201604

Histoire des ORIGINES à nos JOURS

La partition de Romainville avec les Lilas, une histoire de séparation entre riches et pauvres ? (voir sources en bas de page)

En effet, ce qui se passe en 1867 et les mois qui précédent vise à accréditer cette idée, certes aujourd'hui ce n'est plus le cas, mais au fond quels sont les éléments qui ont poussé à cette division ?

Selon les plans de chasse de 1770 et celui des autorités militaires avant la construction du fort, le territoire entre Belleville qui n'est pas encore rattaché à Paris et Romainville est constitué d'un bois, dénommé le bois des Bouleaux.  C'est un plateau assez vaste qui s'étend d'un côté jusqu'à Ménilmontant, plongeant à brut au nord sur la plaine de France et Aubervilliers et de l'autre côté, il décline doucement jusqu'à Montreuil.

Gaule

Dans l'histoire antique, au temps des Gaulois, les divisions communales n'existaient pas, le territoire de Romainville dépendait directement de Lutece (Paris). La population des Gaules comprenait des classes bien inégales. Au sommet, des druides exerçant un pouvoir religieux presque sans limites, indépendants et fortement organisés, ayant une hiérarchie régulière.

A côté d'eux, des chefs riches, puissants, grands propriétaires fonciers, possédant de nombreux serviteurs et des esclaves. Quelques commerçants dans les bourgs, de peu d'importance. Au bas de l'échelle, un peuple sans indépendance, ne comptant pour rien, composé d'hommes n'étant libres que de nom, et de clients, c'est à dire des gens pauvres sous la domination d'un puissant.

Pour se rendre à Lutece, un chemin existait, le chemin de la ruelle-Parisii ou Parisis, il est d' origine incontestablement gauloise, il servait de communication, établi à mi-côte, parce que sans doute les terrains en-dessous devaient être mouillés à certaines époques de l'année, car il traversait en grande partie des bois forestiers.

Aujourd'hui ce chemin est une rue -la rue de Paris- mais qui s'arrête sur l'avenue Lénine. Avant la percée de ce boulevard, la rue de Paris empruntait le tracé du chemin de la ruelle-Parisis, ne passait pas très loin du fort de Romainville et redescendait sur Belleville, en plein milieu des bois.

Gaule romaine

Avec l'occupation romaine, les domaines vont se constituer, essentiellement trois, la Villa Rustica, la Villa Romana et la Villa urbana. La villa Romana donnera le nom à Romainville. La villa urbana qui est aussi appelée la Ferme, comprend les bois de Jalenclouds et des Bouleaux.

France féodale

Autour de la première église de Romainville, St Romain, le bourg va se constituer et le chemin de la ruelle-Parisis, dans cette partie, va être peuplé en grande majorité de cultivateurs, des serfs au départ, puis des servants des seigneurs successifs de Romainville.  Le chemin de la ruelle-Parisis est la seule voie de communication avec Paris, il est un passage obligé pour aller vendre ces récoltes et la production de lait aux Parisis.

Les cultivateurs et les vendeurs de lait qui l'empruntent 2 fois par semaine se plaignent de son état, car personne ne l'entretient, et plus grave des bandits de grands chemins vont s'implanter dans les bois des Bouleaux, pour voler les voyageurs. Les paysans Romainvillois vont être dans l'obligation de se regrouper pour traverse ces bois.

Un peu plus tard, le bois va être réservé à la chasse seigneuriale.

1660

La construction du château et de son parc en 1660, la cour qui y vient, vont entraîner un regain d'activité et renforcer l'attrait de Romainville, pour les parisiens désireux de se soustraire, aux embarras de le grande ville.

Une belle propriété fut même édifiée par Mme Montesson, veuve du duc d'Orleans, à l'emplacement du fort de Romainville. L'architecte Brongniart en dessinant les jardins, réalisa l'une des plus belles demeures à la campagne, à la périphérie de Paris.

Elle deviendra le lieu de rendez-vous de l'aristocratie impériale : l'Impératrice Joséphine, la Reine de Naples, Mme Recamier...

1781

Peu avant 1789, date de la Révolution, en 1781 exactement, dans les bois des Bouleaux vont siègées des sociétés secrètes, notamment les Carbonari, activant une propagande révolutionnaire qui s'étendait bien au-delà des notables, en s'adressant aux cultivateurs et en éditant un diplôme de Carbonaro.

Car en effet, dans les mémoires de la peintre Mme Vigée-Lebrun, elle relate qu'au cours d'une visite chez le maréchal de Ségur, en passant dans les bois des bouleaux et aux abords de Romainville, les paysans rencontrés ne soulevèrent plus leur chapeau, signe d'insolence et même quelques uns lui montrèrent le bâton.

1814

En mars 1814, Napoléon et les restes de la Grande Armée sont repoussés à travers l'Europe jusqu'aux portes de Paris. Marie-Louise et les Gardes Nationaux sous la conduite de Marmont et de Mortier essaient de s'opposer aux 170 000 soldats Russes.

Marmont réoccupera le plateau de Romainville, mais la lutte est à un contre dix, et les troupes Russes reprendront les fortifications. Le combat fit rage dans le bois des Bouleaux de Romainville qui, abandonné de toutes parts,"tombe" définitivement le 29 mars 1814.

Après la capitulation de Paris, les Russes installent leur quartier général à Romainville et leur troupe bivouaque dans les bois de Romainville. De nombreux arbres seront d'ailleurs coupés par les soldats pour qu'ils se chauffent.

La paix va se réinstaller et l'urbanisation va commencer. Une directive de 1805, fixant à 12 mètres la largeur des voies va être peu à peu imposée car la plupart du temps, il faut exproprier.

1828

Le Maire de Romainville de l'époque de 1828, Mr Pavageau va se mettre à dos l'un des propriétaires de parcelles empiétant sur le chemin de Bagnolet à Pantin et traversant le bois (parcelles qui seront annexées à la ville des Lilas en 1867).

Ainsi la rue de Paris, la seule qui mène de Romainville à Paris va être réalisée et pavée. Elle est à cette époque, surtout habitée par des cultivateurs et des commerçants.

Paul de Kock

Dans ces décennies de début du XIXème siècle, Romainville va être rendue célèbre par Paul de Kock. S'évadant de l'agitation parisienne, il va établir sa résidence d'été au bois de Romainville ( bois des Bouleaux), il y créera son théâtre qui donne trois ou quatre représentations par an. Romancier populaire, auteur de vaudevilles, celui que l'on surnomme le "solitaire de Romainville" va attirer une bourgeoisie parisienne, de nombreux flâneurs, des musiciens comme le compositeur Rossini, Verdi , Gustave Doré...

Après la partition de 1867, Paul de Kock devient citoyen de la ville des Lilas et y est enterré en 1871, Romainville dénomme une voie et une place à son nom.

1839

En 1839, le Maire de la Ville, Mr Halphen sera accaparé par des soucis d'expropriation pour la construction des deux forts, conformément aux décisions gouvernentales de défense de Paris. L'un à l'ouest, vers Paris, d'une étendue de 25 hectares, l'autre à l'est, d'une surface de 29 hectares appelé Fort de Noisy. Immenses chantiers qui vont pendant 4 ans rejaillir sur l'état des rues.

Lors de la construction des forts un service public de voitures va être est réalisé entre Romainville et Belleville, alors que ce service reste chaotique le maire de l'époque M. Halphen, organise à ses frais, risques et périls un service de traction animal (cheval) qui part de la place de l'église et se rend à Belleville.

1855

Ce service sera cédé à la Compagnie Générale des Omnibus qui sera créée le 22 février 1855 par décret impérial.

La superficie de Romainville était en 1867, avant la séparation des Lilas, à peu près la même chose (344 h) que celle des Romains soumis aux différents seigneurs. Sauf deux exceptions qui resteront infimes.

Une du côté du chemin de Belleville à Romainville, en lieu nommé la ferme des Bridois et l'autre aux limites de Bagnolet et de Romainville , vers le lieu appelé la croix-de-l'epinette.

Les bois des Bouleaux-de-Romainville était depuis fort longtemps laissė à la disposition des Parisiens qui venaient le dimanche en famille y manger sur l'herbe et prendre leurs ébats, Paul de Kock en dressera un portrait, certainement surfait. Les choses continuaient ainsi lorsque peu de temps après la construction du fort, le bois fut vendu à des spéculateurs qui en firent des lotissements et les revendirent à la parcelle, aux parisiens.  Le reste du bois fut utilisé par les soldats et par des maraudeurs pour se chauffer.

Des constructions nombreuses s'élevèrent rapidement sur cette partie de la commune, et il naquit un important groupe de maisons continuant à porter le nom de Bois-de-Romainville; 184 maisons exactement représentant 1104 habitants.

Dans le même temps, plus près de Paris, se bâtissaient également, des deux côtés de la route, des petites maisons situées, pour celles de droite sur le territoire de Pantin, pour celles de gauche sur celui de Bagnolet. Exactement 46 maisons à Pantin représentant 250 habitants et 67 maisons à Bagnolet représentant 400 habitants.

1857

En 1857, les propriétaires du bois sollicitèrent la réouverture de la petite chapelle qu'ils avaient fondé un an plus tôt, fermée par mesure de police. Décidés à avoir leur autonomie.

Ces anciens parisiens établis hors murs ne tardèrent pas à s'apercevoir qu'ils n'avaient pas tous les avantages de la grande ville et se plaindre du manque de communication avec le bourg de Romainville.

Ils étaient, en effet, fort éloignés de la mairie, des écoles, de l'église, ce qui causait une gène véritable.

1859

Le 20 février 1859, ils adressèrent une pétition au Préfet de la seine, disant que le groupe dit du Bois-de-Romainville, en commençant à la zone de fortifications pour finir en long au chemin stratégique du fort de Romainville, formait une agglomération sur le territoire de 300 maisons et près de 2000 habitants et demandaient donc à être réunit en nouvelle commune.

Ce nouveau groupement prit encore de l'extension à la suite de l'exode des Parisiens provoquée, en 1860, par l'annexion à Paris des communes de Ménilmontant, La Villette et Belleville.

1860

La municipalité de Romainville croyant que cette situation pourrait, au contraire de la division, procurer une intégration au territoire communal, prit une délibération au Conseil Municipal ( le 25 août 1860) pour construire une nouvelle mairie et réaliser de nouvelles écoles en face du Fort de Romainville.

Elle encouragea d'autre part les idées séparatistes et demanda à la Préfecture l'annexion d'une route départementale à la ville.

Entre temps, la ville du Pré-Saint-Gervais réclamât l'annexion du bois, en pensant que la partie constituant le quartier de l'avenir lui serait léguée par Pantin.

La ville de Bagnolet précisât, que sur les 500 résidents du petit Bagnolet, 219 repoussaient la séparation.

L'effet fit contre feu, car les meneurs ne souhaitaient qu'une chose, le démembrement de Romainville et la création d'une nouvelle commune.

De l'autre côté de la ville, du côté du vieux Romainville, la décision ne passait pas, car ils craignaient de ne plus bénéficier des services autour du bourg et ils s'imaginaient quels intérêts allaient être sacrifiés au profit des nouveaux venus.

Du côté des élus municipaux, ceux du vieux Romainville, ils étaient désormais tous contre ce projet et de l'autre, du côté du bois, un dénommé Guerin-Laroche, industriel, vaillant artisan de la séparation obtenait de puissantes influences pour la création d'une nouvelle commune sous le nom de Napoléon-le-bois.

Il parviendra même à faire déplacer des commerces et des entreprises plus près du bois. Il obtiendra également que 2 feux d'artifices soient tirés, un au quartier de l'avenir et l'autre au bourg.

1862

Le projet de séparation sera présenté le 19 mai 1862 au conseil municipal sous la présidence du Préfet, mais aussitôt ajourné devant la vigoureuse protestation des élus du vieux Romainville. 

Lors d'une réunion, le 22 août 1862, les hommes des bois entrent en force au conseil, plusieurs conseillers quittent la réunion et rejoignent les séparatistes.

1863

L'affaire revient le 4 mai 1863 devant le conseil municipal, le projet seta adopté malgré l'abstention des élus du vieux Romainville. 

Ceux-ci présenteront une pétition de 218 signataires qui proteste contre la démolition des écoles du bourg.

Ils réussiront, malgré tout, à ce que les crédits pour la nouvelle mairie et les nouvelles écoles, ne soient pas votés.

Mais l'affaire divise profondément les élus et la population, obligeant à recourir à d'autres représentants par décision d'Etat.

Par décret impérial, le 20 décembre 1863, Guerin-Laroche est élu maire de Romainville. Industriel à Bagnolet, il habite à la croix de l'épinette, encore sur le territoire de Romainville.

C'est un représentant du bois, doublé d'un bonapartiste convaincu. Il ne va rester que quelques conseillers du vieux Romainville, et les trois Lecouteux (vieille famille de Romainville) disparaissent. 

1865

Le 19 février 1865, l'assemblée communale va voter, malgré le vieux Romainville une dépense de 261 581 francs pour l'édification de la nouvelle mairie et des écoles, en face du fort de Romainville.

  1867  

Deux ans, après que les résultats de l'enquête publique ait été validée, la nouvelle commune sera créée, le 24 juillet 1867, sous l'appellation les Lilas, et non sur le nom proposė de Napoléon-le-bois, cette proposition ayant été trouvée trop pompeuse.

Le nouveau conseil municipal de la ville des Lilas élira Mr Guerin-Laroche comme maire, tandis que celui de Romainville élira Mr Émile Genevoix.

Mais le maire des Lilas, face à l'immensité de la tâche (construire écoles, cimetière, marché, rues..), fut remplacé trois ans plus tard pour laisser la place à un aristocrate Lorrain Henri Arthur d'Anglemont qui ne restera que quelques mois.

Émile Genevoix nouveau maire de Romainville arrive dans les pires conditions, car le bourg, le vieux Romainville est isolé, relégué, mais le premier magistrat, malgré la guerre de 1870 et la commune de Paris, s'en tira remarquablement, en commençant par faire construire la mairie, celle que nous connaissons.

L'histoire de ce bois de Romainville laissera sa devise à Romainville "bois perdu, cité parue", remplacée en 1990 par "quand une ville est aussi un village" et enfin par "un village, une ville... en capitale".

1900

Publication d'une monographie sur la ville (notice historique et administrative). A consulter sur Gallica> gallica.bnf.fr 

2000

Il aura fallu attendre les années 2000, entre les deux maires nouvellement élus : Corinne Valls et Daniel Guiraud, pour que de vraies coopérations soient mises en place entre nos deux villes, qu'une vraie vision commune de développement soit partagée, que le désir d'arrivée du métro soit commun, car si hier la différence sociale entre nos deux villes, avait pu jouer un rôle, il en est moins vrai aujourd'hui.

repris de Romainville, une ville d'histoire  par Jacques Champion, maire adjoint Romainville, Facebook 25/06/2014

sources citées: "Romainville de l'antiquité à nos jours" Gabriel Husson 1904 et " Quand les Lilas" Jean Huret 1993.

05/04/2016