202106

La FUREUR de LIRE

FB1   FB2   FB3   FB4   FB5  infoslilas p27   7594 caractères, avec compteurdelettres.com  

1.  LIBRAIRIE "ESSENTIELLE"

Rue du Garde-Chasse, le 1er confinement n'a pas fait baisser les bras à Valérie et Marie, les deux gardiennes des livres de "Folies d'encre". Sitôt le rideau relevé, leurs habitués ont retrouvé le chemin de la librairie. Mieux encore, la chute d'activité a été compensée par un net retour à la lecture de la part des petits et grands, auxquels les tablettes et autres écrans ne suffisaient plus. Car, clairement, on s'évade tout aussi bien avec un roman, un essai ou une BD. Que ce soit par la recherche de loisirs créatifs ou par la volonté de soutenir leurs commerces locaux, il y a eu auprès des Lilasiens un plaisir retrouvé dans la lecture, comme un retour en grâce. A Noël d'ailleurs, les commandes bénéficient même d'un effet report bienvenu. Depuis, leur catalogue sur internet entretient le mouvement, amène le lecteur à monter les deux marches du magasin en face du marché, pour confirmer son envie ou pour prendre livraison de sa commande. Et il s'aperçoit bien vite que cette boutique à taille humaine est aussi un lieu de rencontre, d'échange et de partage. Le temps de la lecture semble revenu et nos deux libraires font tout pour que dure cette nouvelle reconnaissance.

 

2.  LES TROIS BIBLIOTHÈQUES

Couché sur sa pile de livres, le greffier veille. Lui c'est Gaston, le chat qui règne en maître des lieux, au 1er étage de cette petite salle de 50 m², 14 rue Esther Cuvier. C'est là que la bibliothèque municipale a pris ses quartiers en 1969. C'est déjà un progrès par rapport à la toute première, établie à la mairie en 1882, tout en haut d'un escalier en colimaçon, et où le lecteur, ne pouvant pénétrer, devait se faire délivrer sa commande au guichet. Mais ce n'est rien au vu de la suivante que nous connaissons sous le nom de bibliothèque André Malraux. Occupant aujourd'hui une aile de l'Espace d'Anglemont, il était initialement prévu qu'elle s'établisse au-dessus du club des Hortensias. Le rachat inopiné de l'institution Gay en 1983 a permis d'adapter le projet, en lui donnant plus d'ampleur et de cohérence. Le nouvel espace culturel de la ville ouvre ses portes en mai 1987, inauguré par le ministre de la culture de l'époque, excusez du peu. Les équipes se sont professionnalisées, utilisant désormais la classification thématique Dewey, mondialement répandue. L'informatisation du catalogue de 15.000 titres s'achève l'année suivante. La salle pour adultes des débuts intègre un petit espace pour les jeunes, dont la littérature a explosé dans les années '80. Une vraie bibliothèque dédiée à la jeunesse voit d'ailleurs le jour en 1991, en récupérant la salle polyvalente Jean Marais, tout au bout de la verrière du RDC. La salle multi-media est installée à la même époque dans celle de l'entrée. Les ordinateurs connectés initiaux seront 10 à la rentrée prochaine. Le site internet et les 55.000 ouvrages du catalogue lilasien sont maintenant intégrés au réseau des 12 bibliothèques d'Est-Ensemble. Une carte unique donne le même accès aux lecteurs de chacune de ses villes. Aux Lilas, ce sont chaque année 2.500 livres qui sont achetés. Les murs n'étant pas extensibles, on "désherbe" d'à peu près autant, c'est-à-dire qu'on se sépare des livres obsolètes ou abîmés, tachés, cassés. Le lecteur a ainsi droit à une offre régulièrement renouvelée. Certains, empruntant jusqu'à 6 romans par semaine, un lien fort peut alors s'établir avec celles qui les ont conseillés. Dans les rues de notre cité, certains ados ayant fréquenté les lieux en reconnaissent parfois une: "c'est la dame de la bibliothèque" disent ils, en parlant de celle qui leur a facilité le chemin de la lecture.

3.  L'ODEUR du PAPIER

Ces jeunes ont compris qu'un livre, ça ne se consomme pas, ça se fréquente. Quand l'odeur du papier vient rencontrer votre âme de lecteur, c'est personnel. Cela commence dans le rayon où l'on furète, avec le titre qu'on évalue, le volume qu'on soupèse, les pages qu'on feuillette. A l'usage, certains cornent une page ou soulignent un passage, pour mieux pouvoir y revenir. C'est leur manière à eux de se l'approprier. Pour d'autres, le marque-page est le seul outil, le seul repère avant d'interrompre une lecture. L'idée d'altérer un volume en leur possession les hérisse. Ils s'en ressentiraient presque comme le conservateur. Ce qui les réconcilierait tous, ce serait le retour de la sur-couverture, cette jaquette à 2 rabats repliés sur les contre-plats dont on usait pour marquer sa page. Il suffirait également de se souvenir que, dans la jeunesse des plus anciens, on devait littéralement déchirer les pages! Car, alors, les volumes n'étaient pas massicotés. Avant de pouvoir tout lire, le 1er lecteur devait les déflorer en passant un coupe-papier au milieu des feuilles non rognées. Mais quelle importance après tout? Car, au final, tous les lecteurs peuvent se noyer dans le même plaisir des pages à tourner et les lire avec la même passion. Les usages diffèrent mais le bonheur de la lecture réunit.

4. CES NOUVELLES PRATIQUES

Il y a la boîte à livre, ou boîte à lire. C'est une petite bibliothèque de rue où chacun peut déposer ou emprunter gratuitement des livres. La culture vient à vous et c'est une seconde vie qui est donnée à l'ouvrage. Venu d'Angleterre, le concept a atterri il y a quelques années en France. Il connaît un réel succès dans les lieux de passage comme les jardins publics et les gares ou l'abord des écoles. Aux Lilas, celles du Parc Lucie Aubrac et de la rue du Tapis vert sont très fréquentées. Les chalands ne tardant pas à s'intéresser aux derniers arrivages. Il y a aussi le livre-voyageur, ou book-crossing, un principe voisin apparu au début de ce siècle : on "libère" un livre dans la nature, sur un banc ou sur un mur, pour qu'il puisse être retrouvé et lu par une autre personne, qui le relâchera à son tour. Apparus bien avant, les bouquinistes sur les quais et autres librairies d'occasion restent une alternative à petit prix. Quant aux réunions d'échange de bouquins entre amis, elles ne sont plus rares aujourd'hui. Sans parler des liseuses électroniques, les manières de lire se sont multipliées. A sa manière, le "Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates" (livre 2008, film 2018), nous a notamment montré comment l'on peut simplement recevoir et percevoir tout le plaisir d'un livre, juste en écoutant un lecteur passionné nous en parler.

5. Un LIVRE n'est JAMAIS PERDU

On ne vous dira surtout pas de suivre son exemple mais il mérite au moins d'y réfléchir. En 1948, un jeune lilasien emprunte un livre à la bibliothèque municipale, alors située à l'étage de la Mairie. Il habite chez ses parents, rue Pasteur, et est un fidèle lecteur. Tout dernièrement, le jeune homme, qui a maintenant 92 ans, effectue un rangement en profondeur. Et il retrouve l'ouvrage "Les paquebots à grande vitesse" de M. Demoulin, cote n°1372 (à une époque où la numérotation se faisait "en file indienne"). Il ignore pourquoi il ne l'a pas rendu mais suppose l'avoir emprunté peu avant son départ pour l'armée, en novembre 1948. Puis le recueil fut sans doute rangé par sa mère et oublié au fond d'un placard, jusqu'à ce qu'il soit retrouvé récemment. En bon citoyen, notre lecteur qui habite à présent Châteauroux, le retourne à la bibliothèque, 72 ans après. Avec un peu de malice, il en souhaite bonne réception, espérant qu'il rejoindra quelques-uns de ses frères si la commune les a conservés. Remercions donc monsieur Robert Legris pour ce retour, certes "un peu" tardif mais qui montre néanmoins toute la valeur que certains savent accorder au Livre.