202103

Les Communards des Lilas

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1 Une nouvelle histoire lilasienne : celle de la Commune de 1871 et de ses implications chez nous. Car oui, qui l'eut crû? Vous pensiez que notre ville s'était tenue à l'écart du tumulte parisien? Que nenni! A notre grande surprise, les recherches nous ont prouvé qu'il y avait bel et bien eu des Communards dans notre ville des Lilas. Allez, c'est parti pour un retour vers le présent d'il y a 150 ans.

2 La Commune est tombée!

Dimanche 28 mai 1871, les régiments de Versaillais qui se sont rejoints à la porte des Lilas (ou de Romainville, comme on disait encore) ont pris dans la nasse de Belleville les derniers combattants communards. La double carte montre bien l'avancée des troupes jour après jour, jusqu'à la prise à revers et l'encerclement du 28 mai

3 La semaine sanglante finit à Belleville

L'entrée des troupes de Thiers le dimanche 21 mai, par un saillant non gardé près de la Porte de Saint-Cloud (le point du jour) marque le 1er jour de ce qu'on appellera plus tard la semaine sanglante. Les canons et les soldats versaillaises du général Douay avaient pilonné et assiégé ce point faible du rempart, faisant face à Boulogne. Un piqueur des Ponts et Chaussées, Jules Ducatel, monte alors sur le bastion 64, les avertit que le point n'est plus gardé et que la voie est libre. Seulement 12 km les séparent des Lilas

4  Barricades

De très nombreuses barricades ont été montées par les Parisiens sur les boulevards, les avenues ou les rues de la capitale. Bien plus nombreuses dans les quartiers ouvriers de l'Est que chez les bourgeois de l'ouest. Le pavé était la matière 1ère. Les prises de vue présentées ici sont pour la plupart datées de mars 1871.

5  Derniers combats près de chez nous

Samedi 27 mai 1871, seulement sept jours après l'entrée des Versaillais dans Paris, les derniers combats ont lieu aux Buttes Chaumont et au cimetière du Père-Lachaise où 147 fédérés finissent fusillés. Dernières barricades à Belleville, rue des Bois ou rue de la Fontaine-au-Roi. Le bilan de cette guerre civile sera très lourd : de vingt à trente mille morts selon les sources.

6  L'affaire des canons

Le feu avait pris le 18 mars, quand Thiers avait voulu faire retirer les canons, sur les hauteurs de Montmartre et de Belleville, dont certains payés par les Parisiens durant le 1er siège contre les Prussiens. Il est 6 heures du matin, mais les femmes se lèvent tôt. Aux 1ers rangs, l'institutrice Louise Michel alerte ses camarades. Bientôt, face aux insurgés, les 4.000 soldats de la troupe mettent "crosse en l'air" et fraternisent avec eux. Thiers est débordé par ses propres troupes. Il redoutait le peuple plus que les Prussiens. Sa crainte ultime vient de prendre forme.

Mais revenons sur cet enchainement fatal de décisions et d'événements à l'origine de la révolte des Parisiens, en ce début d'année 1871 :

27jan un armistice est signé avec l'Allemagne, fin du 1er siège de Paris / 08févr élections générales, une majorité écrasante de bonapartiste et de royalistes arrive au pouvoir, les républicains minoritaires / 17févr Thiers élu chef du gouvernement de la république / 03mars il supprime la solde des gardes nationaux (180.000 à Paris), les laissant sans ressources / 06mars six journaux révolutionnaires suspendus / 10mars l'assemblée nationale -jusqu'alors réfugiée à Bordeaux- rejoint Versailles, symbole de la royauté, pas à Paris / 11mars suppression du moratoire sur les loyers, 150.000 parisiens exposés à la faillite / 18mars tentative de récupérer les 200 à 300 canons de Montparnasse, Montmartre ou Belleville, fraternisation, émeutes, Thiers décide d'éviter la propagation et fait évacuer de Paris ses 130.000 soldats à la fidélité incertaine / 26mars élections municipales à la mairie de Paris, organisées par le comité central de la garde nationale, 47% de participation parmi les 229.000 votant (mais 100.000 bourgeois avaient évacués la capitale depuis le 1er siège) / 28mars la Commune est proclamée, 80 élus, drapeau rouge / 02avr 1ères escarmouches à Courbevoie / 03 avr les meilleurs chefs militaires de la Commune tués à Bourgueuil (Gustave Flourens, Emile Duval) au cours d'une sortie des troupes fédérées vers Rueil, Malmaison, Chatillon / 1 seul officier supérieur -le colonel Louis Rossel- reste pour diriger les 20.000 combattants de la Commune, face aux 130.000 hommes de Mac Mahon (dont 60.000 prisonniers libérés obligeamment par anticipation par les Prussiens) / 16mai destruction de la colonne Vendôme, votée 1 mois avant le 12avr / 21mai entrée des troupes par la poterne du point-du jour / 21mai-28mai semaine sanglante, écrasement des insurgés / 31aout à Versailles, l'assemblée se déclare constituante, Thiers devient président de la République

7  Les 25 Communards lilasiens arrêtés

Depuis la reddition devant les troupes de Bismarck, le 28 janvier, les Lilas sont occupés par les Prussiens, le Fort leur a été cédé et la ville est coupée en deux. Des fils de fer barbelés partagent la ville, avec une zone occupée par le vainqueur au Nord et une zone laissée libre au Sud. A l'écart de l'effervescence parisienne pendant quatre mois, nous ne sommes plus un espace de conflit. Tous nos concitoyens ne peuvent pourtant pas en dire autant. Avec la chute de la Commune, une vingtaine de nos ressortissants sont bel et bien arrêtés et jugés. Ils sont 18* à habiter la commune, 3** à simplement y travailler* ou encore 4*** à avoir eu la malchance d'être arrêtés sur notre territoire. (noms en gras = condamnés)

* Habitaient aux Lilas - Eugène Benjamin, jardinier / Prosper Blain, charbonnier / Auguste Caboche, passementier / Alexandre Clément, commissionnaire / Charles Denis, terrassier / Anselme Derouvroy, journalier / Lucien Devin, porcelainier / Auguste Devrigny, vernisseur sur cuir / Adolphe Dignon, mécanicien / Auguste Dupont, cocher / Ferdinand Dupont, grainetier / Adolphe Edine, journalier / Charles Herbeltinger, scieur de long / Etienne Labro, ouvrier sellier / Christoph Rable, mineur / Jean Ramonet, vernisseur sur cuir / Gabriel Roque, chaudronnier / Sébastien Vicq, marchand de volailles

** Tavaillaient aux Lilas - Pierre Milan, menuisier / Joseph Rassin, menuisier / Pierre Vergnon, journalier

*** Arrêtés aux Lilas - Annet André, tailleur sur cristaux / Maxime Lisbonne, soldat & acteur dramatique / Charles Marsillac, gantier / Jules Voideville, apprêteur pour chaussures

Dépôts, pontons, prisons

On les enferme dans des dépôts ou on les entasse sur des "pontons", ces navires désarmés de triste réputation. Avant d'être jugé par un tribunal de guerre, l'attente peut durer jusqu'à 4 ans pour les moins chanceux. Condamnés à la prison, il effectuent leur peine au bagne de Belle-île-en-Mer ou de Toulon.

Le bilan 1 (source les amis de la commune) :

Le bilan 2 (source l'Histoire HS p37) :

Déportés

Les condamnés à la déportation simple ou perpétuelle (21.000) sont expédiés en Nouvelle-Calédonie, colonie impériale de Napoléon 3, depuis 1853. Après un voyage interminable de 4 à 5 mois, les "transportés" débarquent à Nouméa, avant de rejoindre leur bagne de la presqu'île Ducos, de l'île de Nou ou de l'Ile des Pins. Parmi ces bagnards, des Lilasiens : le jardinier Eugène Benjamin, le vernisseur sur cuir Auguste Devrigny, habitant tous 2 chez nous, les menuisiers Pierre Milan et Joseph Rassin, y travaillant.

10  Le d'Artagnan de la Commune

Celui que l'histoire retiendra pour son rôle majeur dans la défense du Paris de la Commune, c'est Maxime Lisbonne, arrêté et soigné dans notre ville des Lilas. Avant la commune, cet ancien militaire est passé par la Royale, a combattu en Crimée, en Italie et en Syrie. Décoré pour ses faits d'armes mais revêche au point d'être exclu de l'armée, il a déjà un certain succès comme artiste dramatique au théâtre quand la guerre éclate. Celui qu'on appellera le d'Artagnan de la Commune a certes du panache, mais aussi de réelles qualités militaires, survivant aux balles, présent sur tous les fronts qu'on lui demande de défendre. Il est à Issy, sur les remparts de Vanves à Auteuil, au Panthéon, survivant à plusieurs chevaux touchés par la mitraille, prenant dix décisions à la minute. On dit que, s'il avait eu le commandement militaire de la capitale, au tout début de la Commune, il aurait sans doute empêché les troupes de Thiers d'en sortir, de se regrouper à Versailles et d'organiser le 2d siège de Paris. Mais son destin était autre.

11  Le colonel Lisbonne soigné à la Mairie des Lilas !

Le jeudi 25 mai, sur une barricade du Château-d'Eau dont il a pris le commandement (place de la République aujourd'hui), Lisbonne prend une balle dans la cuisse alors qu'il évacue des obus qui ne devaient absolument pas tomber dans les mains de l'assaillant. A terre et incapable de poursuivre, il est d'abord transporté dans une maison amie, puis, le lendemain, direction la mairie du 20ème. Mais, les obus tombent, les blessés affluent et on doit le faire attendre chez un patriote de la rue des Rigoles. Samedi, on le replace dans une ambulance, pour l'évacuer vers Romainville, loin des combats meurtriers. Aux Lilas cependant, une fois passé la porte, il est interpellé par un capitaine prussien. Personne ne le reconnaît car on avait troqué ses habits de colonel pour d'autres plus anonymes. Lisbonne est remis à un gendarme versaillais qui veut le transférer au fort de Vincennes dès le dimanche 28 mai. Devant son état, le maire des Lilas Edmond Jacquet obtient de le transférer sans tarder dans sa mairie, alors au 80 rue de Paris (Mademoiselle aujourd'hui). Il faut soigner sa blessure dont la gravité épuise ses forces et empêche tout transport. Le médecin civil qui procède lui donne un peu de répit, sans pour autant pouvoir extraire la balle. Jacquet ne peut le garder bien longtemps et il est transféré à l'hospice de Vincennes le 4 juin, alors que le docteur lui-même est arrêté pour avoir soigné ce blessé d'une guerre fort peu civile. La Croix-Rouge existait depuis 1863, mais il restait encore du chemin à faire pour que secourir les blessés d'un conflit soit reconnu sur tous les champs de bataille!

12 Le Bagne

Lisbonne est condamné deux fois à mort dans des procès entachés de faux témoignages. Sa peine est finalement commuée en déportation à vie. Il est d'abord emmené au bagne de Toulon, avec les droits communs, avant d'être transféré en Nouvelle-Calédonie, sur l'île Nou, puis sur la presqu'île Ducos.

Cette île longue de 400km est colonie française depuis 1853. Plusieurs bagnes y sont ouverts entre 1864 et 1931.

13 Louise Michel

Là, près de Nouméa, il retrouve à plusieurs reprises sa camarade de lutte, Louise Michel. Leurs chemins s'étaient déjà croisés durant la commune. A son retour, après la loi d'amnistie de 1880, il fait jouer l'une de ses pièces dans son théâtre. 

14  Les Femmes de la Commune

 Aux Lilas, on se souvient du combat des femmes de la Commune, porteuses de fantastiques avancées sociales et humanitaires. Pour leur rendre hommage, le nom de Louise Michel est donné en octobre 2012 à notre Centre culturel du quartier des Sentes. 

Mais il y en avait des centaines d'autres. Parmi elles, quelques portraits : 

15  Fantastiques avancées sociales

La Commune est une parenthèse de l'histoire. Les lois de Justice Sociale votées pendant ces 72 jours -et aussitôt abrogées après sa chute- sont pourtant presque toutes reprises dans les décennies qui suivent :

Bizarrement pourtant, alors que les femmes sont des actrices de premier plan, elles n'exigent pas le droit de vote.

16  La poursuite du rêve 

La plus emblématique des mesures prises durant les 72 jours de la Commune reste la séparation des Églises et de l'Etat, associée à la suppression du budget du culte. C'est en décembre 1905 qu'elle est finalement de nouveau votée, portée par Aristide Briand et tout le bloc des gauches.

Ironie de l'histoire, cette même année 1905, en janvier et en mai, Louise Michel et Maxime Lisbonne viennent de tirer leur révérence, laissant à leurs successeurs le soin de poursuivre leur rêve d'un monde meilleur, pour tous.

17  Et voilà que prend fin ce retour vers une guerre civile oubliée, une utopie qui aura duré 72 jours, avant de disparaître. Pas totalement cependant, notamment en cette année de commémoration, 150 ans, après.

Merci aux Amis de la Commune de Paris 1871, et particulièrement à Renée Estienne des Lilas qui a eu la gentillesse de partager son savoir et sa documentation. 

Si vous êtes curieux au point de vouloir approfondir vos connaissances sur cette période et ces personnages, voici de quoi lire :

Maxime Lisbonne

Et de nombreux liens internet parmi lesquels: 

Et, pour finir, un court diaporama des très rares lieux célébrant ou rappelant les combattants de la Commune de 1871 (en dehors du Père Lachaise avec son mur des fédérés).

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