202012   -   La GUERRE de 1870 aux LILAS   -   racines du 93 

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Ils étaient quatre 

On les trouve aujourd'hui tous les quatre à la même adresse, allée centrale de notre cimetière lilasien. Mascret, Baillardran, Ricard, Leeman : leurs noms sont gravés sur une colonne commémorative, leurs corps sont réunis dans un même modeste mausolée. Ces hommes sont morts jeunes, dans la vingtaine pour trois d'entre eux, tout juste trentenaire pour le quatrième. En 1870, ils voulaient défendre leur patrie contre Bismarck. Un an après, la terre des Lilas les réunissait, après que leur vie ait été prise par les combats.

Une guerre oubliée 

Elle a, depuis longtemps, disparu des souvenirs familiaux, quasiment sans laisser de trace visible autour de nous. Il y a 150 ans, en septembre 1870, la guerre contre la Prusse, démarrée deux mois plus tôt, voit pourtant Napoléon 3 défait à Sedan et une 3°République se substituer à son empire. En janvier 71, la France capitule et, en mars, une guerre civile déchire les Parisiens. Enfin, et pour les 50 années qui allaient suivre, un traité signé à Frankfurt transforme en citoyens allemands les Alsaciens-Mosellans. A moins qu'ils n'optent pour une "émigration" franco-française, hors les territoires confisqués par le Reich. Voyons maintenant, à notre échelle locale, quelles troupes opéraient et comment nos quatre camarades sont tombés.

L'Exode des Lilasiens à Paris

Pendant 7 semaines, personne n'est né, ne s'est marié, n'est décédé ou n'a été enterré aux Lilas !  Avec l'avancée des troupes prussiennes sur Paris, début septembre, puis le blocage de toutes les voies d'accès le 19 septembre, le siège de Paris commence.

Les populations des banlieues se trouvent prises entre deux feux, spécifiquement à l'est de la capitale, aux Lilas et chez ses proches voisins. D'un côté, la ligne des forts (Romainville, Noisy, Rosny) les protège, mais jusqu'à quand? De l'autre les fortifications, construites 25 ans plus tôt, invitent à y chercher refuge. Il n'y a pas de reporter en ce temps-là, pour compter les déplacements de nos ancêtres ou nous décrire leur. Nous savons juste que le conseil municipal des Lilas, fraîchement nommé, déménage dans le 19° arrondissement de Paris le 29 septembre, pour s'installer au 53 rue de Belleville. L'analyse en détail des documents de l'État-Civil et des cimetières amènerait à penser qu'ils ont tout simplement disparu ! 

Elle permet à minima de valider l'hypothèse d'un exode (de quelques kilomètres) des habitants des Lilas d'alors. De même chez nos voisins vivant la même situation, comme à Romainville, à Bagnolet, au Pré St Gervais, à Pantin. On imagine aisément, à la lecture des chiffres relevés et mentionnés plus loin, que l'exode vers Paris démarre à la mi-septembre et est quasi-total en octobre. Après la crainte du pire, l'ennemi semble cependant tenu en respect et à distance par les forts. Aucun combat ne se produit directement dans les communes limitrophes de la capitale et le retour vers ses biens et ses terres peut alors commencer vers la mi-novembre 1870, pour s'étaler jusqu'à l'été 1871. (cf complément)

Les Marins débarquent

Bien avant le conflit, l'état-major français avait imaginé une alliance maritime avec le Danemark contre la Prusse. La guerre perdue par les Danois au Schleswig, en 1864, réduit considérablement la possibilité d'ouvrir un second front à l'été 1870. L'option d'un débarquement ou d'un blocus maritime de la Baltique ne tient pas longtemps, devant les difficultés de ravitaillement des navires français, loin de leurs bases. 

C'est ainsi que la Marine, revenue à quai, peut fournir 55.000 hommes et officiers pour les opérations terrestres. Notre fort et sa garnison, habituellement constituée d'une centaine d'hommes en temps de paix, se transforme subitement en un vaisseau de 1.700 marins, issus pour une moitié de fusiliers marins et pour une autre de marins de la flotte. Le vice-amiral de la Roncière met en place une discipline de fer et une organisation rigoureuse dans tous les forts ceinturant Paris, dont il a obtenu d'assurer la défense. Les hommes dorment dans des hamacs, dont ils se servent également comme civières durant les combats du Bourget. 

Les pièces d'artilleries débarquées de ses navires viennent considérablement renforcer celles de nos forts. On peut ainsi tirer au-dessus de Gagny et du Raincy. L'usage d'un télescope surpuissant permet de voir à grande distance le moindre mouvement des troupes ennemies. C'est ainsi que notre fort restera invaincu jusqu'à la fin des combats. Victor Hugo, revenu de son exil après l'éviction de l'Empereur, pourra en dire "Ils sont les chiens de garde énormes de Paris ... Ils restent éveillés quand nous nous endormons ... et font tousser la foudre en leurs rauques poumons ... Comme c’est beau, ces forts qui, dans cette ombre, aboient". 

Auguste Ricard, sous-officier de Marine de 29 ans, et Jean Baillardran, soldat de 23 ans au bataillon de marche du 3°regt d'infanterie, y laisseront leur vie, en octobre 1870. En février 1871, Charles Leeman, soldat de 22 ans au 4°régiment de ligne, suivra le même chemin. 


Les Francs-tireurs lilasiens, des combattants à part

Après la déroute totale de nos armées à l'Est -100.000 soldats sont faits prisonniers- le gouvernement revoie sa position vis-à-vis des francs-tireurs. Les troupes manquent et l'on doit reconnaître en octobre ceux dont l'état-major ne voulait pas entendre parler, encore en août. Une liste de 20 compagnies est "acceptée", suivie de dix autres. En région parisienne, dont la défense va devenir critique, les Francs-Tireurs des Lilas sont aux premiers rangs. Ils participent à des opérations, menés par leur commandant Auguste Thomas-Anquetil. A presque 60 ans, cet ancien militaire aux 30 années de carrière vient de publier "la guerre en 1866". Il expose dans ce livre les enseignements à tirer de la récente guerre entre  la Prusse  et l'Autriche. La bataille de Sadowa venant de laisser le champ libre à Bismarck vers une unification autour des territoires allemands du Nord.

Sa compagnie, forte de 80 hommes, prouve sa connaissance du terrain et son efficacité, au cours de reconnaissances pour les troupes régulières dans le nord-est parisien. A 31 ans, le lieutenant des Francs-tireurs Mascret ne fera pas partie des survivants, touché en octobre 1870. Son commandant, Auguste Thomas-Anquetil passera l'arme à gauche 12 ans plus tard, à son domicile du 17 rue Lecouteux, aux Lilas, âgé de 71 ans.

La Mairie des Lilas déménage à Belleville

Le 15 septembre, les Uhlans sont annoncés à Noisy-sur-Marne ! Le 18, l'ennemi est à Bondy. L'avancée des troupes ennemies sème la peur et provoque un exode vers Paris. Comme dans les proches banlieues, nos compatriotes se réfugient à l'abri des fortifications de la capitale. Après tout, est ce que ce n'est pas pour cela qu'on les a construites, vingt-cinq ans plus tôt? Le siège de Paris commence le 19 septembre. Le 21, un nouveau conseil municipal lilasien est nommé, sous l'autorité de Lambin d'Anglemont qui remplaçait déjà Guerin-Delaroche depuis sa démission, 3 semaines avant. 

Le 29, tous les Conseillers quittent leur ville désertée pour se transporter au 53 rue de Belleville. Pour 2 mois, la mairie prend ainsi ses quartiers dans le 19° arrondissement, au siège de l'ambulance du 7ème bataillon de la Garde Nationale. Seul l'adjoint  Jacquet reste aux Lilas, pour expédier les affaires courantes. Aucun mariage n'y est célébré avant le 6 mai suivant. Aucun décès n'y est enregistré jusqu'au 5 novembre, aucune naissance jusqu'au 12. Seulement deux inhumations au cimetière (hors les soldats) entre le 6 septembre et le 12 novembre. Les conseillers municipaux reviennent mi-novembre en leur mairie lilasienne (alors au 86 rue de Paris, chez le limonadier Hude). Certains habitants font de même, se disant que la ligne des Forts continuera bien de protéger leur famille, leurs biens et leurs terres à cultiver.


Les Gardes Mobiles

Les compagnies de Gardes Nationaux sont dissoutes en 1852 par un Napoléon 3 qui se méfie de ces civils potentiellement armés, depuis leur fraternisation avec les révolutionnaires de 1848. Elles sont pourtant recréées en 1868, sous le nom de Gardes Mobiles, en y incorporant les appelés ayant tiré "un bon numéro" au tirage au sort. Ceux que l'on appelle les Moblots sont enrôlés pour 5 ans. En cas de guerre, cette armée auxiliaire peut vite être appelée et incorporée dans l'armée active, sous autorité militaire. Aux Lilas, un second poste de Gardes Mobiles est créé depuis début septembre 70, avec à sa tête le capitaine Merle, mercier de son état. En temps de guerre, les situations sont parfois tendues entre autorités civiles et militaires. C'est ainsi que démissionne Lambin d'Anglemont le 26 janvier 71, à la suite d'un conflit avec les Gardes Nationaux. Courvoisier fait fonction de maire, en attendant que Jacquet soit nommé le 19 février. 

Retour à la normale?

De retour aux Lilas, en novembre 70, le conseil municipal supprime la compagnie de Sapeurs-Pompiers, n'ayant plus d'argent pour la payer. L'instituteur est réintégré tandis que le curé ne reviendra qu'en mars auprès de ses ouailles. La vie reprend cahin-caha. C'est tout le contraire de Paris où le siège entraîne de terribles privations chez ses habitants, 4 mois durant. Il faut attendre le cessez-le-feu et l'armistice des 21 et 28 janvier 1871 pour en voir la fin. Mais, bientôt, une autre histoire va commencer avec l'entrée des troupes versaillaises dans une capitale qui a appris à se défendre et refuse la défaite. 

Nos quatre soldats Mascret, Baillardran, Ricard, Leeman ne verront pourtant rien de tout cela. On se souviendra juste de leurs noms dans un registre du cimetière et sur la colonne de leur modeste mausolée. 

On les retrouve :

- sur la Carte inter-activeMémoire des Lieux aux Lilas

- Dans leurs Arbres familiauxthomas-anquetil   mascret   ricard   baillardran   leeman

(9.843 caractères avec compteurdelettres)

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