remanié (quand on part 

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de la Porte des Lilas, sur la droite, tout ça a été remanié), et là il y avait des petits cafés, il y avait le Coq Français…

- Puis le café de Paris, aussi…  

- Oui, et il y avait une très belle salle derrière…. Et donc il y avait ces bals du samedi soir, et du dimanche, mais souvent le samedi soir… Et de temps en temps « t’as regardé ma femme de trop près ! » et boum ça partait…

- Il n’y avait pas tous les sports qu’il y a maintenant, il y avait pas tout ça…

- Il n’y avait pas un club de foot aux Lilas ?

- Si, si… Et pour les filles, il y avait de la gymnastique, des choses comme ça…

- Et il y avait aussi un patronage, à l’Eglise.

 - Les bals dans les cafés, c’était les cafés qui les organisaient. T’en avais un vers la Porte des Lilas, t’en avais un coin de la rue du Coq Français et de la rue de Paris, etc. Le café du Coq Français, on pouvait danser sur le grand trottoir… C’était les patrons de bar qui organisaient ça. Il y avait un accordéoniste qui venait, une batterie, un violon, et c’est parti !

- Et les loisirs à la maison, comment ça se passait ? Suivant les familles… Il y avait pas de télé, donc… 

- Jeux de cartes, ou jeux de société, réunions de famille, un petit repas entre amis…

- La radio qui était écoutée religieusement pour les infos : fallait que tout le monde se taise !

- Je me souviens des mardis, avec les Maîtres du Mystère…

- sur Paris Inter ?

- C’était célèbre, les Maîtres du Mystère : tout le monde était scotché !

- Il y avait Carmen et la hurlette aussi tous les jours…

- C’était RTL, ça, « sur le banc »…

- Et sur Europe 1, c’était « Malheur aux barbus » avec Pierre Dac et toute la clique… 

- Il y avait aussi les balades, on passait l’après-midi sur le Fort, dans les jardins, ou aller visiter quelque chose…

- On ne pouvait aps rentrer sur le Fort…

- Ce qu’on appelait le Fort, c’était les glacis, tous les glacis, là où il y a maintenant le stade, tout ça, c’était pas construit…

- C’était un lieu de promenade. Il y a des gens qui venaient pique-niquer…

- Nous, on a dansé du bop avec un truc à manivelle, les 78 tours… Tous les soirs, on allait pique-niquer et danser le bop, dans les années 56, 57…

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- Les gens venaient pique-niquer là. Il n’y avait pas tellement de jardins, c’était pas aménagé…

- C’était un peu un endroit perdu, quand même, non ? Ce qu’ils appelaient le glacis, c’était un endroit perdu… 

- Moi, mes gosses ils traînaient là… 

- Et nous, tous les jeudis on allait jouer à la petite guerre…  J’ai jamais vu de violence. Mais bon, il y a de fois, c’était un peu comme la Guerre des Boutons, pas loin…  C’était ou bien par quartiers des Lilas, c’était classique ça, et c’est toujours classique, ou bien c’était les Lilas tout entier contre Pantin qui montait, ou Romainville qui montait…  C’était la petite guerre : un morceau de bois c’était une épée, un fusil, n’importe quoi…  On avait 11 ans, 12 ou 13 ans…  C’était un très beau lieu de jeu… Et plus tard, quand on a eu 14, 15 ans, on a pu avoir des vélos, et il y avait un circuit autour du Fort, dans toutes les rues, et les gosses tournaient : pendant deux trois heurs, ça faisait la course.

- Et il y avait du vélo cross sur le glacis… 

- Oui… Et sur la route, tout le monde s’entraînait, en se prenant pour Bobet, à l’époque…

- Il n’y avait pas des loisirs très importants : il y avait les puces, à la Porte des Lilas, c’était une balade aussi…

- Nous, c’était aussi beaucoup aux Puces de Montreuil… Les dimanches, j’adorais ça. Et mes enfants ils aimaient bien aussi…  On trouvait toujours un petit truc pour eux…

- Montreuil, oui bien sûr. Mais maintenant c’est fini, il n’y a plus que quatre ou cinq vrais brocs. Le reste, c’est de la hifi, de la vaisselle, des vêtements… Même à Saint Ouen, il n’y a plus que des boutiques. .. Il n’y a plus de vraie Puces qu’à  la Porte de Vanves…

- Il y a les vide-greniers maintenant. Là les prix sont intéressants… Parce que les prix des brocs…

- Tu sais quel est le challenge du chineur ? C’est de rentrer chez un broc, et de trouver où il s’est trompé dans les prix… 

- Sur une carte postale, on voit un régiment dans les Lilas, avec un cavalier à la tête… Ils défilaient pas, il y a très longtemps ?

- ça remonte au début du XXe siècle. C’est sur la couverture du bouquin de Huret… 

- Oui, il y a eu des militaires qui défilaient. Parce que à l’époque, au Fort de Romainville, c’était un régiment d’artillerie, et il y avait de temps en temps des militaires qui défilaient… enfin, c’était pas un défilé : ils partaient du Fort de Romainville pour aller à la caserne Mortier, et vice versa…  C’était des transits de militaires…  On en voyait de temps en temps passer, on les voyait sur les camions… Même à une époque, je ne sais plus quelle année, il y avait la grève des éboueurs, c’était les camions militaires qui avaient pris la relève. Il y avait une très grosse grève de transports : c’était les camions militaires… Dans les années 50, ça… Mais bon, les militaires qui défilaient, c’était dans le sens de rallier un point à un autre, c’était pas le défilé militaire du 14 Juillet. 

- Il y avait aussi la fête des lilas, non ? On cherchait du lilas…

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- ça, j’ai pas connu, moi..

- Moi non plus…

- Mes enfants l’ont fait. Ils allaient cherche du lilas, pour vendre des  petits bouquets… 

- Comme les bouquets de muguet le 1er Mai. Mais maintenant, il n’y a plus que du muguet élevé. Quand on était gamins, on allait le chercher en forêt, nous…

- Et les coucous au printemps…

- Et le jonquilles…

- C’était ça aussi les loisirs : aller chercher un petit peu…

- On restait plutôt en famille, nous quand on était jeune… On allait pas courir d’un côté et de l’autre…  On restait avec sa mère, ses parents… Il y avait des réunions de famille, il y avait des réunions d’amis, il y avait les petits amis qu’on invitait chez soi, il y avait pas des sorties comme maintenant, des sports comme maintenant…

- Il y avait les veillées, non ? 

- A la campagne, oui, mais pas ici aux Lilas, on n’a pas connu ça… Il y avait des réunions de famille, mais pas de veillée au sens propre, avec l’âtre, la cheminée, etc. 

- Là, il y en avait une belle cheminée, quand on entrait dans le bureau où il y avait Madame Gay, là où il y a l’exposition maintenant…

- Il y avait quelques fêtes foraines, à une époque, il y en avait une qui partait de cette place, qui descendait par la rue Waldeck Rousseau, là où il y a l’école des garçons. Il y avait un emplacement traditionnel pour les manèges, sur la place elle-même c’était les auto-tamponneuses, au centre, et puis il y avait un ou deux manèges, et puis des baraques foraines, qui descendaient, des tirs, des pommes d’api, tout ce que l’on voulait…  Et quand ça s’est terminé là, il l’ont fait à une époque, très peu de temps, boulevard de la Liberté. Ave les pousse-pousse, les manèges où les sièges sont tenus par des chaînes , et une année il y a une chaîne qui s’est décrochée, et ça a sonné le glas de la fête foraine…  Dans les années 50… 

- Il y avait aussi la distribution des prix, dans les écoles, à la salle des fêtes… 

- Et maintenant il y a quoi ? La fête de la musique, le marché de Noël… 

- La fête du jeu : c’est tous les enfants qui viennent jouer aux jeux, anciens ou nouveaux, (…)